« Quiconque a eu l’honneur de connaître le capitaine RICHARD n’a pu échapper à l’emprise de cette extraordinaire personnalité.
Malgré le désavantage d’une taille petite, son visage volontaire et tendu, son regard pénétrant sous les sourcils froncés, qui allait fouiller les pensées, mettaient rapidement ses hommes à sa merci.
Il suffisait de servir quelque temps sous ses ordres pour saisir toute la valeur de l’homme, son sens du devoir poussé à un rare degré, son infatigable énergie qu’il s’entendait à bien communiquer, son goût de la justice inné, dont ses subordonnés profitaient et ressentaient la crainte salutaire, et enfin son immense amour du vol et son don total au métier de chasseur.
Tout son tempérament le vouait à la chasse. Quoique sa vie mouvementée d’étudiant n’eût rien qui pu faire présager de sa future orientation, elle attestait cependant qu’il ne pourrait jamais devenir quelque bon fonctionnaire rangé ou quelque routinier. D’excellente famille, fils d’officier général, la personnalité marquée lui valut quelques difficultés avec ses professeurs et de fréquents changements de lycées. Un jour il lui vint l’idée de préparer le concours d’Istres, pour passer plus agréablement son service militaire, sans plus. Mais dès le premier vol, il eut la révélation de son immense passion pour les choses de l’Air, et sa carrière fut décidée.
Sorti de l’école, il passe deux ans en escadrille au Régiment de Chasse de Strasbourg, de 1930 à 1932. Puis profitant de son instruction, il passe et réussit le concours des E.O.A. de 1932, année difficile entre toutes.
Après Versailles, le voici sous-lieutenant pilote en escadrille au 31ème Régiment de Chasse de Châteauroux. Enfin en 1937, nous le retrouvons Lieutenant, adjoint au commandant de l’Escadrille Régionale de Chasse d’Alger Maison Blanche (1). Il est devenu le chasseur redoutable, fort de ses expériences de quelques deux mille heures de vol.
Hélas, comme beaucoup, le destin ne lui permet pas de participer à la campagne de 39-40. En, 1939, lorsque la guerre éclate, il se voit confier le commandement d’une escadrille au GC I/9 (2), alors en formation à Oran, mais le manque d’avions la lenteur des rouages administratifs, et la nécessité d’entraîner les jeunes pilotes lui font perdre un temps précieux. Aussi, malgré tous les efforts, le GC I/9 ne réussit pas à être engagé en France et n’effectue qu’une campagne de deux semaines en Tunisie, ou aucun Italien ne se montre, malheureusement. Chacun connaît la tristesse des guerriers à qui la guerre se refuse : celle du capitaine RICHARD (nommé pendant la campagne), est profonde.
Le GC I/9 est dissout à la fin des hostilités, et le capitaine RICHARD est affecté au GC III/6, où il commande pendant quelques mois la Compagnie Administrative. Mais il ne tarde pas à reprendre une escadrille (3) en quelques mois, il imprime à celle-ci un élan incomparable, en fait une machine à voler minutieusement réglée cohérente et efficace. L’esprit qu’il y introduit est si magnifique que chacun de ceux qui servirent cette deuxième escadrille en conservent un souvenir attendri. En ces périodes troubles, le Capitaine RICHARD, militaire absolu, se réfugie dans l’obéissance aveugle, et la campagne de Syrie n’est qu’un moyen d’utiliser le merveilleux instrument de combat qu’il a formé de ses mains. Elle se traduit pour lui par sept victoires, dont deux victoires personnelles. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes.
Toujours à la tête de ses patrouilles dont il est l’élite incontestée, il reste le premier en tout, menant avec le prestigieux LE GLOAN un beau duel, à coups de victoires. Cinq citations, dont deux à l’Armée, et la croix de la Légion d’Honneur viennent récompenser ce dévouement inlassable, et ce courage contagieux, aussi bien moral que guerrier, dont il a su faire preuve pendant ces périodes difficiles.
Revenu en Afrique du Nord, le Capitaine RICHARD abandonne son escadrille pour prendre la place de second du Groupe, pendant la période qui suit le débarquement allié en Afrique du Nord, et vole parmi ses anciens compagnons, continuant à leur imprimer son élan.
