Par Jean Claude MANIFACIER
« La pensée libre de passion est une citadelle » (Marc Aurèle)
Préface
Nous avons pu voir récemment trois documentaires sur des chaînes de télévision à grande écoute.
- i) Fin janvier, sur France 5 : « Destruction d’une Nation : l’Irak »
- ii) En mars, sur la chaîne LCP (BBC 2018) : « Assad, la dynastie de l’horreur »
- iii) Fin mars, sur la chaîne Arte : « Il était une fois en Irak, suivi par Iran-Irak, la guerre par l’image »
Je parlerai surtout du documentaire honnête de France 5, et je le compléterai par des informations importantes. Les deux autres documentaires relèvent de la propagande habituelle qu’il est assez facile de dénoncer. Toutes les références seront données. La lecture assidue et alerte d’une grosse presse, souvent aux ordres, permet de dévoiler la réalité des informations, la grande majorité des journalistes ne peuvent pas être en permanence des machines serviles.
Dans la deuxième moitié de ce long article je donnerai des exemples variés de l’utilisation médiatique massive du « Deux poids et Deux mesures, la géométrie variable » dans notre information. Une lecture quotidienne de la presse, de langue française et anglaise, dans un monde qui échappe encore à Big Brother, est là aussi très utile.
– i) Le 31 janvier 2021, la chaîne de télévision France 5 présente un documentaire de quatre heures, en quatre épisodes : « Destruction d’une Nation : l’Irak ».
Le sujet n’est plus vraiment d’actualité, un peu oublié, mais c’était la première fois, quarante ans après les faits, que nous avions un catalogue assez complet de mensonges avancés par des Présidents ou Premier Ministres de grands États « démocratiques ». Mensonges repris en boucle par des médias complices pour persuader une opinion mondiale de l’urgence à se débarrasser d’un dictateur qui avait l’inconvénient de vouloir faire de son pays, riche en pétrole, une puissance arabe. Saddam Hussein défendait également les droits du peuple palestinien, une idée qui déplaisait beaucoup à Israël. Cet aspect du problème n’a pas été abordé, le mot Israël n’a d’ailleurs pas été prononcé pendant le documentaire. C’était l’éléphant dans la pièce. Il commence par la guerre Irak-Iran dans les années 1980. Pour avoir une idée de l’ambiance médiatique en Occident on citera Henry Kissinger, prix Nobel de la Paix (sic) : « Nous voulons qu’ils continuent à s’entre-tuer le plus longtemps possible » (voir aussi Le Figaro Hors-Série, 12 mars 2003 : « Irak – Objectif Bagdad, Guerre – vu de Washington, de Bagdad, de Paris, Enjeux »). Ce prix Nobel de la Paix avait aussi déclaré à la même époque : « Le pétrole est une chose trop importante pour être laissé aux Arabes ».
Dans ce documentaire de France 5, la parole est donnée à des intervenants néoconservateurs. J’en parlerai longuement ci-dessous car il est clair que les notions de vérité et de mensonge sont pour eux très relatives. Le point le plus important est que la parole sera aussi donnée à des Irakiens qui soutiennent Saddam Hussein. C’est très rare, car dans ce genre d’émission, seuls sont présents les politiques, diplomates, militaires d’un seul camp, celui des envahisseurs, et pour faire bonne mesure on y ajoute quelques collaborateurs venant du camp des envahis. On pouvait, bien sûr, reprocher beaucoup de choses à Saddam Hussein, comme à n’importe lequel des nombreux Rois ou Empereurs qui ont fait l’Europe pendant mille ans. Bref, le public savait qu’il y avait eu des mensonges dans les médias, mais des mensonges involontaires. Dans ce documentaire inattendu, ces mensonges étaient présentés aux téléspectateurs avec les faits et références qui ne permettent aucune contestation.
– ii) En mars 2021, c’est cette fois sur la chaîne LCP, un long documentaire, en trois épisodes, rediffusé à plusieurs reprises, dont le titre : « Assad, la dynastie de l’horreur » (BBC 2018), ne laisse aucun doute sur les intentions des auteurs.
