Suite de la première partie de l’article de Jean Claude MANIFACIER, Les sophistes, marionnettistes de l’Occident : État Profond et Médias, Des guerres du Golfe à Donald Trump : Illustrations sur le thème de la Paille et de la Poutre.
Un exemple inattendu : Quatre heures d’un réquisitoire radical contre la destruction de l’Irak
Le soir du 31 janvier 2021, sur la chaîne TV France 5, il y avait un long documentaire en quatre épisodes : « Irak : destruction d’une Nation ». Écrit et réalisé par J.P. Canet, France Télévisions, Tohubohu-Slug News-Diffusion 2021. « Des premiers jours de la guerre Iran-Irak, en 1980, à la défaite de Daech en 2017, où pour la première fois une série documentaire raconte les quarante ans de conflits qui ont conduit l’Irak au chaos. Une histoire irakienne autant qu’américaine et française ». Elle était aussi anglaise, israélienne etc. mais il faudra probablement attendre un peu plus longtemps encore pour en parler.
Il y a trente ans, pendant la période précédant la première guerre du Golfe, les journaux télévisés et les documentaires présenteront Saddam Hussein comme un dictateur sanguinaire, un nouvel Hitler, puis les interventions occidentales qui suivront comme des opérations visant à exporter la démocratie qui avaient fâcheusement mal tourné. Depuis quelques années, on rappelle enfin quelques horreurs et mensonges concernant ces opérations de brigandage international. Mais ce dimanche soir il y avait quelque chose de nouveau. Des documents déclassifiés rappelaient des faits peu connus du grand public et on donnait enfin, ce qui est très rare, la parole à des gens simples, à ceux qui avaient souffert de ces bombardements et invasions. Pour les destructions, sous direction occidentale, j’ai rarement vu de micros tendus à des habitants anonymes, qu’ils soient irakiens, afghans, serbes, libyens ou palestiniens etc.
Dès le début du documentaire, un commerçant de Mossoul s’exprime parlant de la vie avant 1990 :
« L’État prenait en charge la scolarité des enfants, habits et fournitures. Les instituteurs faisaient de leur mieux pour instruire les élèves… Tout allait bien. Aujourd’hui les mariages avec leurs cohortes de cris de joie et de chants ont disparu… Les gens étaient simples, pas de rancœur ni d’hypocrisie. Entre voisins, chrétiens ou musulmans on se rendait visite. On cohabitait comme des frères. »
La même personne terminera cette longue émission de quatre heures :
« J’aurais aimé que Saddam Hussein revienne, ou au moins qu’on puisse avoir quelqu’un comme lui…avant, à Mossoul, on cohabitait tous comme des frères. »
Au lieu de n’avoir que l’opinion habituelle des envahisseurs, serviteurs ou collaborateurs, on avait la parole d’un homme du peuple représentant la pensée de la grande majorité des Irakiens. Ce simple événement était en soi tout à fait extraordinaire. Et je peux témoigner, pour avoir été en Irak, que la majorité des Irakiens, pense de même.
Enseignant à l’Université des Sciences et Techniques de Montpellier, j’ai eu l’occasion d’encadrer de nombreuses thèses de recherche d’étudiants provenant du pourtour méditerranéen et Moyen-Orient. Suite aux accords commerciaux et culturels franco-irakiens à la fin des années 1970, certains sont venus à Montpellier et j’ai participé à la thèse de 3ème cycle d’un étudiant venant de Bagdad en 1977-78. En 1996, avec une cinquantaine de personnes, nous avons passé deux semaines en Irak, pays alors sous embargo. J’ai vu l’état des hôpitaux à Bagdad, les blessés allongés dans des couloirs. Les brancards circulaient dans les escaliers car faute d’électricité les ascenseurs étaient en panne. L’image la plus marquante fût notre rencontre à l’université des Lettres avec des étudiants du département de français. Essayant de retrouver l’étudiant qui était venu à Montpellier en 1977, le délabrement du pays était tel qu’une jeune fille me répondit à sa façon : « Monsieur le professeur, tout le monde en Irak connaît une famille qui a perdu quelqu’un dans cette invasion américaine ».
Cette année fut aussi pour moi, le début de treize années de stages, soit plusieurs mois de recherche chaque année aux USA jusqu’en 1990, où la propagande médiatique contre l’Irak qui battait son plein dissipait mes dernières illusions. J’étais abonné depuis le début des années 70 à l’International Herald Tribune (IHT), version internationale du New York Times (INYT), un journal disponible partout dans le monde dans sa version papier avec plus de sept millions d’abonnés. Internet et les abonnements numériques viendront plus tard. A l’occasion de la diabolisation du régime irakien en 1990 et des guerres qui ont suivi, j’ai pu réaliser combien ce soi-disant « prestigieux » journal était biaisé dans sa présentation des évènements au Moyen Orient.
Irak, conditionnements des populations occidentales en 1990
Nous sommes au début de l’année 1990, les chaînes d’informations françaises reprendront pendant plusieurs mois les titres des articles US : La fusée irakienne de 50 tonnes, les détonateurs nucléaires saisis en Angleterre, les missiles irakiens qui peuvent atteindre Israël, un pays déjà puissance nucléaire, puis les armes chimiques qui peuvent détruire la moitié d’Israël, l’amalgame sans cesse repris par certains journalistes : Saddam=Hitler, jusqu’à la grotesque affaire du canon arabe long de 52 mètres (la version irakienne de la Grosse Bertha allemande durant la Première Guerre mondiale), tout cela occupera la une des journaux jusqu’en ce mois de juin 1990. Cette manipulation médiatique a été massive. Il devenait facile de comprendre que des forces occultes préparaient une intervention dans ce pays.
