À ne pas manquer dans cet article, le passage sur l’ONA, une agence de presse filiale du Jewish Telegraph créée en 1940, un exemple de ce qu’elle était capable de faire : en août 1940, une dépêche de l’ONA citant une source tchèque anonyme qualifiée de « sûre », faisait savoir aux Américains que « des filles et des jeunes femmes tchécoslovaques avaient été emmenées vers les villes de garnison en Allemagne comme esclaves blanches ». Et la dépêche de poursuivre : « Les autorités nazies chargées d’expédier ces futures esclaves par wagons entiers informaient les maris et les proches de ce qu’elles se verraient confier la mission importante d’assurer la distraction des soldats allemands pour maintenir le moral des troupes ». C’est ce passage qui donne son sens à l’article, ce qui gêne Mark Weber, on peut le penser, ce n’est pas que son pays domine le monde, c’est que son pays soit devenu un outil entre les mains d’une communauté pour dominer le monde.
Il a beaucoup été question ces derniers temps de la collaboration secrète qu’auraient illégalement entretenue tels responsables américains avec tel gouvernement étranger. C’est que la collusion provoque une telle réprobation un tel scandale dans le public, qu’aucun homme politique surpris à travailler en sous-main avec une puissance étrangère ne peut espérer rester en fonction. Cela a bien failli coûter la présidence à Donald Trump, accusé qu’il était par certains politiciens et journalistes d’avoir eu des contacts suspects avec l’Ukraine ou la Russie.
Quoiqu’il en soit du bien-fondé de ces accusations, une collusion entre un responsable américain et une puissance étrangère venant clandestinement s’immiscer dans la politique américaine n’aurait rien d’une nouveauté. La plus frappante par son ampleur et sa portée est celle de Franklin Roosevelt avec les Britanniques en 1940 et 1941. Son décor avait été planté quelques mois plus tôt. En septembre 1939, l’Allemagne et la Russie soviétique envahissaient la Pologne, deux jours plus tard, en réaction, l’Angleterre et la France déclaraient la guerre à l’Allemagne.
Suite à la défaite de la Pologne en à peine cinq semaines, Hitler appelait la France et l’Angleterre à la paix. Son plaidoyer fut rejeté. L’Angleterre et la France manifestant clairement leur intention de poursuivre la guerre, l’Allemagne se décidait à frapper à l’ouest en mai 1940. Les chefs militaires et politiques en France et en Angleterre étaient des plus confiants, après tout, leurs pays ne totalisaient-ils pas plus de soldats, de canons, de chars et de blindés que l’Allemagne, leurs marines n’étaient-elles pas bien plus impressionnantes ? Et pourtant, en moins de six semaines, les forces allemandes faisaient plier la France et forçaient les Anglais à se réfugier dans leur île nation. /1
Hitler faisait alors une nouvelle offre de paix. Dans un discours aux accents solennels, le 19 juillet 1940, il appelait à la fin du conflit, soulignant que sa proposition ne menaçait en rien les intérêts vitaux de l’Angleterre, ni ne portait ombrage à son honneur. Cette offre aussi a été ignorée et Winston Churchill jurait de poursuivre le combat. /2
En privé toutefois, lui et tous les hauts responsables en Angleterre savaient que les ressources de leur pays étaient désespérément insuffisantes pour faire face à l’Allemagne et à ses alliés, que le seul espoir de « victoire » passait par l’entrée en guerre des États-Unis. Lors d’une conversation en tête à tête, Randolph Churchill a demandé en toutes lettres à son père comment l’Angleterre pourrait bien réussir à battre l’Allemagne. D’une voix intense, se souvient-il, Winston Churchill a répondu : « Je vais entraîner l’Amérique dans la guerre ». /3
À partir de mi-1940, l’entrée en guerre des USA était devenu l’objectif prioritaire des Anglais. Mais il y avait un problème, la grande majorité des Américains voulaient que leur pays se tienne à l’écart du conflit en Europe. Ils étaient des millions à avoir conservé le souvenir amer de la manière dont ils avaient été dupés lors de l’entrée des USA dans la Première Guerre mondiale, comment alors le président Wilson avait passé outre à ses promesses les plus solennelles.
En secret, Roosevelt était derrière Churchill. Avant même que la guerre n’éclate en Pologne en septembre 1939, le président américain travaillait en coulisses à ce que l’Angleterre déclare la guerre pour provoquer un changement de régime en Allemagne. /4 C’est ainsi que les commentateurs les plus influents aux États-Unis relayaient dans la presse et à la radio l’attitude hostile de Roosevelt envers l’Allemagne d’Hitler, faisant étalage de toute une série d’histoires propres à persuader le public qu’on était en présence d’un grave danger.
Par exemple, le magazine Life, un hebdomadaire illustré qui bénéficiait d’une large influence auprès du public, publiait dès avant-guerre un article retentissant avec en titre « L’Amérique se prépare à une guerre avec l’Allemagne, l’Italie et le Japon ». On expliquait aux lecteurs que l’Allemagne et l’Italie convoitaient les richesses naturelles de l’Amérique du Sud en alertant sur le fait que « des nuées de légions fascistes pourraient traverser l’Atlantique ». /5
Dans les mois qui ont précédé l’entrée en guerre officielle des USA, suite à l’attaque japonaise sur Pearl Harbor en décembre 1941, Roosevelt a été aussi loin que possible pour que son pays participe à la guerre sans la déclarer. Il a manœuvré avec toute la prudence et l’habileté requise sachant que ses entreprises étaient souvent contraires au droit américain et ne reposaient sur aucun mandat constitutionnel ou voté par le congrès. Il a agi au mépris total du droit international, sans égards pour le statut de pays neutre qu’avait l’Amérique. Il faisait campagne pour convaincre le public que l’Allemagne hitlérienne menaçait les USA.
