« Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. »
Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique
« Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu’assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant. »
Charles Baudelaire, Le Voyage, dans Les Fleurs du Mal
« L’homme moderne donna la primauté à la matière et sacrifia le spirituel à l’économique. Il préféra le bien-être à la force et à la joie. »
« L’amusement est opposé à la vie ; car la vie est action. »
Alexis Carrel, Réflexions sur la conduite de la vie
Nous désignons ici, sous l’appellation « société du spectacle », l’ensemble du système économique (communication, divertissement, consommation) reposant sur un processus de surenchère, de sensationnalisme, et plus généralement, d’appel aux bas instincts.
Nous le voyons, lorsque nous regardons autour de nous : les « jingles » incessants rythment des publicités toujours plus bêtes, le « trashtalk » gagne du terrain, notamment dans les sports de combat, et les réseaux sociaux, sur lesquels il est possible de « scroller » des heures durant, d’une vidéo courte à une autre totalement différente, remplacent progressivement les livres. Il n’est d’ailleurs pas anodin que trois anglicismes affreux puissent être employés afin de décrire ce qui semble être la longue agonie rigolarde d’une civilisation finissante.
Mais pourquoi ? Pour deux raisons principales : parce que nous avons des instincts, d’une part, et parce que notre société ne souhaite plus les dompter, d’autre part. Jadis, la société était homogène sur les deux plans qui font que l’homme est un homme, à savoir le corps et l’âme. En effet, les individus partageaient un socle génétique commun ainsi qu’une religion commune, le catholicisme. Unis par ces deux puissants leviers, ils s’accordaient sur la nécessité de dominer leurs passions. La morale catholique l’ordonnait. La foi commune, la verticalité hiérarchique et l’intelligence faisaient le reste.
Seulement, d’immenses et dramatiques mouvements ont profondément bouleversé notre société. En effet, le catholicisme s’est progressivement dissipé sous les assauts répétés de ses ennemis (Révolution française en 1789, séparation de l’Église et de l’État en 1905, concile Vatican II en 1962). Ainsi, ce n’est plus la morale catholique qui régit les lois, les coutumes et les aspirations du peuple, mais ce qui a pris sa place, c’est-à-dire un système athée, égalitaire et relativiste. En outre, une immigration de masse et un métissage galopant ont grandement altéré le substrat ethnique français, et ont par conséquent contribué à la dégradation de l’unité du peuple. Le lecteur notera ici que, contrairement à une certaine « droite » hédoniste, qui se déshonore d’ailleurs en arborant de façon malséante ce noble qualificatif, nous ne présentons pas l’immigration comme la source de nos problèmes, mais bien comme un adjuvant à ceux-ci.
Alors, profondément transformée, notre société, qui jusqu’à ce jour a connu un développement technologique sans précédent dans l’Histoire, a trouvé une juteuse recette. Elle a répondu aux désirs des peuples ainsi défigurés en satisfaisant les intérêts de son élite. Les intérêts de l’élite reposent sur deux axes fondamentaux. Tout d’abord la conservation du pouvoir, sans laquelle elle ne peut plus agir, et, ensuite, la recherche maximale du profit. Les désirs du peuple, quant à eux, puisque ce dernier n’a plus de repères spirituels en plus d’être fortement fragmenté, sont devenus primaires. C’est en cette dualité terrible que réside tout le caractère pernicieux de cette sinistre association. Non seulement l’élite trouve le moyen d’asservir le peuple, mais le peuple réclame avec enthousiasme l’application de ce moyen, qu’il croit être la solution à son bonheur.
Alors nous voyons triompher la surenchère, de la musique au sport, en passant bien évidemment par les réseaux sociaux. Puisqu’il est impossible d’accorder les masses sur la base de hautes conceptions, ces dernières se voient réunies sous l’infecte bannière du vice. En musique, les notes ne s’accordent plus, elles tambourinent. Le rap a remplacé la poésie. Tout n’y est plus qu’ego, destruction perpétuelle d’un ordre qui n’est plus, enfermement dans un présent éternel. C’est le triomphe de l’animalité sur le rêve. Dans le sport, les combattants se lancent réciproquement moult injures, sobriquets et menaces, avant de s’affronter. C’est le triomphe de l’irrespect sur la noblesse. Sur les réseaux sociaux, le sexe récréatif et l’argent sont rois. En un glissement de doigt, l’utilisateur passe d’un influenceur sot, dont l’indicible bêtise est le seul étendard, à une courtisane lubrique, dont le corps est l’unique atout. C’est le triomphe de la jouissance sur la maîtrise de soi, de l’immédiat sur la réflexion.
Comble de ce malheur, le désir se caractérise par son absence presque totale de limites. Dès lors qu’il est satisfait, il retombe puis s’éteint, terrassé. Alors naît un second, bien plus avide de satisfaction que le premier, qui lui aussi finira par choir dans l’oubli, avant qu’un suivant bien plus intense ne se voie engendré. C’est un véritable système de consommation pornographique. Ainsi, la société du spectacle, en redoublant d’artifices pour émerveiller les individus dans la surenchère, non seulement les prive de l’émerveillement dans la simplicité, mais par surcroît, les en éloigne toujours davantage. Ce qui ne peut nous libérer nous enferme.
Alexandre Charpentier
































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