Rares sont les nations qui auront exercé une influence aussi considérable sur la pensée politique et sociologique que l’Italie – qu’il suffise de citer les noms de Dante, de Machiavelli ou de Vico. Au XXe siècle également les apports des auteurs italiens se sont avéré d’une importance décisive. On peut citer Gaetano Mosca et sa théorie élitiste de la classe politique, Roberto Michel, son étude magistrale des partis politiques et sa loi d’airain de l’oligarchie, Corrado Gini, à qui l’on doit le fameux « coefficient de Gini » sur l’inégalité des revenus, auteur controversé de théories sociobiologiques troublantes, ou encore Scipio Sighele et ses recherches en psychologie des masses avec un article retentissant sur la «foule criminelle». /1
Mais la palme revient incontestablement à Vilfredo Pareto. Son aura est telle qu’il est impossible d’écrire une histoire de la sociologie sans faire référence à son œuvre. /2
Son héritage aura traversé intact toutes les vicissitudes et les convulsions politiques du siècle et il reste encore aujourd’hui un théoricien universellement respecté. /3
Mais Pareto revêt en outre une importance particulière pour nous en tant que figure éminente de l’un des plus puissants courants intellectuels européens qui brille encore aujourd’hui malgré la censure généralisée dont il est l’objet. Cette formidable école de pensée comporte des noms aussi prestigieux que ceux de Taine, Burckhardt, Donoso Cortés, Nietzsche ou Spengler, autant de noms qui s’érigent en adversaires résolus du rationalisme, du libéralisme, de l’égalitarisme, du marxisme et d’une manière générale, de tout ce qu’ont bien pu enfanter les doctrinaires du siècle des lumières.
Vie et Personnalité
Vilfredo Federico Damaso Pareto est né à Paris en 1848. /4 D’ascendance mixte italo-française, il est le fils unique du Marquis Raffaele Pareto, un italien exilé de sa Gênes natale en raison de ses opinions politiques, et de Marie Mattenier. Grâce à la situation relativement confortable de son père, ingénieur hydrologue, Pareto grandit dans l’univers douillet de la classe moyenne, bénéficiant de tous les avantages réservés aux gens de sa classe et de son âge. Il reçoit en France et en Italie un enseignement de qualité, concluant son cursus à l’Institut polytechnique de Turin dont il ressort major. Il trouve son premier poste d’ingénieur à la société nationale des chemins de fer italien, puis il se tourne vers le secteur privé.
Durant ces premières années, Pareto se découvre un vif intérêt pour la vie politique de son pays: s’exprimant à l’occasion de conférence ou publiant des articles dans divers journaux, il finit par s’investir directement dans des activités politiques. Il est résolument en faveur de la liberté d’entreprise et de la liberté du commerce qu’il n’a de cesse de considérer comme des nécessités vitales au développent de l’Italie.
Volontiers polémique dans la défense de ses idées et véhément dans la dénonciation de ses adversaires (qui se trouvaient être au pouvoir à l’époque), l’atmosphère de ses apparitions publiques étaient si survoltée – parfois perturbée par des voyous qu’on avait engagés contre lui – qu’elles pouvaient tourner à l’émeute et justifier d’une descente de police en règle.
Comprenant qu’il était en train de gaspiller son temps et son énergie au détriment de l’avancement de sa réflexion économique, il décide de se retirer de la vie politique. En 1893, il est nommé maître de conférences en économie politique à l’université de Lausanne où il succède à Léon Walras – rien de moins – et contribue à la renommée de l’école de Lausanne. Sa réputation était telle chez ses partisans comme chez ses adversaires, qu’il devint pour tous le «Karl Marx de la bourgeoisie» ou le «Karl Marx du Fascisme»./5
Son Manuel d’Économie Politique /6 et sa critique pénétrante du socialisme marxiste dans Les Systèmes socialistes, /7 resteront comme ses contributions majeurs à la théorie économique.
Pareto s’est finalement attaché assez tard à la sociologie – ce qui ne l’empêchera pas d’y être tout aussi largement reconnu. Son monumental Traité de sociologie générale ainsi que deux ouvrages aux proportions plus modestes, Un applicazione di teorie sociologiche (sur les élites comme phénomène sociologique) et La transformation de la démocratie comptent parmi les chefs-d’œuvre de la sociologie./8
Le titre de marquis avait été octroyé à l’arrière-arrière-arrière-grand-père de Pareto en 1729 et, après la mort de son père en 1882, cette dignité lui échut à son tour. Mais il n’en fit jamais état, expliquant que comme ce n’était pas lui qui l’avait obtenu, il n’en tirait aucune gloire. En revanche, il tenait à son titre de «Professeur» obtenu à Lausanne, parce que là disait-il, il s’agissait du couronnement mérité d’une vie consacrée à la recherche.
Avec son intelligence supérieure, Pareto avait toutes les peines du monde à supporter la hiérarchie, toute sa vie, il aura cherché à s’en affranchir. Mais la pleine conscience qu’il avait de ses capacités intellectuelles exceptionnelles portait ombrage aussi autour de lui et lui valait bien des inimitiés, il pouvait se montrer cassant et blessant avec ses interlocuteurs sur des sujets sur lesquels il s’estimait seul compétent ou en avance. Il a fini par se tailler la réputation de quelqu’un qui voulait toujours avoir raison, incapable de tact ou du moindre égard pour la susceptibilité d’autrui.
En même temps, Pareto pouvait témoigner de grands élans de charité envers ceux qu’il considérait comme injustement défavorisés, les chiens abandonnés. Il n’hésitait pas à prendre la plume pour défendre les pauvres ou dénoncer la corruption des dirigeants et l’exploitation de ceux qui n’étaient pas en mesure de se défendre par eux-mêmes.
Comme l’écrivait Charles Powers, un sociologue contemporain :
«Durant des années, Pareto avait offert de l’argent, un abri et des conseils aux exilés politiques (spécialement en 1898, année de grands troubles en Italie). Tout comme son père, il avait ses penchants très conservateurs, mais il avait aussi de la compréhension pour les revendications à l’égalité des chances et à la liberté d’expression./9
C’était un libre-penseur, par certains côtés, il faisait songer à un anarchiste avant l’heure. Il était habité de cette ambivalence qu’on trouve chez certaines personnes qui sont à la fois très conservatrices et très éprises de liberté individuelle». /10
Il savait aussi manier l’épée et le pistolet et était peu enclin à se laisser intimider par les menaces physiques, son sens de l’honneur lui interdisait toute lâcheté et c’est plus d’une fois qu’on l’a vu mettre en fuite des bandes de brutes et de voyous. /11
Dans ses dernières années, Pareto souffrait de problèmes cardiaques chroniques qui lui ont fait vivre un calvaire, il meurt en Suisse le 19 août 1923.
