ALORS QU’AVEC la Ve République (1958) et l’élection présidentielle au suffrage universel direct (1962), De Gaulle prétendait mettre fin au régime des partis, jamais les formations politiques n’ont en réalité joué un rôle aussi important (et aussi nocif) que de nos jours. Dans leur Système, sans parti, il est en effet impossible de disposer d’un financement étatique et d’exister politiquement. Et l’idée répandue selon laquelle un homme sous la Ve se présente seul devant le peuple et au-dessus des partis depuis la réforme institutionnelle de 1962 n’est rien d’autre qu’une fable. Ce sont en effet les partis qui décident de qui est candidat. C’est vrai de l’extrême gauche à la droite dite nationale. Tous les prétendants sont en effet investis par leurs partis, de Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière jusqu’à Marine Le Pen pour le Rassemblement national. Cette investiture est si déterminante financièrement et politiquement que même Xavier Bertrand qui entendait jusque-là faire cavalier seul et maintenir jusqu’au bout sa candidature élyséenne, refusant ouvertement le principe de primaires tant ouvertes (accessibles aux électeurs de droite comme en 2016) que fermées (limitées aux seuls adhérents d’un parti, LR, comme cette fois-ci) a finalement annoncé le 11 octobre dans le 20 heures de TF1, bien malgré lui, qu’il participerait finalement au congrès des Républicains et accepterait le résultat quel qu’il soit car ce vote des militants est « la seule façon d’avoir le plus vite possible un candidat de la droite et du centre ». Il y aura donc cinq candidats à la candidature (Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Michel Barnier, Eric Ciotti et Philippe Juvin) lors du congrès des 1er (premier tour) et 4 décembre (second tour). Ce sont les quelque 80 000 adhérents de LR qui départageront les prétendants. Et rien n’assure que Bertrand sortira vainqueur de la compétition, malgré les sondages qui le placent en tête des différents postulants, car beaucoup de militants de base lui reprochent d’avoir bruyamment quitté le parti en décembre 2017, immédiatement après l’élection de Laurent Wauquiez à la présidence.
Bertrand était condamné à un choix, forcément mauvais pour lui. Soit il refusait de soumettre sa candidature au votre des adhérents, et il apparaissait alors comme un mauvais joueur et un tricheur s’affranchissant des règles, méprisant l’avis des militants et sa campagne en aurait été irrémédiablement plombée. Soit, ce à quoi il s’est résolu au dernier moment et à contrecœur, il participait au congrès mais il n’est alors nullement assuré de l’emporter devant une base par nature légitimiste et globalement bien moins centriste que le président de la région Hauts-de-France.
SIGNE de l’importance des partis dans leur système ploutocratique, l’ex-Premier ministre Edouard Philippe a créé le sien le 9 octobre. Son nom : Horizons. On serait curieux de savoir combien le maire du Havre a payé le publicitaire qui lui a trouvé un nom aussi plat mais on ne peut pas dire qu’il ait fait preuve d’une grande créativité. Horizons, nous assure-t-on, c’est la nouvelle offre politique « qui regarde devant ». On a vraiment affaire à des génies de la communication ! Ce “devant”, c’est d’abord la réélection d’Emmanuel Macron en 2022 et c’est surtout la candidature élyséenne de Philippe en 2027. Car, on ne le dira jamais assez, l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel favorise l’éclosion, la multiplication des écuries présidentielles au sein des partis, des majorités, des groupements. Et Philippe fait la moue quand on lui parle de la Maison commune que veut construire Bayrou. On le sait, l’union est un combat. Et le pouvoir ne se partage pas.
Si Philippe a donc créé sa propre formation pour revenir, espère-t-il, au premier plan de la scène politique, Eric Zemmour entend lui aussi fonder son propre mouvement destiné à présenter des candidats dans toutes les circonscriptions aux législatives de juin 2022. Preuve que le polémiste qui devrait annoncer officiellement fin octobre ou début novembre sa candidature élyséenne, laquelle devrait être précédée d’une campagne massive de collages dans toute la France (“Zemmour président”), n’entend pas faire une simple incursion de quelques mois dans la vie politique active, le temps d’une campagne électorale, mais qu’il a décidé de jouer un rôle majeur et sur le temps long dans le projet de recomposition ou de reconfiguration de la droite. L’Association des Amis d’Eric Zemmour, agréée officiellement comme parti politique, s’active en effet en coulisses pour la campagne des législatives. A cette fin, le mouvement s’est structuré en trois échelons. Elle compterait un responsable par région, un par département et un par circonscription. Des militants zemmouriens qui portant sur leur maillot le slogan « Faites le Zemmour, pas la guerre » (cela ne s’invente pas !) ont proposé à des centaines de personnes de devenir candidates aux législatives, toujours selon une règle : celle des trois tiers. Un tiers de candidats issus des Républicains, un tiers venant du Rassemblement national et un tiers de nouveaux profils. Pour qu’à l’échelle du pays, les aspirants députés soient représentatifs, nous assure-t-on, d’une certaine union des droites.
