LE 9 JUIN 2024, le soir même des élections européennes, Emmanuel Macron dissolvait l’Assemblée nationale et convoquait des législatives anticipées. Il entendait par ce retour aux urnes obtenir une “clarification” de la part du corps électoral. En réalité, cette opération a abouti à davantage de confusion et d’immobilisme, puisqu’aucune majorité ne s’est dessinée au Palais-Bourbon à l’issue de ce scrutin le dimanche 7 juillet. Dans un premier temps le chef de l’Etat a demandé au Premier ministre sortant, le communautaire Gabriel Attal, de rester en fonction tout en étant démissionnaire jusqu’à la rentrée scolaire, puis, après moult réunions et autant de tergiversations, il a nommé à Matignon le 5 septembre l’ancien et terne vice-président de la Commission européenne, l’européo-mondialiste Michel Barnier qui ne sera resté chef du gouvernement que trois mois et huit jours, avant que le patron du Modem, François Bayrou, ne lui succède à son tour le 13 décembre 2024 il y a maintenant six mois. Mais rien n’est réglé et il n’est pas sûr que l’actuel Premier ministre résiste au vote du budget cet automne. Si le gouvernement est à nouveau renversé, que fera alors le président de la République ? Dissoudra-t-il une nouvelle fois l’Assemble nationale, ainsi qu’il pourra à nouveau légalement le faire, puisque les dernières législatives datent des 30 juin et 7 juillet 2024, au risque de se retrouver avec une chambre des députés à nouveau ingouvernable à quelques mois des municipales de mars 2026 et à quelque dix-huit mois de la présidentielle du printemps 2027 ? Ou essaiera-t-il de nommer un nouveau Premier ministre chargé d’expédier les affaires courantes jusqu’au terme de son mandat ?
On le voit, la France connaît une profonde crise politique, qui est structurelle. Et non conjoncturelle. Mais notre pays n’est pas le seul dans ce cas en Europe et en Occident. La Belgique voisine a été privée de gouvernement pendant plus de deux ans. L’Allemagne a dû récemment procéder à des législatives anticipées, la coalition au pouvoir s’étant fissurée. C’est désormais le cas des Pays-Bas. On ne compte plus les pays en Europe et en Occident qui connaissent des crises politiques à répétition, les électeurs étant de plus en plus mécontents des politiques mises en place. Nous vivons l’ère du désenchantement. Les citoyens ont tout essayé électoralement et l’échec est invariablement au rendez-vous.
DEVANT ces désillusions à répétition progressent et parfois parviennent aux responsabilités des partis et personnalités présentés comme populistes. C’est par exemple le cas de Meloni en Italie ou de Trump aux Etats-Unis. Il est sans doute un peu tôt pour établir un bilan détaillé et approfondi de leurs actions puisque l’un et l’autre sont encore loin du terme de leur mandat. Mais on peut déjà formuler un certain nombre de constatations. La première, c’est qu’il est plus facile de s’opposer que de gouverner, de critiquer que de diriger, de parler que d’agir. Trump, qui n’est pas avare en forfanteries en tout genre, s’était fait fort, une fois élu à la Maison-Blanche, d’en finir avec la guerre russo-ukrainienne en seulement 48 heures. On en est loin ! Pour l’instant son activisme brouillon et ses déclarations martiales et contradictoires n’ont nullement conduit à un cessez-le-feu ni à un apaisement entre les deux parties. Il avait promis la paix partout dans le monde, y compris au Proche-Orient. Jamais peut-être la Palestine n’a été aussi ensanglantée que depuis son accession au pouvoir et le plan Trump qui prévoit la déportation totale et définitive de tous les Palestiniens de la bande de Gaza, plus de deux millions de personnes, pour en faire une Riviera pour milliardaires avec hôtels, villas et immeubles de luxe, est objectivement une abomination. Une injustice doublée d’un crime. Une épuration ethnique au profit des millénaristes juifs. Au nom du Grand Israël. Si c’est cela le populisme, la droite, les conservateurs, cela n’a vraiment rien d’enthousiasmant, c’est le moins que l’on puisse dire ! Et comment juger ses déclarations sans cesse contradictoires sur les droits de douane, sa confrontation publique avec le transhumaniste Elon Musk — qui a appelé X un de ses enfants et a donné aux autres des prénoms aussi improbables — qui donne de lui une image bien peu présidentielle ? Ce pugilat médiatique entre deux milliardaires multidivorcés à l’ego surdimensionné est pathétique. Avoir à la tête de son pays un affairiste qui se comporte comme un spéculateur, comme un promoteur immobilier ayant fait fortune dans les casinos, n’est sans doute pas la meilleure chose qui puisse arriver. Une nation ne se réduit pas à la gestion de l’économie, même si cela est important. Elle a besoin d’âme, de grands desseins, d’une vision, d’une incarnation et non d’un populisme erratique, grossier et relativement vide de contenu.
