Jeune Nation : Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Mégamachina : Megamachina est un groupe de pensée nationaliste composé de militants qui produisent un matériel analytique et esthétique à destination de tous ceux qui agissent pour bâtir le nouveau monde.
Le rôle que nous endossons, c’est celui d’éclaireurs : nous remuons le réel pour dissiper le brouillard cognitif, la « cécité du front » de la guerre en cours. Puisqu’on ne peut mener de bataille sans connaître les forces en présence, il faut des gens pour documenter la situation véritable de l’ennemi comme de la sienne. Nous aspirons à être de ces gens.
JN : Qu’est-ce que Megamachina et quelle fut sa genèse ?
M : Le groupe est né il y a un peu moins de cinq ans. La France vivait alors au rythme d’un régime d’exception sanitaire que de nombreux militants nationalistes combattaient à leur façon, notamment par le développement d’une vie libre et relativement clandestine. Dans des centaines villes, ces restrictions ubuesques ont provoqué, malgré les volontés gouvernementales, une forme d’effervescence politique remarquable au sein des milieux alternatifs.
Il y avait dans les rues une jeunesse qui vivait une situation d’illégalité et de clandestinité permanente. Le prix à payer n’excédait pas la valeur d’une amende, mais cela suffit à faire naître un état d’esprit fantastique dans des bandes de jeunes gens qui se retrouvaient une poignée, refusant la restructuration d’un monde dont la première mouture leur avait déjà déplu. Constamment démasqués, même dans les transports, jamais en règle, toujours dehors à l’heure où il ne fallait pas, ils ont vécu l’inverse de la dépression générale. Ils étaient une poignée à faire face à la passivité d’une multitude de gens dont certains, étonnés de les découvrir, se révélaient moralistes, fous à lier, hystériques, délateurs, violents ou en pleine détresse paranoïaque. C’est grâce à eux qu’ils ont gagné la certitude absolue que leur cause était bonne. Ce délire mondial hors du temps a permis à beaucoup d’entre-eux de se rencontrer, de nouer des amitiés solides par-delà les écuries militantes et, surtout, de se parler davantage, de déchiffrer le sens cette folie qui se tramait sous leurs yeux dans l’indifférence assourdissante de la plupart des gens. Face à la restructuration mondiale de la *mégamachine*, ils étaient une poignée, mais ils n’étaient jamais seuls.
C’est au cœur de cette époque curieuse que des militants radicaux ont pris la décision de créer le groupe Megamachina. Il n’avait pas vocation à devenir une instance militante, mais plutôt à irriguer la pensée nationale, inspirer et renforcer l’action des combattants qui le lisent. Chacun de ses membres défendait déjà des engagements différents, et aucun ne souhaitait les quitter pour fonder une énième chapelle à des endroits qui n’en avaient pas besoin. Nous voulions construire un véhicule où produire librement des textes sans consensus doctrinal obligatoire, et une forme esthétique qui ne peut pas toujours exister pour elle-même dans les mouvements militants. Cette place, nous l’avons fait naître sous la forme que vous connaissez.
Ce que nous produisons ne nous appartient pas vraiment. Nous sommes lus par des publics très contrastés, qui prennent chez nous ce qu’ils ont à y gagner pour construire le futur. C’est exactement ce que nous souhaitions.
JN : Quelles sont les figures politiques françaises et européennes qui vous inspirent le plus ?
M : Dieu a donné à la France des héros qui font notre fierté. Bornons-nous aux chefs politiques pour ne pas verser dans l’inventaire. Nous en admirons de nombreux, des contre-révolutionnaires sociaux à Poujade et Dorgères, en passant par le prophète des vignerons du Midi Marcellin Albert, Maurras, Daudet, Venner, Duprat et Le Pen. Difficile de se placer sous l’autorité exclusive de l’un d’entre eux, car nous admirons ce qu’ils ont donné, chacun à leur façon, aux hommes de leurs temps.
En Europe, nous avons une affection toute particulière pour l’homme que fut Jose Antonio Primo de Rivera.
JN : Y a-t-il des liens entre Megamachina et d’autres structures semblables en Europe ? Si oui, quelles sont-elles ?
M : Nous n’en avons pas assez pour pouvoir en dire quelque chose pour le moment. Nous proposons donc d’enlever cette question.