Saddam Hussein avait été invité en France par Jacques Chirac en 1975. Ils avaient visité le site de Cadarache et un réacteur nucléaire civil avait alors été vendu à l’Irak. Il y a beaucoup de choses à dire sur le montage précédant la 1ère guerre du Golfe, rien n’a été rapporté de cette préparation de l’opinion dans l’émission TV déjà longue de France 5, pas plus que l’assassinat du savant responsable du nucléaire irakien, al-Meshad par le Mossad, à l’hôtel Méridien à Paris dans la nuit du 12 au 13 juin 1980. Une call girl soupçonnée d’avoir eu un lien avec sa mort sera écrasée Boulevard Saint Michel à Paris, quelques semaines plus tard, le jour même où elle devait témoigner. Aucune enquête ne sera diligentée, suivant ainsi l’avis du ministre des Affaires étrangères de l’époque Jean François-Poncet.
La description de l’Irak de Saddam Hussein, pays d’existence récente, multi-ethnique et multi-confessionnel, une Nation en formation, était tellement excessive qu’en 1990, je publiais un article : « La guerre du Golfe : un montage » dans le journal « Identité, revue d’études nationales, N°16 ». Cet article reprenait la présentation des évènements tels que publiés dans l’IHT, il montrait l’intox soigneusement distillée, invisible à un lecteur occasionnel du NYT, préparant psychiquement l’opinion occidentale à une guerre concoctée dans les milieux néoconservateurs états-uniens. Pour ce qui concerne l’assassinat du scientifique irakien d’origine égyptienne on peut voir la vidéo donnant des extraits de l’émission Droit d’inventaire, diffusée sur France 3, le 23 novembre 2014, « Quand le Mossad frappe en France ». Il y a aussi l’excellent livre, très détaillé, d’un ancien agent du Mossad : Victor Ostrovsky et Claire Hoy, « Mossad – Un agent des services secrets israéliens parle » (Presses de la cité). Il est à ce jour encore téléchargeable sur internet.
Le récent et volumineux livre du journaliste israélien Ronan Bergman : « Lève-toi et tue le premier – Les secrets du Mossad à livre ouvert », a été présenté le 26 novembre 2019 par le journaliste Laurent Delahousse sur France 5 dans un documentaire hagiographique. Le livre de Victor Ostrovsky, qui est sans concession, est très supérieur par sa sincérité. Le livre de Bergman ne comporte d’ailleurs, dans sa version anglaise, qu’une courte référence à Ostrovsky, dans une note en bas de page. Je reviendrai plus loin sur ces évènements, en donnant quelques détails importants supplémentaires.
Cette première guerre du Golfe de janvier 1991, qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de civils, était pour la premières fois présentée à la télévision dans un spectacle en direct. Un responsable US déclarera : « La couverture médiatique a été remarquable ». Certains regardaient, confortablement assis dans leurs fauteuils les missiles partir, pendant que d’autres les voyaient arriver sur leurs maisons. Un aviateur qui venait de larguer quelques bombes ne déclarait-il pas, en ce mois de janvier 1991, que la nuit Bagdad ressemblait à un immense sapin de Noël…
Donald Trump : Son comportement atypique libère la parole et enrage Médias et État-Profond.
Il existe aux États-Unis, dans la coulisse politique, un pouvoir parallèle appelé l’État profond. Il est constitué de groupes de pressions politiques et médiatiques qui entourent, volens nolens, tous les Présidents US depuis la Première Guerre mondiale. Dès 2015, lorsque Trump a publiquement envisagé sa candidature à la présidence des USA, il sera ridiculisé, voire méprisé par un grand nombre de ces organismes influents. La quasi-totalité des grands journaux US, y compris et pour la première fois le journal plus neutre USA Today, de distribution mondiale comme l’INYT, soutiendront la candidature d’Hillary Clinton.
Rappelons qui est Hillary Clinton, la candidate préférée des grands médias US. Nous sommes au moment d’une séance de maquillage. Venant d’apprendre l’assassinat dans des conditions atroces de M. Kadhafi sodomisé par baïonnette, parodiant alors Jules César elle s’écrira rayonnante : « Veni, Vidi, Vici. Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort » et elle éclatera de rire. Comportement très significatif, proche de la psychopathie, ou aujourd’hui perversion narcissique, que ses supporters dans les gros médias ont simplement qualifié de gaffe !
Madeleine Albright, tout comme Hillary Clinton pour l’assassinat de Kadhafi, avait dans une prestation odieuse assumé la mort de 500 000 enfants irakiens. Après la 1ère guerre du Golfe, il y aura un embargo US drastique en Irak touchant même les médicaments. Le 12 mai 1996, Leslie Stahl journaliste de la chaîne CBS recevait Madeleine Albright qui était alors l’Ambassadrice des USA à l’ONU. Elle lui posa la question suivante concernant l’embargo en Irak :
« Nous avons appris que 500.000 enfants irakiens sont morts, plus que les morts d’Hiroshima. Est-ce que vous croyez que cela en vaut la peine ? »
A la surprise de la journaliste, elle répondit :
« Je pense que c’est un choix très difficile, mais nous pensons que le prix en vaut la peine. C’est une question d’ordre moral (sic) qui en pose une plus importante encore. N’est-ce pas notre devoir envers le peuple et les militaires américains ainsi que les pays de la région, que cet homme cesse d’être une menace. »
Le « prestigieux » New York Times, journal de sensibilité pro-israélienne dont le tirage en version anglaise, espagnole et chinoise, format papier ou numérique, dépasse les millions d’exemplaires à travers le monde. Il est influent dans ce milieu politico-médiatique qui fait l’opinion aux USA et en Occident.
J’insiste sur ce point : Il est très rare de trouver dans le NYT, dans son alter ego le journal néoconservateur Washington Post (WP), (mais également dans les journaux anglais ou français comme l’Independent, le Guardian, Le Monde, Libération…), un article favorable à Donald Trump (au Donald comme le nommaient souvent les journaux US). Pour un président élu avec près de 50 % des suffrages c’est quand même une sorte de record dans les bastions US et européens du pluralisme et de la « Démocratie ».