Le Groupe III/6 est alors a Aïn-Sefra et s’acharne à voler de son mieux avec ses vieux appareils, jusqu’au mois de mai où arrivent enfin ces P 39 tant attendus.
Aussitôt le Groupe entier songe à les comparer aux vieux Dewoitine. Le Capitaine RICHARD et le lieutenant LE GLOAN, compagnons rivaux voient la une belle occasion d’ajouter une page à l’histoire de leur fraternelle rivalité. Ils administrent à leurs pilotes une magnifique démonstration de virtuosité, qui bientôt perdent de vue les deux champions.
De longues minutes s’écoulent. Puis le lieutenant LE GLOAN rentre seul. On s’inquiète on questionne. Déjà l’angoisse s’insinue dans les cœurs…
Et deux heures plus tard on retrouve le Capitaine RICHARD, mort dans son appareil démantelé.
Un accident stupide dérobe ainsi à l’immense affection de ses hommes, le 26 mai 1943, celui qui incarnait à leurs yeux le symbole du Chef qu’on aime et qu’on respecte.
Pour tout ceux que marqua la violente et splendide personnalité du Capitaine RICHARD, cette date est gravée dans leur cœur, et chaque année une pensée unanime monte vers celui qui sut être parfait au travail comme au combat. »
Le document ci-dessus figure, sans aucune information concernant sa date et son auteur, dans les archives du Groupe GC III/6. Il concerne Léon Richard, ce pilote de chasse français de la Seconde Guerre mondiale, qui présente la particularité unique d’avoir obtenu le statut d’As sans avoir abattu un seul appareil de l’Axe.
Né le 7 août 1910 à Paris, il obtint son brevet de pilote en 1929, mais ne devint sous-officier de carrière de l’Armée de l’air qu’en 1933. À l’issue de sa formation comme pilote de chasse, en juillet 1935, il fut muté à la 3° Escadre avant de recevoir, en novembre 1937, le commandement du GAR.571, unité de reconnaissance aérienne basée en Algérie.
En avril 1940, il fit un bref séjour en métropole avant d’être redirigé, dès le 6 mai 1940, sur la Tunisie avec le GC.1/9. Il ne participa pas à la Campagne de France. Le 31 août de la même année il reçut le commandement de la 6° escadrille du GC.III/6, équipée de Dewoitines D.520 et rejoignit les troupes françaises du Levant.
C’est durant la Campagne de Syrie, suite à l’agression anglo-gaulliste de ce territoire sous mandat français, en mai-juin 1941, qu’il obtint presque tous ses succès aériens :
- le 8 juin, il abattait un Fairey Fulmar de la Royal Navy;
- le 9 juin, il abattait un Hawker Hurricane ;
- le 13 juin, il abattait un Blenheim du N° 11 Squadron;
- le 23 juin, il obtenait 2 victoires : un Hurricane et un P.40 Tomahawk;
- et le 5 juillet, il abattait son 6° adversaire: un autre Hurricane.
Il est donc crédité de 7 victoires homologuées ; toutes se trouvant être des appareils anglo-saxons.
À l’issue des combats, il fit partie de la grande majorité des soldats français qui refusèrent de rejoindre les forces gaullistes et il préféra retourner en Algérie avec son unité. Entretemps promu au grade de capitaine, il abattit un Fairey Fulmar, lors d’une patrouille défensive, le 18 mai 1942.
À l’issue du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, lors de l’opération Torch, il reprit du service au côté des Alliés et débuta une reconversion sur P.40.
Il se tua lors d’un exercice, le 26 mai 1943, en essayant de poser en urgence son appareil à court d’essence.
Citation du Capitaine RICHARD à l’ordre de l’armée aérienne :
« Officier pilote d’une classe exceptionnelle et d’une haute valeur morale, véritable chef dans toute l’acceptation du terme. Magnifique combattant, sept fois victorieux en combat aérien, titulaire de la Légion d’Honneur pour faits de guerre, de six citations dont trois à l’ordre de l’armée.
A trouvé la mort en service aérien commandé alors qu’i s’entraînait intensément en vue des prochains combats.
2600 heures de vol »