JN : Le 8 mars 2025 dernier, vous avez participé au « Forum de la justice sociale » organisé par Lyon Populaire. Quel en est le bilan ?
M : Ducambre, qui représentait Megamachina, a eu l’honneur d’introduire les interventions de ce forum que nous avons trouvé constructif. Le sujet que nous avions travaillé en amont était la pertinence du concept – communiste – de lutte des classes dans la compréhension lucide du réel.
L’idée que nous souhaitions exposer, c’est qu’un tel outil d’analyse, correctement maîtrisé par des militants formés qui en connaissent les limites et savent identifier les lacunes propres à sa paternité, peut permettre de dissiper le brouillard de guerre qui empêche le nationalisme d’agir sur les fronts du combat social.
Les lyonnais ont organisé un beau moment de rencontre et agrégé des orateurs variés. Il fut question de théorie, bien sûr, mais Lyon populaire a mis l’accent sur des thématiques concrètes, présentées par des militants directement concernés. Il est à noter, d’ailleurs, qu’aucun des intervenants n’était un intellectuel au sens zolien, c’est à dire quelqu’un qui se paie en produisant du jus de cerveau. Ils étaient tous militants, mieux habitués à l’air frais qu’à l’atmosphère confinée des salons.
Le public a pu écouter des paysans parler de paysannerie, un militant syndical qui parle de la défense des producteurs dans l’entreprise, un participant assidu au mouvement des gilets jaunes faisant le bilan à froid de cette mobilisation, à propos de laquelle tant de bêtises sont constamment diffusées. Ces sujets ne sont pas des concepts fumeux, mais des réalités vécues. La forme de la conférence pêche souvent par le verbiage abstrait, tandis que le colloque de Lyon populaire a conservé un bon équilibre d’analyse macroscopique et de témoignages réflexifs fondés sur le réel. C’était revigorant. Le nationalisme français en a besoin.
JN : En relation avec Lyon Populaire, le groupe a récemment été dissous par Bruno Retaileau, ministre de l’Intérieur, en plus du groupe Jeune Garde Antifasciste. Quel regard portez-vous sur ces dissolutions et sur les réactions ou l’absence de réactions qu’elles ont suscitées ?
M : Un mouvement nationaliste acculé par le régime nous trouvera toujours de son côté.
Nous apprécions beaucoup les militants lyonnais et sommes peinés de constater l’acharnement juridique qui vise à détricoter l’écosystème des mouvements locaux, à briser ce que les gones ont mis longtemps à construire en encaissant des coups.
Toutefois, comme le soulignait Eliott Bertin chez vous avec la lucidité et la modestie qu’on lui connaît, cette procédure ne semble pas avoir été lancée dans le but sincère de briser les mobilisations lyonnaises. Le nationalisme préoccupe moins le parlementarisme qu’on aime parfois à le croire pour se donner de l’importance. Bien sûr, il y a fort à parier que des puissances locales ont pesé pour que l’Etat cible les nationalistes lyonnais. Elles constatent de près la vitalité de leurs mouvements, et cela ne doit pas manquer de les inquiéter. Mais l’Etat n’estime pas, à tort ou à raison, que nous représentions un danger sérieux. Les milieux radicaux sont une variable d’ajustement dont ils se servent pour que l’on parle d’eux.
La serpillière de droite à l’origine de cette procédure voulait sûrement trouver de quoi donner le change pour calmer le gauchisme parlementaire en même temps que de dissoudre un groupe antifasciste, et le nom de Lyon populaire était en haut de la pile. C’est une forme bien amère de récompense pour le travail de terrain produit par ses militants, qui se sont rendus incontournables par-delà la Saône et le Rhône.
Ducambre a écrit, un jour, « réjouissez-vous que l’on vous censure ! ». Certes, cela est plus facile à dire qu’à faire. Mais chaque coup porté contre ses organisations rendent le nationalisme français plus résistant, plus souple. Nous avons la certitude que ces épreuves imposées par le gouvernement rendront, en définitive, les Lyonnais plus forts qu’ils ne l’étaient auparavant.
Chaque fois qu’un nationaliste s’assoupit, l’Antifrance lui rappelle qu’il n’a que deux choix : combattre davantage ou s’éteindre dans l’oubli. Plus elle attaque, mieux nous nous défendons. Ils ne dissoudront pas la colère qui gronde.
Propos recueillis pour Jeune Nation par Jacques Pierrot
Megamachina :