« Les nazis au pouvoir en Allemagne », déclarait-il ainsi lors d’une émission à la radio en décembre 1940, « n’ont pas fait mystère de ce qu’ils cherchaient à contrôler la vie et les pensées de tout un chacun, non seulement dans leur propre pays, mais dans toute l’Europe, puis d’utiliser les ressources de l’Europe pour étendre leur domination au reste du monde… » En août 1941, le président reçut à bord de l’USS Augusta le Premier ministre britannique, Churchill, pour assurer l’Angleterre du soutien de l’Amérique contre l’Allemagne. À l’issue de la rencontre, il y a eu une déclaration commune, « la Charte de l’Atlantique » qui faisait état de toutes les nobles ambitions des buts de guerre des deux pays./ 6
Deux semaines plus tard, lors d’une émission nationale, Roosevelt déclarait aux Américains que « … nos droits fondamentaux, y compris notre droit du travail, sont menacés par la volonté d’Hitler de contrôler le monde par la violence » et il s’engageait à « faire tout ce qui était en son pouvoir pour écraser Hitler et ses armées ». /7 Lors d’une autre émission radio, le 11 septembre, le président annonçait qu’il avait donné à la marine américaine un ordre de « tir à vue » contre tout navire allemand ou italien croisé en haute mer.
En dépit de telles mesures, les autorités allemandes cherchaient à tout prix à éviter la guerre avec l’Amérique. Hitler avait donné l’ordre à ses sous-marins d’éviter les accrochages avec la marine américaine et de n’utiliser leurs armes qu’en dernier ressort pour assurer leur propre défense. Les mesures prises avaient un caractère si belliqueux, le mépris du statut de neutralité si manifeste, que l’amiral Harold Stark, chef des opérations navales de l’US Navy, avisa le secrétaire d’État de ce qu’Hitler « avait désormais toutes les excuses pour nous déclarer la guerre si l’envie lui en prenait ». /8
De son côté, Churchill avait mis sur pied dès 1940 la British Security Coordination (BSC), une agence destinée à superviser toutes les actions en Amérique du Nord et du Sud visant à attirer les États-Unis dans la guerre, cette agence chapeautait les principaux services de renseignements anglais : le Mi5, le Mi6, le Special Operations Executive et le Political Warfare Executive.
C’est William Stephenson qui fut nommé à la tête de l’agence. Né au Canada, il s’est distingué en tant qu’aviateur des forces britanniques lors de la Première Guerre mondiale puis a eu une grande carrière d’homme d’affaires en Angleterre.
Depuis son bureau central sur deux étages de la tour Rockefeller sur la cinquième avenue à New York, la BSC, au plus fort de son activité, supervisait le travail de plus de deux mille agents et opérateurs plein-temps ou temps partiel. Il y avait des linguistes, des experts en cryptologie, des agents de renseignements, de propagande, des spécialistes des affaires et de la finance etc… Il y en avait environ un millier à New York, les autres travaillaient à Washington, DC, Los Angeles, San Francisco et Seattle, mais aussi au Canada, à Mexico, la Havane ou ailleurs en Amérique Latine.
« L’échelle indécente » des activités des services britanniques aux USA entre juin 1940 et décembre 1941, estimait pour sa part un historien, « était sans équivalent dans l’histoire des relations entre démocraties alliées ». /9
À la fin de la guerre, Stephenson s’est arrangé pour que soit rédigée en secret une histoire officielle de la British Security Coordination sur la base de ses volumineuses archives. Il n’y a eu que vingt exemplaires de cet ouvrage très confidentiel, les archives elles-mêmes ayant été brûlées. /10
Dans les années qui ont suivi, certaines informations sur la BSC ont filtré dans quelques livres grand public. Mais ce n’est qu’en 1999 – plus d’un demi-siècle après la fin de la guerre, que le texte complet en a été enfin publié. Cette importante source de première main intitulée British Security Coordination: The Secret History of British Intelligence in the Americas, 1940-1945, jette un nouvel éclairage sur la collusion soigneusement tue entre la Maison-Blanche au temps de Roosevelt et un gouvernement étranger.
Peu de temps après l’arrivée aux USA de William Stephenson, Churchill informait Roosevelt de la mission de Stephenson. Après un topo sur les opérations prévues de la BSC, Roosevelt fut d’avis que « le FBi et la BSC devraient entretenir les relations les plus étroites possible ». Le président fit aussi part de son point de vue à l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Washington. /11
Roosevelt a fait en sorte que l’agence de Stephenson entre en collaboration étroite avec William Donovan, un homme de confiance du président qui a mis sur pied et dirigé durant la guerre l’Office of Strategic Services qui devait devenir après-guerre la CIA, Central Intelligence Agency.
