LES BOULEVERSEMENTS que l’on impose depuis quelques décennies à notre civilisation, aux consciences et aux mentalités sont considérables, d’une profondeur inouïe et leurs conséquences sont incalculables. En 1967 la légalisation de la pilule contraceptive a découplé la sexualité de la procréation. Les effets désastreux sur le corps social, sur la cellule familiale, sur le couple ont été incommensurables et ils sont encore loin d’être terminés. Moins de dix ans plus tard, en 1975, le 17 janvier, l’avortement fut dépénalisé. Pour une mère tuer le fruit de ses entrailles devenait légal. La désacralisation de l’enfance, avec les enlèvements et meurtres de tout-petits qui n’ont eu de cesse de se multiplier ces dernières décennies, est une des conséquences de cette législation criminelle. Moins de six mois plus tard, le 11 juillet 1975, le divorce par consentement mutuel était instauré. Cette législation a conduit à une explosion des divorces et des séparations. Car, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, la loi change les mentalités. Et très rapidement, très profondément. Pour le grand public ce qui est légal est moral, ce qui est permis ne peut être un mal. La dépénalisation de l’homosexualité date, quant à elle, du 4 août 1982. Une proposition de loi a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le 7 mars 2024, « portant reconnaissance par la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 ». Manifestement le Parlement n’a rien de plus urgent et de plus important à faire !
Depuis la loi de dépénalisation de 1982, on est allé toujours plus loin dans la promotion de l’inversion avec le vote du Pacs en 1999, la création d’un délit d’homophobie en 2004, le “mariage” homosexuel en 2013, l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux lesbiennes en 2021. Car le mal n’a pas de limite. Il en est allé de même avec l’avortement, légalisé en 1975, remboursé à 80 % en 1982, puis à 100 % depuis 2012, protégé par une loi d’exception, la loi Neiertz, en 1993, interdisant des prières et des rassemblements pacifiques contre ce crime à moins de trois cents mètres des avortoirs. Et le prétendu « droit à l’avortement » est inscrit dans la Constitution depuis le 8 mars 2024, quatre jours après que les députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles eurent massivement approuvé par leurs votes la constitutionnalisation du massacre des innocents.
UN DEMI-SIÈCLE très exactement après la dépénalisation de l’avortement, le Parlement français s’apprête à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté. On s’en prend ainsi aux deux bouts de la vie. Des enfants avortés aux vieillards euthanasiés, la boucle est bouclée. Interrompu par la dissolution de juin dernier, la proposition de loi dite pudiquement sur la fin de vie est revenue le mercredi 9 avril sur le bureau des députés. Il est question d’une « aide active à mourir ». Initialement la proposition de loi sur les soins palliatifs et sur l’euthanasie ne faisait qu’une. Le Premier ministre François Bayrou a préféré qu’il y eût deux documents distincts pour accorder la possibilité à chaque parlementaire de « voter sur chacun de ces deux textes différemment ». On sait que le Béarnais qui se définit comme catholique pratiquant et père de famille nombreuse est très mal à l’aise avec cette proposition de loi dépénalisant l’euthanasie et le suicide assisté. C’est pourquoi il a tenu à ce que le texte sur le renforcement des soins palliatifs soit débattu et voté séparément. Toutefois le président du Modem est avant tout un démocrate-chrétien, donc plus démocrate que chrétien, et à ce titre il considère que la religion et la morale doivent rester dans la sphère privée et ne pas déborder dans le champ public où doit s’appliquer une stricte laïcité. Cette position est un non-sens qui conduit à une forme d’apostasie pratique. Car la loi de Dieu et les préceptes moraux valent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et pas seulement le dimanche à la messe ou dans l’intimité de son foyer. C’est ce genre d’idées fausses et pernicieuses qui conduit d’avance à toutes les démissions, à toutes les abdications.
Une fois franchie l’étape de l’examen en commission, les deux textes seront examinés dans l’Hémicycle à partir du 12 mai pour les soins palliatifs, et du 19 mai pour l’aide active à mourir. Les députés devront ensuite se prononcer sur chaque volet par un vote solennel le même jour, le 27 mai. Une manière, assure-t-on, de déminer les tentatives d’obstruction parlementaire qui bloqueraient celui dit sur la fin de vie. L’affaire semble bien mal engagée pour les tenants de la vie de la conception à la mort naturelle et il y a tout lieu de craindre que l’euthanasie ne soit légalisée cette année. Et l’on sait qu’à partir du moment où la loi sera adoptée, tous les maigres et hypocrites verrous résiduels sauteront les uns après les autres. Comme pour l’avortement qui a été autorisé jusqu’à dix semaines de grossesse, puis jusqu’à douze, puis jusqu’à quatorze, qui était présenté au départ comme un pis-aller, réservé aux cas de détresse, précédé d’un entretien, d’un délai de réflexion et qui est devenu depuis un droit fondamental, à valeur constitutionnelle. Comme pour la sacralisation de l’homosexualité où l’on a procédé par paliers successifs avec le Pacs, le mariage pour tous, la PMA (procréation médicalement assistée) et on en est aujourd’hui à glorifier la transsexualité et à défendre le principe de la GPA (gestation pour autrui).
