Toujours aussi peu soucieux du secret de l’instruction, Le Monde a révélé une partie du contenu d’écoutes téléphoniques réalisées sur les téléphones de l’ancien ministre de l’Intérieur Claude Guéant. Comme Nicolas Sárközy – qui avait fait acheter un téléphone à un faux nom, celui de l’un de ses coreligionnaires, l’affairiste Paul Bismuth –, c’est le second téléphone du politicien UMP, qu’il croyait sûr, qui a permis quelques révélations.
Dans le cadre de l’affaire du financement présumé occulte de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sárközy par la Libye, les juges Serge Tournaire et René Grouman avaient placé l’ancien ministre sur écoute. Au détour d’une conversation avec sa directrice de cabinet, Nathalie Gonzalez-Prado, il révèle l’existence d’un second téléphone. Grâce à lui, les enquêteurs découvrent les tourments d’un individu mouillé dans diverses histoires louches, lui-même au courant de faits délictuels ou criminels commis par ses « amis ». Mais s’il se sent lâché par ces derniers, aussi bien Nicolas Sárközy, qu’il protège pourtant, que les autres, qu’il couvre tout autant, il refuse de les dénoncer.
La loi du silence règne dans les cités envahies de France, elle est aussi le fait des corrompus en col blanc de leur République.
Ses proches ne sont pas dupes de la trahison de la direction de l’UMP :
« Je crois beaucoup à la théorie du bouc émissaire et je crois que ça ne dérange pas ton ancien boss [Nicolas Sárközy] bien au contraire »,
note son fils, François Guéant, lui-même impliqué dans les affaires de son père1. Même tonalité lors d’une conversation avec sa fille, Marie-Sophie Charki.
-Ça doit être l’Intérieur qui fait des communications uniquement sur toi.
-Ouais bien sûr…
-Et puis l’UMP est nulle aussi… Parce qu’ils ne te défendent pas !
-Oui, mais ça c’est sûr […] Et puis quand tu vois certains… Et que tu sais qui ils sont et ce qu’ils ont fait […] ou font ! Parce que je… Je sais quelques petits trucs quand même ! Tu vois ? On n’est pas ministre de l’Intérieur en vain !
-Ben ce serait bien qu’un jour tu les balances… Parce que franchement… […] Ouais et puis ils se tiennent tous entre eux tu vois, c’est vraiment des médiocres.
-Oui, oui, quand je vois les mecs […] qui font des trucs […], quand je sais ce qu’ils font, ce qu’ils ont fait et ce qu’ils font, hein bon…
[…]
-Et moi je ne suis pas contente après Sarkozy parce qu’il aurait pu faire quelque chose pour toi !
-Oui, je pense aussi.
-Alors il a intérêt à se méfier parce que le jour où tu vas décider de balancer, et ben… tu vas voir !
–Oh bah je vais pas balancer !
-Il mériterait… Il mériterait…
Claude Guéant est un bon républicain, respectant les lois de cette mafia, protégeant le système et sa corruption généralisée. Dans une autre conversation, avec le directeur de cabinet de Nicolas Sárközy, Michel Gaudin, il tient à rassurer le bras droit du parrain de son silence.
« Tu sais, je pense qu’il y a quand même des gens autour du président […] qui se laissent aller à ça, Michel. Quoi, bon, moi je suis d’une totale loyauté […] Je défendrai le président bec et ongles. Mais je ne peux pas porter tous les péchés de la terre ! […] C’est vraiment le bouc émissaire quoi… Je prends tout sur la tête ! »,
se plaint-il.
____________________________________
1Voir aussi : Erwin Vétois, « Corruption présumée à l’UMP : le fils de l’ancien ministre de l’Intérieur Guéant en garde à vue », Jeune nation, 1er avril 2015.