SELON la station Europe 1 dirigée par Bolloré, très proche de Zemmour, les trois quarts de ces potentiels candidats aux législatives ont d’ores et déjà été trouvés. Certaines circonscriptions sont cependant volontairement laissées libre pour le moment dans l’espoir de nouveaux ralliements de personnalités politiques d’envergure. Zemmour aurait déjà déniché un (petit) Poisson prénommé Jean-Frédéric, le président du minuscule Parti chrétien-démocrate fondé par la Boutin de la République. Cette initiative, ajoutée aux bons sondages de Zemmour et à la chute libre de Marine Le Pen dans les intentions de vote (si ça continue ainsi, elle va finir par trouver du pétrole, disent charitablement ses contempteurs), sème un vent de panique dans le quartier général de l’ex-présidente du RN. Chaque matin, disent des cadres en off, comme la méchante dans Blanche Neige, elle interroge son miroir pour savoir si elle est la plus crédible, et c’est invariablement le visage de sa nièce ou de Zemmour qui apparaît. On imagine son humeur maussade (le père biologique de Marion était agent du… Mossad !) et l’ambiance exécrable dans son QG !
Reste qu’il ne faut pas céder à l’excitation des campagnes électorales, toujours trompeuses (demain on rase gratis) et débouchant sur de perpétuelles désillusions. La démocratie moderne n’est qu’une vaste supercherie reposant sur la manipulation des masses. L’électoralisme est la tare et la sauvegarde du régime. Ainsi, on nous promet aujourd’hui solennellement une immigration zéro. Une promesse certes séduisante. Mais voilà plus de trente ans qu’on nous la fait, sans qu’elle n’ait jamais été mise en œuvre, fût-ce partiellement. Souvenons-nous de la convention du RPR et de l’UDF en 1990 à Villepinte où tous les ténors de l’opposition d’alors, de Giscard à Chirac, de Bayrou à Madelin, s’engageaient, s’ils revenaient au pouvoir, à arrêter toute immigration tant légale qu’illégale et à réserver certaines prestations sociales aux Français. On a vu ce qu’il en a été. Déjà, en 1986, la plate-forme RPR-UDF, inspirée du droitier Club de l’Horloge, proposait le retour au droit de sang et la fin du droit du sol. Le gouvernement Chirac a vite enterré cette réforme devant l’opposition résolue de la gauche. Il convient donc d’être prudent voire méfiant lorsqu’aujourd’hui on nous tient de semblables promesses. Et lorsqu’on affirme pareillement vouloir ressusciter le gaulliste RPR, un mouvement qui fut présidé de sa fondation à sa liquidation par un certain… Jacques Chirac, l’homme qui, toute sa carrière, fit une politique de gauche et trompa un électorat de droite décidément bien peu clairvoyant, il est permis d’être quelque peu dubitatif.
[…]Jérôme BOURBON, RIVAROL.
Visiblement, Rivarol attend une occasion franche pour tirer à vue sur Zemmour,
mais pour le moment, il n’ose pas le faire, peut-être de peur de perdre des lecteurs.
C’est quand même pas très courageux d’attendre que le problème disparaisse de lui-même ou que la situation tourne, il y a des moments où il faut savoir affirmer les principes.
D’autant que nous savons déjà que la situation va tourner, pour l’instant, le système laisse débouler Zemmour, le pic, ce sera au moment de l’annonce de sa candidature, puis, début janvier, la contre attaque lourde à la soviétique va démarrer: et à ce moment là, Rivarol aura l’air malin de se joindre à M6 pour s’en prendre à Zemmour.
ça y est, Riposte Laïque notoirement pro Zemmour vient de recevoir une dizaine de plaintes de la part de la LICRA et de SOS Racisme.
Pierre Cassen pourrait demander à Zemmour de le défendre, mais Zemmour, bien entendu, ne le fera pas.
Bien joué de la part de la Licra et de SOS racisme, ça met Zemmour en porte à faux avec ses plus fervents soutiens, lesquels, pour certains d’entre eux, vont peut-être enfin commencer à avoir des doutes sur Zemmour.