Les titres des trois épisodes sont : La terreur de père en fils, Le mouton noir et Que lui reste-t-il d’humain ? La quasi-totalité des intervenants dans les émissions ou les Débat-Docs qui suivaient appartenaient à la mouvance atlantiste. Il n’y avait personne susceptible de donner une appréciation, même nuancée, sur l’actuel dictateur de la Syrie : Bachar al-Assad. Seuls des ambassadeurs et politiques américains ou anglais et des opposants au régime syrien s’exprimaient. Un ancien ministre de David Cameron, qui sera forcé à démissionner en 2014 pour une affaire de photos à caractère pornographique, Brooks Newmark, déclarera : « Dans la famille al-Assad, ils sont tous mauvais… comme Saddam Hussein ». La comparaison avec le documentaire sur l’Irak de Saddam Hussein rappelait parfaitement la remarque de Guy Debord : « Dans notre société du spectacle, le vrai n’est qu’un instant du faux ».
Parmi les intervenants des trois Débat-Docs, il y avait deux permanents : Bassma Kodmani et Georges Malbrunot et trois intermittents : Frédéric Encel, Souaïl Belhadj et Agnès Levallois.
Bachar al-Assad, tout comme Saddam Hussein a soutenu pour les Palestiniens le droit à la justice, à la liberté et au territoire attribué par une décision de l’ONU il y a plus de 70 ans maintenant.
Au début des années 2000 il semblait possible, après l’affaiblissement de Saddam Hussein en1991 et en attendant le tour de Mouammar Kadhafi, de se débarrasser du président de la République Arabe Syrienne l’un des rares dirigeants arabes dont la voix, rappelant les droits des Palestiniens, n’avait jamais faibli. Dans le 1er épisode, Tony Blair à l’occasion d’une visite en Syrie le 10 octobre 2001, un mois après les évènements tragiques du 11 septembre fait une déclaration avec Bachar al-Assad devant la presse :
« Il est important que nous soyons tous unis pour condamner les actes du 11 septembre 2001 et lutter contre le terrorisme ».
Bachar lui répondra :
« Nous sommes contre la guerre, toutes les guerres ont un effet néfaste sur la société. Pour nous le terrorisme ne peut être vaincu par la guerre. Vous considérez le Moyen Orient comme le berceau du terrorisme et ce n’est pas juste. Notre point de vue en tant qu’Arabes est qu’Israël est un État terroriste et notre point de vue ne changera pas ».
Tony Blair accuse le coup, pourtant Bachar ne fait que reprendre une déclaration de Simone Weil : « Le terrorisme d’État est pire, infiniment pire, que le terrorisme d’individus irresponsables. » Cette déclaration de Bachar signera le début de ses ennuis.
Le terrorisme d’État américain ou israélien est bien documenté, qu’il soit dû au Mossad, aux drones ou aux assassinats ciblés. D’ailleurs le président Biden poursuivra, dès le début de son mandat, cette triste tradition. Il a ordonné une frappe militaire à la frontière Irako-syrienne, le 25 février 2021, qui a tué au moins vingt-deux personnes. Quant au gouvernement israélien, le TOI (Times of Israël) du 17 mars 2021 titre : « Israël cible des dépôts de munitions de milices iraniennes près de Damas ». Depuis le déclenchement en 2011 de la guerre civile en Syrie, Netanyahu s’est souvent vanté dans la presse, défiant le droit international, de centaines de frappes menées contre des positions du pouvoir syrien et de ses alliés. Le chef d’état-major de l’armée israélienne déclarera avoir frappé plus de 500 cibles en 2020. Tout cela correspond à des milliers de morts qui sont rarement mentionnés dans les médias occidentaux. La morale de la fable de La Fontaine « Les animaux malades de la peste », pourrait aujourd’hui s’écrire : « Selon que vous serez puissants ou misérables, vous aurez droit à des cérémonies, films, livres, nom de rue ou de places fleuries ou l’indifférence et le silence ».