Comme le reconnaît l’histoire de la BSC, les opérations de la BSC « n’auraient jamais pu se faire sans une approbation américaine au plus haut niveau ». Et l’histoire officielle de poursuivre : « Le paroxysme de cette offensive a été atteint six mois avant Pearl Harbor, lorsque la BSC s’est assurée, au travers de l’organisation qui allait être connue sous le nom d’Office of Strategic Services, la pleine collaboration et participation de l’Amérique aux activités secrètes britanniques contre l’ennemi partout dans le monde ». /12
De plus, « dans la mesure où le soutien américain avait directement pour origine la volonté du président Roosevelt, la finalité de tout l’activisme politique de la BSC était de soutenir la campagne de ce dernier en faveur de la préparation à la guerre. Ce n’était pas là qu’une vue de l’esprit puisque WS [William Stephenson] restait en contact étroit avec le président, lequel lui faisait connaître ses propres préoccupations, à la fois pour encourager et tirer parti des opérations de la BSC ». /13
Toute cette coopération avec les services britanniques de la part du président et de hauts responsables, du FBi et d’autres agences de police et de sécurité intérieure était franchement illégale. Une telle collusion entre des États-Unis officiellement neutres et un gouvernement étranger pour servir les buts de guerre de ce dernier entrait en violation du droit américain et international, raison pour laquelle elle fut maintenue secrète par la Maison-Blanche, même vis-à-vis du State Department
Incidemment, l’histoire officielle de la BSC reconnaît le rôle de Donovan dans un chapitre peu connu mais important de la Seconde Guerre mondiale. Le 25 mars 1941, la Yougoslavie rejoignait l’Allemagne, l’Italie et d’autres pays européens : elle intégrait l’Axe. Deux jours plus tard, un putsch d’officiers serbes emmenés par le général Dusan Simovic renversait le gouvernement de Belgrade. Dix jours plus tard, le nouveau régime signait un traité d’amitié avec l’Union soviétique
Comment ce brusque « changement de régime » avait-il pu se produire ? Quelques mois plus tôt, en janvier 1941, William Donavan se trouvait dans la capitale yougoslave en tant qu’agent de Roosevelt et du gouvernement anglais. Là, il a eu un entretien d’une importance décisive avec le général Somovic pour préparer le terrain à ce sujet. L’histoire officielle de la BSC en parle en ces termes : « En Yougoslavie, Donavan a ouvert la voie au coup d’État qui a fait basculer au dernier moment la Yogoslavie dans le camp de la résistance à l’agression allemande plutôt qu’à celui de la collaboration. Il s’est entretenu avec le général Simovic qui lui a demandé si l’Angleterre pourrait tenir contre l’Angleterre et si les États-Unis allaient entrer en guerre… Il a répondu par l’affirmative aux deux questions. Simovic s’est alors laissé convaincre d’organiser la révolution et quelques mois plus tard, il renversait le gouvernement pro-allemand du Prince Paul ». /14
L’une des tâches principales de la BSC – ainsi qu’on le trouve indiqué dans son histoire officielle – était « de faire basculer l’opinion publique américaine en faveur d’une aide à l’Angleterre ». Elle concevait dans ce but des campagnes de propagande, ses agents « distillaient des documents spéciaux à la presse ». Ils savaient avoir l’oreille bienveillante des médias, tirer les ficelles pour qu’ils alimentent la peur et la haine de l’Allemagne, pour que le public soutienne les efforts de Roosevelt qui faisait campagne, de plus en plus ouvertement, en faveur d’un soutien militaire de l’Angleterre, puis plus tard de la Russie.
L’histoire de la BSC relève en particulier sa coopération avec les éditeurs du New York Post, du daily PM, du New York Herald Tribune, du Baltimore Sun, avec le président du New York Times ainsi qu’avec les plus influents chroniqueurs de l’époque tels que Walter Lippman, Drew Pearson, et Walter Winchell. Les éditoriaux du seul Pearson apparaissaient dans 616 journaux totalisant vingt millions de lecteurs. Pour relayer sa propagande visant à l’entrée en guerre des États-Unis « pour de bon » la BSC a pu compter pour « ses campagnes en faveur de l’interventionnisme et contre l’isolationnisme sur ses contacts secrets avec des journaux spécialement choisis tels que le New York Times, le New York Herald Tribune, le New York Post, et le Baltimore Sun ou sur ses liens avec des commentateurs radios, des éditorialistes et diverses organisations politiques de pression.
La BSC travaillait en étroite collaboration avec une toute nouvelle agence, spécialement créée en juillet 1940 : la “Overseas News Agency”. Censée être neutre et objective, c’était en fait, comme souligné dans l’histoire de la BSC, une « filiale de la Jewish Telegraph[ic] Agency détenue pour partie par de riches Juifs de New York qui contrôlaient par ailleurs le très à gauche et virulemment antinazi New York Post. À la suite de diverses négociations, la BSC est convenue d’accorder à l’ONA, une subvention mensuelle en échange de la promesse d’une coopération orientée de manière spécifique… Son intérêt… réside dans sa capacité à non seulement relayer la propagande vers l’étranger, mais à assurer une large dissémination des documents créés par la BSC et destinée à la consommation intérieure. En avril 1941, l’ONA comptait déjà aux États-Unis plus de 45 journaux dont des géants comme le New York Times… Elle se montrait un outil très pratique dans la diffusion à l’étranger de la propagande subversive concoctée par la BSC aux USA ». / 15
L’agence juive est rapidement devenue un gros fournisseur de “fake news” pour des campagnes généralisées visant à diffamer et à discréditer l’Allemagne nationale-socialiste tout en faisant la promotion auprès du public de l’implication des USA dans la guerre contre l’Allemagne et ses alliés.
Comme le dit un historien : « pour l’ONA, par principe, s’en prendre à l’Allemagne nazie était prioritaire sur la recherche de la vérité. » Les articles de l’ONA, publiés dans des journaux aussi réputés que le New York Times, le New York Herald Tribune, le San Francisco Chronicle, le Philadelphia Inquirer ou le Washington Post, ont eu une influence sur des millions d’Américains. / 16
En voici quelques échantillons:
En août 1940, une dépêche de l’ONA citant une source tchèque anonyme qualifiée de « sûre », faisait savoir aux Américains que « des filles et des jeunes femmes tchécoslovaques avaient été emmenées vers les villes de garnison en Allemagne comme esclaves blanches ». Et la dépêche de poursuivre : « Les autorités nazies chargées d’expédier ces futures esclaves par wagons entiers informaient les maris et les proches de ce qu’elles se verraient confier la mission importante d’assurer la distraction des soldats allemands pour maintenir le moral des troupes » . /17
