Le 8 mai 1945 est un non-événement d’un point de vue français. Et plus généralement, il n’y a rien à célébrer.
En France
En France, en ce 8 mai 1945, il ne se passe rien de particulier. À cette date, les Américains ont débarqué en Normandie depuis 11 mois, en Provence depuis 9 mois, les Allemands refluent. Le gouvernement de l’État français n’existe plus, il n’a plus de prise depuis l’évacuation forcée d’une Commission gouvernementale vers Sigmaringen.
En revanche, « l’épuration » sévit depuis de nombreux mois. Loin de ne concerner que des « collaborateurs » ayant du sang sur les mains, elle frappe de nombreux Français pour des motifs aussi arbitraires et variés que de supposés « sympathies » pour Vichy jusqu’à de pures vengeances personnelles irrationnelles et incontrôlées. Parfois même sans distinction pour les femmes, les enfants ou les vieillards…
De Gaulle la voulait :
« La France, toute la France, se redresse dans la résistance en attendant qu’elle le fasse dans la vengeance organisée ! » (De Gaulle, le 18 septembre 1941, à la radio de Londres)
Et en France, sur le terrain, cette épuration-vengeance fut l’œuvre des communistes. Cette épuration, véritable ferment de guerre civile, ressemble étrangement à toutes celles qu’ont connue aussi les pays de ce qui sera le bloc de l’Est, déclenchées par les Partis communistes en préalable à l’entrée de l’Armée rouge.
Mais en France, le coup d’État communiste ne surviendra pas : de Gaulle et Staline ont noué « une relation privilégiée » qui laisse deviner « une imbrication décisive à bien des égards tant sur le plan politique que stratégique » dont bénéficiera le Parti communiste « français » réintroduit au cœur du jeu politique et de l’appareil d’Etat, jetant dans l’oubli sa conduite pendant la drôle de guerre et sa collaboration de vingt-deux mois avec le IIIe Reich…
En Europe
Plus généralement en Europe, le 8 mai, les Allemands signent la capitulation avec les Alliés, le 9 mai avec les Soviétiques. C’est le moment où l’accord de Yalta peut alors prendre son plein effet, y compris avec ses clauses secrètes.
Staline y a fait confirmer les résultats des précédentes conférences interalliées esquissant un plan de partage de l’Europe en « zones d’influence » pour l’après-guerre. Il a obtenu la moitié de l’Europe et dispose de son « glacis territorial et politique » pour un demi-siècle. Ce sont ces résultats qui débouchent sur la « Guerre froide ».
Les remords de Churchill, bien tardifs, le 5 mars 1946, n’y changent rien : « Nous avons tué le mauvais cochon » (We have killed the wrong pig ). Les anglo-saxons ont fait la guerre à l’Allemagne au prétexte des frontières violées et des occupations de pays voisins, mais ils ont entériné le joug soviétique et les territoires occupés par l’Armée rouge, sans considérations pour les peuples, les nations et les frontières à l’Est de l’Europe…
Et plus encore, ils ont rajouté la faute morale. Soljénitsyne, dans « L’Archipel du Goulag » fut le premier à révéler comment Churchill et Roosevelt, par ces clauses secrètes des accords de Yalta, consentirent lâchement à livrer aux Soviets 2 millions de Russes(1) qui, en 1945, se trouvaient en Allemagne de l’Ouest au pouvoir des armées anglaises et américaines auxquelles ils s’étaient rendus. En deux mois, les Alliés livrèrent aux Soviétiques 1 398 902 personnes et les opérations allaient durer de longs mois…
Non vraiment, en considération du 8 mai 1945, pour nous Français et Européens, il n’y a rien à célébrer.
Nous préférons y substituer une commémoration d’un autre 8 mai : en 1429, Jeanne avec les troupes du Dauphin achève la délivrance d’Orléans. Et pour lui rendre justice, retrouvez-nous à l’hommage traditionnel à Jeanne d’Arc du 11 mai 2025 à Paris.
Note :
(1) Il s’agissait des unités russes passées, sous le commandement du général Vlassov, dans l’armée allemande, des divisions cosaques des « atamans » Naoumenko, Krasnov, Chkouro, de la Division Caucasienne du Sultan Klych Girey, du XVe Corps de cavalerie cosaque commandé par le général allemand Helmut von Pannwitz, toutes troupes qui n’avaient pas combattu l’Angleterre et les États-Unis, mais seulement les Soviets. Il y avait encore, par dizaines de milliers, des prisonniers de guerre, des réfugiés, des personnes déplacées, des anciens émigrés, des Croates, des Polonais des marches annexées par les Soviets, etc.