GEORGES BERNANOS avait écrit en 1931 un essai intitulé La Grande peur des bien-pensants qui dénonçait, en termes vifs et avec brio, la lâcheté, les calculs et les compromissions des milieux conservateurs, catholiques et royalistes depuis les débuts de la IIIe République judéo-maçonnique. Ce qui avait permis à un pouvoir minoritaire dans l’opinion de se maintenir et de durer. De la même façon, on pourrait aujourd’hui résumer ce qui vient de se passer ces derniers jours à l’Assemblée nationale comme la grande peur des députés gamellards. La majorité absolue des élus au Palais-Bourbon ont préféré refuser de voter la censure d’un gouvernement macroniste honni et en lambeaux de crainte de perdre leur siège. Tout plutôt que la dissolution ! Tout plutôt que le retour aux urnes ! Tout plutôt que redonner la parole au peuple ! Etranges démocrates que ces députés qui préfèrent renier leurs convictions, ou ce qui en tient lieu, plutôt que de courir le risque d’élections législatives anticipées.
C’est ainsi que l’on a vu les députés socialistes — 62 sur 69 ! — refuser de voter la censure du gouvernement Lecornu II alors même qu’ils se prétendent dans l’opposition. Les choses sont pourtant claires : lorsqu’on ne vote pas la censure au Parlement, c’est qu’on est dans la majorité. Une opposition qui rechigne à faire tomber un gouvernement, ou qui s’y refuse obstinément, n’est pas ou n’est plus une opposition. Le Parti socialiste s’est contenté de la promesse du Premier ministre de suspendre jusqu’à l’élection présidentielle du printemps 2027 la réforme des retraites de 2023, dite réforme Borne, du nom du chef du gouvernement de l’époque et de ne pas faire usage dans les débats parlementaires de l’article 49-3. C’est bien peu pour ne pas voter la censure. D’autant qu’on ne sait pas encore si la suspension de cette réforme sera réellement votée par le Parlement d’autant que le gouvernement entend l’introduire par le biais d’un simple amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ce qui oblige en principe les députés à voter l’ensemble du texte — qui prévoit par exemple le doublement des franchises médicales et la réduction du budget de l’hôpital public — pour que la suspension de la réforme Borne soit adoptée. Ce qui pourrait s’avérer être un marché de dupes. Reste qu’en donnant cet os à ronger au groupe socialiste et au premier secrétaire du PS, Olivier Faure, la Macronie revient quelque part à ses origines. N’oublions pas que Macron est issu du Parti socialiste et qu’il faisait même partie, pour être précis, de son courant strauss-kahnien.
L’ATTITUDE de connivence du Parti socialiste avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui est de surcroît le plus fidèle et le plus proche collaborateur du président de la République, permet d’éviter, au moins temporairement, la censure du gouvernement et donc une nouvelle dissolution, qui eût été désastreuse pour les socialistes, mais elle contribue à approfondir les divisions au sein de la gauche. Les Insoumis sont vent debout contre cette décision du PS et crient à la traîtrise. Mais même la base militante du PS et le noyau dur de son électorat sont ébranlés. A preuve le Mouvement des Jeunes socialistes avait appelé le PS à voter la censure — comme d’ailleurs symétriquement les jeunes Républicains pour les députés LR qui, eux non plus, n’en ont rien fait — et beaucoup d’électeurs de gauche sont actuellement très remontés contre la direction du Parti socialiste qui a certes sauvé les meubles provisoirement mais qui, demain ou après-demain, pourrait payer très cher dans les urnes ce qui est vu comme une trahison.
Et que dire du comportement des députés LR ? 49 sur 50 ont refusé de voter la motion de censure des Insoumis (qui a obtenu au total le vote de 271 élus, il en fallait 289 pour renverser le gouvernement Lecornu) et 47 sur 50, soit deux de moins, celle déposée par le Rassemblement national (qui a obtenu 144 voix, soit les 123 du RN, les 16 de l’Union des droites pour la République (UDR) du sirupeux Eric Ciotti, plus deux voix de députés non-inscrits et trois voix d’élus LR). Alors même que des élus proches du président de LR, Bruno Retailleau, comme l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, avaient appelé les élus républicains à l’Assemblée nationale à voter la censure, compte tenu d’un projet de budget qui prévoit 14 millions d’euros d’impôts et de taxes supplémentaires et compte tenu aussi de la suspension à venir de la réforme des retraites, les députés LR, à l’instar de leur président de groupe, le chafouin Laurent Wauquiez, s’y sont refusés. Là aussi, pour garder leur place, leur prébende, de crainte de perdre leur siège, ils ont préféré manger leur chapeau. Eux qui se faisaient forts d’être les champions de la baisse des impôts et de tenir, disaient-ils, des positions de bon sens sur le plan économique, voilà qu’ils refusent de censurer un projet de budget gouvernemental à bien des égards typiquement socialiste. Alors que les cadres et dirigeants LR reprochaient au RN ses positions jugées dirigistes et gauchistes sur le plan économique et sa démagogie considérée comme irresponsable, ils refusent de renverser un gouvernement otage du Parti socialiste et augmentant massivement les prélèvements.