En février 1941, les journaux américains reprenaient en chœur une dépêche sensationnelle de l’ONA prétendant que les USA étaient menacés par des « bandes fascistes » présentes dans les Caraïbes, plus précisément à Haïti qui était devenu un dangereux foyer d’agitations nazies. Les Allemands étaient en train de faire de ce pays une base arrière pour des attaques sur la Floride, le canal de Panama et Porto Rico./18
En 1941, une nouvelle dépêche de l’ONA reprise dans toute l’Amérique parlait d’un audacieux coup de main de parachutistes anglais en Allemagne qui avaient réussi à faire prisonniers 40 pilotes. De telles histoires avaient pour but d’encourager les Américains à croire que les Anglais étaient fin prêts et résolus à battre l’Allemagne. Mais cette opération n’a jamais eu lieu. Cette « fake news » avait été concoctée à Londres par le Mi6 et rédigée par des agents britanniques. /19
En août 1941, un article de l’ONA paru dans le New York Post assurait aux lecteurs « qu’ Hitler n’était pas sur le front russe, mais à Berchtesgaden, souffrant d’une sévère dépression. » Suivant l’article, le médecin personnel du dirigeant allemand s’était récemment rendu en Suisse pour y consulter le célèbre psychiatre Carl Jung et s’entretenir « de la rapide détérioration de l’état mental d’Hitler se manifestant par de fréquents accès de rages délirantes ». /20
Le même mois, le The New York Times publiait un communiqué de cette Overseas News Agency disant qu’au Moyen Orient, le récent décès à l’âge de 130 ans d’un devin Bédoin était couramment interprété comme « un signe avant-coureur de la défaite d’Hitler ». /21
La BSC de Stephenson passait aussi son temps à trafiquer les sondages pour donner l’impression que les Américains étaient enthousiastes – plus en tout cas qu’ils ne l’étaient en réalité – à l’idée de rejoindre l’Angleterre et l’Union soviétique dans la guerre contre l’Allemagne. C’est ainsi qu’un historien a pu mettre en garde sur ces sondages, disant « qu’ils devaient être considérés pour ce qu’ils étaient : au pire de purs truquages, au mieux des distorsions au service de plaidoyers sans qu’il soit possible de se rendre compte qu’il y avait un avocat ». /22
Outre la BSC, il y avait un autre vecteur important pour la propagande anglaise, la WRUL, une radio américaine qui émettait sur ondes courtes depuis Long Island à New York. Avec une puissance de 50 000 watts, elle surpassait par son rayon d’action n’importe quelle autre radio aux États-Unis ou en Europe. « Vers le milieu de 1941 », selon l’historique de la BSC, « la WRUL était virtuellement devenue, quoique subrepticement, une filiale de la BSC, diffusant de la propagande anglaise déguisée partout dans le monde : des émissions quotidiennes en 24 langues. /23
Mais dans la course à l’influence, les Anglais affrontaient une redoutable concurrence. Les informations, photos et analyses fournies par les agences allemandes étaient plus opportunes et détaillées, de ce fait bien plus appréciées et efficaces que celles fournies par l’Angleterre. « Les agences de presse allemande Transocean et DNB avaient toujours l’avantage dans la une des journaux » reconnaît ainsi la BSC dans son historique. /24.
Stephenson en faisait part franchement dans deux télégrammes confidentiels à destination de Londres en avril 1941 : « Un examen attentif de la presse américaine de la quinzaine passée révèle un échec complet à prévenir le monopole de l’Axe sur la couverture de la guerre par les journaux… la plupart … comportent une prédominance d’informations et de photos en provenance de l’Axe… c’est tout juste s’il y en a quelques-unes d’origine anglaise… Les dépêches de l’Axe parviennent ici plus rapidement que les nôtres… elles sont rapidement suivies d’un flot abondant de documents de photos et de films… la Transocean et la DNB maintiennent la cadence même en période calme… elles sont invariablement devant nous en une… Les hommes de presse ici estiment que les Allemands sont bien plus opportuns dans le choix des informations et du moment … ont une bien meilleure compréhension de la psychologie américaine ». /25
« Ces avertissements étant restés sans effet, WS [William Stephenson] a décidé d’agir de sa propre initiative » et s’est lancé « dans une guerre clandestine contre les plus importantes organisations de masse qui propageaient à travers le pays les thèses isolationnistes et des sentiments antibritanniques ». Il s’appuyait notamment sur des organisations violemment hostiles à l’Allemagne qui poussaient à l’entrée en guerre. La BSC était particulièrement soucieuse de contrer la redoutable influence du America First Committee. « Du fait qu’America First représentait une menace particulièrement sérieuse, la BSC a décidé d’employer les grands moyens ». Elle a pris des mesures propres à saboter les rassemblements d’America First et à discréditer ses orateurs. « De telles actions de la part des agents de la BSC et des collaborateurs probritanniques étaient fréquentes et à plusieurs reprises, le comité America First s’est retrouvé harcelé, chahuté et bousculé. »
Les services secrets britanniques s’employaient aussi à faire élire les candidats favorables à une intervention américaine dans la guerre en Europe, à faire battre ceux qui défendaient la neutralité et à réduire au silence en démolissant leur réputation les Américains qu’ils jugeaient être une menace pour les intérêts britanniques. Quelqu’un comme l’influent sénateur Gerald Nye, très critique de la campagne de Roosevelt en faveur de la guerre, constituait une cible de choix des agissements de la BSC. Par exemple, alors qu’il s’apprêtait à prononcer un discours à Boston, un groupuscule soutenu par la BSC « Fight for Freedom » a distribué en 25 000 exemplaires « un prospectus l’accusant d’être un pronazi qui cherchait à endormir la méfiance des Américains »./ 26
Le sénateur Hamilton Fish était une autre grande figure politique critique de la politique va-t-en-guerre de Roosevelt. Fish était particulièrement efficace parce qu’il était intelligent, instruit, exceptionnellement bien renseigné sur les relations internationales avec une compréhension de premier ordre des affaires européennes. Les agents britanniques ont financé la campagne électorale de ses concurrents, publié des brochures suggérant que c’était un partisan d’Hitler, fait circuler une photo truquée le montrant aux côtés du chef pronazi de la ligue des Américains d’origine allemande et fait courir le bruit qu’il recevait des fonds de la part d’agents allemands.
