La Russie de 2024 n’est plus la Russie de l’ère Eltsine – plus même celle de l’ère Medvedev président – même si les évolutions (révolutions ?) sont lentes, quoique Vladimir Poutine ait accéléré le « remplacement des élites » (qu’il a nommé « rotation des élites ») depuis le déclenchement de l’opération militaire spéciale. Une sorte de « grand remplacement » est entamé. Il n’est pas question ici du suicidaire remplacement des populations autochtones, mais de celui des cadres du régime, hauts fonctionnaires et oligarques formatés a l’occidentale, par de nouvelles générations plus en adéquation avec la nouvelle réalité politique et géopolitique russe.
À l’aube de son cinquième mandat, Vladimir Poutine avait activé l’un des chantiers les plus discrets et les plus importants de la transformation de la société et de l’État russes : le renouvellement des élites. Au-delà de la guerre en Ukraine, le Kremlin pose depuis les jalons d’une société régie par le patriotisme et la loyauté à l’égard du pays. En campagne pour sa réélection, au début de l’année, Poutine était revenu avec plus de précision sur ce programme sociétal. Et dans son discours aux Assemblées du 29 février 2024, il a confirmé sans ambiguïté que l’élite doit être composée de ceux qui ont servi la Russie.
Il a ainsi offert à cette nouvelle génération un accès prioritaire à l’éducation supérieure et une participation au programme de sélection des nouveaux dirigeants. Ce programme, baptisé « le temps des héros », favorise l’accès des officiers ou des titulaires de diplômes de l’enseignement supérieur à une nouvelle école d’administration destinée à fournir les cadres de la Nation. Quant aux autres – engagés volontaires, simples soldats ayant combattu… -, ils pourront accéder en priorité aux académies militaires pour soutenir leur ascension professionnelle et rejoindre, eux aussi, les rangs des nouvelles générations de dirigeants.
Avec un décret présidentiel adopté cette année Vladimir Poutine a créé une réserve de cadres pour la fonction publique. Leur recrutement est conditionné par une enquête sur leurs revenus et sur leur passé judiciaire, mais surtout, signe des temps, par un test destiné à déterminer l’engagement patriotique du candidat, et plus spécifiquement sa propension à défendre l’intérêt général plutôt que des intérêts privés. Cette réserve devra alimenter tous les postes dirigeants d’agences et d’organes fédéraux et elle est également proposé aux entreprises publiques.
La Russie de 2024 de Vladimir Poutine est aujourd’hui un laboratoire où se concrétise sous nos yeux, in vivo, le projet de bâtir un contre-modèle fondé sur la souveraineté, l’enracinement et la loyauté à une terre et à un peuple, face au modèle occidental dégénéré et suicidaire de la « démocratie libérale » fondé sur l’indifférenciation, le déracinement et l’anarchie individualiste.
Illustration par l’autre bout de la lorgnette avec le parcours et les perspectives d’Artyom Zhoga.
Artyom Zhoga, héros de la Russie, ancien commandant du bataillon Sparta et président du parlement de la DNR, a été nommé envoyé présidentiel dans le district fédéral de l’Oural. C’est lui qui a demandé à Vladimir Poutine de le nommer pour l’élection du chef de l’État en 2024, et ce dernier a accepté.
Le nouvel envoyé emmènera ses assistants personnels avec lui dans l’Oural, mais il a promis de prendre des décisions en matière de personnel après avoir fait connaissance avec l’équipe actuelle du district fédéral de l’Oural. Il entend profiter de l’expérience des députés du Donbass et de tous ceux qui ont été personnellement impliqués dans l’opération militaire spéciale.
– Dans l’Oural, certains ont frémi. Les chaînes d’information politique et les porte-parole craignent qu’Artyom Zhoga « mette à genoux la ville libérale d’Ekaterinbourg » en réprimant durement les manifestations et en renforçant la censure sur les médias locaux, écrit l’édition régionale 66.RU.
– Poutine commence à mettre en œuvre la stratégie qu’il avait déjà annoncée dans son discours présidentiel, à savoir la rotation des élites en utilisant du personnel qui est passé par l’Opération militaire spéciale. Il s’agit de personnes ayant une vision complètement différente des choses, qui comprennent parfaitement qui est un ami et qui est un ennemi.
Contrairement à la cohorte bureaucratique actuelle issue des années 2000, du temps de Sourkov (1), où la frontière entre les siens et les autres était totalement floue, toute l’élite étant constituée de libéraux ouverts ou latents qui ne font que singer les changements patriotiques de la position du président. C’est précisément la « sixième colonne » dont parle Douguine, qui professe en réalité des opinions pro-occidentales en interne.
Ces personnes ne peuvent pas lutter contre les libéraux, parce qu’elles sont mentalement plus proches d’eux et idéologiquement plus en phase avec leurs opinions que ce qu’elles sont obligées de dire, en suivant le cours patriotique du président. Donc, on aura beau nommer des fonctionnaires du Kremlin, on aura beau battre le même jeu, il n’y aura pas de résultat, car c’est la même cohorte libérale. D’où l’arrêt total des efforts patriotiques du président jusqu’à présent.
Bien qu’il exprime des opinions patriotiques, eurasiennes et conservatrices depuis plus d’une décennie, rien ne change dans le pays. C’est précisément à cause du sabotage des élites actuelles. C’est pourquoi Poutine a décidé, à juste titre, de commencer à faire tourner ce personnel au détriment de ceux qui ont vécu la guerre et pour qui le patriotisme est une position existentielle, et non une figure de rhétorique ou un hommage à la mode, et qui sont prompts à réagir, capables de prendre des décisions et d’agir avec fermeté et efficacité. C’est de ce type de personnel dont le Président a besoin aujourd’hui.
