L’Union européenne exploite la crise du Liban pour le pousser vers la normalisation avec Israël… allant même jusqu’à proposer « des privilèges au Hezbollah ».
« Toutes les pénuries dont souffrent les Libanais : le pain, l’essence, l’électricité et les médicaments… seraient résolues si le Liban normalise ses liens avec l’État juif » : tel est l’essentiel du marché que l’Union européenne a proposé aux dirigeants libanais. Et cerise sur le gâteau : la résistance aura droit à d’importants privilèges si elle accorde son blanc-seing.
Ce projet, l’UE l’a exposé par son envoyé spécial pour le processus de paix, le hollandais Sven Koopmans qui est venu au Liban deux semaines avant les élections législatives du 15 mai. Selon le journal libanais al-Akhbar, il se trouvait auparavant en Palestine occupée, où il a rencontré le ministre israélien de la Guerre Benny Gantz.
Devant ses hôtes libanais, les trois chefs de l’exécutif et du législatif, le ministre des Affaires étrangères et des représentants du Hezbollah, il a été droit au but : il a exposé un projet présenté comme étant « la solution finale », avec l’ennemi israélien, comme l’unique moyen de régler la crise libanaise et comme le seul moyen à la stabilité au Moyen-Orient. L’ambassadeur de l’Union européenne au Liban, Ralph Tarraf, a également participé à la réunion.
Les Européens mènent une diplomatie du chantage ou de la carotte et du bâton envers les États récalcitrants du Proche-Orient afin de les contraindre à lancer des négociations avec leur ennemi israélien. Le Liban, l’Algérie ou l’Iran résistent toujours à cette incitation à la « normalisation ».
Quelle normalisation ? Et bien admettre l’État sioniste qui occupe illégalement la Palestine dans le concert des nations du Proche-Orient. C’est-à-dire passer par perte et profits les droits des populations palestiniennes expropriées et expulsées par la violence depuis des décennies et valider la colonisation rampante mais continue de Jérusalem, de la Cisjordanie, du Golan, des fermes de Sheeba et pourquoi pas lancer un assaut final sur Gaza ?
Une démarche entreprise de concert avec l’administration américaine, selon des sources concordantes rapportées par le quotidien libanais al-Akhbar
Cyniquement, avec les Libanais, l’exploitation de la crise économique et financière libanaise a été la pièce maitresse du discours de Koopmans pour faire passer ce projet :
« Les Libanais n’ont plus aucune solution pratique sans aide extérieure européenne et américaine… Vous n’êtes pas capables de résoudre vos crises et vous n’avez pas participé aux négociations de paix auparavant. Nous vous proposons d’ouvrir les portes du processus de paix qui va vous amener la prospérité ».
Et Koopmans de poursuivre en flagornant les avantages présumés d’une telle adhésion :
« L’opération de paix va résoudre le problème énergétique au Liban d’une manière définitive et permettre aux Libanais de produire de l’électricité et d’exploiter convenablement leurs ressources pétrolières et gazières ».
Dans la foulée, d’après Koopmans, le Liban devrait faire partie d’un consortium régional qui comprend l’Egypte, les Emirats arabes Unis, Chypres, la Grèce et Israël.
Mais, il y a un caillou dans la chaussure des alliées européens et américains de l’État sioniste : le Hezbollah qui résiste toujours. Alors, avec ses responsables, les propositions semblent être les plus alléchantes possibles pour qu’ils transigent et donnent un feu vert à ce projet : des promesses que le Hezbollah obtiendrait une part importante au sein du régime libanais avec des privilèges pour les chiites et des arrangements sécuritaires entre la résistance et l’armée israélienne sur la frontière avec la Palestine.
Auparavant, Koopmans avait fait l’éloge des deux résistances de la région :
« Les résistances libanaise et palestinienne ont fait preuve de force, mais cette force nécessite un parcours politique pour réaliser la stabilité économique et la prospérité ».
Devant les responsables libanais, le délégué européen a présenté le chapitre israélo-palestinien de cette solution qui se voudrait définitive : la solution des deux Etats avec Jérusalem comme leur capitale et la garantie d’exercer les rites religieux de chacun et de la coexistence religieuse. Concernant la crise des réfugiés elle devrait être résolue selon les arrangements finaux de l’opération de paix.
Mais, dans les deux cas, rien n’est acquis pour les Palestiniens. D’autant que les Israéliens sont aussi arc-boutés et personne ne peut leur imposer quoi que ce soit. Les européens eux-mêmes n’étant garants de rien…
Nul doute pour le journal al-Akhbar que ces propositions européennes sont la preuve que l’Europe fait partie intégrante de l’embargo imposé au Liban, destiné à affamer son peuple et l’appauvrir. Et que l’Europe est aussi impliquée dans les politiques antérieures qui ont contribué à l’effondrement de l’économie libanaise « en soutenant le système communautaire ainsi que la politique de l’endettement, en empêchant (le Liban) d’exploiter ses richesses et en faisant participer des sociétés européennes corrompues au secteur banquier tout en le couvrant ».
La proposition de Koopmans prouve aussi, selon al-Akhbar, que la décision européenne d’aider le Liban à sortir de sa crise n’est pas liée à la lutte contre la corruption, comme le prétendent les dirigeants européens qui affluent à la capitale libanaise (on se souvient des déplacements de Macron et de ses propos enjoignant les autorités de « former un gouvernement »).
En réalité, l’aide européenne et internationale est conditionnée exclusivement à la position du Liban par rapport à l’ennemi israélien, à l’armement de la résistance et à l’exploration des ressources hydrauliques maritimes !
Quand à la réponse des dirigeants libanais, on sait seulement pour le moment que le chef de l’Etat a rapporté qu’il défend toute démarche visant à ressusciter le plan de paix au Moyen-Orient base sur l’initiative arabe de paix adoptée lors du sommet de Beyrouth en 2002 : une paix globale en échange du retrait des territoires occupés depuis 1967 (la Cisjordanie, Gaza et le Golan syrien), de la création d’un État palestinien avec pour capitale Jérusalem-Est, et d’une solution au problème des réfugiés palestiniens.
Michel Aoun a rappelé que :
« toute solution durable à la crise du Moyen-Orient commence par mettre fin aux souffrances du peuple palestinien qui se produisent depuis 74 ans. La solution juste, durable et globale est basée sur le principe de deux Etats et la mise en œuvre des résolutions de la légitimité internationale ».
Il a estimé que les tentatives d’Israël de changer la situation et de persister dans sa politique expansionniste de colonisation ne contribuaient en rien à toute tentative de relance des négociations de paix, ce qui constitue une violation flagrante du droit international :
« Les dernières atteintes au caractère sacré de la mosquée Al-Aqsa et les attaques contre ses fidèles sont la meilleure preuve des intentions agressives d’Israël ».
Concernant son pays, il a aussi réaffirmé que :
« le Liban, qui a payé cher et continue de payer le prix du conflit israélo-palestinien, estime également que le maintien des parties occupées de ses terres n’aide en rien à discuter d’un quelconque processus de paix avant le retrait des Israéliens des territoires libanais occupés ».
Il a souligné enfin la poursuite des contacts pour délimiter les frontières maritimes du sud d’une manière qui préserve les droits du Liban à obtenir toutes ses richesses pétrolières et gazières ; et soulevé la question des déplacés syriens au Liban et la nécessité pour les pays de l’Union européenne de faciliter leur retour en Syrie et de leur fournir une assistance là-bas, soulignant que le Liban ne peut plus supporter les répercussions de ce déplacement.
Excellent cet article, bravo.