Ce sont de tels coups bas qui ont pesé et l’ont fait battre dans l’élection au congrès de novembre 1944. Historique de la BSC précise que « Fish attribuait sa défaite aux rouges, mais il aurait été plus juste qu’il montre du doigt la BSC ». /27
La BSC a même eu recours à des voyantes pour influer l’opinion publique, elle précise dans son historique qu’une « telle propagande ne peut toucher que des gens simples et sans grand discernement ». Et de poursuivre sa description de ses opérations par des remarques pleines de condescendance sur la crédulité des Américains :
« Un pays qui présente une telle hétérogénéité de profil donne le choix d’un grand nombre de méthodes en matière de propagande. Même si les Américains se disent volontiers réfractaires et vaccinés contre la propagande, un grand nombre y sont en fait particulièrement vulnérables, même dans sa forme la plus crue… Les États-Unis sont un terrain particulièrement fertile pour les pratiques les plus outrées. Il est peu probable qu’un propagandiste s’essaye à influencer politiquement les gens dans des pays comme, disons, l’Angleterre ou la France, par le biais de prédictions astrologiques. Aux États-Unis, c’est ce qui a été fait avec un résultat non négligeable ». /28
À l’été 1941, la BSC a ainsi eu recours aux services d’un certain Louis de Wohl, décrit comme étant « un astrologue charlatan d’origine hongroise ». On lui a demandé de faire des prédictions affirmant que « la chute d’Hitler était certaine ». Que ce soit lors de meetings, à la radio ou dans des articles grand public, il déclarait que « le sort d’Hitler était scellé ». De Wohl, qu’on présentait comme un « astro-philosophe » cherchait aussi à discréditer Charles Lindbergh, le héros de l’aviation qui était aussi l’un des porte-paroles du America First Committee et un critique redouté de la politique de guerre de Roosevelt. De Wohl prétendait que le premier fils de Lindbergh, qui avait été kidnappé en 1932, était en réalité toujours en vie en Allemagne où on le préparait à devenir un leader nazi. « Il ne fait guère de doute » conclut la BSC dans son histoire, que le travail de Wohl « a eu un effet considérable sur certaines franges de la population [Américaine] ». /29
Les agents britanniques ont également fait la publicité pour des prédictions également absurdes d’un astrologue égyptien qui prétendait que dans les quatre mois, Hitler serait assassiné, de même que pour celles, tout aussi délirantes, d’un prédicateur nigérian du nom d’Ulokoigbe. Comme Stephenson et ses acolytes s’y attendaient, les journaux américains se sont avidement jetés dessus et ont diffusé ces inepties auprès de leurs millions de lecteurs. / 30
La BSC avait aussi son centre de faux documents, fausses lettres et autres, ainsi qu’un service qui excellait à faire partir des rumeurs ciblées. Ses agents pouvaient en toute illégalité intercepter et faire des copies de courriers transitant par la poste américaine, ils réalisaient des enregistrements compromettants de ceux qu’ils voulaient discréditer, ces documents faisant ensuite l’objet de fuite dans les médias. L’ambassade de France à Washington n’était pas épargnée, elle a été truffée de micros et cambriolés par les agents de Stephenson. / 31
Membre important de tout ce réseau, le publiciste et homme de loi Ernest Cuneo a joué un rôle-clé d’intermédiaire entre Stephenson à la BSC, l’agence de Donavan, le FBi et les médias. Dans un petit mémoire, il a par la suite fait une description de toute l’étendue des opérations britanniques. La BSC, écrivait-il « dirigeait des agents d’espionnage, interceptait les courriers, piégeait les téléphones, introduisait de la propagande dans le pays, perturbait les réunions publiques, subventionnait en douce des journaux, des radios et diverses organisations, fabriquait des faux – dont l’un remis de la main à la main au président des États-Unis (la carte du plan d’invasion de l’Amérique latine par les nazis) – violait la loi sur l’immigration en faisant entrer clandestinement des navigateurs à plusieurs reprises, et a sans doute assassiné une ou plusieurs personnes dans ce pays ». /32
Le 27 octobre 1941 représente sans doute le point d’orgue de cette collusion entre la Maison-Blanche et la BSC dans la campagne permanente pour influencer l’opinion publique américaine. Sans être le premier ni même le dernier président américain à délibérément tromper le public, on a rarement vu un personnage politique d’une telle envergure prononcer un discours aussi truffé d’impostures plus impudentes les unes que les autres. Faites avec aplomb devant une audience nombreuse à l’hôtel Mayflower à Washington, ces « révélations » étaient diffusées en direct par les radios nationales. / 33
Après avoir dressé un panorama bien déformé de l’évolution récente des relations germano-américaines, Roosevelt fait une annonce sensationnelle : « Hitler s’est souvent défendu d’avoir des visées de conquêtes au-delà de l’Atlantique… J’ai en main une carte secrète, réalisée en Allemagne par le gouvernement d’Hitler – par les planificateurs du nouvel ordre mondial. Il s’agit de la carte de l’Amérique du Sud et d’une partie de l’Amérique Centrale telle que Hitler se propose de l’organiser ». Cette carte, expliquait le président, montre l’Amérique du Sud avec « notre grande artère vitale, le canal de Panama » divisée en cinq États vassaux sous domination allemande. « Cette carte, mes amis, révèle clairement les intentions nazies, pas seulement à l’encontre de l’Amérique du Sud, mais également à l’encontre des États-Unis ».
Mais les révélations sensationnelles ne s’arrêtaient pas là, Roosevelt affirmait ensuite à ses auditeurs qu’il détenait aussi « un autre document émanant des autorités allemandes : le plan détaillé d’une abolition de toutes les religions existantes – catholique, protestante, mahométane, hindou, bouddhiste ou juive», abolition qui serait imposée par l’Allemagne « à un monde soumis si Hitler l’emportait »
« Les biens de toutes les églises seront saisis par les marionnettes du Reich », « La croix et tous les autres symboles religieux seront proscrits. Le clergé sera à tout jamais réduit au silence sous peine de camp de concentration… À la place des églises de notre civilisation on verra s’ériger une église internationale nazie – une église qui sera servie par des prêtres envoyés par le gouvernement nazi. À la place de la Bible, les mots du Mein Kampf s’imposeront de force comme écritures saintes. À la place de la croix du Christ, on verra deux symboles – le swastika et l’épée nue. »
« Il faut bien peser ces sinistres vérités dont je vous ai parlé des projets présent et futur de l’hitlérisme ». « Tous les Américains se trouvent devant le choix du monde dans lequel ils veulent vivre, le leur ou celui qu’Hitler et ses hordes veulent nous imposer » Il concluait : « nous nous engageons résolument à mettre le cap sur la destruction de l’hitlérisme ».
