MARY PHAGAN n’avait pas 14 ans que déjà la vie l’avait happée dans cette Georgia’s National Pencil Company, une fabrique de crayons d’Atlanta fondée et dirigée par des Juifs et qui n’employait dans ses ateliers que des adolescents ou préadolescents comme elle, 10 heures par jour sur cinq jour et demi. Il y a exactement 110 ans aujourd’hui, on était le samedi 26 avril 1913, c’était le Confederate Memorial Day, un jour de fête. La petite Mary s’en réjouissait d’avance, elle s’était vêtue toute mignonne pour assister au défilé. Mais en venant, elle devait passer au siège de la compagnie pour toucher sa paye, un dollar et vingt cents que devait lui remettre à son bureau le directeur de l’usine, Leo M. Frank. C’est à ce moment-là qu’un agresseur l’a jetée au sol, lui a arraché ses sous-vêtements, a probablement tenté de la violer et l’a étranglée. On a retrouvé son corps abandonné dans les sous-sols du bâtiment.
Leo Frank, qui se trouvait être aussi à la tête de l’antenne locale du B’nai B’rith, la fraternité maçonnique juive bien connue, a finalement été reconnu coupable du meurtre et condamné à la pendaison. Mais à la suite d’une campagne savamment orchestrée et financée par la communauté, la peine était commuée en prison à perpétuité par un gouverneur corrompu et sur le départ. C’est seulement alors, au bout de deux ans de procédures juridiquement ponctuées par une condamnation à mort, qu’un commando de citoyens et de notables, outrés par la décision arbitraire du gouverneur, s’est constitué pour extraire de force le détenu de sa cellule et exécuter la sentence du tribunal. On ne peut vraiment pas parler de lynchage et d’ailleurs aucun des membres du commando n’a été inquiété par la suite.
Reste que ce procès a été l’occasion d’assister à la naissance et aux premiers pas de la toujours si puissante Anti-Defamation League ; elle n’a peut-être pas gagné sur le moment, mais de nos jours, Leo Frank s’est vu octroyer devant l’histoire le statut de pure victime de l’antisémitisme et son innocence est tenue pour acquise : la propagande de l’ADL est passée par là, telle une instance d’appel suprême, capable de casser toute décision de justice qui ne va pas dans son sens, interdisant par contre qu’on révise celles qui lui sont favorables. Contre l’ADL, il n’est pas nécessaire de refaire le procès de Leo, il faut simplement revenir aux faits.
L’instruction a pu déterminer sans qu’il puisse subsister le moindre doute que seuls deux suspects pouvaient avoir commis le meurtre de Mary Phagan : soit Leo Frank soit Jim Conley, l’homme de ménage de la National Pencil Company. Toutes les autres personnes présentes dans le bâtiment au moment des faits pouvaient se porter garantes les unes des autres, tous ceux sans exception qui croient à l’innocence de Frank, croient à la culpabilité de Jim Conley.
Puisque nous sommes au centième anniversaire [au moment de la rédaction de l’article en 2013] de la fin tragique de cette adorable petite, examinons cent raisons qui ont amené le jury à croire (et qui doivent nous convaincre à notre tour) que c’est bien Leo Max Frank qui a étranglé Mary Phagan — autant de raisons qui montrent que ceux qui soutenaient Frank ont utilisé toutes les ficelles de la falsification des preuves et de la manipulation des témoins — 100 raisons qui montrent en outre que la plus grande mystification de toutes, c’est encore de nous faire avaler aujourd’hui que Leo Frank a été victime d’antisémitisme.
1 – Recevant Mary Phagan à l’abri de son bureau au premier, Leo Frank était assuré de ne pas être dérangé, en ce jour férié, tout l’étage était déserté, il s’est donc retrouvé seul avec Mary, ce qu’il a lui-même reconnu. Il n’en allait pas de même pour l’autre suspect, Jim Conley, dont la place habituelle était située dans le hall d’entrée, évidemment le lieu de passage le plus fréquenté de l’immeuble et où plusieurs témoins n’ont d’ailleurs pas manqué de le remarquer.
2 – Le jour du meurtre, il se trouve que Leo Frank avait demandé au veilleur de nuit, Newt Lee, d’arriver plus tôt qu’à l’ordinaire, à 16 heures. Mais quand Lee s’est présenté, Leo paraissait des plus agités (le meurtre avait eu lieu trois ou quatre heures auparavant et le cadavre était encore dans l’immeuble), voilà qu’il insistait à présent pour que Lee revienne dans deux heures.
3 – Lee avait beau proposer de finir sa sieste sur place, il y avait un lit de camp installé à la cave, à proximité de là où on devait finalement retrouver le corps ; il aurait aussi pu se mettre dans la salle d’emballage qui jouxtait précisément le bureau de Leo, mais rien à faire, Leo refusait qu’il reste, lui disant qu’il n’avait qu’à en profiter pour prendre du bon temps dehors. Cela allait directement à l’encontre du règlement intérieur selon lequel une fois que le veilleur de nuit était entré dans le bâtiment, il ne pouvait pas en ressortir avant de passer le relais au gardien de jour. Newt Lee, bien que d’abord fortement soupçonné, était manifestement innocent, il n’avait aucune raison de mentir et il avait de bonnes relations avec Frank, aucun motif de s’en prendre à lui en le chargeant.
4 – Lorsque Lee est revenu à 18 heures, il a trouvé Frank dans un état d’effervescence encore plus marqué, à telle enseigne qu’il n’arrivait même plus à faire marcher la pointeuse dont il avait pourtant l’habitude : Leo Frank a officiellement débuté à la National Pencil Company le lundi 10 août 1908, 22 jours plus tard à peine, il était passé directeur de l’usine et l’est resté jusqu’au jour de son arrestation, le 29 avril 1913.
5 – Lorsque Leo Frank est ressorti du bâtiment aux environs de 6 heures, outre Lee, il est tombé sur John Milton Gantt, un ancien employé qui avait sympathisé avec Mary Phagan. Lee disait qu’en apercevant Gantt, Leo n’avait pu réprimer un brusque mouvement de recul et qu’il s’était visiblement senti très mal à l’aise lorsque Gantt lui a demandé la permission d’entrer pour récupérer des chaussures qu’il avait oubliées en partant. D’après E.F. Holloway, J.M. Gantt connaissait Mary depuis longtemps et était l’un des rares employés à qui elle adressait la parole. Gantt était l’ancien payeur de l’établissement, celui qui versait les salaires, Frank l’avait renvoyé prétandant qu’il manquait un dollar dans la caisse. Est-ce que Frank c’était alors débarrassé d’un rival, qu’il était jaloux de la proximité de Gantt avec Mary ? Contrairement à Frank, Gantt était beau et grand, les yeux bleus lumineux.
6 – Rentré chez lui, Frank se fendait d’un coup de fil à Newt Lee pour savoir si tout allait bien à l’usine, il ne s’était jamais donné cette peine jusque-là. Quelques heures plus tard, Lee retrouvait le cadavre mutilé de Mary Phagan dans les sous-sols de l’usine.
7 – Lorsque la police est finalement remontée à Frank après la découverte du corps, il a catégoriquement nié connaître la malheureuse par son nom. Il avait pourtant dû la voir des centaines de fois depuis un an qu’elle était engagée – chaque fois qu’il passait à proximité de son poste de travail au cours de ses inspections au premier étage, ou chaque fois qu’il traversait la salle d’emballage en se rendant aux toilettes — et il avait personnellement rempli sa fiche de paie à 52 reprises, la marquant des initiales « M. P. ». Des témoins ont également affirmé qu’ils avaient vu Frank parler à Mary bien des fois, la serrer d’un peu trop près, lui passer la main sur l’épaule, et l’appeler Mary.
8 – Quand la police l’a conduit à l’usine le lendemain matin du crime, Frank était si fébrile qu’il n’arrivait même pas à déverrouiller une porte.
9 – Alors que l’enquête en était encore à ses débuts, Leo Frank déclarait à la police qu’il savait que J.M. Gantt avait sympathisé avec Mary Phagan, faisant immédiatement de lui un suspect : Gantt était à son tour arrêté et interrogé. Mais comment Frank pouvait savoir un tel détail au sujet d’une fille dont il ignorait jusqu’au nom ?
10 – C’est aussi à un stade précoce de l’enquête, à un moment où à la fois Leo Frank et Newt Lee étaient détenus et qu’il y avait encore des soupçons qui pesaient sur ce dernier, qu’une chemise pleine de sang était retrouvée dans un tonneau au domicile de Lee. Les enquêteurs ont commencé à se méfier lorsqu’il a été prouvé que les traces n’ont pu être faites qu’en s’en servant comme d’un chiffon pour essuyer et non alors qu’elle était portée. Elle ne sentait pas la sueur et était complètement imbibée, même sous les aisselles, alors que sur les lieux du crime, peu de sang s’était répandu. C’est là que pour la première fois, on a commencé à soupçonner que des officiels avaient dû être soudoyés pour fabriquer des fausses preuves et détourner les soupçons de Frank, ces soupçons sont devenus des quasi-certitudes lorsque Lee a été définitivement mis hors de cause.
11 – Leo Frank prétendait être resté en permanence à son bureau de 12 h à 12 h 35 le jour du meurtre, mais un témoin, une amie favorablement disposée de Frank pourtant, Monteen Stover, 14 ans, affirmait qu’il n’y avait personne à son bureau entre 12 h 05 et 12 h 10 puisqu’elle l’y avait attendu en vain avant d’en repartir, ne le voyant pas arriver. C’était à peu près l’heure de la visite de Mary au bureau de Frank et de son assassinat. Le dimanche 27 avril 1913, Leo Frank avait dit à la police que Mary Phagan était arrivée à son bureau à 12 h 03. Le lendemain, il faisait une déposition à la police en présence de son avocat dans laquelle il déclarait être resté seul avec Mary Phagan à son bureau entre 12 h 05 et 12 h 10. Frank changera de nouveau de version par la suite, affirmant à la barre que Mary Phagan était entrée dans son bureau cinq bonnes minutes plus tard.