Certes, tout n’est pas à jeter dans l’action de Trump. Tout ce qui est entrepris contre le wokisme et le lgbtisme va globalement dans le bon sens, même si cela reste assez limité pour l’instant. La baisse de la pression fiscale est également à saluer. Mais est-ce suffisant ? Trump a par exemple totalement renoncé par électoralisme au combat contre l’avortement. Pour la première fois, en 2024, le Parti républicain n’a pas défendu dans son programme officiel le respect de la vie. Et en matière d’immigration on n’a pas vu grand-chose jusqu’à présent. Non plus d’ailleurs que du côté de Meloni qui, en Italie, a été élue sur une promesse de maîtrise des flux migratoires et d’expulsion massive et systématique des clandestins et qui, depuis qu’elle est aux affaires, a accueilli une immigration légale annuelle numériquement bien plus importante encore que du temps de ses prédécesseurs, pourtant décriés. Certes, aux Etats-Unis comme en Italie, les juges mettent des bâtons dans les roues de l’Exécutif dès que le gouvernement tente timidement quoi que ce soit d’un peu concret contre la submersion migratoire. Mais on ne peut pas dire qu’il existe une ferme volonté de vraiment changer les choses. Lors de son premier mandat, Trump n’a ainsi ajouté que quelques kilomètres à peine au mur en construction entre les Etats-Unis et le Mexique et destiné à empêcher la submersion de l’Oncle Sam.
IL FAUT le reconnaître, le populisme sous nos latitudes, c’est d’abord et avant tout le magistère de la parole. Il profite de l’échec total des autres partis et personnalités au pouvoir mais offre-t-il vraiment une alternative crédible et capable sur le long terme d’améliorer les choses en profondeur ? On nous permettra d’en douter. La notion même de populisme est elle-même contestable car peut-on aujourd’hui s’appuyer sur des masses qui gardent certes parfois sur certains sujets quelques réflexes sains, comme par exemple sur la question du Grand Remplacement, mais qui sont globalement très corrompues, avachies et avilies ? Si on interrogeait par référendum les peuples occidentaux, pour ne parler que d’eux, sur des sujets fondamentaux pour la santé morale et l’avenir de la nation, comme l’avortement, l’euthanasie, le “mariage” homosexuel, il y a tout lieu de penser que les résultats seraient catastrophiques et que les solutions conformes à la culture de mort seraient hélas plébiscitées comme elles l’ont été dans tous les pays qui ont mis aux voix ces questions dites sociétales, y compris en Irlande autrefois si catholique. Car, on ne le dira jamais assez, la profonde déchristianisation, la totale déspiritualisation des masses, qui, quand on y réfléchit, est inouïe après près de deux mille ans de christianisme, empêche toute renaissance nationale, toute profonde et réelle réforme intellectuelle et morale. L’abaissement des caractères et des volontés, la démission des intelligences, l’endurcissement du cœur, la perte du bon sens et de tout repère, le mépris du bien commun sont tels aujourd’hui qu’à vue humaine on ne peut imaginer un quelconque redressement.
Loin des illusions électorales et des discours démagogiques, et au milieu des ruines et des ténèbres qui nous entourent, il convient d’agir au mieux dans ce qui dépend de nous en nous formant par les bonnes lectures, en nous éclairant par les solides amitiés, en réfléchissant, en exerçant son esprit critique, en fuyant le mensonge, en dénonçant les impostures et en cherchant la lumière tant naturelle que surnaturelle. Car le monde actuel est sous l’emprise de celui qui est menteur et homicide depuis le commencement. De sorte que tout est souillé et inversé, qu’on appelle bien le mal et inversement, que tout est subversion, destruction et abjection. Quand on demande à des soignants de donner la mort, peut-on aller plus loin dans l’inversion ? Alors que c’est la solidarité et l’entraide au quotidien entre générations, l’humble dévouement de chaque jour, qui donnent tant de beauté et de prix à la vie. L’enfant à qui ses parents ont appris peu à peu à marcher tiendra plus tard l’épaule et le bras de ses géniteurs, ayant, sous le poids de l’âge et de ses infirmités, tout à coup du mal à avancer. La mère qui veille sur le sommeil de son nouveau-né et qui borde délicatement le lit du bébé à l’heure du coucher sera elle-même veillée et bordé par cet enfant devenu grand quand celle-ci, à l’automne de sa vie, sera alitée. Et l’enfant qui, chaque matin, écarquille ses yeux émerveillés quand sa génitrice, tendrement, le réveille, le retire des bras de Morphée, fermera un jour délicatement les paupières de sa mère à l’heure de son passage dans l’éternité.
Nous célébrons ces jours-ci et jusqu’à samedi la grande fête de la Pentecôte qui est le triomphe de l’Esprit de vérité (spiritum veritatis). Qu’Il nous aide à mener jusqu’au bout le bon combat. Qu’Il nous donne la force de défendre toujours et partout la vie contre la mort, le bien contre le mal, le beau contre le laid. Car cette société qui repose sur la contraception et l’avortement de masse, la drogue et la pornographie de masse, l’avortement et l’euthanasie de masse, est mortifère, empoisonnée et empoisonneuse, profondément laide. Que cet Esprit de vérité lave nos souillures, guérisse nos blessures, assouplisse nos raideurs, réchauffe nos froideurs, redresse nos erreurs, soit le repos dans nos labeurs, comme on le chante dans la magnifique séquence Veni Sancte Spiritus. Qu’Il éclaire nos intelligences, échauffe nos volontés, élève nos âmes, dilate nos cœurs. Voilà un programme bien plus enthousiasmant et exaltant que les populismes démagogiques qui sont tous d’une grande médiocrité, voire d’une totale vacuité, et qui au final ne peuvent produire invariablement que déception et désillusion. […]
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Source : Éditorial de Rivarol