Le 17 décembre 1862, par son ordonnance générale N°11, le général Ulysses S. Grant prenait des dispositions pour expulser des Juifs des zones sous son contrôle dans le Tennessee, le Mississippi et le Kentucky pour mettre un terme au développement du commerce illicite du coton et à la corruption de ses officiers.
Le commerce du coton vers le Nord était un enjeu vital pour le Sud qui ne pouvait plus exporter par la mer en raison d’un blocus naval. Le Nord était bien conscient qu’acheter du coton au Sud prolongeait la guerre, mais d’un autre côté, il avait besoin de ce coton et cherchait à organiser un marché encadré par le Trésor et l’armée américaine, générant du même coup un marché de contrebande principalement aux mains de Juifs.
General Orders No. 11
Head Quarters 13th Army Corps,
Department of the Tennessee,
Oxford, Miss. Dec. 17, 1862.
I.. The Jews, as a class, violating every regulation of trade established by the Treasury Department, and also Department orders, are hereby expelled from the Department.
II.. Within twenty-four hours from the receipt of this order by Post Commanders, they will see that all of this class of people be furnished passes and required to leave, and any one returning after such notification will be arrested and held in confinement until an opportunity occurs of sending them out as prisoners, unless furnished with permit from Head Quarters.
III.. No permits will be given these people to visit Head Quarters for the purpose of making personal application for trade permits.
By Order of Maj. Genl. U.S. Grant
Traduction :
I. Les Juifs en tant que classe violent toutes les réglementations du commerce établies par le Trésor et l’administration de la région militaire et en sont expulsés.
II. Dans les 24 heures suivant la réception du présent ordre, les commandants de postes veilleront à fournir à l’ensemble de cette catégorie de personnes des laissez-passer valant notification de quitter la zone des opérations. Toute personne y revenant devra être arrêtée et maintenue en détention dans l’attente d’être évacuée en tant que prisonnier à moins qu’elle ne soit munie d’un sauf-conduit du QG.
III. Aucun sauf-conduit ne sera délivré à ces personnes pour se rendre au QG dans le but d’obtenir un permis commercial.
Le jour même, Grant adresse un courrier au secrétaire adjoint à la guerre, Christopher Wolcott pour expliquer les raisons de son ordonnance :
To Chistopher P. Wolcott
Sir:
I have long since believed that in spite of all the vigilance that can be infused into Post Commanders, that the Specie regulations of the Treasury Dept. have been violated, and that mostly by Jews and other unprincipled traders. So well satisfied of this have I been at this that I instructed the Commdg Officer at Columbus to refuse all permits to Jews to come south, and frequently have had them expelled from the Dept. But they come in with their Carpet sacks in spite of all that can be done to prevent it. The Jews seem to be a privileged class that can travel any where. They will land at any wood yard or landing on the river and make their way through the country. If not permitted to buy Cotton themselves they will act as agents for someone else who will be at a Military post, with a Treasury permit to receive Cotton and pay for it in Treasury notes which the Jew will buy up at an agreed rate, paying gold.
There is but one way that I know of to reach this case. That is for Government to buy all the Cotton at a fixed rate and send it to Cairo, St Louis, or some other point to be sold. Then all traders, they are a curse to the Army, might be expelled.
I am, Sir, Very Respectfully
Your Obt Servant
U.S. Grant
Traduction :
J’ai acquis la conviction qu’en dépit de tous les efforts de vigilance déployés auprès des commandants de postes, les réglementations spéciales du Trésor sont violées par des commerçants sans scrupules, principalement des Juifs. À tel point que j’ai demandé au commandant en poste à Columbus d’annuler tous les permis accordés aux Juifs de venir dans le Sud étant donné que nous avons été fréquemment amené à les expulser par le passé. Mais toujours ils reviennent avec leur sac de couchage, on aurait dit qu’ils appartenaient à une catégorie privilégiée libre de se déplacer partout. Ils débouchent d’un bois ou débarquent sur le ponton d’une rivière et parviennent à se faufiler dans le pays. S’ils ne disposent pas d’un permis d’acheter du coton, ils agiront comme mandataire d’une autorité ayant accès au QG et qui dispose d’une autorisation du Trésor de prendre livraison du coton et de le régler en bon du Trésor, les Juifs lui rachètent alors le coton à un prix convenu en payant en or.
Je ne vois qu’un moyen de régler le problème, c’est que le gouvernement achète tout le coton à un prix unique et qu’il soit acheminé sur un marché unique à Cairo, Saint-Louis – ou ailleurs – pour y être revendu. On pourra alors expulser toute cette engeance qui est une véritable calamité pour toute l’armée.
Et voici la réponse des Juifs, un télégramme adressé au président Lincoln par Cesar J. Kasket, à la tête d’une délégation de commerçants expulsés de Peducah dans le Kentucky pour protester contre l’ordonnance n°11 :
« édictée en violation flagrante de la Constitution et des droits qu’elle accorde aux honnêtes citoyens que nous sommes – stop – qui nous place à la face du monde en hors-la-loi – stop – qui fait fi de la plus élémentaire humanité et qui est un outrage du droit – stop – demandons votre attention immédiate – Stop ».
Télégramme qui, faut-il le préciser, avec d’autres messages du genre « pas tous les Juifs …» ou «des Juifs servent dans la cavalerie …» a produit tous les effets désirés : le 17 janvier 1863, Grant annulait l’ordre trois semaines après que Lincoln l’ait exigé.