12 – Leo Frank revenait encore sur sa déposition lorsqu’il finissait par reconnaître à la barre qu’il avait pu machinalement s’absenter aux lavabos de la Metal Room entre 12 h 05 et 12 h 10 [Metal Room = atelier ou salle des machines, également située au premier étage, c’est-à-dire l’étage où était situé le bureau de Leo, c’est évidemment un point capital].
13 – Cette Metal Room, dans laquelle Frank a finalement admis avoir pu pénétrer « sans s’en rendre compte » aux environs de l’heure du crime (et dans laquelle les enquêteurs ne trouvaient personne d’autre susceptible de s’y trouver à part Mary Phagan), était précisément la pièce dans laquelle selon l’accusation le meurtre avait eu lieu. C’est là que les enquêteurs ont retrouvé des traces de sang et des cheveux blonds qui s’étaient pris sur la poignée d’un tour et qui n’avaient rien à y faire : la veille en finissant son poste, soit le vendredi à 18 h, R.P. Barret avait laissé une pièce qu’il pensait finir le lundi à l’ouverture, à 6 h 30. C’est en arrivant qu’il a retrouvé les cheveux avec du sang séché. Comment est-ce qu’ils ont pu arriver là si l’usine était fermée tout le week-end ? Plusieurs collègues ont confirmé que les cheveux ressemblaient bien à ceux de Mary. Sur le sol, non loin de la porte des douches, apparaissait une tache de sang en forme d’éventail de 12 cm de diamètre.
14 – Dans ses premières déclarations aux autorités, Leo Frank affirmait qu’après avoir touché sa paye à son bureau, « Mary Phagan en était ressortie en passant par des bureaux extérieurs et qu’il l’avait entendu discuter avec une autre fille ». Le problème, c’est que cette fille n’a jamais existé : chacune des personnes dont on savait qu’elles étaient dans le bâtiment ont été consciencieusement interrogées sur ce point et personne n’a parlé ou même simplement croisé Mary Phagan à ce moment-là. Monteen Stover était la seule autre fille présente et tout ce qu’elle a vu, c’est un bureau vide. En tant qu’amie, Stover était en principe un témoin favorable à Frank et n’avait pas de raison de le charger ou de mentir – contrairement à Leo Frank. (Atlanta Georgian, 28 avril 1913)
15 – À propos de son coup de fil au gardien de nuit évoqué au point 6, Leo Frank déclarait peu après la découverte du meurtre à des journalistes que ce genre d’appel était dans ses habitudes, que son appel le soir du meurtre vers 19 h n’était donc que de la pure routine de contrôle ; mais Newt Lee, le veilleur de nuit en question, qui n’avait lui non plus aucune raison de charger son patron, bien au contraire, maintenait avec assurance que depuis trois semaines qu’il était en poste, jamais Frank ne l’avait appelé. (Atlanta Georgian, 28 avril 1913)
16 – Le lendemain, toujours s’adressant à la presse, Frank avait le culot de se plaindre « de la négligence de la police qui n’avait pas effectué tous les relevés d’empreintes digitales et autres avant la ruée de la reprise du travail le lundi matin ». Mais c’est lui-même qui, en tant que directeur de l’usine ayant le contrôle total de l’accès au bâtiment et à la scène du crime — parfaitement conscient que des preuves matérielles pourraient être perdues, a permis à cette situation de se développer. (Atlanta Georgian, April 29, 1913)
17 – En dépit de son soutien affiché en public en faveur de Newt Lee affirmant que son veilleur de nuit n’était pour rien dans le meurtre, en coulisses, les propos de Leo Frank étaient d’une teneur exactement inverse. Dans son édition du 29 avril 1913, l’Atlanta Georgian publiait un article intitulé « Les soupçons se détournent de Frank », dans lequel il était dit que la police était de plus en plus convaincue qu’il fallait chercher du côté de Newt Lee et que « de nouveaux indices fournis par la direction de l’usine [Frank] faisaient que l’étau se resserrait sur le veilleur noir ». Mais la manœuvre grossière de la chemise ensanglantée découverte chez Lee, jointe à la fermeté inébranlable de son témoignage n’allait pas tarder à faire abandonner à la police cette piste.
18 – L’un des « indices » fournis par Frank était que Newt Lee avait manqué plusieurs pointages de suite, ce qui lui avait laissé le temps de tuer Mary Phagan et de rentrer chez lui pour se défaire de sa chemise ensanglantée. Mais cela contredisait ses propres déclarations faites le matin suivant le crime dans lesquelles Frank affirmait que la fiche de pointage de Lee était parfaitement en règle : pourquoi un tel revirement ? Mais toutes ces tentatives de faire porter le chapeau à Lee se sont effondrées lorsqu’il a été prouvé que Mary Phagan était décédée peu après midi, donc quatre heures avant la première venue de Lee dans l’usine.
19 – Presque aussitôt après le meurtre, les soutiens de Frank à la National Pencil Company engageaient les détectives de l’agence Pinkertons pour mener leur propre enquête, mais mauvaise pioche, même cette agence, rémunérée par les partisans de Frank, était forcée d’arriver à la conclusion que Frank était le coupable. (L’agence Pinkertons avait été mandatée par Sigmund Montag de la National Company pour le compte de Leo Frank, avec pour mission « de pincer le meurtrier quel qu’il soit ». Après la condamnation de Leo Frank, Harry Scott et la Pinkertons se voyaient floués des frais d’enquêtes, la facture impayée s’élevant à quelque 1300 $, alors que l’agence avait pleinement rempli sa mission qui était de « pincer le meurtrier quel qu’il soit ». L’agence a dû engager des poursuites pour récupérer ses frais et ses honoraires, mais n’a jamais pu tout récupérer. De même, la mère de Mary Phagan qui avait également engagé des poursuites contre la National Pencil Company pour « mort injustifiée », n’a pas pu obtenir tout ce à quoi elle aurait pu prétendre, l’affaire s’est finalement réglée par accord entre les parties. Ce sont là quelques victimes collatérales de l’affaire Leo Frank : une équipe de détectives incorruptibles floués pour avoir été incorruptibles, et une mère qui d’abord perd sa fille, puis perd l’indemnisation à laquelle elle avait fort justement droit. (Atlanta Georgian, 26 mai 1913, « les hommes de la Pinkertons déclarent Frank coupable – Scott affirme que les propriétaires de la Pencil Factory lui avaient demandé de ne pas protéger le directeur »).
20 – Ça ne signifie pas que, même à la Pinkertons, certains n’avaient pas compris la vraie mission de l’agence, dédouaner Frank, y compris avec des fausses preuves. C’est ainsi que l’un de ses agents, W.D. McWorth — trois semaines après que toute l’usine ait été passée au peigne fin par la police et par les détectives de l’agence — « découvrait » comme par miracle une matraque maculée de sang, une corde semblable à celle utilisée pour étrangler Mary Phagan, et, pour faire bonne mesure, un bout de l’enveloppe qui aurait contenu sa fiche de paye, le tout au rez-de-chaussée, à proximité de la place habituelle du balayeur de l’usine, Jim Conley. C’était le début des tentatives visant à faire croire à la culpabilité de Conley, des efforts qui se poursuivent encore de nos jours. La « découverte » était si manifestement arrangée, qu’elle a rencontré un scepticisme quasi général, McWorth a été éloigné de l’enquête pour être finalement renvoyé de l’agence.
21 – Il est également apparu que McWorth avait fait ses « trouvailles » alors que l’inspecteur en chef de la Pinkertons, Harry Scott, n’était pas en ville. Plus intéressant, contrairement aux instructions explicites de Scott, les « découvertes » de McWorth étaient immédiatement signalées à la défense de Frank, mais pas à la police. L’année suivante, McWorth refaisait surface, mais cette fois en tant qu’agent de la Burns agency, une agence qui travaillait ouvertement dans l’intérêt de Frank. On se demande qui pourrait bien payer pour une telle obstruction à la justice et pourquoi. (Frey, The Silent and the Damned, page 46; Indianapolis Star, 28 mai 1914; The Frank Case, Atlanta Publishing Co., p. 65)
22 – Après avoir tenté de défendre deux versions qui ne tenaient pas debout, Jim Conley a finalement craqué devant la police et avoué qu’il avait aidé Frank à déplacer le cadavre de Mary Phagan et avoir été l’auteur, à l’instigation de Frank, des « notes manuscrites » trouvées près du corps au sous-sol. Ces notes qui se voulaient écrites de la main Mary Phagan (étranglée…), mais qui étaient rédigées dans un dialecte de noir du sud à demi analphabète, semblaient désigner le veilleur de nuit comme étant le meurtrier. Devant une assistance captivée composée d’enquêteurs et d’officiels de la compagnie, Conley rejouait ses conversations avec Frank et tous ses faits et gestes de la journée du meurtre. Les enquêteurs, et même certains des observateurs qui étaient d’abord restés très sceptiques, ont peu à peu été emporté par le récit détaillé de Conley et trouvé qu’il présentait les accents de la vérité.
23 – Lors du procès, les avocats de la défense parmi les plus chevronnés – et les plus chers que comptait l’État de Georgie, ne sont pas parvenu à faire trébucher Jim Conley ni à le faire varier dans son récit.