Libéralisme économique
Dès le départ un farouche adversaire de tout ce qui est marxisme et égalitarisme gauchisant, Pareto publie en 1902 Les Systèmes socialistes, sans doute le point culminant de sa critique de la vision marxiste du monde. Étant donné le règne quasi sans partage de cette vision aujourd’hui, il est dommage que cet ouvrage n’ait pas été traduit en intégralité en anglais. On ne dispose que de quelques passages, la citation qui revient le plus souvent est à considérer comme un véritable avertissement prophétique pour notre époque :
«Un signe qui annonce presque toujours la décadence d’une aristocratie est l’invasion des sentiments humanitaires et la mièvre sensiblerie qui la rendent incapable de défendre ses positions» (Les Systèmes socialistes p. 37). /12
«Lorsqu’un être vivant perd les sentiments qui, en des circonstances données, lui sont nécessaires pour soutenir la lutte pour la vie, C’est un signe certain de dégénération, car l’absence de ces sentiments va entraîner dans un avenir plus ou moins proche, l’extinction de l’espèce. L’être vivant qui craint de rendre coup pour coup et de répandre le sang de son adversaire se met, par là même, à la merci de cet adversaire. Le mouton a toujours un loup pour le dévorer, et si maintenant il échappe à ce danger, c’est simplement parce que l’homme le réserve pour sa pâture. Tout peuple qui aura l’horreur du sang au point de ne pas savoir se défendre deviendra tôt ou tard la proie de quelque peuple belliqueux. Il n’est peut-être pas sur notre globe, un seul pied de terre qui n’ait été conquis par le glaive et où les peuples qui l’occupent ne se soient maintenu par la force. Si les nègres étaient plus forts que les Européens, ce serait les nègres qui se partageraient l’Europe, et non les Européens, l’Afrique. Le «droit» que prétendent avoir les peuples qui s’octroient le titre de «civilisé» de conquérir d’autres peuples, qu’il leur plaît d’appeler «non-civilisés» est tout à fait ridicule, ou pour mieux dire, ce droit n’est autre que la force».
Dans un autre passage du même ouvrage – qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler les paroles du philosophe allemand Oswald Spengler – Pareto renouvelle sa mise en garde contre le danger suicidaire que représente, selon lui, «l’humanitarisme» :
«Toute élite qui n’est pas prête à livrer bataille pour défendre ses positions est en pleine décadence, il ne lui reste plus qu’à laisser sa place à une autre élite ayant les qualités viriles qui lui manquent. C’est pure rêverie, si elle s’imagine que les principes humanitaires qu’elle a proclamés lui seront appliqués: les vainqueurs feront résonner à ses oreilles l’implacable vae victis» (Les Systèmes socialistes p. 40). /13
Marxisme
Les Systèmes socialistes, pour une large part, se consacre à une évaluation sans concessions des prémisses à la base du marxisme. D’après l’historien H. Stuart Hughes, l’ouvrage aurait été la cause de «pas mal de nuits blanches» pour Lénine. /14
Pour Pareto, l’accent mis par Marx sur la lutte historique entre la classe ouvrière qui ne possède rien – le prolétariat – et la classe possédante des capitalistes, est exagéré et terriblement trompeur. L’histoire est en effet pleine de conflits, mais l’antagonisme prolétariat-capitaliste n’en est qu’un parmi d’autres, et en aucun cas le plus important :
«La lutte des classes, sur laquelle Marx a spécialement attiré l’attention, est un fait réel, dont on trouve la trace à chaque page de l’histoire, mais elle n’a pas lieu seulement entre deux classes: celle des prolétaires et celle des «capitalistes», elle se retrouve entre une infinité de groupes qui ont des intérêts différents, et surtout entre les élites qui se disputent le pouvoir. Ces groupes peuvent avoir une existence plus ou moins longue, se fonder sur des caractères permanents ou plus ou moins temporaires. Chez la plupart des peuples sauvages et peut-être chez nous, le sexe détermine deux de ces groupes. L’oppression dont se plaignent ou se sont plaint les prolétaires n’est rien en comparaison de celles que souffrent les femmes des sauvages de l’Australie. Des caractères plus ou moins réels, fondés sur la naissance, la couleur, la nationalité, la religion, la race, la langue, etc., peuvent donner naissance à ces groupes. De nos jours, la lutte des Tchèques et des Allemands, en Bohême, est plus vive que celle des prolétaires et des capitalistes, en Angleterre». /15
Pareto pensait que le marxisme n’était rien d’autre qu’un mouvement politique destiné à remplacer une élite par une autre: en dépit de leur zèle révolutionnaire, la ferveur de ses adeptes n’est pas finalement sans rappeler celle des visionnaires millénaristes : /16
«De même encore, de nos jours, les socialistes ont fort bien vu que la révolution de la fin du XVIIIe siècle avait simplement mis la bourgeoisie à la place de l’ancienne élite, et ils ont même considérablement exagéré le poids de l’oppression des nouveaux maîtres, mais ils croient sincèrement qu’une nouvelle élite de politiciens tiendra mieux ses promesses que celles qui se sont succédé jusqu’à ce jour. Du reste, tous les révolutionnaires proclament, successivement, que les révolutions passées n’ont abouti en définitive qu’à duper le peuple; c’est seulement celle qu’ils ont en vue qui sera la vraie révolution. «Tous les mouvements historiques – disait, en 1848, le Manifeste du parti communiste – ont été, jusqu’ici, des mouvements de minorités au profit de minorités. Le mouvement prolétaire est le mouvement spontané de l’immense majorité au profit de l’immense majorité». Malheureusement, cette vraie révolution, qui doit apporter aux hommes un bonheur sans mélange, n’est qu’un décevant mirage, qui jamais ne devient réalité; elle ressemble à l’âge d’or des millénaires; toujours attendu, toujours elle se perd dans les brumes de l’avenir, toujours elle échappe à ses fidèles au moment même où ils croient la tenir».
Sentiments Moteurs : Théorie des Résidus
L’un des apports les plus originaux de Pareto, le plus controversé aussi, c’est que les humains ne sont pas principalement mus par la logique et la raison, mais par les sentiments. On retrouve sans cesse ce leitmotiv dans Les Systèmes socialistes, et, dans son Traité de Sociologie Générale, il figure comme thème à part entière. Dans le Traité, Pareto tente d’embrasser l’infinie diversité des actions humaines comme étant les manifestations externes de sentiments qu’il ramène à six grandes classes de «Résidus».
[FG: le terme «résidu» n’est peut-être pas très heureux – comment un résidu pourrait-il être à la base de tout notre comportement? – mais on peut penser que Pareto s’adresse ainsi au préjugé des rationalistes qui admettent que dans n’importe quel raisonnement il reste toujours une part de non démontré, une part résiduelle axiomatique qu’il s’agit d’isoler et de réduire au strict minimum. Aujourd’hui bien sûr, on aurait plutôt la position inverse, et on ne voit pas très bien en quoi pourrait consister une action «purement rationnelle»] .
L’ensemble de ces classes est commun à toute l’humanité précise Pareto, mais certains «résidus» se retrouvent plus accentués selon les individus. De plus, ces classes sont intangibles, la nature politique de l’homme n’est pas perfectible, c’est une constante de l’histoire.
Classe I : C’est celle de «l’instinct de combinaisons». Il s’agit de la manifestation chez les individus et dans la société de sentiments qui tendent au progrès, à l’inventivité et au désir d’aventure.
