Lundi, la Commission LIBE (des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures) du Parlement européen a voté le règlement dit « anti-terroriste ». Il s’agissait de l’avant dernière étape avant le vote en plénière au Parlement européen.
Pour le profane, il faut savoir qu’un règlement est un acte législatif contraignant, de portée générale et obligatoire dans toutes ses dispositions. Contrairement à une directive, le règlement s’applique tel quel et n’a pas besoin d’être transposé dans le droit national. Les Etats membres doivent donc appliquer à la lettre toutes les dispositions du règlement.
Une censure numérique massive, préventive et automatisée
Ce règlement soi-disant « anti-terroriste » va instaurer une censure numérique massive en obligeant tous les acteurs du net à supprimer dans un délai d’une heure, n’importe quel contenu signalé comme « terroriste » par la police, et cela sans l’intervention préalable d’un juge.
Cette disposition aura pour effet d’une part de déléguer la censure de l’internet aux géants du web, qui possèdent déjà d’une énorme force de frappe (cf la censure récente de Trump sur les réseaux sociaux), et d’autre part de réduire au silence des opposants politiques.
En effet, comme le résume la Quadrature du Net :
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Le délai d’une heure n’est pas réaliste, seules les grosses plateformes seront en mesure de se conformer à une telle obligation;
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La menace de lourdes amendes et l’impossibilité pratique de se conformer aux ordres de retrait obligera les acteurs du web à censurer de manière proactive tout contenu potentiellement illégal en amont, en utilisant les outils automatisés de surveillance de masse développés par Google et Facebook;
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Ce pouvoir donné à la police, sans contrôle préalable d’un juge pourrait mener à la censure d’opposants politiques et de mouvements sociaux;
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Le texte permet à une autorité de tout État membre d’ordonner le retrait d’un contenu hébergé dans un autre État membre. De telles mesures transfrontalières sont non seulement irréalistes, mais ne peuvent qu’aggraver le danger d’une censure politique de masse
Le retour de la loi Avia par la voie européenne
Rappelons-nous qu’en juin dernier, le Conseil Constitutionnel avait censuré plusieurs dispositions de la loi Avia et notamment une disposition similaire à celle évoquée précédemment. En effet, la loi Avia exigeait des plateformes en ligne qu’elles retirent sous une heure les contenus à caractère terroriste ou pédopornographique notifiés par l’autorité administrative et sous vingt-quatre heures les contenus haineux « manifestement illicites » qui leur ont été signalés par tout internaute, le tout sous peine de se voir infliger une amende. Le « Conseil des Sages » estimait qu’un tel dispositif ne pouvait « qu’inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu’ils soient ou non manifestement illicites », et donc qu’il constituait une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression.
Comme souvent, ce qui sort par la porte rentre par la fenêtre. Ce qui n’est pas passé par la voie franco-française passera par la voie des technocrates de Bruxelles. Le contre modèle européen bruxellois doit être remplacé par une autre Europe. L’Europe des Nations plutôt que l’Europe des cartels bancaires, l’Europe des patries charnelles plutôt que celle des lobbies, l’Europe Blanche plutôt que celle du cosmopolitisme.
Oscar Walter