24 – Conley déclarait que Leo Frank lui demandait parfois de surveiller l’entrée de l’usine pendant qu’il « contait sornettes » aux jeunes filles qui travaillaient à l’étage. Conley disait que Frank lui avait avoué avoir tué accidentellement Mary Phagan qui avait résisté à ses avances, qu’il lui avait demandé de l’aide pour cacher le cadavre et écrire les notes incriminantes envers le veilleur. Enfin, Conley affirmait qu’il était censé revenir plus tard pour brûler le corps de Mary Phagan contre la somme de 200 $, mais qu’il s’était endormi et n’a pas pu revenir à temps.
25 – Des traces de sang ont été retrouvées à l’endroit précis où Conley disait avoir trouvé le corps inanimé de Mary Phagan à la Metal Room, au premier.
26 – C’est aussi là qu’on a retrouvé des cheveux semblables à ceux de Mary Phagan collés à la poignée d’un tour sur lequel elle était apparemment tombée en se débattant contre Leo Frank, l’établi était à proximité immédiate de là où Conley disait avoir trouvé le corps.
27 – De nouvelles traces de sang étaient repérées à l’endroit précis où Conley disait avoir laissé échapper le corps de Mary en essayant de le déplacer. Conley ne pouvait évidemment pas prévoir qu’on allait retrouver des traces de sang à cet endroit, si son récit était imaginaire, il faudrait supposer une coïncidence invraisemblable.
28 – De la dentelle provenant d’un dessous de Mary Phagan avait été grossièrement passée autour de son cou, manifestement pour masquer la marque profonde laissée par la corde qui avait servi à l’étrangler. Aucun meurtrier ne serait assez inconscient pour imaginer tromper ainsi un instant la vigilance des enquêteurs, mais un meurtrier qui aurait besoin de l’aide d’un complice l’espace de quelques minutes, le temps de se débarrasser du cadavre, pouvait en effet espérer que cela suffirait à cacher à son assistant la nature réelle du crime en faisant croire à un col en dentelle.
29 – Si Conley était le meurtrier — et ça ne pouvait être que lui ou Frank — et qu’il avait lui-même entrepris de déplacer le cadavre de Mary Phagan, le col de fortune n’aurait alors été d’aucune utilité.
30 – Au sous-sol, les marques de traînées du cadavre menaient exactement là où il avait été abandonné, devant la chaudière, et elles commençaient au niveau de l’ascenseur, ce qui corroborait en tout point la version des événements de Conley.
31 – On a beaucoup épilogué sur le fait que Conley avait reconnu avoir déféqué dans la cage d’ascenseur le samedi matin, et comme le lendemain, les inspecteurs, qui étaient descendus par l’échelle, avaient remarqué l’étron intact, et comme par la suite, en faisant marcher l’ascenseur, ils avaient constaté que le plancher de la cabine l’avait écrasé, toute l’histoire de Conley et Frank évacuant le cadavre par l’ascenseur se trouvait remise en cause. Mais comment déterminer avec certitude que l’étron avait été écrasé « pour la première fois » le lendemain, lorsque les inspecteurs ont fait fonctionner la cabine ? De plus, nulle part dans les volumineux dossiers de l’affaire — y compris dans l’ordonnance par laquelle Slaton, le gouverneur, a commué la peine, et dans laquelle il expose son « test de l’ascenseur » — on ne trouve la trace de ce qu’on se soit inquiété de savoir si la face inférieure du plancher de la cabine était uniformément plate.
32 – De plus, la théorie de la « crotte dans la cage » – censée innocenter Frank – s’effondre si on considère le fait que les inspecteurs, qui ont examiné la cage d’ascenseur avant de faire descendre la cabine, y ont découvert, sur un sol littéralement jonché de détritus de toutes sortes, l’ombrelle de Mary Phagan. R.M. Lassiter, un des inspecteurs chargés de l’enquête, déclarait au tribunal en réponse à la question de savoir « de quoi était fait le fond de la cage d’ascenseur, de bois, de ciment ou quoi ? » qu’il n’en savait rien, que « le fond était plein de détritus et je ne pouvais pas voir ». Il y avait une telle couche d’immondices sur le sol de la cage que les enquêteurs ne savaient pas de quoi il était fait ! La couche pouvait fort bien être disposée de telle sorte que le plancher du monte-charge n’a pas écrasé l’étron au moment où Frank et Conley s’en sont servis pour descendre le corps. En fouillant les détritus, les inspecteurs ont facilement pu modifier leur agencement initial en sorte que lorsqu’ils ont fait ensuite descendre la cabine, l’étron s’est cette fois retrouvé écrasé.
33 – La théorie de la défense qui visait à établir la culpabilité de Conley avançait l’idée que Conley seul s’était débrouillé pour faire tomber le cadavre de Mary du premier étage vers la cave en le poussant à travers la trappe d’échelle et non en passant par le monte-charge. Mais Lassiter maintenait que les marques de traînées ne démarraient pas au pied de l’échelle, répondant au contraire à l’instruction : « Non Monsieur, les traces de traînage se poursuivaient au-delà de l’échelle, il y en avait entre l’ascenseur et le pied de l’échelle ». Pourquoi Conley se serait-il donné la peine de faire un crochet avec le corps jusqu’à l’ascenseur pour revenir vers la chaudière qui était son but ? Pourquoi n’y avait-il aucune trace d’un tel demi-tour devant le monte-charge ? Si le corps de Mary avait laissé des traces de traînée sur le sol sale et irrégulier de la cave, comment se fait-il qu’on ne relevait pas de trace d’impact au point de chute au pied de l’échelle ? Pourquoi, surtout, le cadavre de Mary Phagan ne présentait-il pas les multiples contusions qui auraient dû apparaître après une chute de plus de quatre mètres du premier vers le sous-sol ?
34 – Leo Frank a plusieurs fois changé l’heure à laquelle Mary était venu chercher sa paie. Il a commencé par dire que c’était à 12 h 03, puis il a affirmé que cela pouvait être « entre 12 h 05 et 12 h 10, peut-être 12 h 07 ». Mais à l’instruction, il retardait une nouvelle fois ses estimations de cinq bonnes minutes : « Q: à quelle heure est-elle entrée ? R : je ne sais pas exactement ; entre 12 h 10 et 12 h 15. Q : Qu’est-ce qui vous fait dire que c’était entre 12 h 10 ou 12 h 15 ? R : Parce que la précédente personne est partie à 12 h et que j’ai eu l’impression qu’il s’était écoulé dix ou quinze minutes avant qu’elle n’arrive ». En réalité, ses nouvelles estimations ne reposaient sur rien de solide, alors pourquoi ces modifications d’horaire ?
35 – Le détective de la Pinkerton, Harry Scott, qui était engagé par Leo Frank pour enquêter sur le meurtre, attestait que la défense de Frank lui avait demandé de différer la remise à la police des preuves qu’il aurait pu récolter le temps que les avocats de Frank en prennent connaissance. Ce que Scott a refusé de faire.
36 – Newt Lee, qui a été totalement mis hors de cause et qui n’a jamais cherché à charger qui que ce soit, même pas Frank, disait que Frank avait été horrifié en l’entendant suggérer que peut-être Mary avait été tuée dans la journée et non le soir comme on le pensait au début de l’enquête, c’est-à-dire quand Frank était à l’usine et que Lee n’y était pas. Ici, Harry Scott, le détective de la Pinkerton, fait part au tribunal de la conversation qu’il a eue avec Newt Lee après l’avoir confronté à Frank : « Q : Qu’est-ce que Lee a dit ? R : Il a dit que Frank ne voulait pas parler du meurtre, qu’il avait dit à Frank qu’il savait que le meurtre avait eu lieu de jour et que Frank avait secoué la tête en disant « n’en parlons pas ». (Atlanta Georgian, 8 mai 1913, « Lee répète sa conversation en privé avec Frank »)
37 – Lorsque Newt Lee a été questionné à l’instruction au sujet de son tête-à-tête avec Frank organisé par Scott, il confirmait que Frank n’a plus voulu poursuivre la conversation dès qu’il avait commencé à lui dire que le meurtre ne pouvait avoir été commis le soir ou la nuit alors qu’il était de service : « Q : Répétez pour le jury la conversation que vous avez eue en privé avec Frank. R : J’étais dans la pièce et il est entré. J’ai dit, M. Frank, c’est très dur d’être assis là les menottes aux poignets. Il a dit qu’il me croyait innocent et j’ai répondu que je n’y étais pour rien mis à part que c’est moi qui avais trouvé le corps. « C’est ça » a dit M. Frank, « continuez comme ça et nous irons tous les deux en enfer ! » Je lui ai dit que si elle avait été tuée au sous-sol, je m’en serais rendu compte, et il a répondu « n’en parlons plus, laissez tomber ! » (Atlanta Georgian, 8 mai, 1913, « Lee répète sa conversation en privé avec Frank »)
38 – Boots Rogers, le policier du comté qui avec ses agents était allé chercher Frank chez lui pour le conduire à l’usine le matin du 27 avril, disait que Frank était si nerveux que sa voix était rauque — avant même qu’on ne l’informe du meurtre. (Atlanta Georgian, 8 mai 1913, « Rogers explique ce que la police a trouvé à l’usine »)
39 – Rogers déclarait également avoir personnellement vérifié la fiche de pointage de Newt Lee — celle dont Leo Frank avait d’abord dit qu’elle ne présentait pas de manque, mais qui prétendra ensuite le contraire. L’Atlanta Georgian du 8 mai rapporte ce qu’a vu Rogers : « Rogers disait qu’il avait vérifié la fiche et que la première perforation avait été faite à 6 h 30 du soir et la dernière à 2 h 30 du matin, il ne manquait aucun passage ». Frank, malheureusement, a été autorisé à récupérer la fiche et à la ranger dans son bureau. Et c’est comme ça que par la suite, une fiche avec plusieurs perforations manquantes allait pouvoir surgir : est-ce là le comportement d’un innocent ?