– Une révolution du personnel est-elle en cours ?
– Il est évident qu’il est impossible de remplacer d’un seul coup tous les fonctionnaires par des anciens de l’Opération militaire spéciale. Cela conduirait à l’effondrement de la gouvernance.
Nous avons besoin d’expérience pour comprendre comment fonctionne la machine étatique. Mais en même temps, la concentration de nouveaux personnels – patriotes, combattants, idéologues – doit être assez élevée. Sinon, le système les assimilera ou les rejettera. Un Zhoga au centre du foyer du libéralisme et de l’occidentalisme en Russie est certes un guerrier, mais il ne pourra pas mettre en œuvre une approche systémique.
Zhoga pourra effectuer une mission de reconnaissance, une sortie ponctuelle, une sorte d’opération spéciale. Mais la résolution systémique des problèmes nécessite une équipe à part entière. Et les autres positions doivent disposer du même personnel. Ainsi, ils pourront tenir la tête de pont jusqu’à l’arrivée des renforts – d’autres cadres patriotes. Sinon, tout se passera comme dans le cas du gérant de magasin Kholmanskikh (2), que Poutine a nommé son envoyé, mais qui a été complètement écrasé par le système et n’a rien pu faire de ce qu’il a dit, parce qu’il était lié par les règles du jeu du système.
Zhoga pourra mener une ou deux batailles seul, mais le système l’écrasera ensuite. C’est pourquoi cette tête de pont doit être consolidée, renforcée. Mais ce n’est qu’un des points où la rotation est nécessaire. De nombreuses structures clés, cruciales pour l’État, sont effrayantes à approcher. Je pense que même le président a peur de s’y rendre. C’est une structure complètement destructrice, remplie de vieux libéraux, des types de Sourkov et même du personnel d’Eltsine. Il est impossible de les faire sortir de là.
– Artyom Zhoga devra donc devenir quelque chose comme Malyuta Skuratov….
– Malyuta Skuratov (3) n’est rien s’il ne s’appuie pas sur l’oprichnina (4), sur des milliers d’idéalistes motivés et prêts à se sacrifier. D’ailleurs, en 2005, l’Union eurasienne de la jeunesse a proposé de créer une oprichnina traditionaliste pour écraser les ennemis de la Russie de l’intérieur. Les initiatives idéologiques ont été profanées, ridiculisées, rejetées avec une ironie postmoderne et balancées à la poubelle. Il a fallu 20 ans au président pour résoudre ce problème urgent. Et ce, grâce à l’opération militaire spéciale.
Source : Artyom Zhoga, un guerrier envoyé au cœur du foyer libéral et occidentaliste, Strategika, traduction par Robert Steuckers
Notes :
(1) Vladislav Iouriévitch Sourkov : homme d’affaires et homme politique russe, cofondateur du parti Russie unie qui mena Vladimir Poutine au pouvoir en 2001, considéré comme le principal idéologue du Kremlin des années 2000, auteur du concept de « Démocratie souveraine ».
(2) Igor Ryurikovich Kholmanskikh : ancien fonctionnaire du gouvernement russe et ancien ouvrier d’usine, envoyé présidentiel dans le district fédéral de l’Oural et membre du Conseil de sécurité de la Russie de 2012 à 2018.
(3) Grigori Loukianovitch Skouratov-Belski : plus connu sous le nom de Maliouta Skouratov est un des chefs de l’Opritchnina sous le règne d’Ivan le Terrible.
(4) Gossoudarieva Opritchnina : en français « la réserve du Souverain », désigne, de 1565 à 1572, la partie de la Russie sur laquelle le tsar (Ivan IV) exerce un pouvoir absolu, le reste du territoire, appelé « zemchtchina », étant dévolu aux boyards. Par métonymie, le mot opritchnina prend le sens de « pouvoir impitoyable et sans limites », tel qu’il est exercé pendant quelques années par Ivan IV (Ivan le Terrible), avec entre autres de nombreuses exécutions de boyards considérés comme ennemis et confiscations de biens.
L’échec de « l’opération militaire spéciale » a mis en évidence que la Russie n’allait pas aussi bien qu’on le croyait, et cet article ne fait qu’en apporter la confirmation.
Cela fait maintenant trois décennies et demi que l’URSS a sombré, mais la Russie tarde dramatiquement à renaître et à devenir une réelle puissance.
Au passage, j’observe que Poutine a attendu d’en être à son cinquième mandat pour entreprendre cette « rotation des élites »…
Si rien n’est prévisible, malgré tout rien n’est figé. La preuve pas la Russie.
« Rotation des élites », concept de Vilfredo Pareto:
https://jeune-nation.com/kultur/histoire/vilfredo-pareto-lheritage-sociologique-et-philosophique-du-maitre-de-mussolini
Poutine est surtout un islamisateur de la Russie et qui encourage l’invasion migratoire de mauvaises qualités comme en France ! Et ne pas oublier qu’il à (cet abruti très intéressé) embrassé le coran… Vraiment un guignol !
Et oui, les Français sont mal placés pour lui donner des leçons en matière de laissez-faire l’invasion.
Quant à l’islam, s’il n’a rien à faire en terre européenne, il ne faut pas oublier que la Russie est à cheval entre l’Europe et l’Asie et que c’est un empire multiculturel. Comme la France a eu un empire avec de nombreuses populations islamisées.
Mais là aussi, observez, ça pourrait bien être entrain de changer.
Qui vivra verra.
Ce Monde vétuste et sans joie est dirigé par des erreurs, des apostats, des dévots du grappin.
Il croulera demain devant notre foi, à condition que nous renouons avec elle.