Toute l’histoire de ces documents n’a refait surface que bien des années plus tard. La carte citée par le président existe mais c’est un faux émanant des services britanniques. Stephenson la passée à Donavan qui la remise au président. L’autre « document » cité par Roosevelt, destiné à révéler les projets allemands d’abolition des religions du monde est encore plus fantaisiste que la « carte secrète ».
On ne sait pas trop si Roosevelt lui-même savait que la carte était fausse ou s’il s’est fait avoir par la supercherie britannique et croyait sincèrement à son authenticité. Nous ne savons donc pas si le président mentait délibérément ou s’il n’était que la victime crédule et l’outil d’un gouvernement étranger.
Les autorités allemandes ont répondu au discours présidentiel par une déclaration qui rejetait catégoriquement ces accusations. Les soi-disant documents secrets, « sont des faux d’une outrance de l’espèce la plus grossière ». De plus, « Les allégations au sujet d’une conquête de l’Amérique du Sud par l’Allemagne et de l’élimination des religions et des églises du monde et leur remplacement par une église nationale-socialiste sont si totalement insensées qu’il est superflu pour le gouvernement du Reich de les discuter ». / 34
La réponse à Roosevelt de Joseph Goebbels était particulièrement attendue: « Les accusations absurdes du président américain » écrivait-il « sont une gigantesque arnaque destinée à l’opinion publique américaine ». /35
Que l’absurdité des allégations du président se voyait comme le nez au milieu de la figure aurait dû sauter aux yeux de n’importe quelle personne un tant soit peu avisée et informée. L’affirmation selon laquelle l’Allemagne se préparait à envahir l’Amérique du Sud était clairement inepte étant donnée que premièrement l’Allemagne s’était montrée incapable – ou pas disposée – à envahir la Grande-Bretagne et que deuxièmement elle était à ce moment-là absorbée tout entière dans un choc titanesque avec la Russie soviétique, un conflit qui devait s’achever par la victoire de l’Armée rouge.
Quant à l’affirmation de Roosevelt selon laquelle Hitler envisageait d’étouffer les religions partout dans le monde, il ne s’agissait pas seulement d’une affabulation, c’était pratiquement l’exact contraire de la vérité. Au moment même où il accusait Hitler de menacer les religions dans le monde, Roosevelt organisait une aide militaire au seul pays du monde ouvertement dirigé par un régime athéiste, l’Union soviétique. Tandis que Roosevelt s’exprimait, les forces armées de l’Allemagne, de l’Italie, de la Roumanie, de la Finlande de la Hongrie et d’autres pays européens étaient engagées dans une lutte acharnée pour mettre à bas l’état bolchévique anticlérical. Les millions d’Ukrainiens, de Russes, de Lituaniens, de Biélorusses déjà libérés du joug soviétique commençaient, avec l’assentiment de l’Allemagne, à rouvrir les églises et à restaurer la vie religieuse traditionnelle si durement réprimée par le régime stalinien.
Durant les années de guerre, les Églises catholiques et protestantes ont non seulement reçu un soutien financier, mais elles étaient pleines à craquer de fidèles. Dans les régions catholiques du Reich, notamment en Bavière et en Autriche, les crucifix étaient présents dans de nombreux bâtiments publics comme les palais de justice, et les salles de classe. Le gouvernement de l’un des proches alliés de l’Allemagne d’Hitler, la Slovaquie, avait à sa tête un prêtre catholique.
En 1941, peu d’Américains pouvaient penser que leur président était capable de les tromper aussi délibérément et avec un tel aplomb, surtout pour des sujets d’aussi grave importance pour la nation et le monde. Ils étaient des millions à tenir pour vrai les propos alarmistes de Roosevelt. Après tout, qui un patriote qui se respecte était-il tenu de croire ? Son président ou le gouvernement d’un pays étranger que tous les médias américains lui présentaient comme un régime fourbe et cruel qui cherchait à imposer par la force brutale sa loi et à opprimer l’Amérique et le monde ?
Cette campagne menée par Roosevelt et les services anglais en 1940 et 1941 reposait sur une grande falsification : que Hitler essayait de conquérir le monde. En réalité, ce n’est pas l’Allemagne qui avait déclaré la guerre à l’Angleterre et à la France, mais l’inverse. C’est Churchill, plus tard rejoint par le président américain qui a rejeté toutes les initiatives allemandes pour mettre un terme à cette terrible guerre, qui exigeait une « reddition inconditionnelle », qui insistait pour une capitulation complète de l’Allemagne avec « changement de régime » et élimination de son gouvernement.
Les leçons de la collusion clandestine de Roosevelt avec un gouvernement étranger, y compris le fait qu’il ait couvert les délits des agents anglais et américains sont toujours valables. Ceci d’autant plus que Roosevelt est vu comme l’une des plus grandes figures de l’histoire américaine. Il fait partie des très rares personnages à avoir leur effigie sur les pièces de monnaie, des rues et des écoles portent son nom dans tout le pays.
Son héritage devrait préoccuper tous ceux qui aujourd’hui s’inquiètent à juste titre d’une présentation en permanence biaisée et souvent polémique des actualités dans les principaux médias. La façon dont des « fake news », des informations tendancieuses où le sérieux le cédait au sensationnalisme ont été livrées au public en 1940 et 1941 par les grands médias en collaboration secrète avec la Maison-Blanche et un gouvernement étranger, en dit long sur jusqu’où on peut aller dans la manipulation des informations et de l’opinion dans notre pays et sur qui peut le faire.