40 – Tous ces événements suspects autour de la fiche de pointage de Lee ne peuvent être le fait d’un « coup monté » de la police, à ce stade de l’enquête, les soupçons se portaient fortement sur Lee et non sur Frank.
41 – Tout au long de la journée passée en compagnie des policiers, de l’usine au commissariat, Frank était si nerveux, déclarait Rogers, que ses mains tremblaient sans arrêt.
42 – Plus que probablement un témoin de complaisance présenté par la défense, le contremaître de l’usine, un certain Foreman Lemmie Quinn allait voler au secours de Frank en témoignant que Leo était tranquillement installé à son bureau vers 12 h 20, soit quelques minutes après l’heure probable du meurtre. Quant à savoir si cette visite a réellement eu lieu ou pas, on reste un peu dubitatif. Quinn disait être venu voir Schiff, l’assistant personnel de Frank, lequel était absent — mais qu’aurait-il fait là, un samedi et un jour férié ? — il n’était resté qu’une ou deux minutes à discuter avec Frank à son bureau. Frank a d’abord dit qu’il n’y avait pas eu une telle visite, avant de s’en rappeler opportunément quelques jours plus tard, quand Quinn lui a « rafraîchi la mémoire ».
43 – Comme rapporté par l’Atlanta Georgian, Quinn disait lui-même au départ à l’inspecteur John Black qu’il n’y avait pas eu une telle visite ! « Q : Qu’est-ce que M. Quinn vous a dit de son trajet à l’usine le samedi ? R : M. Quinn a dit qu’il ne se trouvait pas à l’usine le jour du meurtre. Q : Combien de fois l’a-t-il dit ? R : à deux ou trois reprises. Je l’ai entendu dire à l’inspecteur Starnes qu’il n’y avait pas mis les pieds ». (Atlanta Georgian, 8 mai 1913, « Black affirme que Quinn nie être allé à l’usine »)
44 – Plusieurs jeunes femmes ont déclaré à l’enquête que Frank leur faisait souvent des avances déplacées, une fois il avait porté la main à la poitrine de l’une d’elles, une autre fois il avait proposé de l’argent. L’Atlanta Georgian rapportait ainsi : « Les jeunes filles et les femmes se succédaient à la barre pour attester de ce qu’elles étaient employées à l’usine ou qu’elles avaient eu l’occasion de s’y rendre et que Frank s’était essayé à des privautés avec elles. Nellie Pettis, habitant 9 Oliver Street, déclarait que Frank lui avait fait des avances déplacées. On lui demandait si elle avait déjà travaillé à l’usine de crayons. Elle répondait que non. Q : Vous connaissez Leo Frank ? R : Je ne l’ai vu qu’une fois ou deux. Q : Quand et où l’avez-vous vu ? R : à son bureau à l’usine, chaque fois que je devais aller récupérer la paye de ma belle-sœur. Q : Que vous a-t-il dit qui aurait pu être inconvenant lors de l’une ou l’autre de ces visites ? R : Ce n’est pas vraiment ce qu’il disait — c’était ses gestes. Il y a quatre semaines, je venais à son bureau chercher la paye de ma sœur et j’ai demandé à la voir. Il m’a dit que je ne pourrais pas la voir « avant de l’avoir vu lui ». Je lui ai dit que je n’avais envie de « le voir ». Il a sorti une boîte de son bureau, elle était pleine d’argent, il l’a regardé d’un air significatif, puis il m’a regardé. En me regardant, il a fait un clin d’œil et m’a dit : « qu’est-ce que vous dites de ça ? » Je lui ai aussitôt dit que j’étais une femme honnête. Là, le témoin a marqué une pause. Le coroner, Donehoo, la relançait à brûle-pourpoint : « Vous ne lui avez rien dit d’autre? » – Si, je lui ai dit d’aller au diable !, et je suis partie du bureau ». (Atlanta Georgian, 9 mai1913, « L’affaire Phagan sera déféré devant le Grand Jury par Dorsey »)
45 – Dans le même article, une autre jeune fille témoignait de la façon singulière de se comporter de Frank : « Nellie Wood, une jeune femme, témoignait en ces termes : Q : Connaissez-vous Leo Frank ? R : J’ai travaillé pour lui deux jours. Q : Avez-vous remarqué une inconduite de sa part ? R : Eh bien, ce sont ses gestes qui ne plaisaient pas. Il me tournait autour et posait ses pattes sur moi sans y avoir été invité le moins du monde. Q : Est-ce que c’est tout ce qu’il a fait ? R : Non. Il m’a un jour demandé de passer à son bureau, disant qu’il avait à me parler. Il voulait refermer la porte, mais je l’en ai empêché. Il s’est fait encore plus familier en s’approchant de moi. Il a aussi posé ses mains sur moi. Q : Où a-t-il posé ses mains ? Il m’a à peine touché la poitrine. Il était subtil dans son approche, il essayait de prétendre qu’il plaisantait. Mais j’étais évidemment sur mes gardes. Q : Est-ce qu’il a essayé autre chose ? R : Oui ».
46 – En mai, à peu près en même temps que McWoth, le détective véreux de la Pinkerton, se faisait renvoyer pour avoir placé des fausses preuves, un mystérieux avocat faisait une entrée en scène fracassante, Thomas Felder, dit « colonel » Felder. Il se proposait de collecter des fonds auprès du public pour financer la venue dans l’affaire d’une autre agence de détectives, la grande rivale de la Pinkerton’s, la William Burns’. Felder prétendait représenter les voisins, les amis et la famille de Mary Phagan, mais c’était complètement faux, furieux de cette manœuvre, le beau-père de Mary, J.W. Coleman, faisait une déclaration sous serment pour démentir tout lien entre lui et Felder. L’interprétation qui vient le plus naturellement à l’esprit au sujet des agissements de Felder, c’est que le clan Leo Frank ayant complètement échoué avec la Pinkerton, celle-ci refusant de tricher avec les preuves en faveur de Frank, ayant au contraire contribué à établir sa culpabilité – avec l’argent de son propre clan qui plus est, avait décidé d’en faire venir une autre qu’on espérait plus accommodante, soi-disant financée par le clan Phagan, ce qui avait l’avantage de servir de couverture aux vrais buts de l’agence. C’est bien comme ça que cela a été perçu et ça n’a pas arrangé les affaires de Frank, le public commençant au contraire à se poser des questions sur son innocence. (Atlanta Georgian, 15 mai 1913, « Les Inspecteurs de la Burns vont enquêter sur l’assassinat »)
47 – La manœuvre du « colonel » Felder virait définitivement au fiasco quand lui et un détective de la Burns, C.W. Tobie, se faisaient piéger par un agent de la police secrète, A.S. Colyar. Ce dernier avait emporté un dictographe pour enregistrer en secret Tobie lui présenter l’offre de Felder : 1 000 $ pour l’original de l’affidavit de Coleman et pour copie des éléments confidentiels du dossier Phagan. Colyar déclarait après la rencontre « j’ai quitté l’hôtel Piedmont à 10 h 55, Tobie de son côté, comme il m’en a informé, se rendant sans plus tarder au bureau de Felder où l’attendait un « comité de citoyens », composé de Mr. Hirsch, Mr. Myers, Mr. Greenstein et de quelques autres personnalités juives de la ville » (Atlanta Georgian, 21 mai 1913, « T.B. Felder dément agir pour Frank »)
48 – Jouant les vertus outragées, Felder niait farouchement travailler pour le clan Frank. Se déclarant convaincu de la culpabilité de Frank, il allait même jusqu’à affirmer que c’était la police qui le protégeait. Ce chapelet d’absurdités ressemblait bel et bien à un sabordage, mais un sabordage calculé : comme on l’a remarqué à l’époque, en faisant mine de se mettre du côté du clan Phagan, il pouvait encore espérer l’entraîner avec lui par le fond. (Atlanta Georgian, 21 mai 1913, « T.B. Felder dément agir pour Frank »)
49 – Fait piquant, C.W. Tobie, le détective de la Burns, faisait lui aussi une déclaration – peu après que son agence se soit retirée de l’affaire – comme quoi il en était lui-même arrivé à la conviction que Frank était coupable : « Il est insinué par certaines forces occultes que nous cherchons à protéger Frank. C’est absurde. Des éléments que j’ai récoltés au cours de mon enquête, je retire la conviction que Frank est le coupable ». (Atlanta Constitution, 27 mai 1913, « l’agence Burns abandonne le dossier Phagan »)
50 – Alors que tout son montage volait en éclat, Felder tentait encore cette déclaration dans l’Atlanta Constitution : « N’est-il pas quelque peu étrange que les inspecteurs de la police de la ville, payés par ses contribuables, soient « cul et chemise » avec les détectives de la Pinkerton, une agence qui dans le cadre de cette enquête travaille tout à fait officiellement pour Frank; qu’ils invitent l’agence en toute confiance à toutes leurs réunions quotidiennes et coopèrent avec ses agents de toutes les manières possibles et imaginables tandis qu’ils montrent la plus grande réserve vis-à-vis W.J. Burns et de ses détectives qualifiés qui sont engagés par le public et pour le public pour élucider ce crime ? ». Mais ce qu’il omet de préciser, c’est que Harry Scott, le principal agent de la Pinkertons’ à Atlanta, avait prouvé que la National Pencil Company ne pouvait pas le corrompre, qu’on pouvait donc raisonnablement s’attendre à ce que les nantis derrière Frank se tournent ailleurs, et à cet égard, ils ne pouvaient pas mieux choisir que la réputée William Burns agency. Croire que Felder et son hypothétique « collectif des proches de Mary Phagan » engageaient de manière désintéressée la Burns était naïf au possible : cela revenait à dire que les riches alliés de Frank allaient rester assis sur leur argent et s’en tenir à leur contrat avec la Pinkerton, laquelle venait de mettre à la porte le seul agent qui était prêt à lui « donner un coup de main ». (Atlanta Constitution, 25 mai 1913, « Thomas Felder qualifie les accusations de corruption de conspiration diabolique »)