Bassma Kodmani, franco-syrienne, n’aime pas la dynastie el-Assad. Elle a ses raisons, mais il faut rappeler que le mouvement des Frères musulmans avait, dans les années 70, commis de nombreux attentats qui se solderont par des centaines de morts et qui culmineront par les massacres de l’École d’artillerie d’Alep, le 16 juin 1979, où près de 80 cadets seront tués. Si la Russie, alliée traditionnelle de l’Irak, était, à la suite de l’effondrement du régime bolchevique, dans l’incapacité de défendre Saddam dans les années 90, ce n’est plus le cas aujourd’hui pour la Syrie. Frédéric Encel est proche des néoconservateurs et il était favorable en 2013 à un bombardement de la Syrie. Georges Malbrunot, plus neutre, déclarera que « ce n’est pas Assad qui est allé chercher des islamistes à Lunel », tout comme Agnès Levallois qui rappellera : « Israël bombarde régulièrement les infrastructures iraniennes en Syrie ».
Rappelons quelques événements, absents dans cette émission. Ils concernent les premières manipulations qui suivront l’utilisation de gaz fin août 2013, attribuée sans preuve, à Bachar. Comme on ne peut pas recommencer une affaire de bébés jetés hors des incubateurs, dès l’annonce de l’utilisation de gaz sarin par le régime de Bachar al-Assad, la carte de l’émotion sera jouée pour toucher une classe politique américaine très sensible au bien être israélien. Le bombardement de la Syrie semble alors imminent.
Dans un article de l’INYT (International New York Times), 28 août 2013, Jodi Rudoren avec la collaboration d’Isabel Kershner et Jonathan Rosen écrivent : « Les autorités israéliennes ont distribuées des masques à gaz, dès mercredi, alors que l’on s’attend de plus en plus à une attaque américaine en Syrie et aux menaces de représailles contre Israël »… « Le massacre au gaz rend impossible à quiconque de rester indifférent »… « Chaque Juif doit à jamais considérer qu’il a fait la queue devant les chambres à gaz »… L’une des trois grands-mères partageant des sandwichs au centre commercial, a déclaré (en parlant des Syriens, rejoignant ainsi la déclaration de Kissinger) : « Ce ne sont pas nos frères. Plus il y en a qui sont tués, mieux c’est »… « Quand les Israéliens vont dans les abris, alors l’esprit d’Israël se relève, nous sommes tous unis et nous avons cette formidable solidarité en tant que peuple persécuté », a déclaré Hannah Naveh, professeur de littérature et d’études de genre à l’Université de Tel Aviv.
Dans le même journal, NYT, du 29 août 2013, Roger Cohen annonce : « Une attaque limitée qui déstabilise Assad, endommage ses moyens militaires, compromet sa force aérienne et réduit la capacité de la Russie et de l’Iran à faire entrer des armes peut, dans le meilleur des cas, amener Assad à la table des négociations ou accélérer son départ…les gazages du clan Assad ne peuvent rester sans réponse. »
En France, pendant ce temps, François Hollande trépigne d’impatience. Nous sommes fin août 2013, c’est le branle-bas de combat à l’Élysée. Le Président s’affiche en chef de guerre après l’attaque au gaz sarin qui a fait 1 500 morts dans la banlieue de Damas. Là-dessus, coup de tonnerre : les parlementaires britanniques ont voté contre les frappes, David Cameron se retire. Que va faire le président américain ? Quand celui-ci appelle son homologue français le 31 août, à quelques heures des frappes, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, est persuadé que c’est pour donner son feu vert, voire accélérer les frappes. Mais c’est pour prévenir les Français que les Américains ne participeront pas aux bombardements. D’où la stupéfaction en France quand les Rafale font demi-tour.