La quasi-totalité de ces journalistes sont mondialistes et compagnons de l’impérialisme US (Ils ont très rarement critiqué sur le fond les guerres en Irak, Libye, Serbie, Syrie, Afghanistan…). Très silencieux sur l’ethno-nationalisme israélien ils sont par contre viscéralement opposés au nationalisme et donc à Trump sur ce point. On en arrive parfois à se demander, à la lecture de leurs articles, s’ils sont conscients de ce paradoxe. Il existe aussi de très nombreux journaux israéliens ou juifs de langue française ou anglaise. Haaretz étant un des rares ayant une vision objective du problème palestinien. D’autres ne s’intéressent qu’aux problèmes touchant la communauté juive mais avec une grande liberté de ton et de langage, chose impensable en France. La lecture de cette presse internationale nous en apprend autant sur les journalistes que sur les lecteurs.
Nous sommes en 2017, Trump commence son mandat. On pourrait remplir des pages rassemblant les titres des articles de cette grosse presse : « Donald Trump est l’homme le plus dangereux du monde, déclarent des autorités du monde universitaire et psychiatrique », « Des milliers de psychiatres et psychologues signent une lettre ouverte déclarant Trump inapte à exercer sa fonction », avec certains titres dignes de la Télé Réalité : « Mariée depuis 22 ans elle demande le divorce parce qu’elle apprend que son mari a voté pour Donald Trump ». La grosse presse européenne suivra fidèlement, l’hebdomadaire L’Express titrant en page de couverture : « Trump est dingue, mais l’Amérique le soigne…» ou les Inrockuptibles présentant en première page un Trump travesti en Hitler : « La fureur de Trump, comment un dingue va bousiller l’Amérique ». Il n’y aura bien sûr aucun changement pendant les trois années suivantes. Depuis la fin de son mandat les analogies Trump-Fascisme-Hitler sont plus fréquentes. Le WP titrera des articles : « Les derniers jours de Trump et l’écho d’une analogie spécifique à Hitler », ou : « Le trumpisme est un fascisme américain »…
Quatre ans plus tard, battu aux élections où des conditions de vote par correspondance (vote toujours interdit en France à ce jour) étaient discutables, les attaques ad-hominem se poursuivent dans les titres : « Trump a toujours été un loup, dans l’habit d’un loup », « Le mettre en accusation et le condamner. Tout de suite. », « Trump est responsable de l’attaque du Capitole », « Pourquoi Trump doit être disqualifié de toute fonction publique », « En choisissant d’acquitter Trump, les républicains se condamneront eux-même », « Adam Kinzinger, un républicain, mes amis républicains il est nécessaire de condamner Trump pour sauver l’Amérique ». Le 10 février 2021 : « Pourquoi les républicains devraient condamner Donald Trump », dans le WP et « Il s’agit maintenant de nuire, voire d’empêcher sa candidature en 2024 », dans le NYT.
On peut, dans ce contexte, facilement imaginer quels auraient été les titres si la seule personne abattue le 6 janvier 2021 avait été un partisan de Joe Biden plutôt qu’une admiratrice de Donald Trump ! Dans le procès en cours pour destituer Donald Trump, les techniques de l’intelligence artificielle seront utilisées, pour reconnaître à partir de vidéos et ainsi poursuivre des participants à ces manifestations. Par exemple, le NYT titrera : « Un fils a renseigné le FBI sur son père, qui est accusé d’avoir participé à une émeute au Capitole ». On se croirait revenu à l’époque du bolchevisme triomphant en URSS où les enfants étaient félicités s’ils dénonçaient leurs parents.
Les néocons républicains John Bolton, ancien conseiller à la sécurité de Trump et Liz Cheney, élue Représentante et dont le documentaire de France 5 sur l’Irak, donnent un portrait peu flatteur de son père, le Vice-Président Dick Cheney de Bush junior, vont trahir le camp républicain en votant avec les Démocrates pour demander la destitution de Trump. (Liz Cheney écrira « qu’il n’y a jamais eu plus grande trahison par un président des États-Unis de ses fonctions et de son serment envers la Constitution » que lorsque Donald Trump a incité ses partisans à marcher sur le Capitole).
L’évolution de la presse écrite aux États-Unis
À notre époque de l’image, télévision et réseaux sociaux, les journaux ont perdu de leur influence. Mais les écrits restent. Les journaux d’opinions conservent un impact mesurable sur l’opinion et servent toujours de référence.
Rappelons d’abord une chose peu connue et soigneusement dissimulée. Des lignes éditoriales de grands journaux US ont été achetées il y a plus de cent ans, il s’agissait à l’époque de rendre l’opinion publique américaine favorable à une participation à la Première Guerre mondiale. L’empire financier JP Morgan a acheté, en 1915, 25 parmi les plus importants quotidiens américains et a placé ses propres éditeurs dans le but de contrôler la presse écrite. Ce « contrat » qui est toujours d’actualité, a pour but de supprimer des colonnes éditoriales tout ce qui n’est pas conforme aux intérêts dont ils sont les serviteurs.
La lecture de cette presse écrite montre que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les informations utiles et donc claironnées doivent obéir à trois impératifs catégoriques, trois cases à cocher obligatoirement pour tout candidat à un poste politique d’importance.
1- Soutien à la politique colonialiste israélienne !
Trump satisfera pleinement à ce critère. Il transférera, contre toutes les règles internationales et morales, l’ambassade US à Jérusalem et ne critiquera jamais la croissance exponentielle des colonies de peuplement en Cisjordanie. Il ne subira donc sur ce point aucune critique venant du « Deep State », tout au plus parfois un étonnement feint du NYT ou du WP. La rupture par Donald Trump des accords sur le nucléaire signés en 2015 entre l’Iran et la communauté internationale satisfera les exigences de Netanyahu et l’assassinat par les USA du général iranien Quassem Soleimani, une véritable activité de terrorisme d’État, sera salué dans la presse israélienne. Israël est un pays spécialiste des assassinats ciblés, plus particulièrement des savants et scientifiques comme, Mohsen Fakhrizadeh, le dernier physicien iranien assassiné le 27 novembre 2020. Le Jewish Chronicle, donne quelques détails communiqués par le Mossad, concernant la remarquable organisation de ce meurtre, pendant que la communauté internationale regardait, comme toujours sur de tels sujets, dans une autre direction.