51 – Colyar, l’homme qui avait exposé au grand jour Felder, déclarait en outre que les amis de Frank distribuaient de l’argent pour que les témoins quittent la ville ou fassent de faux témoignages. L’Atlanta Georgian commentait les simagrées de Felder : « On peut tenir pour acquis que Felder est définitivement éliminé de l’affaire Phagan. Il a toujours été soupçonné de travailler à la défense de Frank et son brusque déluge de déclarations contre lui ne trompe personne et mérite de rentrer dans les annales ». (Atlanta Georgian, 26 mai 1913, « Lay Bribery Effort to Frank’s Friends »)
52 – Quand Jim Conley a fini par reconnaître qu’il était l’auteur du mot trouvé près du corps de Mary Phagan, Leo Frank n’a pu maîtriser ses réactions : « Leo M. Frank dans sa cellule a eu sous les yeux la stupéfiante déposition du balayeur noir, James Connally [sic]. « Qu’avez-vous à en dire ? » lui demanda le journaliste du Georgian. Frank, de saisissement devant la portée de la déposition, fit un bond en arrière, incapable de dire un mot. Les mains tremblantes et le visage contracté, il était au bord de la panique, mais refusait de se prononcer sur la véracité de la déclaration du balayeur ou de faire le moindre commentaire, se bornant à hocher négativement de la tête et à répéter devant l’insistance du journaliste « qu’il n’avait rien à dire ». (Atlanta Georgian, 26 mai 1913, « le balayeur noir reconnaît avoir écrit les notes de Phagan »)
53 – Lorsque Jim Conley a reconstitué pas à pas le déroulement de la journée du meurtre telle qu’il l’a vécue, donnant exactement la position du corps tel qu’on l’a retrouvé, donnant des détails sur la façon dont il s’y était pris pour déplacer le corps avec Frank, et précisant la manière dont avaient été rédigé les notes manuscrites, Harry Scott, le détective de la Pinkerton déclarait : « il ne fait aucun doute que le noir dit la vérité, il n’aurait pas pu enchaîner les actions comme il l’a fait si elles ne correspondaient pas à ce qui s’était passé. Nous pouvons considérer que nous avons enfin atteint le fin fond du mystère de Mary Phagan ».(Atlanta Georgian, 29 mai 1913 supplément, « Conley reconstitue à l’usine le rôle qu’il dit avoir joué dans le meurtre »)
54 – Début juin, le nom de Felder surgissait de nouveau dans la presse. Cette fois, il prétendait que son ennemi juré, A.S. Colyar, avait en sa possession une déposition de Jim Conley avouant le meurtre de Mary Phagan, une déposition qu’il se gardait bien de remettre à la police. Celle-ci aussitôt pressait Conley de questions pour savoir ce qu’il en était, mais bien sûr, Conley niait farouchement avoir fait une telle déposition, il niait même avoir jamais vu Conley. Pour Lanford, le chef de la police, cela confirmait ce qu’il pensait de Felder, à savoir qu’il travaillait en sous-main pour Frank depuis le début : « j’attribue ce rapport au colonel Felder, ce travail lui ressemble bien, cela montre simplement que Felder est en cheville avec la ligue de défense de Frank, que l’avocat essaye d’embrouiller l’enquête pour le protéger en détournant les soupçons sur un autre. On a commencé à le comprendre quand il a essayé de faire libérer Conley avec l’arrière-pensée, j’en suis sûr, de protéger Frank : il avait été informé de ce que le noir avait fait un témoignage accablant pour Frank, et à partir de là, il a tout fait pour le faire sortir de prison, déclarant que c’était une honte que la police détienne aussi longtemps Conley, un noir innocent. Sans cesse il revenait à la charge, alors qu’il n’avait pas bougé le petit doigt en faveur de Newt Lee ou de Gordon Bailey qui avaient été détenu encore plus longtemps et qui étaient eux aussi innocents. Pour moi, cela trahit l’intention cachée de Felder d’éloigner Conley de la police ». Est-ce qu’une défense sincèrement convaincue de l’innocence de son client irait verser dans de telles manigances ? (Atlanta Georgian, 6 juin1913, « Conley, passé de nouveau au grill par la police, nie avoir avoué le meurtre »)
55 – Les partisans de Frank ont beaucoup glosé sur la décision de Slaton, le gouverneur de Géorgie, qui en 1915 décidait de commuer la condamnation à mort par pendaison de Frank en prison à vie. Mais quand Slaton a rendu son ordonnance de commuation, il a bien pris soin de préciser qu’il ne remettait pas à cause la décision du tribunal et des jurés qui avaient reconnu la culpabilité de Frank : « Par mon ordonnance de commuation je me range à la décision du jury, des juges et des tribunaux d’appel, tout en m’acquittant dans ce cas précis du devoir qui m’incombe par la constitution de cet État ». Il ajoutait également au sujet du témoignage de Conley selon lequel Frank lui avait dit avoir tué Mary Phagan et l’avait mis à contribution pour déplacer le corps : « on peut difficilement concevoir qu’un homme puisse se montrer aussi précis dans les moindres détails que l’a été Conley s’il ne s’agit pas de la vérité ».
56 – Le 8 mai 1913, après avoir entendu 160 témoignages, le jury d’enquête du coroner composé de six membres assermentés en plus du coroner lui-même, décidait à l’unanimité d’envoyer Leo Frank devant le grand jury pour meurtre.
57 – Le 24 mai 1913, après avoir eu connaissance des preuves et des témoignages par le procureur, Hugh Dorsey, le grand jury décidait d’inculper Leo M. Frank du meurtre de Mary Phagan. Des 21 membres du grand jury, quatre étaient juifs, 12 votes auraient suffi, mais c’est à l’unanimité que le jury s’est prononcé contre Frank. Un historien spécialiste de l’antisémitisme, Albert Lindemann, rejette catégoriquement l’idée que des préjugés contre les Juifs aient pu jouer, et estime que les jurés « ont été convaincus par les preuves concrètes que Dorsey leur présentait ». Et encore, l’acte d’accusation était-il prononcé alors même que le témoignage de Jim Conley n’était pas encore disponible. (Lindemann, The Jew Accused: Three Anti-Semitic Affairs, Cambridge, 1993, p. 251)
58 – Le 25 août 1913, après plus de 29 jours du procès le plus coûteux de toute l’histoire du Sud jusque-là, après que deux des plus éminents avocats du Sud – les plus chers aussi – accompagné d’une véritable armée de détectives aient fait de leur mieux en faveur de Frank, et après quatre heures de délibération, Frank était reconnu coupable du meurtre de Mary Phagan à l’unanimité des douze jurés.
59 – Le juge du procès, Leonard Strickland Roan, avait la possibilité de faire obstacle au verdict s’il estimait que l’accusé n’avait pas bénéficié d’un procès équitable, il ne l’a pas fait, ce qui revient à un vote de 13 à rien.
60 – Le juge avait aussi le pouvoir de condamner Frank à la peine plus clémente de prison à vie – même dans le cas où le Jury ne l’aurait pas recommandé, mais le lendemain 26 août 1913, il confirmait le verdict de culpabilité et condamnait Leo Frank à être exécuté par pendaison.
61 – Le 13 octobre 1913, la Cour rejetait une demande de la défense de Leo Frank en vue d’un nouveau procès et confirmait la condamnation à mort. Le juge, Benjamin H Hill fixait la date de l’exécution au 17 avril 1914, soit aux trente ans de Leo Frank.
62 – Financée par une massive campagne de dons lancée par la communauté juive américaine, la défense de Leo Frank, malgré la sentence et sa confirmation, intensifiait ses actions de relation publiques, se démenait dans la presse à l’échelle nationale, s’adjoignait les services de certains des meilleurs avocats Américains. Ces derniers, du 27 août 1913 au 22 avril 1915, déposaient toute une série d’appels devant tous les niveaux de juridiction possibles et imaginables du pays, à commencer par la Cour d’appel de Géorgie, celle-ci rejetant la demande comme dépourvue de fondement.
63 – L’appel suivant devant la Cour suprême de Géorgie par un aréopage d’avocats de réputation mondiale ne rencontrait pas plus de succès et était rejeté.
64 – Un deuxième appel était interjeté auprès de la Cour suprême de Géorgie, lui aussi rejeté comme dépourvu de fondement.
65 – L’affaire était alors portée devant la Federal District Court qui n’était pas non plus convaincue par les arguments de Frank et rejetait l’appel, maintenant le verdict du jury.
66 – Saisie son tour, la United States Supreme Court rejetait elle aussi les arguments de Frank et refusait que l’affaire soit renvoyée en appel.
67 – Enfin, un deuxième et dernier recours devant la Cour Suprême était rejeté, la Cour confirmant le verdict original de culpabilité et maintenant la condamnation à mort pour le meurtre par strangulation de Mary Phagan. Ainsi, chacun de l’ensemble des échelons du système juridique des États-Unis — après avoir soigneusement vérifié les témoignages et les preuves — rejetait tour à tour les recours par des votes à la majorité, confirmant les votes à l’unanimité du début de la procédure – celui du coroner et celui du grand jury – et reconnaissant que l’accusé avait bénéficié d’un procès équitable.