Classe II : Il s’agit de la «persistance des agrégats», c’est bien sûr la face opposée de la classe I puisque ce résidu couvre le côté conservateur de la nature humaine, on y retrouve l’attachement au socle des institutions stables comme la famille, l’église, la communauté et la nation, un attachement qui reflète le désir de permanence et de sécurité mais qui à l’inverse de la classe I n’est pas appelé «instinct».
Classe III : Le besoin de manifester ses sentiments pour des actes extérieurs: cette classe paraît plutôt une condition quasi instinctive de la conduite sociale découlant de la classe II qu’une classe particulière de résidus. On pense aux cérémonies religieuses ou patriotiques, à l’apparat tel qu’on le retrouve dans le salut au drapeau, les parades, la messe: c’est le besoin de l’être humain de manifester ses sentiments par des symboles.
Classe IV : les résidus en rapport avec la sociabilité, elle englobe les résidus en rapport avec la sociabilité, autrement dit, qui rendent la société possible. On peut citer des comportements comme le sacrifice de soi pour le bien de la famille et de la communauté ou le respect de la hiérarchie.
Classe V : l’intégrité de l’individu et de ses dépendances: dans la dualité individu / collectivité, c’est le pendant de la classe IV, l’accent est mis cette fois sur la personnalité et ses biens, ce sont les résidus qui animent l’individu soucieux de maintenir ou retenir son intégrité. Mais ces résidus contribuent aussi à la stabilité de l’ensemble social, les systèmes de droit pénal et civil en étant les exemples les plus évidents.
Classe VI : Résidu sexuel. Il s’agit pour Pareto du sexe en tant que résidu «contaminant» nos raisonnements et nos théories, voici exactement ce qu’il dit: «le simple appétit sexuel, bien qu’il agisse puissamment sur la race humaine, ne doit pas nous occuper ici, cela pour les motifs exposés au §852. Nous devons surtout étudier le résidu sexuel de raisonnements et de théories. En général, ce résidu et les sentiments dont il tire son origine se rencontrent dans un très grand nombre de phénomènes; mais ils sont souvent dissimulés, spécialement chez les peuples modernes».
Les Renards et les Lions
Ces classes ne sont pas purement décoratives, ce qui est intéressant, c’est de voir comment elles s’articulent et jouent dans les oscillations et les permanences de l’histoire. Tout au long du Traité, Pareto met en exergue le jeu entre les deux premières classes, un antagonisme qui tiraille en permanence entre deux pôles aussi bien chaque individu que la société dans son ensemble: l’innovation et la conservation. Pour le philosophe et écrivain James Burnham, l’un des meilleurs connaisseurs de Pareto, les classes I et II sont une systématisation de certains aspects de la théorie politique avancés au XVe siècle Niccolò Machiavelli. /17
Machiavelli répartissait les humains en deux catégories: les renards et les lions. Les qualités qu’il assignait à ces deux groupes les rapprochent assez bien de la typologie des classes de résidus I et II définies par Pareto. Les individus chez qui prédominent les résidus de la classe I sont les équivalents des «renards», ils tendent à être manipulateurs, inventifs, calculateurs et imaginatifs. Les entrepreneurs prêts à prendre des risques, les inventeurs, les scientifiques, les auteurs de fiction, les politiciens et les fondateurs de nouvelles écoles de pensée en philosophie sont de cette catégorie. Ceux de la classe II sont les équivalents des «lions», ils privilégient la fermeté de caractère et le sens du devoir plutôt que la ruse. Ce sont les défenseurs de la tradition, les gardiens des dogmes religieux et les protecteurs de l’honneur national.
Pour qu’une société marche correctement, il faut trouver un équilibre fonctionnel entre ces deux types qui sont complémentaires. À titre d’exemple, Pareto cite le cas du duo formé par le Kaiser Guillaume 1er et son chancelier Otto von Bismarck, le premier débordant des caractéristiques de la classe II tandis que Bismarck était le parfait exemple de la classe I. Chacun de leur côté, ils ne seraient peut-être pas arrivé à grand-chose, mais ensemble, ils ont frisé le grandiose dans l’histoire européenne au XIXe siècle, chacun apportant ce qui manquait à l’autre. /18
Un duo qui, selon Pareto, contraste vivement avec la situation en France sous le régime de Napoleon III. Entièrement tourné vers les affaires et la prospérité matérielle, le régime est outrageusement dominé pendant 20 ans par les renards de tout poil, spéculateurs boursiers et opérateurs des marchés publics qui se partageaient, dit-on, le budget national :
«Ici nous sommes sur la voie de l’explication réelle [de la défaite de 1870]. En Prusse, une monarchie héréditaire s’appuie sur une noblesse fidèle: les résidus de la IIe classe prédominent. En France, un aventurier couronné s’appuie sur une coterie de spéculateurs et de jouisseurs: les résidus de la classe I prédominent». /19
Ou, pour le dire autrement, alors qu’en Prusse c’étaient les besoins de l’armée qui dictaient la politique financière, en France c’étaient les financiers qui dictaient la politique militaire. Ce qui fait que lorsque le «moment de vérité» est arrivé, le tant vanté Second Empire français s’est écroulé en morceaux et s’est laissé envahir en quelques semaines à l’été 1870. /20
[FG: A contrario de l’exemple précédent, dans lequel la complémentarité fonctionne en toute harmonie, on trouve dans le traité le passage suivant étonnant de modernité, sur le jeu très corrosif des élites renardes face au peuple lion soucieux, lui, de préserver le socle permanent de la loi naturelle, ce qu’on appellerait aujourd’hui la trahison des élites, le passage est d’autant plus parlant si on remplace «renards» par «rats» et «lions» par «nationalistes blancs»]
«À l’égard des gouvernements, nous avons à considérer principalement cinq catégories de faits.
1° Un petit nombre de citoyens peuvent, pourvu qu’ils soient violents, imposer leur volonté aux gouvernants qui ne sont pas disposés à repousser cette violence par une violence pareille. L’effet voulu par ces citoyens se produit très facilement si, en n’usant pas de la force, les gouvernants sont mus principalement par des sentiments humanitaires. Si, au contraire, ils n’usent pas de la force parce qu’ils estiment plus judicieux d’employer d’autres moyens, on a souvent l’effet suivant.
2° Pour empêcher la violence ou pour y résister, la classe gouvernante recourt à la ruse, à la fraude, à la corruption et, pour le dire en un mot, le gouvernement, de lion se fait renard. La classe gouvernante s’incline devant la menace de violence, mais ne cède qu’en apparence, et s’efforce de tourner l’obstacle qu’elle ne peut surmonter ouvertement. À la longue, une telle façon d’agir produit un effet puissant sur le choix de la classe gouvernante, dont seuls les renards sont appelés à faire partie, tandis que les lions sont repoussés (§2227). Celui qui connaît le mieux l’art d’affaiblir ses adversaires par la corruption, de reprendre par la fraude et la tromperie ce qu’il paraissait avoir cédé à la force, celui-là est le meilleur parmi les gouvernants. Celui qui a des velléités de résistance et ne sait pas plier l’échine en temps et lieu est très mauvais parmi les gouvernants, et ne peut y demeurer que s’il compense ce défaut par d’autres qualités éminentes.