La philosophe platonicienne Simone Weil, morte à Londres en 1943, disait : « Un meurtre commis par un gouvernement…est cent fois pire, ou plutôt infiniment pire, que cent meurtres commis par des individus irresponsables ». Ce propos est rapporté dans « La Vie de Simone Weil » écrit par sa condisciple de l’ENS, Simone Pétrement, Fayard-1973, p.662.
D’autres, comme Jeremy Corbyn, moins respectueux de cet impératif subiront une violente campagne médiatique pour antisémitisme. La déchéance de ce travailliste anglais, qui défendait la cause palestinienne s’en suivra.
À la campagne présidentielle US en 2020, Joe Biden sera de même favorisé par les médias, plutôt que le candidat démocrate juif, Benny Sanders, qui critiquait la politique anti-palestinienne d’Israël. Aucun candidat énonçant une critique, même bénigne d’Israël, n’a été élu ni ne peut espérer l’être aux USA. On se rappellera la candidature de Patrick Buchanan des années 90.
Ayant bien servi la cause sioniste, et ayant perdu son utilité, on lui trouve maintenant des relents d’antisémitisme. Le journal juif de langue anglaise, The Forward, a publié le 25 janvier 2021 un article titré : « Récapitulons les dix moments les plus antisémites de la présidence de M. Trump ».
Le listing des reproches commence ainsi : « L’ancien président Donald Trump vient de quitter la Maison Blanche, mais un héritage encombrant de nationalistes et d’antisémites blancs pourrait le suivre pendant sa vie civile ».
Dans The Times of Israël (TOI), des experts analysant l’héritage de Trump au Moyen-Orient, s’interrogent sur ce qu’il a fait de bien et de mal. On peut résumer facilement : pas assez de bien pour Israël, quant au problème du mal, ceux qui ont pu penser au sort misérable des Palestiniens, il n’est pas abordé du tout !
2- La haine de toute forme de nationalisme (qu’il soit du type souverainiste, populiste etc.)
C’est une case que n’avait pas coché un Donald Trump partisan de « America First » ou du MAGA (« Make America Great Again »). Trump a été, dans ses actes, le plus pro-israélien des derniers présidents mais sa défense d’une Amérique forte et son contrôle de l’immigration n’était pas compatible avec la vision cosmopolite des médias. Ce sera, pour eux, sa faute majeure. Dans le NYT où le WP la haine du nationalisme est permanente et il est souvent assimilé au fascisme, nazisme et antisémitisme. Une citation tirée du IHT est significative car sans modification depuis 70 ans. Pour les hommes politiques US, la nation doit disparaître :
« Pour les États-Unis, le nationalisme est une maladie qui doit être combattue par tous les moyens ; pour les européens l’État-nation demeure la seule entité politique viable. Et, alors que les Américains considèrent le multiculturalisme comme source de force, les Européens le refusent comme étant une marque de perdition… En résumé, la tâche entreprise il y a 50 ans, le 6 juin 1944 pour la libération de l’Europe doit être menée à terme aujourd’hui. » (« Liberating Europe from nationalism may not be easy », Jonathan Eyal, International Herald Tribune, 24/05/1994)
3- Un soutien, même modéré, à la politique impérialiste US au Proche et Moyen Orient.
Sur ce troisième point Trump n’a pas été un Président très satisfaisant non plus, critiquant souvent les politiques US en Irak, Libye ou Syrie, allant jusqu’à dire que ces guerres avaient été faites en soutien à Israël.
Rappelons qu’au moment des discussions précédant la deuxième guerre du Golfe au Sénat, et portant sur l’existence des armes de destruction massive de Saddam Hussein, un mensonge médiatique diabolique a été répété pendant des mois et des centaines de fois, dans le NYT et le WP… Les mensonges qui avaient si bien fonctionné pour rendre la première guerre du Golfe acceptable par la population allaient reprendre. Dans un discours prononcé quelques jours avant l’invasion, George W. Bush déclarait :
« Les renseignements recueillis par notre gouvernement et d’autres ne laissent aucun doute sur le fait que l’Irak possède et dissimule certaines des armes les plus meurtrières jamais conçues. »
Une affirmation totalement fausse qui s’applique de fait parfaitement aux USA. Au mensonge sur la possession d’armes de destruction massive, Bush en a ajouté quelques autres : « Hussein a entraîné et hébergé des terroristes, y compris des agents d’Al-Qaida ». Si rien n’est fait, ces terroristes pourraient « tuer des centaines de milliers d’innocents dans notre pays ». L’allié anglais de Bush, Tony Blair, en première page de l’IHT, déclarait le 25 septembre 2002 : « Saddam Hussein peut déployer en 45 minutes ses armes de destruction massive, chimique, biologique et nucléaire ». Dick Cheney, Vice-président de Bush junior pendant 8 ans, déclarera que le New York Times en avait apporté la preuve ! Ces « preuves », des faux répétés par cette grosse presse, venaient de sources douteuses, israéliennes, anglaises etc. Nous avons là l’exemple rare du chutzpah d’une presse qui venait au secours de l’exécutif, illustrant la collusion aux USA entre le politique et le médiatique. Henry Kissinger, apportera sa caution de Prix Nobel de la Paix, en déclarant : « Les preuves sont convaincantes, l’affaire est dans le sac ».
Tout cela est connu, mais par trop peu de gens, car rarement répété, le silence étant de mise dans les gros médias concernant les infos dérangeantes. Le Président Trump qui a moins de sang sur les mains que ses prédécesseurs Bush ; père et fils, Clinton et Obama, sera lui poursuivi deux fois pour destitution par les serviteurs du « Deep State ».