68 – Il serait ridicule de prétendre que tous ces acteurs de toutes ces institutions, du nord et du sud — le jury du coroner, le grand jury, le jury et le juge du procès de première instance, la Cour d’appel de Géorgie, la Cour suprême de Géorgie, la Federal District Court et la Cour suprême des USA aient été tous conduits à leurs conclusions motivés par l’antisémitisme.
69 – Même en prenant sa décision de commuer la peine de Frank en prison à vie, le gouverneur John Slaton reconnaissait explicitement le verdict de culpabilité. Il expliquait que c’était le jury qui était le plus à même de juger de la significativité des preuves et de la crédibilité des témoins qu’on leur présentait. Dans l’ordre de commuation lui-même il disait : « nombre de journaux et de non-résidents ont estimé que Frank avait été condamné sans la moindre preuve à l’appui du verdict. Manifestement, ceux qui s’avancent ainsi n’ont jamais vu les preuves ni eu connaissance des faits, on peut d’ailleurs en dire autant de ceux qui demandent son exécution. À mon avis, personne ne devrait s’autoriser un jugement s’il n’est pas familier des preuves existantes et chacun devrait comprendre que ce sont ceux qui ont vu les témoins à la barre et leur façon de s’y comporter qui sont les plus à même de se faire une idée juste de l’affaire et de parvenir à établir la vérité ».
70 – En mai 1915, le conseil de la prison d’État de Géorgie votait par deux voix contre une en défaveur d’une pétition de clémence — même si la pétition était passée, cela n’aurait pas changé le verdict de culpabilité de Leo Frank.
71 – En 1982 Alonzo Mann, qui en 1913 avait 13 ans et qui était le garçon de bureau de la National Pencil Company, faisait sensation dans la presse en revenant sur son témoignage au procès et en déclarant que selon lui, c’était Jim Conley le vrai meurtrier de Mary Phagan. En 1913, Mann disait avoir quitté le bureau à 11 h 30 le jour du meurtre. En 1982, non seulement il changeait l’horaire mais il racontait une tout autre histoire : Mann disait qu’il était parti de l’usine à midi, une demi-heure plus tard que ce qu’il avait dit dans son témoignage. C’était le Confederate Memorial Day et une parade et diverses festivités étaient prévues. Mann devait, disait-il, y retrouver sa mère, mais l’avait manquée et « était retourné au travail » peu après midi. En entrant dans l’immeuble, il avait surpris Jim Conley au rez-de-chaussée portant le corps inerte de la jeune fille : « Il s’est jeté sur moi et m’a dit d’une voix sourde et menaçante : « si jamais tu en parles, je te tue ».
Mann prétend qu’il est alors parti sans demander son reste, en arrivant chez lui, il racontait tout à sa mère d’une traite. Mann disait que ses parents lui avaient conseillé de se taire pour éviter la publicité et c’est ce qu’il a fait des années durant : Jim Conley serait mort en 1957 — ou peut-être en 1962 — emportant vraisemblablement ses menaces de mort avec lui.
Plusieurs points posent un problème dans l’histoire de Mann. Premièrement, il faut remarquer que même si elle est juste, elle prouve simplement que Conley avait à certains moments porté le corps de Phagan tout seul, sans l’aide de Frank. Mais Conley avait déjà reconnu avoir aidé à porter le corps ; certes, il avait dit que le corps était trop lourd à déplacer seul au premier étage et que le monte-charge les avait ensuite conduit directement au sous-sol. Mais aucun de ces deux points ne sont déterminants pour la culpabilité de l’un ou de l’autre. (Mann était pauvre, il souffrait du cœur et devait faire face à de grosses dépenses de santé lorsqu’il s’est décidé à rendre public ce qu’il « savait ».)
72 – Pourquoi est-ce qu’un garçon de 13 ans devrait « retourner au travail » une jour férié ? Pourquoi aurait-il dû y retourner alors que ce n’était manifestement pas prévu : en principe, il devait retrouver sa mère à la fête. Est-ce que les garçons de bureaux bénéficiaient d’horaire variable en 1913 ?
73 – Si Alonzo Mann avait un rendez-vous si précis avec sa mère, si précis qu’il est retourné au travail après ne l’avoir attendu que quelques minutes à peine, comment se fait-il qu’elle était chez elle quelques minutes seulement après l’heure du rendez-vous ?
74 – Pourquoi des parents blancs du sud encore très ségrégationniste en 1913 iraient dire à leur fils de protéger un noir et d’envoyer à sa place à la potence un innocent, Leo Frank, celui qui lui avait offert une place de choix ?
75 – Et pourquoi les parents auraient laissé leurs fils de 13 ans se présenter au travail le lundi matin, deux jours après qu’il ait été menacé de mort par un meurtrier transportant un cadavre sur le dos, sachant que ce meurtrier serait également présent, guettant l’occasion de faire son affaire au petit dans une des nombreuses encoignures de l’immense bâtisse ? De fait, Jim Conley s’est bien présenté au travail le lundi, tout comme Alonzo Mann et les quelque 170 autres employés après un week-end férié. Jim Conley, n’a été arrêté que dans les premiers jours de mai.
76 – Si Alonzo Mann est réellement tombé sur Jim Conley quelques minutes après midi, comment se fait-il qu’il n’ait pas croisé Mooteen Stover?
77 – Si Jim Conley s’en est vraiment pris à Mary Phagan au pied de l’escalier, comme Alonzo Mann le suggère, comme se fait-il que Leo Frank n’ait rien entendu des cris de Mary et des bruits de luttes ? il n’était qu’à 10 mètres.
78 – Plusieurs témoins — aussi bien pour l’accusation que pour la défense — ont certifié avoir vu Jim Conley assis rien faire dans la pénombre du hall de la National Pencil Company le matin du meurtre. Est-ce à l’avantage de l’accusation qui soutient que Frank, comme souvent, lui avait demandé de venir faire le guetteur pendant qu’il avait à « s’entretenir » avec les filles ? Ou est-ce à l’avantage de la défense qui soutenait que Conley se trouvait bien là à rien faire, à l’abri dans les locaux de l’entreprise, et qu’il pensait que personne ne lui dirait rien même si personne ne lui avait donné la permission d’être là ? Est-ce que les concierges noirs en 1913 avaient aussi le droit de faire leurs horaires, même un jour férié alors qu’il n’y avait pas besoin de ses services ?
79 – Est-ce qu’un noir relativement instruit et intelligent comme Jim Conley pouvait s’imaginer risquer s’en prendre à une blanche et la tuer à quelques mètres de la porte non verrouillée du hall, dans la zone la plus fréquentée de l’usine, dans l’Atlanta de 1913, ségrégationniste, dominée par les blancs, et où, en effet, on pouvait lyncher facilement, surtout les noirs ? Est-ce que cela a un sens de prétendre, comme l’a fait la défense, qu’il l’aurait fait pour les 1,20 $ — toute la paye de Mary Phagan ? Si vraiment Conley mijotait un mauvais coup, pourquoi justement sur son lieu de travail, et pourquoi choisir ses victimes potentielles parmi les ouvrières, bien plus pauvre que lui ?
80 – Ce funeste samedi aurait dû être un jour de fête pour tout le monde, et la veille, Jim Conley avait touché sa paye, 6,05 $, de quoi bien s’amuser à un nickel (5 cents) la bière dans les salles de billard de la ville, tout ce qu’il adorait faire, alors pourquoi se trouvait-il à l’usine ? Ce n’était certainement pas lui qui avait eu l’idée de rester là des heures à ne rien faire, en plus, il risquait de se faire réprimander à traîner dans l’entreprise sans autorisation. Visiblement, il n’était pas venu pour balayer, il restait là assis à regarder. La seule explication valable qui vienne à l’esprit, c’est que c’est justement pour ça qu’il était là ce jour-là, à la demande expresse de son chef, Leo Frank.
81 – Les relations de Leo Frank, directeur de la National Pencil Company, avec son balayeur, Jim Conley, avaient de quoi surprendre. Ce dernier touchait 6,05 $ alors que le salaire moyen des employés blancs, dont beaucoup étaient des opérateurs sur machine qualifiés, n’était que de 4,05 $, pourquoi ? Se pourrait-il que Conley exerçât pour Frank des fonctions autres, plus importantes mais inavouables, ainsi que le soutenait l’accusation ? Se pourrait-il que dans le cadre de ses fonctions occultes, Conley ait pu glaner des informations gênantes pour Frank qui justifieraient certaines largesses de sa part ?
82 – Selon une employée de la National Pencil Company employee, Jim Conley a une fois été surpris en train d’uriner sur les crayons, évidemment un comportement inacceptable, pourtant, il n’était pas mis à la porte. (témoignage au procès d’Herbert George Schiff, mémoire de preuve, affaire Leo Frank, août 1913). De nouveau, cela nous renvoie aux interrogations du point précédent.
83 – Selon un employé de l’usine, Gordon Bailey (affaire Leo Frank, mémoire de preuve, août 1913) Jim Conley n’était pas toujours tenu de pointer. Pourquoi le « balayeur noir de service » comme on l’appelait, en principe au plus bas de l’échelle dans l’usine, bénéficiait-il d’un privilège aussi exorbitant de la part de Leo M. Frank ? Pourquoi Jim Conley était-il le seul des 170 employés à être dispensé de pointage s’il n’était pas plus important qu’il n’en avait l’air ?
