Le confinement a détruit des milliers de restaurants pour le plus grand bien de Mac Do et Starbuck. Idem avec l’inflation pour les boulangeries Idem pour la pêche, mais en silence… La concentration économique généralisée se porte bien…
Des multinationales comme Cornelis Vrolijk et Parleviet van der Plas ont profité de la libéralisation des quotas aux Pays Bas pour accumuler des droits de pêche et des capitaux. Ces dernières années, de nombreuses entreprises de pêche françaises, anglaises et allemandes ont été rachetées par ces géants de l’industrie, qui accaparent toujours plus de quota pour nourrir leurs chalutiers géants qui peuvent pêcher jusqu’à 200 tonnes par jour. Sans une mobilisation massive des citoyens, la pêche artisanale européenne risque de disparaître dans les prochaines années, remplacée par quelques super-chalutiers qui enrichissent des millionnaires.
Au sein de la flotte de pêche européenne, certains navires industriels de nouvelle génération sont devenus trop efficaces. Ces navires, peu nombreux mais à la pointe de la technologie, ont un impact démesuré sur l’océan. Depuis les années 1980, les stocks de poissons ont largement diminué sans que tous les pêcheurs en soient également responsables, ni que toutes les communautés de pêche en soient affectées au même degré. La crise de la surpêche, alimentée en grande partie par un petit nombre de navires, menace dans le monde entier les populations côtières et pêcheries artisanales qui dépendent de l’océan pour se nourrir et gagner leur vie.
La politique commune de la pêche (PCP) est le texte qui encadre la manière dont les États membres de l’Union Européenne gèrent collectivement leurs eaux. Adoptée en 1970, la PCP vise à assurer la conservation des stocks de poissons et la viabilité économique des pêcheries européennes. Pour atteindre ces objectifs, l’UE a mis en place des mesures centralisées, octroyé d’importantes subventions publiques, et imposé une gestion basée sur des totaux admissibles de captures (TACs) établis au niveau européen pour les espèces commerciales, puis distribués à l’échelle nationale sous forme de quotas. Ces choix politiques ont contribué à l’industrialisation de la flotte et au développement d’immenses chalutiers automatisés, et ont laissé les sociétés les plus puissantes s’accaparer une majorité des quotas. En effet, afin de rester compétitives, celles-ci accumulent du capital et des droits de pêche par le rachat ou la fusion avec d’autres entreprises de pêche moins performantes, et étendent également leur emprise tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Elles réalisent désormais d’énormes bénéfices grâce à la capture, à la transformation, au commerce et à l’exportation du poisson. Dans le secteur de la pêche, cette concentration des capitaux existait bien avant les années 1970, mais comme nous le verrons, de nouvelles pressions du marché, l’innovation technologique et les incitations créées par la PCP ont contribué à accélérer le processus.
Les pêcheurs artisans de toute l’Europe subissent ainsi la double peine du déclin des stocks de poissons et de politiques qui leur sont défavorables. De 2000 à 2010, le nombre d’emplois dans le secteur de la pêche artisanale a baissé d’environ un quart, tandis qu’à la même période les grandes entreprises de pêche et leurs actionnaires réalisaient des profits records.
Entre 2013 et 2019, la flotte européenne a perdu 5 505 navires, tout en maintenant quasiment au même niveau sa capacité globale en termes de potentiel de captures. En d’autres termes, il y a aujourd’hui moins de bateaux de pêche, mais ceux qui restent sont de plus grande taille et capturent du poisson en plus grande quantité, et plus rapidement. Le problème de cette forme d’efficacité est qu’elle n’est pas durable écologiquement parlant, si l’on en croit le déclin des stocks de poissons au niveau mondial. Par ailleurs elle se fait au détriment de toute la diversité de services qu’apportent les pêcheries artisanales à leurs communautés et aux systèmes alimentaires.
Dans son Pacte vert pour l’Europe, l’UE souligne que la production alimentaire doit être non seulement efficace mais aussi rentable, résiliente en temps de crise, qu’elle doit avoir un impact environnemental positif ou neutre et permettre d’améliorer les moyens de subsistance des producteurs. Ce sont précisément des caractéristiques propres aux pêcheries artisanales européennes : leurs connaissances des écosystèmes locaux les encouragent dans l’utilisation de méthodes de pêche à faible impact, et le poisson qu’elles pêchent est destiné à la consommation humaine plutôt qu’à des usages industriels, ce qui contribue à réduire l’insécurité alimentaire. Dans l’ensemble, la pêche artisanale concourt au développement rural et à l’économie locale en créant des emplois et remplit un rôle culturel et patrimonial auprès des communautés.
L’UE définit la pêche artisanale comme celle pratiquée par les navires de moins de 12 mètres qui utilisent principalement des engins de pêche passifs. Cette définition minimale ne rend toutefois pas compte de la diversité des pratiques de pêche, des contextes techniques, et des cultures au sein des pêcheries des états membres de l’UE. En effet, en présentant les types de pêches selon un gradient, on peut dire que, de manière générale, la pêche artisanale embarque moins de marins par bateau, qu’elle effectue des sorties plus courtes et plus proches de la côte. Ses taux de captures sont relativement faibles, et la polyvalence est de mise, autant dans les engins que dans les espèces ciblées. la pêche artisanale n’utilise donc pas seulement des engins passifs. Les entreprises de pêche artisanale sont moins capitalisées et moins gourmandes en carburant, et leur chiffre d’affaires est plus faible. Les captures sont principalement destinées à la consommation humaine à une échelle locale ou régionale, plutôt qu’à la transformation en produits industriels tels que du poisson congelé, de la farine de poisson ou de l’huile. De plus, les entreprises de pêche artisanale sont souvent familiales ou entretiennent des liens étroits et historiques avec les communautés locales, auxquelles elles procurent de l’emploi et des services.
Toutefois, bon nombre de ces caractéristiques s’appliquent également aux navires de taille moyenne (16 à 20 mètres environ), d’où la difficulté de définir précisément les contours de la pêche artisanale. Par ailleurs, certains bateaux de moins de 12 mètres qui utilisent des engins de pêche destructeurs ou de puissants moteurs peuvent avoir des effets négatifs sur l’environnement, sans pour autant rentrer dans la catégorie des navires « industriels ». De même, il est difficile de qualifier de navire industriel un bateau de taille moyenne qui utilise des méthodes à faible impact telles que les longues lignes ou les lignes à main. Pour compliquer encore les choses, certaines grandes sociétés sont familiales mais opèrent à l’échelle multinationale, et n’ont aucune retombée sur les communautés locales.
La définition de la pêche artisanale a beau faire l’objet de débats, les chalutiers géants pélagiques et démersaux des flottes industrielles s’en distinguent largement. Certains de leurs navires mesurent plus de 80 mètres de long, et jusqu’à 144 mètres pour le Annalies Ilena du groupe Parlevliet & Van der Plas. Les entreprises auxquelles ces bateaux appartiennent pèsent plusieurs millions de dollars. Cornelis Vrolijk B.V. et Parlevliet & Van der Plas (P&P), basées aux Pays-Bas, sont deux des plus puissantes en Europe.
Au-delà de leur taille et de celle de leurs navires, l’influence qu’ont progressivement obtenue ces sociétés sur les réglementations européennes de la pêche est considérable. Leur ascension a été rendue possible par un environnement politique très largement favorable à la croissance du secteur de la pêche industrielle.
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