En 1990 le New York Times a fait part d’une manière d’excuse pour avoir publié des décennies plus tôt les reportages d’un correspondant à Moscou jadis hautement considéré. En 1932 les envois de Walter Duranty depuis l’Union soviétique lui ont valu la plus haute distinction pour l’œuvre d’un journaliste, le prix Pulitzer. Ce n’est que des années plus tard qu’on a compris que la peinture qu’il faisait de la vie en URSS était une idéalisation de la réalité. Il avait caché la famine, ces millions de gens morts affamés en Ukraine du fait de la brutale « collectivisation » des terres et des fermes. Mais bien que la couverture de la politique de Roosevelt par les grands journaux ait été tout aussi déformée et trompeuse, ni le New York Times, ni The Washington Post, ni aucun autre journal n’a jugé bon de faire de semblables excuses.
C’est Richard Nixon qui est aujourd’hui considéré comme le vilain petit canard qui méritait la destitution pour avoir couvert le cambriolage du “Watergate”. Beaucoup estiment que Trump, devrait, de même, être puni pour avoir enfreint la loi. Si c’est vrai, comment devrions-nous considérer le cas de Roosevelt ? Ses manigances et agissements hors la loi – en permanence ignorés, excusés ou justifiés – dépassent largement les méfaits de Nixon et de Trump.
Ceux qui admirent Franklin Roosevelt semblent croire que les impostures et manquements présidentiels sont justifiés sur les motifs de celui qui les commet sont justes. Thomas A. Bailey, un éminent universitaire a dit ce qu’il en pensait. Il reconnaît le passif de Roosevelt, mais cherche à le justifier. « Franklin Roosevelt a constamment menti au peuple américain dans la période qui précédait Pearl Harbor » écrivait-il, « mais il était comme le médecin qui ment au patient pour son bien… La veille encore de Pearl Harbor, le pays était largement acquis au non-interventionnisme, tenter ouvertement de conduire le pays à la guerre dans ces conditions l’aurait mené droit à l’échec et presque sûrement à son éviction en 1940 : cela aurait aussi signifié la défaite totale pour ses buts ultimes ». /36
À quoi Bailey ajoutait une autre justification : « Un président qui refuse de dire la vérité à son peuple trahit un certain manque de foi dans les fondements de la démocratie. Mais comme les masses sont notoirement à courte vue et généralement incapables de voir le danger avant qu’il ne les prenne à la gorge, nos hommes d’État sont forcés de leur mentir par conscience de leurs intérêts à long terme. C’est exactement ce à quoi Roosevelt a dû se résoudre et qui prétendra que la postérité ne lui en sera pas reconnaissante ? »
En dépit de toute la rhétorique qu’on entend sur « notre démocratie » et « le gouvernement du peuple », force est de constater que nos dirigeants ne pensent pas que la démocratie à l’américaine puisse fonctionner comme elle le devrait. Ils ne pensent pas que le peuple soit capable de regarder les choses en face. Les défenseurs de l’héritage de Roosevelt pensent à l’évidence que parfois, les dirigeants politiques peuvent, et doivent enfreindre la loi, violer la constitution et tromper délibérément le peuple au nom de ce qu’une soi-disant élite éclairée croit être le « véritable » intérêt supérieur de la nation, pour ce qu’elle considère comme une cause plus élevée et plus juste.
Roosevelt a créé un précédent pour de semblables agissements aux marges de la légalité pour ses successeurs. J. William Fulbright sénateur, grand contempteur des manquements du président Lydon Johnson et de son mépris pour le droit et la constitution au moment de la guerre du Vietnam, faisait remarquer que « les déviances de « FDR » pour la bonne cause ont permis les mêmes déviances à LBJ pour une mauvaise cause ». /37
À son tour, l’historien Joseph P. Lash faisait observer « qu’après une génération de guerres présidentielles, on peut constater qu’entre les mains de ses successeurs, les pouvoirs qu’il a exercés pour déployer l’armée, la marine et les forces aériennes comme il le jugeait nécessaire pour l’intérêt supérieur de la nation, en expliquant que cette projection dans des eaux et sous des cieux lointains était une réaction aux initiatives de l’ennemi, ont conduit au bourbier vietnamien. » / 38
Les méthodes de Roosevelt semblent aujourd’hui fermement ancrées dans la vie politique américaine. Le Président George W. Bush, pour ne citer que lui, a placé ses pas dans ceux de Roosevelt lorsque lui et d’autres hauts responsables de son administration, avec la complicité des grands médias, ont trompé le peuple américain pour permettre l’invasion de l’Irak en 2003. « Je me suis demandé comment on pouvait adapter la démocratie américaine au genre de rôle que nous avons été amené à jouer dans le monde » disait le sénateur Fulbright en 1971, « et je crois que je connais à présent la réponse: elle ne le peut pas ». / 39
Alors que de nombreux Américains aspirent aujourd’hui à avoir des dirigeants honnêtes, dotés d’un certain sens de l’éthique, à une gouvernance transparente, à une démocratie « réelle », de tels espoirs resteront probablement hors de portée tant que les médias, les politiciens, les enseignants continueront à voir en Roosevelt un président exemplaire et son administration comme un parangon d’équipe dirigeante tout en masquant ou en justifiant son passif lourd d’imposture d’irrégularité.
Mark Weber,
Février 2020
Traduction : Francis Goumain
Texte original de l’article en anglais sur le site de iHR : http://ihr.org/other/RooseveltBritishCollusion
Notes
1. Basil H. Liddell-Hart, The Second World War (New York: Putnam, 1971), pp. 17-22, 66; Clive Ponting, 1940: Myth and Reality (Chicago: 1993), pp. 79-80; Niall Ferguson, The War of the World (New York: Penguin, 2006), pp. 387-390; William Carr, Poland to Pearl Harbor (1986), pp. 93, 96.
2. Patrick J. Buchanan, Churchill, Hitler and `The Unnecessary War’ (New York: Crown, 2008), pp. 361-366; John Charmely, Churchill’s Grand Alliance (Harcourt Brace, 1996), pp. 82-83, 178; Clive Ponting, 1940: Myth and Reality (1993), p. 124; Friedrich Stieve, What the World Rejected: Hitler’s Peace Offers, 1933-1939.
3. Martin Gilbert, Finest Hour: Winston Churchill,1939-41 (1984), p. 358. Quoted in: Jon Meacham, Franklin and Winston (2004), p. 51; M. Hastings, Winston’s War, 1940-1945 (2010), p. 25.