Aux USA tous n’ont pas perdu l’espoir d’un bombardement. Toujours dans le NYT, du 9 septembre 2013, Jodi Rudoren et Isabel Kershner font monter la pression : « L’AIPAC (American Israël Public Affairs Committee), le puissant lobby pro-israélien à Washington, prévoit d’envoyer 300 de ses membres au Capitole mardi dans le cadre d’une vaste campagne visant à faire pression sur le Congrès pour qu’il soutienne la proposition de frappe du président Obama sur la Syrie, a déclaré le groupe… Le gouvernement de M. Netanyahu soutient fermement une frappe américaine pour punir le président syrien Bachar al-Assad pour son utilisation apparente d’armes chimiques, et comme avertissement à ses patrons iraniens… Une publication sur Facebook par Michael B. Oren, l’ambassadeur d’Israël à Washington, approuvant l’argument du président Obama en faveur d’une attaque contre la Syrie, est le feu vert à l’AIPAC pour entrer en action… M. Obama et son secrétaire d’État ont à plusieurs reprises invoqué Israël dans leurs arguments en faveur d’une attaque. La Maison Blanche a tendu la main à l’AIPAC, ainsi qu’à l’ADL (Anti-Defamation League)… »
La tuile : quelques problèmes ne tarderont pas à apparaître dans cette orchestration médiatique. Richard Hall publiera toujours dans le NYT, le 12 Septembre 2013 : « Mme O’Bagy, une chercheuse dont les travaux ont été cités par le secrétaire d’État, John Kerry, et le sénateur John McCain dans leurs tentatives de persuader le Congrès d’engager une action militaire en Syrie a été licenciée pour avoir menti sur ses titres universitaires… Elle a rédigé une colonne d’opinion pour le Wall Street Journal afin de susciter un soutien à l’intervention… Des questions ont commencé à se poser sur les liens de Mme O’Bagy avec un groupe de pression lié à l’opposition syrienne… Elle a été rapidement licenciée de l’Institut, qui a déclaré dans un communiqué : « Contrairement à ce qu’elle prétend, Mme Elizabeth O’Bagy n’est pas titulaire d’un doctorat de l’université de Georgetown ».
Il faudra attendre les travaux, publiés en décembre 2013, du journaliste d’investigation américain Seymour Hersh pour le coup de grâce. Il accusera Washington d’avoir manipulé les informations pour mieux accuser Damas dans l’attaque chimique du 21 août.
Une question se pose. Comment, après l’affaire des bébés koweïtiens, les armes de destruction massive de Saddam Hussein etc. croire de tels bobards, alors qu’une simple réflexion personnelle devait permettre de voir le mensonge ? Récapitulons : Bachar al-Assad possède des armes chimiques mais Obama, Blair et Hollande ont mis une ligne jaune à l’utilisation de cette arme par le régime syrien. Bachar a ainsi été prévenu d’une intervention armée des USA par L’OTAN s’il utilise de telles armes. Il connaît le sort de Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi, de leurs familles et le chaos existant dans leurs pays. Connaissant tout cela il gazerait son « propre peuple », des civils et des enfants ! ?? alors qu’il a accepté de se débarrasser de tout son armement chimique. Un tel scénario ne serait même pas crédible pour des nuls. La question qui se pose alors est pourquoi, sans véritable preuve, c’est Bachar qui a utilisé ces armes, alors que c’est uniquement l’intérêt de son opposition. La seule explication est le bourrage des cranes par des médias qui contrôlent les opinions occidentales.
Il y a enfin des déclarations connues du général quatre étoiles Weysley Kanne Clark, ancien commandant du grand quartier général des puissances alliées en Europe de l’OTAN qui annonçait au début des années 2000 que le Pentagone avait pris la décision de renverser les régimes de l’Irak, Libye, Syrie… pour le seul profit de la vision impérialiste des USA et d’Israël. L’ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, Roland Dumas, disait la même chose en parlant de ses contacts avec des responsables politiques anglais qui lui demandaient si la France participerait à une intervention en Syrie contre Bachar, ceci bien avant le début de la guerre civile.