Si le Washington Post et le New York Times ont été les principaux moteurs du conflit en termes de pages éditoriales, ce sont de multiples journalistes et personnages néocons du Deep State qui ont joué le rôle de pom-pom girls. La liste est très longue : Judith Miller, Lawrence Ari Fleischer, John Bolton, Max Boot, David Frum, Bill Kristol, Brian Knowlton, William Safire, Charles Krauthammer, Sean Hannity, Rush Limbaugh, Ann Coulter, Lewis « Scooter » Libby, Douglas Feith, Richard Perle, Paul Wolfowitz, Stephen Hadley, Victoria Nuland, Robert Kagan etc. Ils ont tous leurs pages Wikipedia et sont tous libres, alors que Julian Assange, qui a dans Wikileaks dénoncé certaines de ces atrocités, est lui en prison.
Quelques informations supplémentaires concernant la deuxième guerre du Golfe
Même dans un documentaire de quatre heures, tout ne peut pas être rapporté. Je donne ou précise ici quelques points d’importance.
1-Le nombre de morts irakiens est fortement minoré
Les vrais chiffres sont absents dans l’émission TV sur France 5 du 31 janvier 2021. Le nombre des morts irakiens donné pendant longtemps dans la grosse presse sera de l’ordre de quelques dizaines de milliers, les ONG parlant eux de 1 à 2 millions. Suite à un relâchement de l’équipe éditoriale, le NYT publiera en février 2009, soit six ans après le début de la deuxième guerre du Golfe, un chiffre plus proche de la réalité. Il ne le fera pas de façon directe mais en utilisant un artifice sémantique fréquent dans le prestigieux journal. Il donnera le nombre de veuves irakiennes, soit 740 000 (comprendre : 740 000 morts masculins).
Si on ajoute à ces 740 000 hommes tués, reconnus indirectement par le NYT, les épouses mortes, les couples morts (il y a de nombreux orphelins) et les familles entièrement décimées on dépassera évidemment le million de morts, conséquence des guerres atlantistes menées contre ce pays. On comprend mieux alors la réponse de Rumsfeld à ceux qui s’étonnaient de ne jamais voir de déclaration du département d’État concernant le nombre de civils tués en Irak : « Nous ne faisons pas le décompte des pertes civiles, uniquement des pertes militaires US ».
Les médias, NYT, WP… par leur silence concernant les véritables causes ainsi que les conséquences de ces barbaries sont coupables de crimes médiatiques au même titre que les crimes des politiques Bush, Blair, Clinton et Obama. Ils ne seront bien sûr jamais inquiétés. Il y a une remarque judicieuse du coordinateur humanitaire pour l’Irak de l’ONU de 1998 à 2000, Hans von Sponeck, dans l’émission sur France 5 :
« Il y a une déclaration universelle des droits de l’homme, mais il manque une déclaration universelle de ses responsabilités ».
La philosophe Simone Weil, a abordé ce problème dans son dernier livre : « L’enracinement, Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain » (Gallimard 2009, folio essais N° 141). Elle écrit :
« Tout le monde sait que, lorsque le journalisme se confond avec l’organisation du mensonge, il constitue un crime. Mais on croit que c’est un crime impunissable. Qu’est-ce qui peut bien empêcher de punir une activité une fois qu’elle a été reconnue comme criminelle ? D’où peut bien venir cette étrange conception de crimes non punissables ? C’est une des plus monstrueuses déformations de l’esprit juridique ».
2-Un piège a été tendu à l’Irak
Concernant l’entrevue, publiée par l’Irak, de l’ambassadrice US April Glaspie avec Saddam Hussein et Tarek Aziz, le Monde du 14 mai 1991 rapporte une phrase accablante pour Miss Glaspie, sinon pour les dirigeants américains, cette phrase précise que Washington, « inspiré par l’amitié et non par la confrontation à l’égard de l’Irak, n’a pas d’opinion sur la querelle frontalière qui oppose le Koweït à Bagdad ». Pendant plus de sept mois, le département d’État se refusera à tout commentaire sur cette version irakienne de l’entretien, paraissant ainsi en reconnaître le sens général, sinon la véracité dans les détails. April Glaspie ne fera un commentaire dans la presse que le 21 mars 1991, bien après la fin de ce premier conflit.
Ce n’est que plus tard que Stephen Walt, auteur avec John J. Mearsheimer du livre très documenté « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine », rappellera l’entretien désormais célèbre avec le dirigeant irakien. L’ambassadrice américaine April Glaspie a déclaré à Saddam :
« Nous n’avons pas d’opinion sur les conflits arabo-arabes, comme votre désaccord frontalier avec le Koweït. »
Le Département d’État américain avait auparavant déclaré à Saddam que Washington n’avait « aucun engagement spécial en matière de défense ou de sécurité avec le Koweït ». Les États-Unis n’avaient peut-être pas l’intention de donner le feu vert à l’Irak, mais c’est effectivement ce qu’ils ont fait.
3-Les mensonges de l’infirmière koweïtienne.
Pour la première guerre du Golfe, il y aura un accord immédiat tenu secret, dès le 3 août 1990, entre les puissances occidentales, Bush senior, Thatcher et Mitterrand. Elles disposent du droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU et l’URSS seul soutien de l’Irak est à l’agonie. Si la mise en condition des populations occidentales pendant les six mois précédant le conflit a été oubliée, n’a pas été rapportée sur France 5, cette unanimité est bien invoquée dans le documentaire TV. Mitterrand réunira d’ailleurs son premier Conseil de Défense le 6 août. Il vous rappellera probablement le Conseil de défense sanitaire de Macron en cette période de Covid-19.
Comme pour les Première et Seconde Guerres mondiales les « spin doctors » dignes héritiers du père de l’Agence de Relations Publiques, Edward Bernays, sont aux commandes. Une monstrueuse affaire, celle que viendra présenter une prétendue infirmière de 15 ans, le 15 octobre 1990 devant la commission sénatoriale des relations étrangères du Sénat, (elle est en fait la fille de l’ambassadeur koweïtien) qui permettra de convaincre une opinion réticente de la nécessité d’une guerre contre Saddam ce nouvel Hitler. Elle parlera, larmoyante, des soldats irakiens jetant hors des couveuses des centaines de bébés koweïtiens. Un dirigeant de cette agence de communication Hill and Knowlton, Graig Fuller est en fait l’ancien chef de cabinet de George Bush lorsqu’il était Vice-Président sous Ronald Reagan. Bush reprendra ce bobard en parlant des prématurés jetés au sol comme du bois à brûler ! (Voir la vidéo 2min40).