3° De cette façon, les résidus de l’instinct des combinaisons (Ie classe) se fortifient dans la classe gouvernante; ceux de la persistance des agrégats (IIe classe) s’affaiblissent, car les premiers sont précisément utiles dans l’art des expédients, pour découvrir d’ingénieuses combinaisons qu’on substituera à la résistance ouverte; tandis que les résidus de la IIe classe inclineraient à cette résistance ouverte, et un fort sentiment de persistance des agrégats empêche la souplesse.
4° Les desseins de la classe gouvernante ne portent pas sur un temps trop lointain. La prédominance des instincts des combinaisons, l’affaiblissement de la persistance des agrégats, font que la classe gouvernante se contente davantage du présent et se soucie moins de l’avenir. L’individu prévaut, et de beaucoup, sur la famille ; le citoyen, sur la collectivité et sur la nation. Les intérêts présents ou d’un avenir prochain, ainsi que les intérêts matériels, prévalent sur les intérêts d’un avenir lointain et sur les intérêts idéaux des collectivités et de la patrie. On s’efforce de jouir du présent sans trop se soucier de l’avenir».
Les «Dérivations» justificatrices
Pour tenter de rationaliser des actions pour l’essentiel basées sur leurs sentiments intimes, les agents ont souvent recours à des justifications d’apparence logique que Pareto appelle des «dérivations», il en distingue quatre catégories.
1 – les dérivations d’affirmations
2 – les dérivations d’autorité
3 – les dérivations en accord avec des sentiments ou avec des principes
4 – les dérivations de preuves verbales
La première comprend les jugements de nature purement dogmatique ou aphoristique du genre «l’honnêteté est la meilleure politique». La seconde comporte les jugements qui font appel à l’autorité de grands hommes du passé. La troisième contient les jugements qui prétendent s’appuyer sur des «principes universels», la «volonté générale» ou «l’intérêt du plus grand nombre». Enfin la quatrième contient les jugements qui ne font que jouer des ressorts de la rhétorique: métaphores, allégories et autres.
Le jeu combiné des résidus et des dérivations offre de nouvelles perspectives pour élucider les méandres du comportement humain. En venant illuminer les motivations profondes derrière les slogans et incantations de la vie politique, la théorie de Pareto est un défi direct aux idéaux rationalistes et humanistes de son temps. Dans son traité, Pareto s’étend en détail sur l’observation de la nature humaine, étayant ses démonstrations par des exemples tirés de son incroyable érudition gréco-latine.
Équilibre Naturel
Les «résidus» et les «dérivation» sont pour Pareto les mécanismes par lesquels les sociétés trouvent et maintiennent leur équilibre. Il considérait la société comme un tout, un système constitué d’éléments individuels: les molécules. Ces molécules étaient soumises à des forces d’ensemble, les constantes du système.
«La société humaine est considérée comme un système de molécules [§2066*] qui ont certaines propriétés, dans l’espace et dans le temps, sont soumises à certaines liaisons, présentent certains rapports. Les raisonnements [dérivations], les théories, les croyances qui ont cours dans cet agrégat, sont considérés comme des manifestations de l’état de cet agrégat, et sont étudiés comme des faits, à l’égal de tous les autres faits sociaux (II-e). Nous en recherchons les uniformités, et nous nous efforçons de remonter à d’autres faits dont ceux-ci procèdent. Nous n’entendons nullement opposer une dérivation à une autre dérivation, une croyance à une autre croyance. Il nous importe seulement de savoir en quel rapport se trouvent les dérivations et les croyances entre elles et avec les autres faits, dans le temps et dans l’espace». /21
Lorsqu’un déséquilibre se produit, un mécanisme de retour à l’équilibre est censé s’enclencher. Mais dans le cas de la France et de l’Italie, les deux sociétés les plus familières à Pareto, il déplorait une bien trop forte prédominance des «renards» sur les «lions». Dans ces deux pays, pensait-il, une révolution était inéluctable.
[FG: 1 – Attention de ne pas confondre deux niveaux, celui d’un déséquilibre économique et celui dans le mécanisme de correction qui doit ramener l’équilibre économique; le déséquilibre entre les renards et les lions est un défaut du système qui empêche le retour à l’équilibre lors d’une crise économique (ou sociale)
FG: 2 – Noter comme Pareto, pourtant un authentique économiste, contrairement à Marx, a quand même encore besoin du concept politique de «révolution» pour résoudre certaines situations de blocages économiques. Après Keynes et la compréhension correcte de l’économie monétaire, de la monnaie et de la création monétaire, plus personne dans la profession ne fera allusion à une «conjoncture révolutionnaire». Mais attention, le progrès de la théorie monétaire n’a été vu qu’en compagnie du progrès technique – qu’il aura permis de convertir en progrès économique, on ne l’a encore jamais vu face à un tarissement du progrès technologique, encore moins face à une pénurie physique. C’est ce qui risque d’arriver bientôt, et là, on risque bien de se retourner vers la classe qui a le monopole de la création monétaire – la classe, voire, l’ethnie aux mains de laquelle elle est indument tombée, et ça risque de chauffer de nouveau].
Comme nous l’avons déjà relevé, lorsqu’une classe dirigeante présente en majorité les traits de la classe I, l’intelligence y est survalorisée au détriment du reste: on répugne à recourir à la force pour faire face aux dangers qui menacent de l’intérieur ou de l’extérieur l’État et la nation, pour réduire les tensions, on préfère la négociation et les manœuvres. Bien entendu, dans de telles sociétés, les dirigeants cherchent à masquer leur lâcheté sous les traits d’un humanitarisme dévoyé.
Charité mal placée
Dans les affaires domestiques, le plus grand danger qui plane sur une société, ce sont les débordements de la criminalité. Les dirigeants du type de classe I essaient de les prévenir en recourant à toute une batterie de subterfuges relevant soi-disant de la charité, comme la «réhabilitation» des criminels. Le seul résultat tangible, comme nous ne le savons que trop, c’est une criminalité endémique dans toute la société. Avec le ton sarcastique bien dans sa manière, Pareto rend compte du phénomène :
«D’ordinaire, les théoriciens modernes portent sévèrement le blâme sur les vieux préjugés, d’après lesquels les vices du père pèsent sur son fils. Ils ne s’aperçoivent pas qu’il existe un phénomène semblable dans notre société, en ce sens que les vices du père profitent au fils et le disculpent. Pour le criminel moderne, c’est une vraie chance que d’avoir parmi ses ascendants ou d’autres parents un criminel, un aliéné ou même seulement un alcoolique. Devant les tribunaux, un tel fait lui vaut une diminution de peine, et parfois même le fait acquitter. Désormais, il n’y a presque plus de procès pénal où l’on ne fasse usage de ce moyen de défense. La démonstration métaphysique par laquelle on établit qu’une peine doit être infligée au fils à cause des vices du père, a autant et pas plus de valeur que celle par laquelle on établit que, pour la même raison, la peine dont le fils aurait autrement été frappé, doit être supprimée ou diminuée. Quand on ne trouve aucune excuse au criminel dans les vices de ses ascendants, on a toujours la ressource de la trouver dans les mauvaises actions de la «société». En n’ayant pas convenablement pourvu au bonheur du criminel, elle a la « responsabilité » du crime. Ensuite, la peine frappe, non pas la société, mais l’un de ses membres, pris au hasard, ou sans rapport aucun avec la faute présumée»./22
[FG: On trouve aussi cette note: «Comme d’habitude (§587), par les dérivations, on prouve tout aussi bien le pour et le contre. Chez PLUTARQUE, De se num. vind., XVI, p. 559, les vices du père nuisent au fils dont ils justifient la punition, parce que – dit l’auteur – les fils héritent plus ou moins du tempérament du père. Chez les humanitaires modernes, les vices du père profitent au fils : ils lui procurent, s’il a commis un crime, une diminution de peine ou le complet acquittement, parce que – disent les humanitaires – ces vices diminuent la «responsabilité» du fils»
FG: Au choix – ou les deux – on pourra admirer l’étendue de la culture gréco-romaine de Pareto, ou se demander ce que penseraient nos modernes enquêteurs, sondeurs ou statisticiens, de cette façon de prouver un point de sociologie au moyen de récits anciens et plus ou moins mythologiques].
