Entre associations immigrationnistes qui vont chercher les envahisseurs au large des côtes africaines et la marine libyenne, formée et soutenue par l’Union européenne, la situation est de plus en plus difficile. Dernier exemple en date le 15 mars dernier à 73 miles nautiques de la Libye.
Cela fait plus d’une semaine que le navire Open Arms, armé par l’ONG catalane Proactiva Open Arms, est sous séquestre dans le port sicilien de Pozzallo. Une semaine également que le parquet de Catane a ouvert une enquête pour « association de malfaiteurs en vue de favoriser l’immigration clandestine » contre le patron de l’ONG et le capitaine du bateau. En réalité, les autorités italiennes surveillaient les activités de ce navire depuis plusieurs semaines. Et il n’est pas le premier à se faire prendre par la patrouille. L’été dernier, la justice italienne avait déjà saisi à Lampedusa le Iuventa, navire des Allemands de Jugend Rettet. Une saisie toujours en cours. Autrement dit, en Italie, on ne rigole pas avec les questions d’immigration clandestine.
Les règles maritimes bafouées
Le fait déclencheur de cette affaire Open Arms est le « sauvetage » d’une centaine de futurs clandestins au large de la Libye le 15 mars dernier. Ce jour-là, un bateau de ces envahisseurs est repéré en mauvaise posture à 73 miles marins des côtes de Libye. On est largement au-delà des eaux territoriales libyennes, mais, en cas de naufrage ou de difficulté, c’est à la marine libyenne d’intervenir, en vertu des règles de l’organisation internationale pour le sauvetage en mer et du code de bonne conduite imposé par l’Italie aux organisations internationales d’aide aux clandestins. Ce dernier interdit à ces associations d’entrer en contact avec les réseaux de passeurs, ainsi qu’ils ont pris la détestable habitude de le faire pour convenir d’un lieu de rendez-vous avant même que les clandestins ne soient officiellement naufragés !
Formée et équipée par l’Union européenne depuis juin 2016 dans le cadre de l’Opération Sophia contre « le trafic de migrants » en Méditerranée, la marine libyenne est de plus en plus efficace. Au plus grand désarroi des ONG qui ont fait du « sauvetage » des futurs immigrés et de leur transport jusqu’en Europe leur fonds de commerce. Résultat : à la moindre embarcation de migrants, les ONG, du moins celles qui patrouillent encore en Méditerranée, se précipitent pour continuer « à faire du chiffre ».
Ce 15 mars – comme tous les jours ou presque –, les Libyens sont donc alertés par le très officiel MRCC (Maritime rescue coordination center) de Rome, en charge des opérations en Méditerranée, de la présence d’une embarcation surchargée en difficulté à 73 miles marins de leurs côtes. Dans les parages, deux bateaux : l’Open Arms, de l’ONG Proactiva, qui tourne depuis des mois en Méditerranée, et un bâtiment des gardes-côtes libyens, le patrouilleur 648. Une fois l’alerte donnée, c’est une vraie course qui s’engage entre les « humanitaires » et les Libyens. L’objectif ? Arriver le premier sur les lieux et, pour les uns, faire entrer en Europe un nouveau contingent d’immigrés clandestins, pour les autres, faire ce pourquoi l’Europe les paye et les forme.
Des marins français ont tout vu
Dans cette course, les Libyens prennent la tête. A 10 miles du naufrage, ils doublent même l’Open Arms qui est loin d’être un patrouilleur rapide. Furieux, les « humanitaires » mettent à l’eau deux puissants zodiacs qui reprennent l’avantage et arrivent premiers sur les lieux. Une partie des « naufragés » y est ainsi récupérée pendant que les autres restent dans leur embarcation. Au beau milieu de la mer, pendant deux heures, on attend l’Open Arms.
Durant tout ce temps, la situation va être confuse. Les Libyens cherchent à s’imposer, sans succès : les zodiacs de Pro Activa empêchent les manœuvres et les « naufragés » refusent de monter dans le bateau libyen. Quand l’Open Arms arrive enfin, ils préfèrent se jeter à l’eau. Finalement, « pour la sécurité des migrants », selon le communiqué des gardes-côtes, le bâtiment libyen s’écarte et laisse les activistes finir leur travail. Après une escale à Malte pour y déposer un clandestin à l’hôpital, le bateau débarque ses envahisseurs en Sicile, non sans avoir été contraint d’attendre 24 heures supplémentaires l’autorisation italienne. C’est là qu’il est placé sous séquestre.
Depuis, dans une bataille de communication inégale, deux versions des faits s’affrontent. Celle de l’ONG, unanimement relayée, qui veut que la marine libyenne ait cherché à empêcher l’opération de sauvetage, tirant des coups de semonce et menaçant de leurs armes ces traîtres d’humanitaires. La deuxième version des faits est celle de la marine libyenne qui accuse l’ONG espagnole d’avoir « lancé un concours avec les gardes-côtes libyens pour sauver les migrants » et d’avoir tout fait pour que ces derniers ne retournent pas en Afrique. Une version des faits qui semble plus conforme avec la réalité.
Parce que, dans cette affaire, il y a des témoins. Français. Un bâtiment de la Royale, le patrouilleur de haute mer Commandant L’Herminier, croisait là. Et à bord, on a tout vu, tout noté, tout enregistré… Reste à savoir si le rapport de la Marine française sur cette affaire sera diffusé… Ou transmis aux autorités italiennes. Car c’est maintenant une bataille juridique qui est engagée entre l’Italie et l’association catalane Proactiva. Et visiblement, le procureur de Catane n’a pas l’air aussi bon perdant que les gardes-côtes libyens.
Lionel Humbert
Source : Minute n°2865 du 28 mars 2018
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