Il suffisait pourtant, à un citoyen lambda, d’un peu d’attention pour deviner le mensonge. Comment pouvait-on croire qu’une jeune fille parlant un excellent anglais, même brillante, puisse être diplômée infirmière à 15 ans au Koweït ? Comment pouvait-on croire que des soldats irakiens musulmans, puissent tuer sans état d’âme plus de 300 bébés prématurés eux-aussi musulmans ?
4-Le procès de Saddam sera organisé par l’équipe Bush.
Avant la première guerre du Golfe, Saddam est le nouvel Hitler. C’est toujours le cas pour des dirigeants qui déplaisent : Poutine pour la Russie, les ayatollahs pour l’Iran, Xi Jinping pour la Chine et même Trump depuis qu’il n’est plus élu. On n’abandonne pas une recette qui marche.
Le Tribunal spécial irakien qui a commencé à juger Saddam Hussein le mercredi 19 octobre 2005 à Bagdad, a été créé en 2003 par Paul Bremer, l’ancien administrateur américain d’Irak. Il a choisi pour organiser ce tribunal, Salem Chalabi, le neveu d’Ahmed Chalabi. Ce dernier est l’homme du Pentagone qui sera vice-premier ministre d’Irak en 2005. C’est un affairiste condamné par contumace à 18 ans de prison en 1992 pour banqueroute frauduleuse en Jordanie. Salem Chalabi, avocat commercial, sera lui en fuite, en 2005, après qu’un mandat d’arrêt a été lancé contre lui pour un meurtre présumé.
Le procès a été organisé de façon sordide, il fallait s’assurer du verdict. Saddam Hussein sera exécuté par pendaison le 30 décembre 2006 à Bagdad. Nouri al-Maliki, membre du parti chiite Dawa, est alors le Premier Ministre. Il déclarera qu’il avait appris cette condamnation à mort un matin, comme tout le monde, mais ne pensait pas qu’ils l’exécuteraient aussi vite, précisant par-là que c’est Bush et les néocons qui avaient tout organisé.
Le premier juge kurde du procès de Saddam Hussein ayant manifesté son opposition à une peine de mort, sera remplacé en catastrophe, par un juge plus servile, en plein procès, sans aucune raison valable si ce n’est son manque de docilité auprès du pouvoir politique US. On lira l’article du NYT où un Ponce Pilate anonyme précise simplement que le procès reprendra comme prévu le 24 janvier 2006.
5-Le rôle sinistre de Joe Biden dans le déclenchement de la guerre d’Irak.
Publié par Gilles Munier sur son blog, le 12 mars 2021. Il est tiré du documentaire de Mark Weisbrot qui montre le rôle de premier plan joué par l’actuel président américain Joe Biden dans le déclenchement de la Guerre en Irak en 2003.
Pour voir la vidéo en anglais : https://www.youtube.com/watch?v=rrLFQnlf6lQ
Joe Biden est en 2002 le président de la puissante commission sénatoriale des relations étrangères du Sénat US et il utilisera son contrôle sur cette commission pour s’assurer qu’une majorité du Sénat américain voterait pour autoriser la guerre. Il déclarera :
« L’objectif est de contraindre l’Irak à détruire ses armes de destruction massive illégales, son programme de développement et de production de missiles, et d’autres armes de ce type. Saddam est dangereux. Le monde serait meilleur sans lui. Mais la raison pour laquelle il représente un danger croissant pour les États-Unis et leurs alliés est qu’il possède des armes chimiques et biologiques, et qu’il cherche à se doter d’armes nucléaires… je ne pense pas qu’il s’agisse d’une course à la guerre, mais plutôt d’une marche vers la paix et la sécurité. »
Biden reprenait à son compte la formule d’Orwell : « LA GUERRE C’EST LA PAIX ». La déclaration sur les armes chimiques, biologiques et nucléaires était fausse, et de nombreux experts l’avaient déjà compris au moment des auditions du Sénat, mais Biden n’a pas permis à ces experts de témoigner. L’idée que l’Irak, qui s’était débarrassé de ses armes non conventionnelles et de ses programmes et systèmes d’armement, et qui était soumis aux sanctions les plus sévères qu’une nation n’ait jamais connues, constituait une menace pour les États-Unis à l’autre bout du monde, est totalement absurde et ridicule. Cela n’empêchera pas Biden de déclarer :
« L’Irak dispose de suffisamment d’uranium de qualité militaire pour fabriquer trois armes nucléaires d’ici 2005. Il est trop difficile de voir comment une quelconque mesure, à moins d’un changement de régime, sera efficace… Un Saddam doté de l’arme nucléaire, au cours de cette décennie, est un risque que nous ne pouvons pas choisir d’ignorer… Nous savons que la présence même de l’Irak permet aux membres d’Al-Qaïda connus de vivre et de se déplacer librement en Irak. ».
Quiconque ayant la moindre connaissance de cette région réaliserait également l’absurdité de la connexion entre Saddam Hussein et Al-Qaïda qui étaient en fait des ennemis jurés. Biden terminera par : « Il y a neuf mois, j’ai voté avec mes collègues pour donner au président des États-Unis d’Amérique l’autorité de recourir à la force et je voterais encore de cette façon aujourd’hui ; c’était le bon vote à l’époque et ce serait un vote correct aujourd’hui », amen. De telles déclarations, politiquement très correctes, expliquent l’appui médiatique massif qu’il a reçu dans sa course contre Trump pour la dernière élection présidentielle US.
6-Le rôle diabolique des néoconservateurs.
On ne rappellera jamais assez que Le Washington Post et le New York Times ont publié les principaux « cheerleaders » dans les pages éditoriales de cette guerre. Dans les interviews du documentaire du 31 janvier 2021 sur France 5 : « Irak, Destruction d’une Nation », la parole est donnée à quelques néoconservateurs, du moins à ceux qui ont accepté de parler et qui à travers la hiérarchie politique et le « Bureau des Plans Spéciaux » ont organisé la destruction du pays. Tout est alors connu, en janvier 2021, sur les mensonges et manipulations des équipes Bush père, Clinton et Bush fils.