Pareto précise dans une note de bas de page :
«Le cas classique est celui de l’affamé qui dérobe un pain. On comprend qu’on l’acquitte, mais on comprend moins bien pourquoi la dette de la «société», qui a le devoir de ne pas laisser mourir de faim ce malheureux, doit être payée par un boulanger pris au hasard, et non par la société entière. La solution logique semblerait devoir être que l’affamé soit acquitté, et que la société paye le pain dérobé au boulanger». /23
Il cite dans la même veine cet autre exemple :
«Il est arrivé parfois qu’une femme a tiré sur son amant, lequel n’a pas été atteint, tandis qu’un tiers, totalement étranger à ce conflit, était frappé : et la femme a été acquittée par des jurés pitoyables».
Pour conclure par ces deux remarques qui s’amusent de l’idée selon laquelle «c’est la faute de la société si …» :
«Afin de satisfaire des sentiments de pitié absurdes, des législateurs humanitaires font leur la «loi du pardon», grâce à laquelle celui qui a commis un premier vol est aussitôt mis en mesure d’en commettre un second. Pourquoi ce luxe de pitié humanitaire doit-il être payé précisément par la malheureuse victime du second vol, et non par la société entière? D’une manière générale, à supposer que le crime soit le fait de la société plus que du criminel, comme le prétendent certaines personnes, il est compréhensible qu’on en tire pour conséquence l’acquittement du criminel, ou sa condamnation à une peine très légère; mais le même raisonnement a aussi pour conséquence que la victime du crime doit être dédommagée, dans les limites du possible, par la société. Au contraire, on ne songe qu’au criminel, et personne ne se soucie de la victime du crime». /24
Dans le cas des meurtriers, c’est une idée qui le fait proprement enrager:
«Reste ensuite à savoir pourquoi il doit être permis à ces gens, auxquels, par la «faute» de la «Société», le sens moral fait défaut, de se promener librement par le monde, et de tuer qui bon leur semble, faisant ainsi payer à un seul la «faute» qui est celle de tous les membres de la «Société». Si du moins messieurs les humanitaires voulaient permettre que ces excellentes personnes, auxquelles, par la « faute » de la « Société », le sens moral fait défaut, fussent contraintes de porter quelque insigne bien visible sur leur vêtement, les gens pourraient les éviter, quand ils les verraient venir». /25
Affaires Étrangères
S’agissant des affaires étrangères, les «renards» ont tendance à juger du bien-fondé de toute politique en privilégiant le seul point de vue commercial, et, en général, même dans des situations périlleuses, ils optent pour la négociation et le compromis. Pour eux, les profits et les pertes sont les critères déterminant, or, même si une telle ligne de conduite peut réussir un temps, elle peut s’avérer en définitive des plus désastreuses. C’est le cas si dans le camp adverse, un équilibre entre les «renards» et les «lions» a réussi à se maintenir, en sorte que l’ennemi reste capable d’envisager l’usage de la force: il peut alors feindre de s’être laissé acheter pour endormir la méfiance et, le moment venu, porter le coup fatal. En d’autres termes, les individus de la classe I sont un peu trop portés à accorder une confiance excessive à la supériorité de la «raison» et de l’argent sur l’épée, tandis que ceux de la classe II, avec leur bon sens chevillé au corps, ne se laissent pas embrumer par de telles illusions, comme dit Pareto :
«Le renard, usant de ses artifices, pourra esquiver un temps; mais viendra le jour où le lion atteindra le renard d’un coup de griffe bien ajusté, et la lutte sera terminée». /26
La Circulation des Élites
En dehors des ses analyses fondées sur les dérivations et les résidus, Pareto est resté célèbre chez les sociologues pour sa théorie dite de la «circulation des élites». Il faut se souvenir que Pareto considère la société comme un système en équilibre assez stable dans lequel les écarts ou les excès déclenchent des mécanismes régulateurs qui ramènent à l’équilibre social.
Pareto affirme qu’il y a toujours deux élites qui alternent entre pouvoir et opposition dans une société, et ces deux élites ont des mentalités bien distinctes: il y a d’un côté les spéculateurs, de l’autre, les rentiers. Le spéculateur est un progressiste typique de la classe I, tandis que le rentier est un conservateur typique de la classe II. Il existe dans les sociétés saines, une propension naturelle à faire alterner les deux au pouvoir. Lorsque par exemple les spéculateurs auront achevé de mettre la pagaille dans tout le pays, ou qu’ils auront écœuré leurs compatriotes à force de corruptions et de scandales, ce sera au tour des conservateurs d’entrer sur le devant de la scène. Le schéma, comme nous l’avons dit, est cyclique et plus ou moins inévitable.
[FG: on trouve ce passage dans le traité :«Il suit de là que lorsque les périodes de rapide augmentation de la prospérité économique prédominent sur les périodes de stagnation, la classe gouvernante recrute toujours plus de «spéculateurs» qui y renforcent les résidus de l’instinct des combinaisons (§2178 et sv.); elle voit diminuer le nombre des «rentiers» à rente presque fixe, gens qui ont généralement plus puissants les résidus de la persistance des agrégats. Ce changement dans la composition de la classe gouvernante a pour effet de pousser toujours plus les peuples aux entreprises économiques, et d’accroître la prospérité économique, jusqu’à ce que surgissent de nouvelles forces qui neutralisent le mouvement (§2221 et sv.). Le contraire se produit quand prédominent les périodes de stagnation ou surtout de décadence économique. On a des exemples des premiers phénomènes chez les peuples civilisés modernes. On trouve des exemples des seconds phénomènes chez les peuples du bassin méditerranéen, au temps de la décadence de l’Empire romain, jusqu’après les invasions barbares et au Moyen-Âge»].
Mobilité Sociale
Un autre aspect de cette théorie de la circulation des élites est à noter. Selon Pareto, les dirigeants les plus avisés sont ceux qui cherchent à revigorer leurs rangs en permettant aux meilleurs des couches inférieures de la société de s’élever et de faire partie intégrante de la classe dirigeante. Ce recrutement a en plus le mérite de priver la classe inférieure des talents dont elle aurait eu besoin pour renverser l’ordre des choses.