A CE STADE, les parlementaires ont fixé cinq critères cumulatifs pour accéder à « l’aide active à mourir » : être âgé d’au moins 18 ans (donc à moins de vingt ans, on peut demander à être tué, quel monde affreux ! Et on sait que désormais, aux Pays-Bas notamment, on peut être euthanasié en étant mineur, cela arrivera chez nous aussi, ne nous berçons pas d’illusions, et sans même l’autorisation préalable des parents, sans même parfois qu’ils soient au courant !) ; être français ou résidant en France ; être atteint d’une « affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » ; cette dernière provoquant une « souffrance physique ou psychologique » réfractaire aux traitements ou insupportable ; être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Une définition légèrement différente de ce que proposait le projet de loi dont procède le texte d’Olivier Falorni. Porté au printemps 2024 par le ministre de la Santé, l’ex-LR Catherine Vautrin (qui était naguère opposée au « mariage pour tous », les convictions et positions de ces politiciens sont décidément à géométrie variable), il prévoyait que ce pronostic vital fût engagé « à court ou moyen terme » — avec la notion de « moyen terme », on ouvre vraiment la porte à tout et n’importe quoi. De même, évoquer « une souffrance psychologique », par nature subjective, permettra à qui le veut d’être supprimé. Et qu’entend-on également par « phase avancée » ? La notion est volontairement floue et imprécise pour permettre un maximum d’actes euthanasiques.
Et le corps médical qui a en principe pour mission de soigner et de guérir et ne doit pas donner la mort, selon le serment d’Hippocrate, devra participer activement à ce processus mortifère. L’amendement d’Elise Leboucher (LFI) accordant à la personne qui souhaite recourir à « l’aide active à mourir » la liberté de choisir entre auto-administration du produit létal (suicide assisté) et administration par un médecin ou un infirmier (euthanasie) a en effet été adopté par les députés. Un changement « tout sauf anodin », a rétorqué le député LR Patrick Hetzel : « on est dans un encadrement juridique qui n’est plus de même nature » avec un « texte de suicide assisté et d’euthanasie, et non plus de suicide assisté et d’exception euthanasique dans un certain nombre de cas limités », a-t-il pointé, s’inquiétant d’une remise en cause de “l’équilibre” (sic !) du texte. C’est toujours la même chose : à partir du moment où l’on remet en question un principe moral fondamental (on n’a pas le droit de se suicider ni d’être suicidé, d’attenter à ses jours, de mettre fin à une vie dont Dieu est l’auteur), il n’y a plus aucune limite. Une porte doit être ouverte ou fermée. On ne peut ni on ne doit faire aucune concession quand il s’agit du bien ou du mal, de la vie ou de la mort, de la santé ou de la maladie, de la vérité ou du mensonge. Comme l’enseignait Mgr Freppel « on ne se relève jamais de l’abandon des principes ».
AVEC CETTE PROPOSITION DE LOI, on se dirige inexorablement vers la mort industrielle des anciens après celle (et avec celle) des bébés à naître. Nous vivons l’époque des génocides. Par persuasion et par action. Tous les pays qui ont légalisé l’euthanasie, du Québec à la Belgique en passant par le Pays-Bas, ont tous connu une explosion de ce type de décès volontaires. D’année en année et à vitesse grand V. Il en ira de même dans notre pays. C’est un moyen cynique de résoudre le problème du financement des retraites. Quand on ne peut baisser drastiquement le montant, déjà modeste, des pensions, qu’on ne peut pas augmenter massivement le taux, déjà élevé, de cotisations, reste à réduire le nombre des retraités. Par un recours massif à l’euthanasie. Par une machinerie de mort industrielle. Avec des blouses blanches qui donnent la mort. Après la seringue dite anti-Covid, voici l’heure de l’injection létale. Pour une éjection fatale. Une solution finale. Du troisième et du quatrième âges.
Aux raisons économiques s’ajoutent des motifs idéologiques. Ce que la maçonnerie a rêvé, la macronie le fait. L’abolition de la peine capitale, comme la dépénalisation de l’avortement, comme l’instauration du Pacs, a été décidée en loges. Il en va de même pour l’euthanasie et le suicide assisté. C’est une vieille revendication de la franc-maçonnerie, comme d’ailleurs la crémation. Et que les députés débattent de ces questions à l’approche de Pâques, fête de la Résurrection, où l’Auteur de la Vie triomphe pour toujours de la mort, est tout sauf un hasard. Le diable sait ce qu’il fait. Il s’agit toujours de salir et de détruire.
A cette culture de mort opposons de toutes nos forces l’amour de la vie, qui se donne, qui se transmet, qui rayonne, qui se sacrifie. Plutôt que les dieux du stade, protégeons, aimons et accompagnons d’abord les vieux au dernier stade. Plutôt que d’isoler les parois et cloisons des maisons au nom de normes écologiques, luttons d’abord contre l’isolement du cœur et les cloisons de nos égoïsmes. Et à la piqûre létale froidement administrée par une blouse blanche dans les ombres de la nuit, au détour d’un couloir de la mort, préférons le don du sourire, la chaleur d’un cœur aimant et compatissant, la délicate attention à autrui et le feu de la charité qui réconforte, embrase, apaise et vivifie. A l’heure du grand voyage. […]
RIVAROL, <[email protected]>
Source : Éditorial de Rivarol
C’est tellement vrai !…