84 – En 1983, l’Anti-Defamation League of B’nai B’rith (ADL), à la tête d’un consortium d’organisations juives, prenait la tête d’une campagne pour obtenir du Conseil des Grâces de Géorgie une réhabilitation posthume de Leo Frank en se basant principalement sur la déclaration d’Alonzo Mann l’année précédente. Le Conseil ne se laissait pas impressionner et estimait que la déclaration de Mann n’apportait pas d’élément nouveau, rappelant au passage que le gouverneur Slaton dans son ordre de commuation en 1915 avait également pris en considération l’éventualité que le monte-charge n’ait pas servi à déplacer le corps de Mary Phagan, mais qu’il avait néanmoins maintenu la condamnation de Frank. La requête de l’ADL était rejetée et le verdict de culpabilité préservé.
85 – En 1986, L’ADL à la tête du même consortium repartait à la charge du Conseil des Grâces de Géorgie. Sa requête se fondait cette fois sur le fait que comme l’État de Géorgie s’était montré incapable de prévenir le lynchage de Leo Frank après que la sentence ait été commuée par le gouverneur Slaton, les droits de Leo Frank avaient été bafoués, ce qui était suffisant pour qu’il soit gracié. C’était une fois de plus accompagné d’un grand tapage médiatique, des histoires sensationnelles dans les journaux, des récits sous forme de fiction, des éditoriaux enflammés etc. Sur cette base beaucoup plus restreinte, le Conseil était contraint de transiger. Pour autant, la Commission n’était pas tenue de – et n’a pas – exonéré Leo Frank de sa culpabilité dans la mort par strangulation de Mary Phagan le 26 avril 1913. La condamnation pour meurtre était maintenue.
86 – Lucille Selig Frank, la femme de Leo Frank, s’est affichée en épouse intraitable, volant au secours de son mari et le défendant contre vents et marées des accusations criminelles ou morales, tout au long de la procédure, du procès aux différents appels, elle restera invariablement à ses côtés. Pourtant, certains indices laissent penser qu’au tout début de l’affaire, elle n’était peut-être pas entièrement convaincue de la fidélité de son époux ni de sa complète innocence, pensant probablement que la mort avait été accidentelle. Longtemps après la mort de son mari, il n’est pas impossible qu’elle soit revenue à ses impressions de départ.
La pièce à conviction du ministère public portant la lettre « J » consiste en une unique déposition de Minola McKnight, la cuisinière noire de Leo Frank. Les autorités en sont venues à s’intéresser à Mrs. McKnight lorsque son mari est venu leur dire que son épouse avait entendu des révélations fracassantes alors qu’elle servait le couple Frank à son domicile le soir du meurtre : ni plus ni moins, que Leo Frank ivre et plein de remords avait pitoyablement avoué à sa femme qu’il s’était retrouvé avec une fille à l’usine, qu’il ne comprenait pas pourquoi il l’avait tué, réclamant que sa femme lui apporte un pistolet pour qu’il puisse en finir.
[…]
Après l’arrestation de Leo Frank, Lucille s’est abstenue de lui rendre visite pendant les treize premiers jours, c’est ensuite qu’elle a commencé son numéro d’épouse indomptable défendant son mari. Qu’est-ce qui l’a fait hésiter tout ce temps ? L’explication de Leo Frank était que Lucille devait être « physiquement retenue » parce qu’elle voulait à tout prix être enfermé avec lui en prison. On est bien sûr libre de préférer l’explication suggérée par la pièce « J ».
Lucille Frank décède en 1957, dans ses volontés, elle spécifie expressément qu’on l’incinère et qu’on ne l’inhume donc pas avec, ou à côté de, son premier et unique mari, Leo Frank — alors même qu’une place avait été prévue à cet effet à proximité de la tombe de son époux.
87 – Leonard Dinnerstein est un auteur qui aura passé le plus clair de son temps à se pencher sur l’antisémitisme et notamment sur l’affaire Leo Frank. Son ouvrage, The Leo Frank Case, est présenté comme l’ouvrage de référence, c’est l’une des principales sources qui tentent de démontrer que 1) l’antisémitisme était endémique dans la Géorgie de 1913 et 2) que cet antisémitisme a été un facteur déterminant de l’inculpation et de la condamnation de Frank.
Les deux thèses sont des mystifications que démonte facilement Elliot Dashfield sur le site The American Mercury : « Dinnerstein voudrait nous faire avaler que des foules sudistes haineuses assiégeaient le tribunal et hurlaient à travers les fenêtres ouvertes « qu’on lui brise la nuque à ce Juifv! », « qu’on le pende haut et court », que les membres du jury étaient menacés d’être eux-mêmes lynchés s’ils ne décidaient pas de pendre « ce putain de basané ».
Mais pas un des trois grands journaux d’Atlanta, qui avaient dépêché des équipes entières de journalistes pour décortiquer les plus menus détails de la salle d’audience et qui avaient également des équipes présentes à l’extérieur au milieu de la foule, n’ont jamais fait état de telles menaces de mort soi-disant vociférées par la foule. S’il y en avait eu, les reporters toujours avides de vendre du papier et de faire avancer leur carrière n’auraient pas manqué de jouer des coudes entre eux à qui serait le premier à en faire leurs choux gras. Est-ce qu’on imagine que les mêmes reporters qui sur ce procès du siècle allaient jusqu’à parler de la façon dont étaient disposées les chaises, des chansons folks des saltimbanques dans les rues adjacentes, sans oublier de signaler les changements de greffier, rateraient l’occasion de parler des menaces de mort d’une foule en effervescence contre le jury ?
Tout au long des deux années en appel, jamais aucune de ces éventuelles menaces de mort antisémites n’a été signalées par la défense de Frank. Pas un mot à ce sujet dans les 3 000 pages des archives judiciaires des divers procès — et tout ça en dépit du fait que Reuben Arnold [l’avocat de Frank] n’avait pas manqué de jouer la carte dans ses plaidoiries finales, disant que Frank était poursuivi parce qu’il était Juif… Et pourtant, grâce à Leonard Dinnerstein, cet épisode imaginaire est entré dans la conscience des Américains de toutes catégories comme une « vérité historique » — et même comme étant le nœud de l’affaire.
88 – Dans son livre visant à innocenter Frank, Leonard Dinnerstein reprend sciemment les 1964 grossières supercheries d’un écrivain autoproclamé et sans scrupules : Pierre van Paassen (Dashfield, The American Mercury, octobre 2012) :
« Van Paassen prétendait qu’il existait en 1922, aux archives de la Cour du comté de Fulton, des radiographies, réalisées en 1913, de la dentition de Leo Frank. Il y en avait aussi d’autres de marques de morsure sur le cou et les épaules de Mary Phagan. Des antisémites auraient fait disparaître ces preuves. Van Paassen a la gentillesse de nous dire pourquoi — et Dinnerstein de le répéter : mais parce que, figurez-vous, les morsures ne correspondaient pas à la mâchoire de Frank… Peut-être que Dinnerstein, le distingué professeur, aurait-il pu prendre la peine, par acquit de conscience, de demander à un étudiant en médecine s’il était possible de faire des radiographies de morsures sur la peau, que ce soit en 1913, en 2013, ou en 2153 : parce que ce n’est pas possible. De plus, même pour les dents, en 1913, la radiographie aux rayons X en était à ses balbutiements et n’était pas en usage dans les Cours de justice même longtemps après que Frank fut pendu ». Sans compter que cette histoire de morsure est une pure invention dont on ne trouve nulle part trace dans les minutes des divers procès de l’affaire. Si Frank était si manifestement innocent, est-ce que ses partisans auraient besoin de s’adonner à de tels procédés ?
89 – Loin d’être une région ravagée par l’antisémitisme, le Sud en général et Atlanta en particulier sont considérés par les Juifs comme des refuges sûrs, presque libres de l’animosité ou de l’hostilité qu’ils peuvent connaître dans d’autres parties des États-Unis ou du monde. Même encore aujourd’hui, alors que les relations entre les Juifs et les Gentils se sont tendues suite à l’affaire Frank et suite au soutien des Juifs en faveur de la révolution des droits civiques, les chrétiens dont est en grande partie composée la population du Sud sont résolument philosémites. C’est même le Sud qui est l’épicentre du sionisme chrétien et du soutien américain à l’État d’Israël.
90 – Harry Golden écrivait dans Commentary, le magazine de l’ American Jewish Committee, que les premiers vendeurs de « bonds pour Israël » s’adressaient en priorité aux chrétiens du Sud, parce qu’ils étaient les plus ardents partisans des Juifs et d’Israël. Lorsqu’on leur demandait pourquoi ils étaient sionistes, Golden disait que la réponse des Sudistes était toujours peu ou prou « parce que c’est dans le livre ! » – c’est-à-dire bien sûr, dans la Bible. Cette attitude remontait à loin et n’a pas attendu 1948 pour se manifester.
91 – D’après l’écrivain Scott Aaron, dans le Sud en 1913, les Juifs n’étaient pas réputés pour leur violence criminelle ni pour agresser les femmes blanches. Tout au plus, étaient-ils considérés comme un peu bizarres dans leurs pratiques religieuses.
« Les mariages entre Juifs et chrétiens étaient susceptibles de provoquer des froncements de sourcils dans les deux communautés, mais ils n’étaient pas si rares, et de tels couples n’étaient pas ostracisés, d’ailleurs Leo Frank, lui-même, avait un beau-frère chrétien, Mr. Ursenbach, avec qui il devait précisément aller voir un match de base-ball le jour où Mary Phagan a été tuée : pour une raison ou une autre, le rendez-vous a été annulé ». […]
92 – Aaron cite aussi une étude de John Higham commandée par l’American Jewish Committee : Social Discrmination Against Jews 1830 – 1930. Dans son étude, Higham estime qu’historiquement, le Sud était la région la moins encline à ostraciser les Juifs. Il attire l’attention sur « l’exception sudiste » une région dépourvue de discrimination à l’encontre des Juifs. « Certes, les relations entre les Juifs et les Gentils se sont quelque peu distendues vers le milieu du XXe siècle, et l’affaire Leo Frank et la création de l’Anti-Defamation League dans son sillage ont pu jouer un rôle dans cette évolution ».
