Treize morts dans un été meurtrier
Après quelques jours d’accalmie qui succédaient à des combats meurtriers à la mi-août, les violences entre Indiens et Pakistanais dans la région disputée du Cachemire ont fait treize morts et une quarantaine de blessés depuis vendredi. Plusieurs incidents se sont produits à la frontière entre les deux pays. L’Inde a annoncé la mort de quatre civils dans un village de la province de Jammu-et-Cachemire (nord), tandis que le Pakistan affirmait que neuf personnes étaient mortes et une quarantaine d’autres avaient été blessées à Sialkot (Pendjab, est).
Des discussions entre les deux pays ont été annulées il y a quelques jours, leurs représentants échouant à s’entendre sur l’évocation du problème du Cachemire. Le Pakistan a annoncé sa volonté de répliquer « de toutes ses forces » en cas de nouvelle attaque contre des civils.
Plusieurs dizaines de personnes sont mortes depuis juin 2014 dans de nombreux incidents frontaliers. La tension connaît un pic depuis le début du mois de juillet : une trentaine de personnes, civiles et militaires, ont trouvé la mort dans près de 25 incidents.
Un état de guerre endémique au Cachemire
Avec et après le départ des Britanniques, trois guerres ont opposé les deux pays en 1947 (Première Guerre du Cachemire, plusieurs milliers de morts), 1965 (Deuxième Guerre du Cachemire, plusieurs milliers de morts), 1971 (Troisième Guerre du Cachemire, plusieurs dizaines de milliers de morts, essentiellement liée à l’indépendance du Bangladesh), ayant principalement ou partiellement le Cachemire comme enjeu.
Malgré l’accession des deux pays au rang de puissances nucléaires, la situation ne s’est pas calmée à la frontière cachemire. Malgré son humiliation lors de la guerre de 1971, le Pakistan n’a pas renoncé à ses revendications sur la région. Le Cachemire indien est depuis 25 ans le théâtre d’un violent terrorisme islamiste qui a fait plusieurs milliers de morts.
Régulièrement, des situations de crises surviennent. Un différend autour du glacier de Siachen a fait, depuis 1984, plusieurs centaines de morts après le lancement de l’opération (victorieuse) Meghdoot par l’armée indienne. Le conflit de Kargil en 1999 – le premier alors que les deux pays sont devenus des puissances nucléaires –, après une infiltration d’un détachement d’islamistes en territoire indien, conduisit à la mort de plusieurs centaines de combattants et à une nouvelle défaite du Pakistan. Il fut suivi un mois plus tard par l’incident de l’Atlantic, du nom du Bréguet Atlantic, dont un exemplaire de la marine pakistanaise fut abattu, causant la mort de 16 marins.
L’insurrection islamiste
Depuis, des confrontations et des périodes de violences se succèdent. En 2001, l’attaque du parlement indien par des terroristes islamistes, qui auraient bénéficié du soutien des services secrets pakistanais, fit quatorze morts ; elle conduisit à la mobilisation de plusieurs centaines de milliers de soldats de part et d’autre de la frontière, faisant craindre une guerre totale. Une mobilisation similaire se produit après les attentats commis à Mumbai en 2008 (164 morts et plusieurs centaines de blessés).
À la fin de l’été 2011, des combats firent huit morts parmi les soldats des deux pays. En 2013, les violences firent une quarantaine de morts. Depuis début juillet, elles ont repris à un niveau qui n’avait pas été atteint dans la région depuis longtemps.
La province indienne de Jammu-et-Cachemire est l’objet d’attaques régulières depuis la fin des années 1980 : après avoir obtenu le départ des Russes d’Afghanistan, des combattants islamistes commencèrent à infiltrer le Cachemire pour y développer des groupes terroristes, s’appuyant sur les populations musulmanes de la Vallée du Cachemire (formant 97 % de la population de cette région de l’extrême nord de l’Inde, peuplée de plus de 6 millions d’habitants). Avec le soutien de divers groupes terroristes et probablement des services secrets pakistanais, les islamistes se sont fortement implantés durant les années 1990 dans la province, y commettant des milliers d’attentats. Les violences dans ce cadre particulier de la guerre au Cachemire ont fait plusieurs milliers de morts (environ 15 000 civils, plus de 6 000 membres des forces de sécurité et plus de 22 000 terroristes selon le Portail du terrorisme en Asie du Sud (SATP, South Asia Terrorism Portal), une agence indienne privée spécialisée dans l’étude du terrorisme.
L’influence chinoise
Outre le Cachemire, plusieurs autres différends opposent l’Inde et le Pakistan, comme celles à propos des frontières maritimes, concernant l’estuaire de Sir ou les zones de pêche côtière et au large.
Au Cachemire, l’Inde doit également faire face aux revendications et aux appétits grandissants de la Chine dans la région. Après avoir annexé le Tibet en 1951, la Chine communiste a tenté de poursuivre son expansion à sa frontière sud-ouest.
L’avancée de l’armée chinoise s’accéléra en 1962 avec une violente attaque qui permit une rapide avancée des troupes communistes et aboutit à l’annexion de la région de l’Aksai Chin. La région du Ladakh, aux confins nord de l’Inde, touchant l’Himalaya, demeure depuis une zone de tensions régulières. Elle explique que la Chine a régulièrement apporté son soutien au Pakistan depuis. Cette partie du conflit frontalier au Cachemire n’est elle non plus pas réglée.