Depuis plusieurs années, un lobby pro-israélien baptisé « ELNET » (pour European Leadership Network), intensifie son influence sur les parlementaires français notamment en organisant des voyages financés en Israël, afin de gagner leur soutien.
ELNET n’est pas seulement représenté en France, mais aussi au Royaume-Uni, en Allemagne, en Pologne, en Italie et à Bruxelles au plus près des institutions de l’Union européenne. ELNET se définit comme un réseau « inspiré du rêve européen », pour promouvoir « la liberté, la justice et la paix », axant ses actions « sur les questions de politique étrangère et de sécurité, la lutte contre toutes les formes d’antisémitisme sur la base de la définition de l’IHRA et la promotion de l’innovation pour un monde meilleur ».
Mais loin d’être un simple « think tank » comme il tente de se présenter, Elnet est un acteur majeur du lobbying pro-israélien en France. Son objectif est d’inculquer, de déclencher, de susciter une solidarité avec l’État juif, contre l’idée d’État palestinien, contre l’Iran, contre le Hamas et le Hezbollah.
Le lobby mène, depuis 2017, une campagne systématique pour renforcer les liens entre la France et Israël, en influençant les parlementaires français, accentuant ses actions depuis le 7 octobre 2023, organisant de nombreux voyages pour des élus français afin de gagner leur soutien à la politique de l’État juif qui occupe la Palestine et à la politique d’épuration ethnico-religieuse des territoires.
Le modèle d’Elnet repose principalement sur l’organisation de voyages entièrement financés pour des parlementaires français et depuis sa création en 2010, l’association a envoyé plus d’une centaine de députés et sénateurs en Israël, leur offrant ainsi une immersion dans les institutions et la vision israéliennes. Les voyages, qui coûtent en moyenne 4 000 euros pour quatre jours, incluent des rencontres avec de hauts responsables israéliens, comme des ministres, des officiers de l’armée, et des figures politiques de premier plan dont Benjamin Netanyahu. Les parlementaires complaisants peuvent également visiter des sites « stratégiques » : Knesset, mémorial de Yad Vashem voire des bases militaires à la frontière palestinienne.
Au sein du Parlement français, plusieurs figures politiques se sont faites les porte-paroles d’Elnet. Selon Mediapart, parmi les participants les plus réguliers, on retrouve des élus macronistes comme Caroline Yadan, Constance Le Grip ou encore l’actuel ministre délégué chargé de l’Europe dans les gouvernement Barnier et Bayrou, Benjamin Haddad, tous chantres de la rhétorique du « droit d’Israël à se défendre ». Citons encore Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, Karl Olive, un proche ami du président Macron, Syvain Maillard… Tous ces parlementaires ont adopté une position claire en faveur d’Israël, même face aux critiques internationales à propos de la guerre à Gaza.

L’influence d’ELNET est également palpable chez la « droite » courbe. Des personnalités comme Loïc Hervé (vice-président du Sénat, UDI) et Pierre-Henri Dumont (Les Républicains), qui ont régulièrement participé aux voyages, ne cachent pas leur soutien à Israël (sans parler de Meyer Habib évidement, mais lui est hors compétition, tombé dedans quand il est petit…). Dumont, ancien président de la commission des affaires internationales, avait d’ailleurs affirmé que c’était « un honneur » de faire partie de la délégation d’Elnet. Pour ces élus, le réseau apparaît comme un outil essentiel pour la promotion de la cause israélienne en France.
Peu d’élus sont réticents à l’idée de participer aux voyages organisés par Elnet. Notons Ludovic Mendès, député macroniste, ou des personnalités socialistes, comme Valérie Rabault et Jérôme Guedj.
La strutcture supranationale ELNET est présidée par Pierre Dassas, lobbyiste installé en Suisse, se trouve au cœur d’une nébuleuse de fondations branchées sur les « young leaders » et le « dialogue stratégique » dont Elnet fait partie. ELNET dispose également d’une association d’amis, « Friends of Elnet », basée pour sa part à New York et à Los Angeles et qui se charge de lever des fonds aux États-Unis.
ELNET France est présidé par Arié Bensemhoun, ancien président de l’Union des étudiants juifs de France, critique virulent de la gauche et de l’islam en France, défenseur incorrigible du gouvernement de Benjamin Netanyahu. Il n’hésite pas à critiquer la décision de la CPI sur les mandats d’arrêt contre Netanyahu et Yoav Gallant et accuse le peuple palestinien de complicité avec les actions du Hamas, s’efforçant ainsi de justifier la riposte disproportionnée au 7 octobre. Arie Bensemhoun veut que la France « change de discours ». Il réclame une nouvelle position « claire et nette qui passe par la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël ».
L’influence exercée par Elnet en France et au sein du Parlement français reflète la persistance des pratiques de lobbying israélien dans les sphères politiques nationales et soulève des questions quant à l’indépendance de certains parlementaires et responsables politiques français.
Ainsi, quand le général de brigade Ronen Manelis, porte-parole des Forces de défense israéliennes se rend en visite à Paris en juillet 2018, Elnet est à la manœuvre pour lui organiser des « briefings stratégiques » avec des interlocuteurs choisis. Il sera même reçu — en uniforme, ce qu’il juge « historique » et « exceptionnel » — par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le 3 juillet 2018. « Nous essayons d’influencer les consciences, explique le général en uniforme, cela fait partie du conflit, de la bataille livrée à l’ennemi ».
ELNET, « simple » lobby ? Ou prolongation de l’État juif et de ses services en France ?