CE QUI s’est passé ce jeudi 16 octobre au matin au Palais-Bourbon, avec le rejet successif des deux motions de censure, est la résultante de la grande trouille, de l’immense peur des députés PS et LR de revenir devant les électeurs car, dans le contexte actuel, ils savent pertinemment, quoi qu’ils en disent, qu’ils seraient laminés. Jean-Marie Le Pen parlait régulièrement du système UMPS pour le dénoncer. On en a vu ces derniers jours une nouvelle illustration grandeur nature, bien peu ragoûtante, il est vrai, mais fort efficace. Quand il s’agit de se sauver, les députés, tout à coup, de léthargiques deviennent énergiques. La peur est le ciment de la majorité des députés. Lecornu n’avait pas menti lorsqu’à l’issue de ses consultations, il avait déclaré le 8 octobre au 20 heures de France 2 que la majorité absolue des députés, c’est-à-dire au moins 289 élus sur 577, ne souhaitaient pas un retour aux urnes. Et on ne peut exclure, même si ce n’est là qu’une hypothèse parmi d’autres, que cette assemblée scindée en onze groupes politiques, ce qui est un record sous la Cinquième République, tienne cahin-caha jusqu’à la présidentielle de 2027 tant la crainte de la majorité de ses membres de revenir devant les électeurs est maladive.
Quel spectacle pitoyable assurément ! Mais les Républicains, pas plus que les socialistes, ne sortent grandis de cette séquence et ils le paieront probablement au centuple dans les urnes. Le bloc central, quant à lui, n’est pas en meilleure posture. Les divisions y sont aiguës. Le cas d’Horizons, le parti de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, est symptomatique de l’incapacité à définir une ligne politique et à s’y tenir. Alors qu’Horizons compte trois ministres dans le gouvernement Lecornu II, que ses 34 députés n’ont pas voté la censure — ils n’étaient d’ailleurs pas présents jeudi matin dans l’hémicycle, pas plus que la plupart des LR, des socialistes et des autres groupes macronistes —, la vice-présidente du parti a, elle, appelé les députés “philippistes” à voter la censure. Quant au président du parti, il a renouvelé sur France 2 le 16 octobre au soir sa proposition de départ anticipé d’Emmanuel Macron, ce qui a été mal perçu au Château.
BREF, RIEN NE VA PLUS. Et pas seulement parmi les députés. Même nos musées ne sont plus gardés comme ils devraient l’être. Après les vols non négligeables au musée de la porcelaine à Limoges, puis au Muséum d’histoire naturelle à Paris, voici, chose inimaginable, que le Louvre, le musée le plus visité dans le monde et l’un des joyaux de notre patrimoine, est cambriolé, en plein jour, un dimanche matin, ce 19 octobre, et que les objets et pièces dérobés sont de surcroît d’une valeur inestimable. Le ministre de l’Intérieur, venu sur les lieux, le calamiteux Laurent Nunez, a promis que les voleurs seraient rapidement retrouvés et les biens dérobés récupérés. Mais faut-il le croire ? Nunez est plus efficace pour réprimer les gilets jaunes, comme il le fit sans ménagement en 2018-2019 en tant que secrétaire d’Etat auprès de Castaner, alors à l’Intérieur, ou pour interdire une foultitude de rassemblements patriotiques en tant que préfet de Paris que pour assurer l’ordre et la tranquillité dans le pays. […]
RIVAROL, <[email protected]>
Source : Éditorial de Rivarol
Ce n’est pas seulement parce que les députés sont des gamellards.
Macron a beau ne plus représenter que 17% de l’électorat (j’allais bêtement écrire « des Français »), ce n’est pas pour autant qu’il y a une majorité positive en face de lui – surtout pas une majorité de 83%.
à l’heure actuelle, aucune force politique n’est en mesure de tirer parti d’une dissolution, alors, à quoi bon prendre des risques inutiles – car, le parti qui provoquerait la crise aurait de fortes chances d’êtres sanctionné.
La réalité, c’est que la France n’est plus un pays, que les Français ne sont plus un peuple.
à partir de là, il est inutile de rechercher des majorités ou des volontés générales qui n’existent pas.
Il faut se contenter d’une gestion purement administrative, à l’intérieur de frontières purement administratives.
Et manger du boudin noir et du gratin dauphinois tant qu’il y en a encore … dans la gamelle.