Revenant sur cet aspect de la théorie de Pareto, un auteur moderne, Hans L. Zetterberg, fait remarquer que nulle pitié ou compassion n’entre en ligne de compte pour une telle politique, c’est l’intérêt pratique qui l’exige :
«De l’avis de Pareto, une classe dominante ne peut se maintenir que si elle offre des possibilités d’ascension sociale aux meilleurs, et si elle n’hésite pas à défendre ses gains et privilèges par la force. L’ironie de Pareto se montre féroce pour ces élites qui se laissent aller à des penchants humanitaires. Il est bien d’avis qu’il faut laisser monter les plus capables, mais il ne s’agit pas de le faire en vertu d’un sentiment de pitié pour les défavorisés. Afficher et répandre de tels sentiments humanitaires ne ferait qu’affaiblir la défense des privilèges de l’élite, de plus, cela pourrait facilement donner des arguments à l’opposition». /27
L’histoire montre que peu d’aristocraties comprennent ce processus, Pareto remarque au contraire qu’en général, l’élite préfère une politique à courte vue en puisant exclusivement parmi les siens. Le temps faisant son œuvre, les dirigeants sont de plus en plus faibles et de moins en moins aptes à supporter la charge du pouvoir.
«On a là un caractère spécifique des gouvernements faibles. Parmi les causes de faiblesse, il faut surtout en relever deux: l’humanitarisme, la lâcheté naturelle des aristocraties en décadence, et la lâcheté en partie naturelle, mais aussi en partie voulue, des gouvernements de spéculateurs (§2480 1 ), visant à des gains matériels. L’humanitarisme rentre dans les résidus de la classe II; mais, comme nous l’avons déjà expliqué (§1859), il est parmi les plus faibles et les moins efficaces. C’est proprement une maladie des hommes manquant d’énergie et possédant en quantité certains résidus de la Ie classe I, auxquels ils donnent un vernis sentimental». /28
À la fin bien sûr, toutes les aristocraties passent à la trappe :
«Les aristocraties ne durent pas. Quelles qu’en soient les causes, il est incontestable qu’après un certain temps elles disparaissent. L’histoire est un cimetière d’aristocraties». /29
Pareto et le Fascisme
Pareto a souvent eu l’occasion d’exprimer tout son mépris des gouvernements pluto-démocratiques qui ont tenu l’Italie une grande partie de sa vie. Comme l’écrit Arthur Livingston, «il était persuadé qu’il suffirait que dix hommes courageux se décident à marcher sur Rome pour mettre en fuite toute la bande des «spéculateurs» qui ruinaient l’Italie en se remplissant les poches». / 30
Ce qui fait qu’en octobre 1922, après la «Marche sur Rome» et la nomination par le roi de Benito Mussolini comme Premier ministre «Pareto a pu s’extirper de son lit de douleur et s’arracher un vibrant «je vous l’avais bien dit!». /31
Puis, Pareto a dû se recoucher et rester reclus dans sa villa en Suisse, déjà d’un âge avancé, il était gravement atteint d’une maladie cardiaque et ne pouvait plus faire l’effort ne serait-ce que de s’inscrire au Parti fasciste.
Mais des années auparavant, il avait sans le savoir fait l’essentiel en dispensant son enseignement à l’université de Lausanne, avec dans l’assistance un certain … Benito Mussolini qui buvait ses paroles: «Je regardais tout le monde autour de moi, car nous avions en face de nous un professeur qui nous révélait les grandes lignes de l’économie politique du futur». /32
Dès son arrivée au pouvoir, le Duce a cherché à traduire dans les faits l’enseignement de son vénérable professeur :
«Dans les premières années de son règne, Mussolini a littéralement exécuté pas à pas la politique prescrite par Pareto, mettant fin au laissé aller politique, mais rendant en même temps au secteur privé de larges pans de l’économie, diminuant les impôts sur la propriété, favorisant le développement industriel, rendant obligatoire l’instruction religieuse». /33
Dans les derniers mois de sa vie, Pareto fut comblé d’honneurs par le régime. Mussolini le désigna délégué à la conférence sur le désarmement à Genève, le nomma Sénateur du royaume et en fit un contributeur de sa revue Gerarchia./34
Bien qu’il fût contraint de renoncer à nombre de ces honneurs en raison de son état de santé, Pareto se montrait favorablement disposé à l’égard du fascisme, correspondant régulièrement avec Mussolini, il lui offrait ses conseils pour l’orientation de la politique économique et sociale. /35
Comme le notaient déjà les critiques contemporains, plus que ses théories économiques, ce sont ses conceptions sociologiques qui ont marqué de leur empreinte l’État fasciste: «son Traité de Sociologie Générale était devenu un programme de gouvernement pour nombre de fascistes». /36
La nouvelle élite semblait comme sortir des pages les plus fondamentales de son Traité, on y retrouvait tout: ses théories du gouvernement par les élites, ses penchants autoritaires, son rejet catégorique du concept de «l’homo economicus» d’inspiration libérale, et sa croyance en une aristocratie du mérite – autant de marqueurs du credo fasciste qui font que la dette du mouvement de Mussolini envers l’illustre professeur ne peut faire aucun doute.
Certains auteurs se sont demandé si en vivant plus longtemps, Pareto n’aurait pas été amené à prendre ses distances avec le fascisme tel qu’il se révélait en pratique. S’il est vrai qu’il avait commencé à marquer sa désapprobation au sujet de la limitation de la liberté d’expression, en particulier, à l’université, il faut bien garder à l’esprit qu’il était dans la nature de Pareto de dénicher les défauts dans à peu près tous les régimes, le fascisme ne devant pas faire exception. /37
Du reste, Mussolini lui-même, pas plus que Pareto, n’était un idéologue rigide, ne déclarait-il pas d’une façon d’ailleurs quelque peu hyperbolique que «tout système est une erreur et toute théorie une prison». /38
S’il entendait faire reposer sa politique sur un socle de principes généraux, il refusait qu’un tel socle se transforme en un cadre rigide susceptible d’entraver l’action gouvernementale face à une situation inattendue.
La victoire des Anglo-Américains en 1945 a mis un terme au régime de Mussolini. Pour autant, ce bouleversement radical n’a pas sérieusement entamé l’influence de Pareto. Des rééditions de son œuvre et des livres à son sujet paraissent régulièrement.
Que ses idées aient survécu à la catastrophe de la guerre pratiquement sans dommage, qu’elles soient encore discutées et débattues par des auteurs sérieux, démontre leur universalité intemporelle.
James Alexander
Traduction : Francis Goumain
Source iHR, Sept.-Oct. 1994 (Vol. 14, No. 5), pages 10-18 | Vilfredo Pareto: Sociologist and Philosopher (ihr.org)
Voir aussi :
Oeuvres complètes: Tome 5, Les systèmes socialistes – Vilfredo Pareto – Google Livres
Traité de sociologie générale (adelinotorres.info)
Notes :
- See, for example, W. Rex Crawford, « Representative Italian Contributions to Sociology: Pareto, Loria, Vaccaro, Gini, and Sighele, » a chapter in An Introduction to The History of Sociology, Harry Elmer Barnes, editor (Chicago: Univ. of Chicago Press, 1948); Howard Becker and Harry Elmer Barnes, « Sociology in Italy, » a chapter in Social Thought From Lore to Science(New York: Dover, 1961); and, James Burnham, he Machiavellians: Defenders of Freedom (New York: John Day Co., 1943).