« Mais bien évidemment, ces contrecoups du procès n’ont pas pu jouer sur l’attitude du public d’Atlanta au moment du meurtre de Mary ».
93 – On peut encore juger de l’attitude des Sudistes envers les Juifs au fait que pendant la Guerre Civile, ils ont fait de Judah P. Benjamin le premier Juif à être nommé à un poste ministériel en Amérique du Nord, et pas des moindres : Secrétaire au trésor. Il a aussi été procureur général, Secrétaire à la guerre et Secrétaire d’État des Confédérés. Son prestige était tel, que son effigie était portée sur les billets de banque de la monnaie des États confédérés. Dans le même temps, le 17 décembre 1862, Ulysses S. Grant, le général en chef nordiste, émettait son ordonnance n°11 par laquelle il donnait 24 heures aux Juifs pour ficher le camp de toute la zone de combat sous sa responsabilité : il est vrai qu’ils soudoyaient son état-major pour pouvoir faire la contrebande de coton entre le sud et le nord. […]
94 – Allen Koenigsberg, un chercheur, trouve curieux que la plupart des passages importants de la déposition de Minola McKnight soient complètement occultés par la littérature contemporaine de l’affaire Leo Frank :
« L’une des pièces à conviction les plus troublantes amenées par l’enquête, c’était la déposition signée de la cuisinière noire du couple Frank/Selig: Minola McKnight. L’avocat de Frank n’aura de cesse d’affirmer qu’il a été extorquée par la police lors d’un interrogatoire « musclé ». Depuis 1913, il n’a jamais été montré dans son intégralité et nous sommes heureux de le présenter ici [ http://www.leofrankcase.com/ ]. Ce qui n’a jamais été non plus mentionné par la suite, c’est la séquence des événements qui ont conduit à son apparition. Minola aura fait en tout trois dépositions (3 mai, 2 et 3 juin), mais c’est la déposition de son mari Albert faite le 26 mai et signée le 2 juin qui lui a valu son interrogatoire nocturne au commissariat [qu’on trouvera également ici http://www.leofrankcase.com/ ]. Seul l’ouvrage de Charles et Louise Samuels, Night Fell on Georgia (1956), y fait indirectement allusion.
« Quoi qu’il en soit, la phrase la plus frappante (et curieusement éludée) est présentée ici pour la première fois : « Mrs. Frank a eu une scène de ménage avec Mr. Frank le samedi matin du meurtre. Elle a demandé que Mr. Frank l’embrasse en partant et il lui a répondu, qu’il gardait ses bises pour _______ et qu’il ne l’embrasserait pas ». Nous laissons les lecteurs apprécier son authenticité à la lumière d’un autre petit événement : en rentrant chez lui vers 18 h 30 le 26 avril, Leo Frank faisait un petit détour par la pharmacie Jacob [Jacob Suchard?] pour lui acheter fort à propos, une boîte de chocolats.
95 – On a fait grand cas du fait que l’avocat de Jim Conley, William M. Smith, qui s’était finalement convaincu de la culpabilité de son propre client, se soit livré à une analyse du langage employé par Conley à la barre, le comparant au petit mot « laissé par Mary », il en concluait que c’était bien Conley qui en était le véritable auteur et que ce n’était donc pas Frank qui le lui avait dicté. Nombreux ont été ceux qui ont accueilli cette « révélation » avec toute la dérision qu’elle méritait : comment croire que Frank aurait été assez bête pour exiger de Conley qu’il reproduise mot pour mot son langage (même si Hugh Dorsey, fera l’erreur de présenter les choses ainsi dans ses conclusions). En fait, le mot ne pouvait atteindre l’objectif voulu — faire porter les soupçons sur un noir — que s’il était rédigé dans le dialecte des noirs du Sud par un locuteur dont c’était la langue maternelle, c’est un point qu’un meurtrier intelligent ne pouvait pas manquer de prendre en considération.
96 – C’est dans A Little Girl Is Dead, le livre d’Harry Golden, pourtant pas incapable de journalisme objectif (il a une fois mentionné que les Sudistes avaient une attitude inhabituellement favorable aux Juifs), que se trouve sans doute le plus gros mensonge jamais imaginé dans l’affaire. Il prétendait que Jim Conley avait confessé sur son lit de mort le meurtre de Mary Phagan. Mais Steve Oney, un spécialiste pro-Frank réputé levait le lièvre, suite à l’annonce sensationnelle de Golden il avait « demandé à ses assistants de farfouiller tous les microfilms des archives à la recherche de la confession partout dans le Sud, ils s’y sont employé des années et n’ont rien trouvé ». (Oney, The Lynching of Leo Frank, Esquire, septembre 1985)
97 – Il paraît peu vraisemblable que Hugh Dorsey, le coroner, ait pu faire preuve d’antisémitisme à l’égard de Leo Frank étant donné que son associé à son cabinet était lui-même juif – ce que Dorsey prendra néanmoins la peine de fièrement préciser dans ses conclusions ; leur collaboration s’est d’ailleurs poursuivie après le procès tout à fait normalement. (Closing arguments of Hugh Dorsey, Leo Frank trial)
98 – Comment se fait-il que la défense se soit toujours refusée à contre-interroger la vingtaine de jeunes filles venues témoigner des mœurs déplorables de Frank ? Parce que ces ténors du barreau savaient que selon le droit en vigueur en Géorgie, le ministère public ne pouvait utiliser ces témoignages que pour donner un aperçu général de la moralité douteuse de l’accusé. Alors que par le contre-interrogatoire, la défense aurait pu forcer les femmes à donner des raisons précises, à donner des détails, certes avec l’espoir de démonter les témoignages, mais aussi avec le risque que ces témoignages n’enfoncent encore plus leur client. Si les avocats n’ont pas pris le risque, ça ne peut être que parce qu’ils savaient à quoi s’en tenir au sujet des travers de Frank.
99 – On doit l’histoire la plus fantasque de l’affaire à un vendeur d’assurance au bagou certain : W.H. Mincey. Il prétendait que l’après-midi du meurtre, Jim Conley, en pleine rue à Atlanta, sans crier gare, lui avait confessé qu’il venait de tuer une jeune fille.
Selon un livre paru à l’époque, The Frank Case, p. 66 : « Mincey assurait qu’en fin d’après-midi, alors qu’il se trouvait au coin de l’Electric avenue et de la Carter streets, à proximité du domicile de Conley, il avait abordé le noir pour lui proposer une assurance. Conley l’aurait envoyé promener, lui disant qu’il avait des ennuis. Mincey lui aurait demandé lesquels, ce à quoi, il a répondu qu’il avait tué une fille. « Vous vous prenez pour Jack l’éventreur ? » plaisanta Mincey. Mincey jure que le Conley lui aurait alors répondu : « non, j’ai tué une petite blanche et vous feriez mieux de dégager ou je vous fais la peau aussi ».
On pourrait penser que pour toute personne normale et en possession de ses moyens, un tel conte serait difficile à avaler : mais pas pour la défense de Frank qui déclarait sérieusement devant la Cour son intention de faire venir à la barre Mincey. Mais elle ne tardait pas à se rétracter : le procureur s’était renseigné et était prêt à produire 25 personnes pour témoigner des relations tortueuses de l’individu avec la vérité. De plus, pour faire bonne mesure, l’accusation comptait faire circuler des exemplaires des livres que Mincey avait écrits sur l’art de lire dans les pensées.
100 – La petite-nièce de Mary Phagan, Mary Phagan Kean, rapporte dans son livre The Murder of Little Mary Phagan que son grand-père William Joshua Phagan, Jr. (le frère de Mary Phagan) avait pris entre quatre yeux Jim Conley en 1934, et qu’il avait fini par être convaincu que l’ancien balayeur disait la vérité : ce dernier était parfois si bouleversé qu’il ne parvenait pas à refouler ses sanglots. William Phagan a fini par lui dire qu’il le croyait, que s’il avait pensé qu’il mentait, « il l’aurait tué de ses mains ». Sur ce, ils sont allés boire un verre ensemble.
[…] [101 – FG : Si Leo Frank avait respecté le shabbat, ce qui n’était pas difficile puisque c’était un jour férié, rien de tout cela ne serait arrivé. Mais il a préféré donner rendez-vous à Mary Phagan dans son usine pour profiter de cette journée à sa manière, loin de sa femme.]Penelope Lee
Traduction et adaptation : Francis Goumain
Source : 100 Reasons Leo Frank Is Guilty | The American Mercury
Leo Frank: Guilty of Murder, part 1 | National Vanguard
Appendice :
- Full archive of Atlanta Georgian newspapers relating to the murder and subsequent trial
- The Leo Frank case as reported in the Atlanta Constitution
- The Leo Frank Case (Mary Phagan) Inside Story of Georgia’s Greatest Murder Mystery 1913
- The Murder of Little Mary Phagan by Mary Phagan Kean
- American State Trials, volume X (1918) by John Lawson
- Argument of Hugh M. Dorsey in the Trial of Leo Frank
- Leo M. Frank, Plaintiff in Error, vs. State of Georgia, Defendant in Error. In Error from
- Fulton Superior Court at the July Term 1913, Brief of Evidence
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