– iii) Le mardi 30 mars 2021, Arte – Thema (BBC-2018) propose un documentaire de près de 5 heures, en 5 épisodes : « Il était une fois en Irak : La guerre, l’insurrection, les conséquences, l’Irak entre Daesh et milices chiites et Iran-Irak, la guerre par l’image ».
La manipulation est ici élaborée, mais malheureusement pour les concepteurs de la BBC, nous sommes en 2021 et on peut espérer que la plupart des téléspectateurs connaissent les mensonges et les opérations de « Psy-Ops » de l’axe USA-Israël, Bush père et fils-Néoconservateurs. Parler de l’Irak sans jamais rappeler que l’opinion publique a subi l’intox des centaines de bébés prématurés koweïtiens « jetés au sol comme du bois à brûler » (Bush père dixit) et celle des armes de destructions massives chimiques, biologiques et nucléaires (Bush fils dixit). Tout cela ne fait plus très sérieux. C’est pourtant ce que fera Arte.
Nous sommes au début du premier épisode, Bush déclare « Mission accomplie, le dictateur le plus cruel du XXe siècle vient d’être renversé (le plus cruel dictateur ici n’est plus Staline, Hitler, Mao, Pol Pot…)… Il était nécessaire de chasser Saddam Hussein du pouvoir, pour sauver de l’horreur des millions de personne ». Puis Blair ajoute : « Il n’y a eu ni mensonge, ni conspiration, ni tromperie… Je pense sincèrement que le monde est plus sûr ».
Oubliés aussi les 500 000 enfants morts par suite de l’embargo US, dont Madeleine Albright justifiait en 1996 le sort fatal. De telles déclarations de Bush et Blair, ont pour objectif de les présenter comme des gens sincères, victimes d’erreurs de leurs services de renseignements. Dans une autre émission, tout-aussi ahurissante, on parlait d’une scène où George W. Bush assistait à la libération de Bassora en présence du secrétaire d’État Colin Powell. Des pillards cambriolaient des bureaux administratifs et Bush demandait alors à Powell: “Pourquoi n’applaudissent-ils pas ?” Bush, un rêveur naïf ? J’ai des difficultés à le croire.
Il n’y a sur Arte aucune allusion, à l’inverse du docu de France 5 (voir plus loin), aux mensonges des néoconservateurs. Différents intervenant irakiens déclarent :
« Le régime dictatorial de Saddam Hussein est en place depuis 24 ans. Mais Bagdad est une des villes les plus tolérantes et cosmopolite du Moyen-Orient ». « A l’époque de Saddam on était libre d’aller où on voulait, sans craindre qu’une voiture explose ou sans avoir peur de tel groupe fanatique. Voilà ce que Saddam avait apporté à l’Irak : la sécurité, la sûreté ».
On rappelle aussi que de nombreux irakiens sont sincèrement attachés à leur Président. Ce sont des évidences difficiles à cacher.
On peut même ajouter que c’est une majorité qui était attaché à Saddam. Il n’avait guère plus de pouvoir comme dictateur que les rois qui ont fait les pays occidentaux. Les massacres des Amérindiens, de la guerre de Sécession ou de l’esclavage aux USA, ainsi que ceux des activités coloniales de la Grande Bretagne, pour ne parler que des pays qui ont organisé cette guerre en 2003, sont sans comparaison avec ceux attribués au dictateur irakien. Des vidéos montrant une foule irakienne dansant et montrant sa joie après l’explosion d’un véhicule américain ne laisse aucun doute sur le ressentiment qu’éprouvait une majorité d’Irakiens envers des envahisseurs, présentés par les médias comme des libérateurs.
