Le 1er août 2025, Donald Trump, président en exercice des États-Unis, a annoncé sur son réseau Truth Social avoir ordonné le déploiement de deux sous-marins nucléaires « dans des zones appropriées ». Il réagissait ainsi aux propos de Dmitri Medvedev, ancien président russe et actuel vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, qui avait publié un message incendiaire sur X (anciennement Twitter), présentant les ultimatums américains sur la guerre en Ukraine comme « un pas vers la guerre ». Medvedev y évoquait même le système soviétique « main morte », réflexe automatisé de riposte nucléaire. Trump a répondu à sa façon, par une gesticulation martiale dont il a le secret : « J’ai ordonné que deux sous-marins nucléaires soient positionnés dans les zones appropriées, au cas où ces déclarations idiotes et incendiaires soient plus sérieuses que cela. Les mots comptent et peuvent avoir des conséquences imprévues. »
Il n’en fallait pas plus pour que l’Amérique trumpienne redéploie ses fantômes de la Guerre froide. Les réseaux s’embrasent, les chancelleries européennes balbutient, la Russie hausse le ton. Et dans tout cela, un seul constat s’impose : l’ordre mondial est un radeau de fortune sur une mer déchaînée, dirigé par des capitaines qui jouent à la roulette russe avec des missiles intercontinentaux.
Longtemps perçu comme le libéral docile du duopole Poutine-Medvedev, l’ancien président russe s’est mué en héraut de la ligne dure. Telegram est devenu sa tribune favorite, et ses messages y sont de plus en plus virulents. Il ne s’agit plus de diplomatie, mais de menaces nues. Le 28 juillet, il dénonce les ultimatums de Trump et réactive le spectre de « Dead Hand ». Il ne parle pas dans le vide : il incarne une voix autorisée du pouvoir russe, et sa rhétorique reflète le climat actuel du Kremlin.
Trump n’a pas tardé à répondre. Pas par une note diplomatique. Pas par un discours à l’ONU. Mais par une déclaration lapidaire sur Truth Social. Deux sous-marins déployés, comme on abattrait deux cartes sur une table de poker. Quand un ancien magnat de l’immobilier devenu chef d’empire rencontre un apparatchik recyclé en prophète atomique, cela ne donne pas une pièce de théâtre. Cela donne une crise diplomatique mondiale.
Ce déploiement n’est pas anodin. Depuis la fin de la Guerre froide, les États-Unis gardent en permanence plusieurs SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins) en mer, mais leur localisation reste secrète. Annoncer publiquement une manoeuvre de cette nature, c’est sortir de la doctrine de dissuasion classique, c’est agiter le feu nucléaire comme on brandirait un gourdin. Trump le fait pour intimider, pour envoyer un message à la Russie, à la Chine, et peut-être même à son propre « Etat profond », qu’il continue de dénoncer.
Le président américain joue une partie à plusieurs bandes. Il sait que ses détracteurs le guettent. Qu’il est contesté à l’intérieur, surveillé par le Congrès, contourné par l’appareil diplomatique. Alors il fait ce qu’il sait faire : prendre les devants, provoquer, forcer la réalité à suivre son tempo, mais dans ce jeu, les règles ne sont pas celles du business et une escalade militaire, surtout nucléaire, ne se négocie pas avec des tweets et des clins d’œil aux journalistes.
La grande oubliée de cette affaire, c’est encore l’Europe. Entre l’ours russe et l’aigle américain, le Vieux Continent s’étiole, servile et vulnérable. Si un conflit ouvert devait éclater, ce sont les villes européennes qui seraient les premières cibles. Et que disent Paris, Berlin, Rome ? Rien. Silence radio. L’UE, docile, applaudit la fermeté de Trump tout en espérant qu’aucune ogive ne tombe sur Bruxelles.
Cette servilité n’est pas seulement honteuse, elle est suicidaire. Le continent qui a vu naître la diplomatie moderne est devenu un protectorat américain, un paillasson otanien, et nos dirigeants, enchaînés aux mots d’ordre de Washington, acceptent qu’on joue avec notre destin comme on déplace des pions sur une carte.
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Trump a promis d’en finir avec la guerre en Ukraine. Il s’était donné 100 jours. Puis 50. Le 25 juillet, il ramène son ultimatum à 10 jours. Il menace les pays qui achètent du pétrole russe, évoque des sanctions secondaires, envisage une coupure de SWIFT pour les banques coopérantes. Bref : il pose la paix comme condition d’un ordre impérial, mais cet ordre est bâti sur la peur. Sur l’intimidation. Et sur la possibilité d’un affrontement terminal.
Trump n’est pas un pacificateur. Il est un déstabilisateur. Il veut imposer une paix qui ne repose pas sur le dialogue, mais sur la soumission. Ce n’est pas une diplomatie. C’est une stratégie du chaos.
Ce déploiement de sous-marins est une alarme. Une preuve supplémentaire que l’ordre mondial touche à sa fin. Les traités ne sont plus respectés, les paroles n’engagent plus, les gestes militaires se font en direct sur les réseaux sociaux. La guerre est désormais aussi médiatique que balistique.
Il ne s’agit ni de baisser les bras, ni de se réfugier dans des illusions pacifistes. Il est temps d’éveiller les peuples, de leur faire voir le cynisme glacial des puissances qui manipulent la peur comme arme diplomatique. Il faut démasquer la logique morbide du chantage nucléaire.
Trump joue une partie dangereuse. Medvedev souffle sur les braises. Et pendant ce temps, les peuples dorment, croyant encore que les bombes ne tomberont que sur les autres.