Le 25 juin, une semaine après que la loi Avia a été sévèrement censurée par le Conseil constitutionnel, le gouvernement français a demandé à la Commission européenne de faire adopter au niveau européen ce que la Constitution l’empêchait d’adopter en France !
Le gouvernement français demande une nouvelle directive européenne pour « contraindre les plateformes à retirer promptement les contenus manifestement illicites » via « des obligations de moyens sous le contrôle d’un régulateur indépendant qui définirait des recommandations contraignantes relatives à ces obligations et sanctionnerait les éventuels manquements ». Cette demande est le strict reflet de la loi Avia : son délai de 24h, ses pleins pouvoirs donnés au CSA. La France demande donc de faire censurer « non seulement les contenus illicites, mais aussi d’autres types de contenus tels que les contenus préjudiciables non illicites […] par exemple, les contenus pornographiques [ou] les contenus de désinformation ».
Cette demande intervient dans le cadre du débat législatif à venir sur le Digital Service Act et ne portera que la partie du projet de loi Avia qui prétendait lutter contre les « contenus haineux ».
Il ne faut pas oublier que la loi Avia prévoyait aussi dans une seconde partie, à côté de celle prévue pour les contenus haineux, un autre type de censure, plus grave encore : confier à la police le pouvoir de censurer en une heure tout contenu qu’elle qualifierait seule – sans juge – de terroriste. Avec le risque évident – voire recherché – d’un large dévoiement contre les opposants politiques du gouvernement.
Le Conseil constitutionnel avait censuré un pouvoir si dangereux en juin dernier. Mais là encore, ce que Macron n’a pu imposer en France, il tente de l’imposer par la porte de derrière : c’est-à-dire par le biais de l’Union européenne. Et il le fait avec bien plus d’empressement que pour la censure en matière de lutte contre la « haine ».
Depuis deux ans déjà, le gouvernement défend en effet un règlement de « lutte contre les contenus terroristes » pour imposer cette censure en une heure et sans juge, partout dans l’UE. Néanmoins, cette idée rencontre encore en Europe aussi de nombreuses oppositions de sorte que, pour le moment, le texte est en train de s’embourber dans des négociations indécises entre le Parlement européen et les États membres.
Toutefois, après sa défaite au Conseil constitutionnel, le gouvernement français est revenu de plus belle : ce règlement pourrait bien être sa dernière carte à jouer pour placer sa police en contrôleur du Web français et européen.