Bush père ayant laissé Saddam Hussein en place à la suite de la première guerre du Golfe en janvier 1991, il revenait au fils de terminer le travail. Lawrence Wilkerson, un responsable raisonnable, chef de cabinet du Secrétaire d’État Colin Powell de 2002 à 2005 évoque la réunion de crise qui eut lieu à Camp David le 15 septembre 2001, quatre jours après les attentats du 11 septembre. Il rappelle un fait bien connu mais rarement évoqué dans les médias à savoir qu’il n’y avait aucun terroriste venant des pays qui seront envahis : Afghanistan et Irak. Ils étaient saoudiens, qataris, yéménites, bahreïnis, koweïtiens et omanais.
L’influence de Paul Wolfowitz fut alors déterminante. Il suggéra à Bush que l’on devrait s’occuper de l’Irak. John Bolton ajoutera ensuite : « Saddam Hussein est une menace pour la sécurité d’Israël et l’économie mondiale ». Alors que l’on sait en 2020 qu’il n’y a aucune preuve d’existence d’armes de destructions massives (qui elles, existent bien aux USA et Israël) l’administration Bush va « fabriquer des dossiers qui ne sont pas crédibles y compris de faux documents ! concernant la vente de 500 tonnes d’uranium par le Niger à Saddam Hussein ». Bush prononcera un discours extrêmement violent à la tribune de l’ONU le 12 septembre 2002. Ce discours a été préparé par une équipe d’analystes, dirigés par Paul Wolfowitz et Douglas Feith : « Le Bureau des Plans Spéciaux ». Douglas Feith, Sous-Secrétaire à la défense des USA de 2001 à 2005, porte-parole des néocons dans ce documentaire TV, osera déclarer dans le 2e épisode (faisant référence aux 500 000 enfants irakiens tués par un embargo justifié par Madeleine Albright il y a 25 ans !) : « C’est Saddam Hussein qui avait organisé cette propagande des effets néfastes des sanctions sur le peuple irakien. Il a dit que les bébés mouraient de faim et n’avaient pas de lait en poudre à cause de l’embargo. C’est comme ça que le programme « Pétrole contre nourriture » a été adopté. »
Madeleine Albright s’était contenté de dire que la mort de 500 000 personnes, valait la peine.
Douglas Feith, furieux de voir que Chirac (mais aussi Gerhard Schröder et Vladimir Poutine) ne suit pas Bush déclarera, en vrai sophiste, invoquant un argument qui laisse sans voix : « Je me rappelle avoir observé la politique française en différents points du monde et tenté de comprendre le principe de ses choix politiques. Le point commun était que la France faisait systématiquement le contraire de ce que faisait les États-Unis ». Les mensonges et la mort d’innocents ne semblait pas être un problème pour Douglas Feith. Il ajoutera : « Ce que le gouvernement français a fait à cette époque était vraiment mesquin, sans scrupule, étroit d’esprit, hostile et ingrat ».
Kant disait d’Aristote, l’élève de Platon, que non seulement il avait inventé la logique, mais qu’il l’avait porté à son point de perfection. Le raisonnement de Douglas Feith échappe, lui, à tout discours rationnel. Nous montrerons plus loin qu’un tel discours est fréquent dans certains journaux de la presse israélienne. Ce néoconservateur est parfaitement au courant au moment de l’interview des mensonges de la CIA, de ceux des responsables politiques US et de ses propres mensonges sous la direction de Paul Wolfowitz, lui aussi néocon issu de l’extrême gauche trotskiste. Il ne veut pas voir, ou est incapable de comprendre que la France ne se soit pas alignée sur des preuves qui n’étaient qu’un tissu de mensonges et que cela n’a rien à voir avec un esprit mesquin… hostile et ingrat. Nous avons là une parfaite illustration du véritable problème qui empoisonne nos sociétés occidentales, celui du choc entre un droit naturel issu d’une philosophie morale partagé par le plus grand nombre et un droit communautaire, quasi-tribal.
Lawrence Wilkerson, le chef de cabinet du Secrétaire d’État Colin Powell, déclarera dans cet épisode : « Nous ne pensons pas assez aux autres », pointant ainsi le manque d’empathie, pour ne pas parler de compassion, illustré aux USA par la destinée des populations d’origine de ce pays : les Amérindiens.
On retrouvera le même esprit obtus chez des Américains intoxiqués et furieux qui remplaceront les « french fries » par les « liberty fries » ! Mais au moins eux n’avaient pas un pouvoir de vie ou de mort. Feith terminera sa démonstration en se raccrochant à une profonde vérité : « Si ma tante en avait… », déclarant : « Si Saddam Hussein s’était comporté, comme on le craignait (sic) ainsi que Colin Powell à L’ONU, en lançant par exemple une attaque avec le virus de la variole sur l’Europe ou les États-Unis, et que nous l’ayons maintenu en place, les gens diraient aujourd’hui à quoi ont pensé ces imbéciles de l’administration Bush en le laissant au pouvoir ? »
Nous avions là, une mise en pratique du livre de Ronan Bergman : « Lève-toi et tue le premier – les secrets du Mossad », avec toutefois une abomination que les néoconservateurs connaissaient : l’Irak de Saddam était dans l’incapacité de faire du mal à quiconque.
7-L’utilisation par les USA d’armes à uranium appauvri (depleted uranium D.U.)
Les USA ont utilisé dans leurs guerres en Irak et en Serbie en 1999 des munitions utilisant de l’uranium appauvri (U.A. ou « depleted uranium D.U. ») qui sont des sous-produits des usines d’enrichissement d’uranium obtenus après extraction du minerai d’uranium fissile « 235U ». L’uranium appauvri, est essentiellement constitué d’238U. Cette arme, nécessitant une technologie avancée, n’est accessible qu’aux pays riches. Raison pour laquelle elle n’a pas été interdite comme les armes bactériologiques ou chimiques plus faciles à produire. L’avantage d’238U est double. Il a une masse volumique proche de 20, un projectile d’un volume et de vitesse donnés a un pouvoir de pénétration d’un blindage plus élevé que celui des projectiles usuels. Il a un faible coût et s’enflamme facilement dégageant une température élevée détruisant tout dans la carlingue du véhicule atteint.