- Duncan Mitchell, A Hundred Years of Sociology(Chicago: Aldine Publishing Co., 1968), p. 115.
- Herbert W. Schneider, Making the Fascist State(New York: Oxford Univ. Press, 1928), p. 102.
- Biographical details are taken from Charles H. Powers, Vilfredo Pareto, vol. 5, Masters of Social Theory, Jonathan H. Turner, editor (Newbury Park, California: Sage Publications, 1987), pp. 13-20.
- Pareto’s Marxist opponents called Pareto « the Karl Marx of the Bourgeoisie. » During the 1920s and ’30s it was commonplace to call him « the Karl Marx of Fascism, » an appellation often proudly bestowed on Pareto by the Fascists themselves.
- Manuale di economia politicawas first published in Milan in 1906. An English-language edition, Manual of Political Economy is available with Ann Schwier as translator, and Ann Schwier and Alfred Page as editors (New York: August M. Kelly, 1971).
- First published in Paris in 1902-3. The complete text has never appeared in English. A lengthy excerpt appears in Adrian Lyttelton, editor, Italian Fascisms: From Pareto to Gentile(New York: Harper Torchbook, 1975), pp. 71-90.
- Trattato di Sociologia generalewas first published in two volumes in Florence in 1916. It first appeared in English in 1935 under the title The Mind and Society: A Treatise on General Sociology (New York: Harcourt, Brace and Company, 1935), translated by Andrew Bongiorno and Arthur Livingston. It was reprinted under this same title in 1963 (New York: Dover), and remains in print (New York: AMS Press, 1983); Pareto’s monograph, « Un Applicazione de teorie sociologiche, » first published in 1901 in Revista Italiana di Sociologia, has been published in English under the title The Rise and Fall of the Elites: An Application of Theoretical Sociology (Totowa, New Jersey: The Bedminster Press, 1968; reprint, New Brunswick, New Jersey: Transaction Books, 1991). Pareto’s Trasformazioni della democrazia was first published in Milan in 1921. It has appeared in English, The Transformation of Democracy (New Brunswick, New Jersey: Transaction Books, 1984), translated by R. Girola, and edited by Charles Power.
- Charles H. Powers, Vilfredo Pareto, vol. 5, Masters of Social Theory (1987), p. 19.
- This term, « equality of opportunity » is so misused in our own time, especially in America, that some clarification is appropriate. « Equality of opportunity » refers merely to Pareto’s belief that in a healthy society advancement must be opened to superior members of all social classes – « Meritocracy, » in other words. See C. H. Powers, Vilfredo Pareto, pp. 22-3.
- H. Powers, Vilfredo Pareto, p. 20.
- Adrian Lyttelton, editor, Italian Fascisms: From Pareto to Gentile(New York: Harper Torchbook, 1975), pp. 79-80.
- Lyttelton, ed., Italian Fascisms(1975), p. 81.
- Stuart Hughes, Oswald Spengler: A Critical Estimate (New York: Charles Scribner’s Sons, 1952), p. 16.
- Lyttelton, ed., Italian Fascisms(1975), p. 86.
- Lyttelton, ed., Italian Fascisms(1975), pp. 82-3.
- James Burnham, Suicide of the West (New York: John Day Company, 1964), pp. 248-50.
- Pareto, The Mind and Society: A Treatise on General Sociology (New York: Dover, 1963), 2455. Instead of page numbers, citations from this work are identified by section or passage numbers. Citations are thus uniform in all editions.
- Pareto, The Mind and Society: A Treatise on General Sociology(New York: 1963), 2462. This work is henceforth referred to as V. Pareto, Treatise.
- Pareto, Treatise, 2458-72.
- Nicholas Timasheff, Sociological Theory: Its Nature and Growth (New York: Random House, 1967), p. 162.
- Pareto, Treatise, 1987.
- Pareto, Treatise, 1987n.
- Pareto, Treatise, 1987n.
- Pareto, Treatise, 1716n.
- Pareto, Treatise, 2480n.
- Hans L. Zetterberg, « Introduction » to The Rise and Fall of the Elites by Vilfredo Pareto, pp. 2-3.
- Pareto, Treatise, 2474.
- Pareto, Treatise, 2053.
- Pareto, Treatise, p. xvii.
- Pareto, Treatise, p. xvii.
- Benito Mussolini, My Autobiography (New York: Charles Scribner’s Sons, 1928), p. 14.
- Franz Borkenau, Pareto(New York: John Wiley & Sons, 1936), p. 18.
- Borkenau, Pareto(1936), p. 18.
- Borkenau, Pareto(1936), p. 20.
- George C. Homans and Charles P. Curtis, Jr., An Introduction to Pareto (New York: Alfred A. Knopf, 1934), p. 9.
- Borkenau, Pareto(1936), p. 18; In a letter to Mussolini written shortly before his death, Pareto cautioned that the Fascist regime must relentlessly strike down all active opponents. Those, however, whose opposition was merely verbal should not be molested since, he believed, that would serve only to conceal public opinion. « Let the crows craw but be merciless when it comes to acts, » Pareto admonished Mussolini. Quoted in: Alistair Hamilton, The Appeal of Fascism: A Study of Intellectuals and Fascism (New York: 1971), pp. 44-5.
- Margherita G. Sarfatti, The Life of Benito Mussolini(New York: Frederick A. Stokes Company, 1925), p. 101.
Bibliography of Works Consulted :
Barnes, Harry Elmer, editor. An Introduction to the History of Sociology. Chicago: The University of Chicago Press, 1948.
Becker, Howard and Harry Elmer Barnes. Social Thought From Lore to Science. New York: Dover Publications, 1961.
Bogardus, Emory S. The Development of Social Thought. New York: Longmans, Greene and Company, 1940.
Borkenau, Franz. Pareto. New York: John Wiley & Sons, 1936.
Burnham, James. The Machiavellians: Defenders of Freedom. New York: John Day Company, 1943.
Burnham, James. Suicide of the West. New York: John Day Company, 1964.
Hamilton, Alistair. The Appeal of Fascism: A Study of Intellectuals and Fascism, 1919-1945. New York: Macmillan Company, 1971.
Homans, George C, and Charles P. Curtis, Jr. An Introduction to Pareto. New York: Alfred A. Knopf, 1934.
Hughes, H. Stuart. Oswald Spengler: A Critical Estimate. New York: Charles Sribner’s Sons, 1952.
Lyttelton, Adrian, editor. Italian Fascisms: From Pareto to Gentile. Douglas Parmée, Translator. New York:
Harper Torchbooks, 1975.
Mitchell, G. Duncan. A Hundred Years of Sociology. Chicago: Aldine Publishing Company, 1968.
Mussolini, Benito. My Autobiography. New York: Charles Scribner’s Sons, 1928.
Pareto, Vilfredo. The Mind and Society: A Treatise on General Sociology. New York: Harcourt, Brace, Jananovich, 1935. Reprint, New York: Dover Publications, 1963.
