Dans l’histoire des idées politiques et économiques, peu de penseurs ont su allier une critique tranchante du capitalisme financier à une vision profondément nationale et populaire. Gottfried Feder (1883-1941) est de ceux-là. Ingénieur de formation, autodidacte en économie, il a marqué les débuts du national-socialisme par son combat radical contre l’usure et la spéculation, qu’il voyait comme des entraves à la souveraineté des peuples. Bien que marginalisée par l’histoire officielle, sa pensée continue d’interpeller ceux qui cherchent une alternative aux excès de la finance mondiale.
Des chantiers bulgares à la révolution économique
Né en 1883, Feder commence sa carrière comme ingénieur, travaillant notamment sur des projets de construction en Bulgarie. Mais c’est son intérêt croissant pour les mécanismes économiques et bancaires qui le pousse à changer de cap. Très vite, il développe une critique virulente de la finance, qu’il accuse d’asservir les nations par la dette et les intérêts. En 1918, il rejoint la Société de Thulé, un cercle pangermaniste influent, où il affine ses idées sur une économie enracinée, libre de l’emprise capitaliste internationale.
Un an plus tard, en 1919, il participe à la fondation du Parti Ouvrier Allemand (DAP), bientôt transformé en NSDAP. Ses théories séduisent Adolf Hitler, qui y voit une voie pour concilier justice sociale et ambition nationale. Feder devient alors l’un des architectes du programme économique du parti, prônant une rupture avec la domination de la haute finance au profit d’une économie centrée sur le travail productif.
L’usure, ennemie de la nation
Au cœur de sa pensée, exposée dans son Manifeste pour briser les chaînes de l’usure (1919), Feder dénonce un système où la dette et les taux d’intérêt servent d’outils de contrôle. Pour lui, ils permettent à une élite déconnectée des nations de prélever un « impôt invisible » sur les travailleurs. Il oppose ainsi le capital productif, fruit du labeur et source de prospérité collective, au capital spéculatif, qu’il juge parasitaire et concentré dans les mains d’une minorité par des lois modernes favorisant la rente.
Sa vision de réforme est ambitieuse : abolir le prêt à intérêt, nationaliser les banques, instaurer un monopole étatique sur la monnaie, confisquer les fortunes spéculatives et interdire les pratiques financières prédatrices. L’objectif ? Redonner la priorité à l’industrie nationale et au travail, loin des diktats des marchés boursiers. Feder rêve d’une économie au service de la nation, libérée de la tutelle financière.
Une bataille perdue au sein du NSDAP
Dans les années 1920, Feder joue un rôle clé dans l’élaboration du programme en 25 points du NSDAP, adopté en 1920. Ce texte réclame l’abolition des intérêts bancaires, la nationalisation des grands groupes financiers et la fin de l’emprise du capitalisme international sur l’Allemagne. Mais à mesure que le parti gagne en influence, des tensions émergent. Deux courants s’opposent : l’aile révolutionnaire, incarnée par Feder, Ernst Röhm et les SA, veut une expropriation du grand capital pour instaurer une économie nationale et sociale ; l’aile conservatrice, portée par Hitler, Göring et Schacht, préfère un compromis avec les industriels et banquiers pour soutenir l’effort militaire et économique.
Le conflit atteint son paroxysme lors de la Nuit des Longs Couteaux, le 30 juin 1934. L’élimination de Röhm et des SA sonne le glas des espoirs révolutionnaires. Feder, bien que physiquement épargné, est écarté du pouvoir. Ses idées s’effacent peu à peu, supplantées par une économie dirigée par l’État mais alliée aux puissances industrielles et financières. Les promesses de nationalisation des banques et d’abolition des intérêts s’évanouissent.
Un héritage toujours d’actualité ?
Marginalisé, Feder n’en reste pas moins une figure dont les idées résonnent encore. Face à l’endettement croissant des États, à la mainmise des banques centrales et à la financiarisation qui privilégie la spéculation au détriment du travail réel, ses critiques semblent prémonitoires. Il pointait déjà l’effacement des souverainetés nationales sous l’influence d’une élite globalisée, un phénomène criant aujourd’hui.
Pour Feder, la liberté politique d’une nation ne peut exister sans son émancipation économique. Son projet, étouffé par les compromis du NSDAP, continue d’inspirer ceux qui rejettent un capitalisme déraciné. Plus d’un siècle après son manifeste, une question persiste : peut-on prétendre à l’indépendance nationale sans s’attaquer aux chaînes de la finance internationale ? La réponse, aujourd’hui comme hier, reste ouverte.
Manifeste pour briser les chaînes de l’usure de Gottfried Feder, disponible sur Cultures et Racines, 14 €.