Le passage concernant l’élite de l’armée des USA : les marines, est intéressant. L’un d’entre eux déclare : « On est programmé pour tuer de façon méthodique. Ça ne me posait pas de problème de tuer ». Il explique ensuite qu’ils avaient placé des pancartes en arabe : « La route est barrée, faites demi-tour », mais ils n’avaient pas imaginé qu’ils ne sachent pas lire. « Alors quand on a vu la voiture qui arrivait, on les a tous tué, le père la mère et les enfants. Je suis triste pour eux mais c’est notre métier ». Des intervenants présentent souvent ici les résistants irakiens comme des insurgés et non pas comme des terroristes comme cela est fait régulièrement pour les résistants palestiniens. « Il n’y a pas d’eau, pas d’électricité, Bagdad est une grande poubelle à ciel ouvert, sous Saddam Bagdad était propre », résumant ainsi l’état du pays
Le documentaire d’Arte ira ensuite jusqu’à présenter le déboulonnage de la statue de Saddam comme une expression de libération populaire alors que cette démolition de la statue, traînée sur la place Al-Ferdaous a été montée de toutes pièces. Le 9 avril 2003, à l’arrivée des Américains à Bagdad, tous les accès à la place sont fermés, surveillés par des chars Abrams. Quelques dizaines de personnes sont présentes. La plupart sont des journalistes, l’hôtel Palestine où ils sont tous rassemblés est sur la place, les autres sont des gens amenés dans les bagages d’Ahmed Chalabi une créature du Pentagone. La BBC rapportera que seules quelques « douzaines » d’Irakiens avaient pris part aux événements. Il est clair que les photos d’un homme qui célébrait la « libération » de Bagdad était un de ceux qui accompagnaient Chalabi à son arrivée à Nasiriya trois jours plus tôt. Pour les USA, Chalabi est l’homme sur lequel il convient de miser pour chasser Saddam Hussein, il leur fournira tout un catalogue de fausses informations sur les armes de destruction massive de Saddam. Le NYT, un journal qui a soutenu jusqu’à la limite de la décence l’élection des deux Bush et les invasions en Irak, rapportera plus tard que si Chalabi (un ami des stratèges du conflit, les néocons Richard N. Perle et Paul D. Wolfowitz), n’avait pas existé les Américains auraient trouvé quelqu’un d’autre. La quasi-totalité des journalistes écrivant des articles sur la deuxième guerre du Golfe en 2003 dans le NYT, près d’une quarantaine, soutenaient avec quelques nuances cette guerre. Seul William Pfaff avait une position claire, très critique sur ce sujet.
Dans le deuxième épisode il y a une situation qui est assez surréaliste, Dexter Filkins journaliste au IHT et le photographe Ashley Gilbertson désirent aller, accompagnés de marines, dans le minaret d’une mosquée qui vient d’être bombardé par un char et où un résistant a probablement été tué. Gilbertson explique que la photo d’un insurgé mort dans un minaret aurait montré clairement que ces lieux étaient bafoués (de tirer un obus sur un minaret c’était OK) et n’étaient plus protégés par la Convention de Genève. On peut comprendre ce désir d’un photographe de guerre mais invoquer la Convention de Genève dans les circonstances où les politiques US et Anglais ont entrepris cette invasion c’est tout de même pervers.
Dans les quatrièmes et cinquièmes épisodes, on parle beaucoup des influences étrangères en Irak, mais ce ne sont que les influences des milices Chiites et du Kata’ib Hezbollah. Les activités destructrices des USA et de la Grande Bretagne sont oubliées. En lisant la presse israélienne qui depuis vingt ans parle de façon menaçante du danger iranien, on peut imaginer qu’après l’Irak, la Syrie et la Libye, c’est maintenant l’Iran qui se trouve dans le viseur. Tout cela cadre parfaitement avec les entreprises actuelles de déstabilisation, diabolisation médiatique et sanctions occidentales contre la Russie mais aussi la Chine qui vient de signer un contrat économique de 25 ans avec l’Iran.