Pareto, Vilfredo. The Rise and Fall of the Elites: An Application of Theoretical Sociology. Introduction by Hans L. Zetterberg. Totowa, New Jersey: The Bedminster Press, 1968. Reprint, New Brunswick, New Jersey: Transaction Books, 1991.
Pareto, Vilfredo. The Transformation of Democracy. New Brunswick, New Jersey: Transaction Books, 1984.
Powers, Charles H. Vilfredo Pareto. Volume 5, Masters of Social Theory. Jonathan H. Turner, editor. Newbury
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Sarfatti, Margherita G. The Life of Benito Mussolini. Frederic Whyte, translator. New York: Frederick A. Stokes Company, 1925.
Schneider, Herbert W. Making The Fascist State. New York: Oxford University Press, 1928.
Timasheff, Nicholas. Sociological Theory: Its Nature and Growth. New York: Random House, 1967.
About the Author :
James Alexander is the pen name of a California writer on political and historical topics. His articles and reviews have appeared in a variety of magazines, newspapers, and scholarly journals. His review essay about the life and work of British historian J.F.C. Fuller appeared in the May-June 1993 Journal of Historical Review.
From The Journal of Historical Review, Sept.-Oct. 1994 (Vol. 14, No. 5), pages 10-18.
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Georgia Meloni est peut-être dans la bonne lignée:
malgré ses déclarations, accordons lui le bénéfice du doute.
Le bénéfice du Duce, voulais-je dire …
La dichotomie « rentiers » – « spéculateurs » ne peut pas être considérée comme faisant réellement avancer la science économique ni encore moins être un outil de politique économique.
Mais avec le recul keynésien, on peut à la rigueur considérer ce duo rentier – spéculateur comme une théorie ou une problématique pré-monétaire.
Vilfredo Pareto a découvert en 1906 le principe selon lequel le produit du travail des 20 % de la population des sociétés industrielles suffit à subvenir aux besoins de l’ensemble de la collectivité.
Tel un cheveu sur la soupe, le principe de Pareto pose la question cruciale en économie de la répartition des revenus. C’est pour noyer ce gros poisson que les spéculateurs déclenchent des conflits armés et des crises financières. Dans des conditions troubles et changeantes, il n’est plus possible de répartir les revenus sur des bases équitables, car les paramètres économiques changent constamment au gré des événements. C’est le voleur qui met le feu à la maison pour effacer les traces et détruire les indices. Vilfredo Pareto salua dans l’avènement du fascisme en Italie une ère nouvelle fondée sur un libéralisme conscient de ses responsabilités sociales et disposé à répartir les revenus du travail d’une manière équitable, conformément aux principes du corporatisme. Parfois, l’élève dépasse le maître, ce qui fut le cas du fondateur du fascisme. En 1937, L’Université de Lausanne conféra à Benito Mussolini le grade de Docteur honoris causa ès sciences sociales et politiques. Voici le texte de l’adresse délivrée à Benito Mussolini par l’Université de Lausanne.
« L’Université de Lausanne à son ancien étudiant, Benito Mussolini
« La charge qui vous incombe comme Chef de gouvernement de l’une des plus grandes puissances de l’heure présente vous impose des responsabilités écrasantes ; malgré cela vous avez bien voulu, depuis l’époque où vous l’avez fréquentée, conserver à notre Haute Ecole des sentiments d’amitié sincère et de fidèle sympathie dont nous sentons tout l’honneur et le prix.
« De ces sentiments vous avez donné, à diverses reprises, des témoignages auxquels nous avons été extrêmement sensibles.
« L’Université de Lausanne, vous le savez, est profondément attachée aux institutions libérales et démocratiquement républicaines qui régissent notre patrie ; mais, dans la mesure de ses ressources scientifiques, elle s’efforce d’étudier et de comprendre le mouvement des idées et des faits qui se produit hors de Suisse.
« Dans ce but elle a institué, entre autres, une Ecole des Sciences sociales et politiques dont votre éminent compatriote Vilfredo Pareto a été l’un des promoteurs les plus convaincus et à laquelle il a donné une réputation mondiale. Cette Ecole, dont vous avez suivi les cours aux débuts de son organisation, a voué une grande attention à l’œuvre de rénovation sociale grâce à laquelle vous avez, en supprimant la lutte des intérêts de parti, rendu au peuple italien le sentiment vital de sa cohésion spirituelle, économique et sociale. Une œuvre de cette envergure ne se laisse pas objectivement caractériser et apprécier en quelques lignes ; ce qui est certain, c’est qu’elle représente un effort des plus typiques pour surmonter la crise morale et économique dont chaque nation souffre actuellement ; elle marquera dans l’histoire une trace profonde.
« En tant que créateur et réalisateur d’une conception sociologique originale, vous avez illustré l’Université de Lausanne ; c’est pourquoi celle-ci tient à rendre hommage à l’éclat que vous avez jeté sur elle. A cet effet elle a l’honneur de vous conférer, sur la proposition de son Ecole des Sciences sociales et politiques, la plus haute distinction dont elle dispose, le DOCTORAT HONORIS CAUSA ; et c’est votre maître, M. Pascal Boninsegni, le distingué directeur de cette Ecole et le seul de vos anciens professeurs encore en fonction, qui a la joie de vous remettre ce grade honorifique. »
Malgré les pressions, l’Université de Lausanne n’a pas invalidé le doctorat HC de Benito Mussolini, dont il est toujours, post mortem, titulaire de plein droit. En 1937, l’expérience sociale italienne, appliquant le principe de Pareto, avait fait ses preuves depuis une quinzaine d’années et faisait des émules dans le monde entier. Depuis 1933, l’Allemagne, à son tour, suivait la voie d’une économie purgée des profiteurs de guerre et des vautours de la finance. Les résultats spectaculaires réalisés en peu de temps par le Troisième Reich en faveur d’une répartition équitable des revenus du travail dépassèrent tous les pronostics. Le gang des usuriers voyait avec consternation fondre comme neige au soleil le troupeau des démocraties ploutocratiques, incapables de rivaliser avec les résultats économiques d’Etats nationaux à vocation sociale libérés de l’esclavage des spéculateurs et des usuriers internationaux.
On comprend pourquoi le silence est d’or quand il s’agit d’évoquer l’oeuvre de Vilfredo Pareto.
Pour ma part, j’avoue que je n’aurais jamais pu imaginer que Mussolini ait pu fréquenter une si prestigieuses université et ait choisi de suivre l’enseignement d’un si grand professeur.
Inversement, je n’aurais jamais imaginé qu’un professeur aussi réputé ait pu reconnaître et soutenir Mussolini.
Je ne savais pas non plus que Pareto avait pris la succession de Walras.
Walras était le plus grand économiste de son temps, à a tête de la révolution marginaliste avec Jevons en Angleterre et Menger en Autriche, il est l’auteur de la loi de Walras: lorsque dans une économie à n marchés n-1 marchés sont à l’équilibre, le nième l’est aussi forcément.
Ce qui fait plaisir dans cette succession, c’est que Pareto n’a pas pris la place de Walras suite à des grenouillages et des intrigues, il y avait un échange épistolaire entre les deux et c’est Walras qui a proposé à Pareto de prendre sa suite: pour Pareto, c’est une sacré caution, mais à vrai dire, il n’en avait pas besoin.