Cette arme présente aussi un danger important pour les civils. Les oxydes d’uranium se dispersent dans la nature, sous forme d’aérosols. Même faiblement radioactif, les poussière d’UO2 inhalées par les voies respiratoires sont carcinogènes et (on pourra consulter Wikipédia) les taux de leucémie, de lymphome et de malformations congénitales en Irak sont les plus élevés au monde.
On a beaucoup parlé de l’opposant Alexandre Litvinenko qui aurait succombé à une ingestion de 210Po, un isotope du polonium extrêmement toxique, mortel à des doses de l’ordre du microgramme. Il est probable que ce fut aussi le moyen utilisé pour éliminer Yasser Arafat. La radioactivité après ingestion du 210Po est liée à l’émission de particules alpha (noyau d’Hélium) et de son accumulation dans l’organisme conduisant à la destruction d’organes comme le foi ou les reins. Sa période (demi-vie) étant de 4 mois il est beaucoup plus dangereux, même à doses très faibles, que le 238U qui a une période beaucoup plus grande.
Les victimes des bombardements utilisant l’U.A. en Serbie en 1999 viennent de porter plainte auprès de la Haute Cour de Belgrade contre l’Otan. On peut s’attendre à ce que de nombreux Irakiens fassent de même, lorsqu’ils seront dégagés de la tutelle américaine.
J’avais eu l’occasion de visiter des hôpitaux irakiens il y a 25 ans. Les malformations de nouveaux nés y étaient très fréquentes et les bombardements par U.A. ont été 300 fois plus nombreux. J’avais été contacté par un journaliste de la presse locale, Midi-Libre, qui, connaissant mes visites au Moyen-Orient et en Irak, m’avait demandé un article sur les conséquences de l’utilisation de cet armement sur la population irakienne. Il m’avait par la suite remercié et m’avait dit gêné, mais sans explication convaincante, que l’on ne pouvait pas publier un tel article dans le journal. Il aura donc fallu, là aussi, plus de 30 ans pour qu’un pays puisse porter plainte devant un tribunal.
8-La visite du Pape François en Irak, du 5 au 8 mars 2021.
Le pape François était conscient du sort des chrétiens irakiens. Ils étaient environ 1,5 million en 2003 et sont aujourd’hui moins de 300 000. Ils ne subissaient alors, dans ce pays musulman, aucune brimade. Le Premier Ministre, Tarek Aziz, était lui-même chrétien. Pour les catholiques, ce voyage était une occasion de rappeler les responsabilités. Dans un Irak toujours sous contrôle de l’occupant US, ce voyage était délicat, des conditions avaient certainement été imposées pour une telle visite nécessitant une certaine diplomatie. Le grand Ayatollah Ali al-Sistani avait lui, pour sa part, refusé tout entretien avec un responsable US depuis l’invasion. Dans un article de Victor Gaetan, Foreign Affairs, mars 2021 : « The Penitent Pope, Francis Seeks Forgiveness for the U.S. Invasion of Iraq ». Le Pape François demandera le pardon, en son nom, pour l’invasion américaine de l’Irak, sans mentionner les véritables coupables et les mensonges US.
Rappelons que le Vatican s’est opposé à toutes les guerres contre l’Irak et le pape Jean-Paul II avait envoyé une délégation personnelle pour plaider auprès du président américain George W. Bush pour qu’il annule l’invasion de 2003. L’administration Bush n’a pas tenu compte de ce conseil mais au contraire a cherché à obtenir une approbation religieuse. En novembre 2002, quatre mois avant l’invasion, le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld et son adjoint Paul Wolfowitz, ont convoqué des personnalités religieuses chrétiennes pour ce qui était censé être une réunion secrète sur l’Afghanistan. C’était un piège et un mensonge, la réunion portait sur l’invasion de l’Irak. Rumsfeld leur a alors raconté des fables : les troupes américaines seraient reçues comme des libérateurs et cela conduirait à la démocratisation et la stabilité de la région. Seul le responsable évangélique présent était enthousiaste. Pour des néoconservateurs comme Rumsfeld ou Wolfowitz, la notion de vérité ou de justice n’a guère d’importance. Seul : est-ce bon pour nous ? a un sens.
Le chef de l’église catholique à l’occasion de ce voyage en Irak, diplomatie oblige, n’a accusé personne. Jésuite un jour, jésuite toujours. Le cardinal catholique de Baltimore, présent, n’a rien dit lui non plus.
Le soutien des évangélistes n’est pas surprenant. Gilles Munier publie le 11 mars 2021, une analyse de Sébastien Boussois du Livre « Ces évangéliques derrière Trump » d’André Gagné :
« Loin de la catastrophe annoncée, Trump a renforcé en quatre ans toutes les franges conservatrices, radicales, mystiques et messianiques de la société américaine en un joyeux chaos politique, social et cultuel. La victoire de Biden pourrait pourtant nous faire croire à la caducité du contenu du livre d’André Gagné, professeur à l’Université Concordia à Montréal. Il n’en est rien : l’auteur livre une puissante réflexion sur ce raz-de-marée idéologique évangélique qui irrigue les moindres terres du Nouveau Continent… des millions d’Américains y croient de plus en plus et restent persuadés que Dieu les a choisis pour sauver le monde ».
Il y a un accord de circonstance entre ces évangélistes et les Juifs persuadés d’être le peuple élu. Les chrétiens blancs évangéliques avaient joué un rôle considérable dans l’élection de 2016 en votant à 81 % en faveur de Trump. Si l’on en croit André Gagné, 2024 sera une nouvelle occasion pour eux d’avancer leurs pions et de faire revenir un des leurs à la Maison Blanche.
(…)
À suivre…
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