Après la destruction de l’Irak et de la Libye, les documentaires de LCP sur la Syrie et de Arte sur l’Irak et l’Iran confortent la stratégie occidentale qui, depuis cinquante ans vise à sanctuariser Israël et à ostraciser les pays soutenant la Palestine, dont l’Iran. L’objectif est de consacrer la mise sous tutelle, en cours aujourd’hui, du monde arabe à l’hégémonie israélo-américaine. Ce qui se passe en Syrie et en Iran décidera de l’avenir du monde arabe et du sort de la Palestine dans ce XXIe siècle.
Je ne parlerai plus dans la suite de la Syrie. J’apporterai des précisions concernant l’histoire et le sort de l’Irak mais aussi, par de nombreux exemples, de l’extraordinaire double langage qui s’applique dans les médias suivant le pays concerné, cette parabole « de la paille et de la poutre » du Christ dans son sermon sur la montagne. Je me référerai souvent à la presse israélienne où règne une liberté de parole introuvable dans la presse occidentale. Précisons toutefois que si la parole y est libre ce n’est pas le cas de la vérité, Jérusalem n’est pas Athènes. La plupart des références concerneront des évènements récents. Ajoutons que quelle que soit la période de quelques mois que vous pourriez choisir pour étudier les mécanismes de la présentation des relations internationales depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, vous aboutiriez au même résultat : le règne de l’hypocrisie, du scepticisme et du relativisme qu’avait combattus l’école socratique il y a 24 siècles et par corollaire le retour en force de la sophistique.
Le cas Donald Trump
Donald Trump sera élu Président des États-Unis en 2016, grâce au support massif des évangélistes américains, à son opposition à l’immigration clandestine et à son importante fortune personnelle acquise dans l’immobilier. Il ne correspond pas au candidat typique de l’establishment Républicain-Démocrate.
- – (i) Il devra faire face à une campagne féroce de dénigrement et d’accusations diverses venant des milieux progressistes et libéraux de l’État Profond appelé « Deep State », chose surprenante connaissant son attachement sans faille à la politique colonialiste israélienne. C’est là le premier mystère entourant ce candidat hors normes.
- – (ii) Il pratiquera une politique nationaliste faiblement impérialiste, refusant toute nouvelle intervention armée d’envergure contre la Syrie ou l’Iran ; second mystère.
- – (iii) À l’inverse de ses prédécesseurs, les assassinats ciblés seront réduits à celui particulièrement ignoble, le 3 janvier 2020, d’un général iranien, Quassem Soleimani, aimé de son peuple ; troisième mystère.
Il apparaîtra ainsi, auprès d’une partie de la population US comme totalement imprévisible, hors des clous de la politique impérialiste US habituelle. Il a ainsi probablement libéré la parole d’une classe moyenne, qui lui vouera une sorte de culte. Ceci se traduira par un gain de plus de 8 millions de nouveaux électeurs à l’élection US de novembre 2020, puis en février 2021 toujours plus de 82 % d’opinions favorables dans son électorat. Cela ne sera pas suffisant. Après quatre années de critiques ininterrompues dans les médias US et occidentaux, surfant sur les nouveaux concepts vides de « fake-news » ou de « complotisme », qui ne font qu’amplifier une rhétorique sophistique fonctionnant déjà à plein régime, son adversaire Joe Biden l’emportera.
Les médias fonctionnent selon un schéma simple mais très performant : « Vacarme par Répétitions des informations confortant leur vision du monde à venir et Silence sur celles qui les dérangent ». La présidence d’un Trump plus nationaliste qu’impérialiste, son coup de pied dans la termitière cosmopolite, progressiste et ultra-libérale, dérange ce consensus artificiel. Il y a ainsi, depuis quelques années, quelques discours ou documentaires télé plus véridiques qui dénoncent les mensonges et manipulations médiatiques des Bush, Clinton et Obama dans les guerres menées au Moyen-Orient ou en Serbie.
À suivre…
Excellent résumé d’évènements dont les conséquences n’ont pas fini de déstabiliser l’ EUROPE par ses contrecoups moyens orientaux !!
Et que de mensonges, que de moyens minables pour tromper l’opinion…
L’EVEILLEUR