4. Joseph P. Lash, Roosevelt and Churchill (1976), pp. 23-31; M. Weber, “President Roosevelt’s Campaign to Incite War in Europe,” The Journal of Historical Review, Summer 1983.
5. “America Gets Ready to Fight Germany, Italy, Japan,” Life, Oct. 31, 1938.
( http://mk.christogenea.org/content/it-was-planned-way-3-years-previously-page-1 )
6. Roosevelt “fireside chat” radio address of Dec. 29, 1940. ; Regarding the “Atlantic Charter,” see: William H. Chamberlin, America’s Second Crusade (1950 and 2008); Benjamin Colby, ‘Twas a Famous Victory (1975).
7. Roosevelt Labor Day radio address, Sept. 1, 1941.
8. Joseph P. Lash, Roosevelt and Churchill (1976), pp. 360, 415, 429; Stark memo to Secretary Hull, Oct. 8, 1941. Quoted in: J. P. Lash, Roosevelt and Churchill (1976), p. 426.
9. Thomas E. Mahl, Desperate Deception: British Covert Operations in the United States, 1939-44 (1999), p. 16; Steven T. Usdin, Bureau of Spies: The Secret Connections Between Espionage and Journalism in Washington (Prometheus, 2018), pp. 101-104; Lynne Olson, Those Angry Days (New York: Random House, 2013), p. 117; William Boyd, “The Secret Persuaders,” The Guardian (Britain), Aug. 19, 2006.
10. Nigel West (introduction) in: William Stephenson, ed., British Security Coordination (New York: 1999), pp. xi, xii.
11. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), p. xxv.
12. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), pp. xxxvi, xxxiii.
13. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), p. 16.
14. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), p. 14.
15. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), pp. 58, 59.
16. Steven T. Usdin, Bureau of Spies (2018), esp. pp. 135-140, 325-327; P. J. Grisar, “Sharks Defending Britain From Nazis? How ‘Fake News’ Helped Foil Hitler,” Forward, Oct. 22, 2018; Menachem Wecker, “The true story of a Jewish news agency that peddled fake news to undo Hitler.” Religion News Service, October 1, 2018
17. Steven T. Usdin, Bureau of Spies (2018), p. 135.
18. S. T. Usdin, Bureau of Spies (2018), pp. 138-139, 326 (n.).
19. Larry Getlen, “The Fake News That Pushed US Into WWII,” New York Post, Oct. 3, 2019, pp. 20-21.
20. S. T. Usdin, Bureau of Spies (2018), p. 142.
21. Steven T. Usdin, Bureau of Spies (2018), pp. 139, 326 (n.); Menachem Wecker, “The true story of a Jewish news agency that peddled fake news to undo Hitler.” RNS, Oct. 1, 2018
22. Thomas E. Mahl, Desperate Deception (1999), pp. 70-86; S. T. Usdin, Bureau of Spies (2018), pp. 113-116, 154-155; W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), pp. 81-84.
23. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), pp. 59, 60, 61.
24. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), p. 68.
25. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), p. 69.
26. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), p. 74.
27. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), pp. 74, 80; T. E. Mahl, Desperate Deception (1999), pp. 107-135; Steven T. Usdin, Bureau of Spies (2018), pp. 119-127; Christopher Woolf, “How Britain Tried to Influence the US Election in 1940,” PRI, Jan. 17, 2017.
28. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), pp. 102.
29. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), pp. 102-103, 104; S. T. Usdin, Bureau of Spies (2018), p. 139.
30. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), p. 103.
31. W. Stephenson, ed., British Security Coordination (1999), pp. 104, 105, 107, 109; Steven T. Usdin, Bureau of Spies (2018), pp. 102, 140, 145-148.
32. Thomas E. Mahl, Desperate Deception: British Covert Operations in the United States, 1939-44 (1999), pp. 16, 193; Michael Williams, “FDR’s Confidential Crusader,” Warfare History Network. Jan. 17, 2019.
33. John F. Bratzel, Leslie B. Rout, Jr., “FDR and The ‘Secret Map’,” The Wilson Quarterly (Washington, DC), New Year’s 1985, pp. 167-173; Ted Morgan, FDR: A Biography (New York: Simon and Schuster, 1985), pp. 602, 603, 801 (notes); Mark Weber, “Roosevelt’s `Secret Map’ Speech,” The Journal of Historical Review, Spring 1985.
34. “The Reich Government’s Reply To Roosevelt’s Navy Day Speech,” The New York Times, Nov. 2, 1941; Documents on German Foreign Policy, 1918-1945. Series D, Vol. XIII, (Washington, DC: 1954), pp. 724-725 (Doc. No. 439 of Nov. 1, 1941).
35. Joseph Goebbels, “Kreuzverhör mit Mr. Roosevelt,” Das Reich, Nov. 30, 1941. Nachdruck (reprint) in Das eherne Herz (1943), pp. 99-104. English translation: “Mr. Roosevelt Cross-Examined.”
( http://research.calvin.edu/german-propaganda-archive/goeb2.htm )
36. Thomas A. Bailey, The Man in the Street: The Impact of American Public Opinion on Foreign Policy. (New York: 1948), pp. 11-13. Quoted in: W. H. Chamberlin, America’s Second Crusade (Indianapolis: Amagi/ Liberty Fund, 2008), p. 125.
37. Joseph P. Lash, Roosevelt and Churchill, 1939-1941 (New York: 1976), pp. 9, 10, 420, 421; Address by Fulbright, April 3, 1971. Published in: Congressional Record – Senate, April 14, 1971, p. 10356.
( https://www.govinfo.gov/content/pkg/GPO-CRECB-1971-pt8/pdf/GPO-CRECB-1971-pt8-4-1.pdf )
38. J. Lash, Roosevelt and Churchill (1976), p. 421.
39. Address by Fulbright, April 3, 1971. Congressional Record – Senate, April 14, 1971, p. 10356.
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Bravo pour ce bel article.
Alain Fragny