Le 9 mai 2022, Emmanuel Macron avait proposé à Strasbourg, la création d’une « Communauté politique européenne » afin de permettre « davantage de coopération et de dialogue entre l’ensemble des pays du continent européen » pour avancer sur des projets concrets. Il s’agissait pour lui de lancer un plan B face au discrédit qui touche les institutions de l’Union européenne devenue aux yeux des peuples un monstre froid, bureaucratique et virant à la tyrannie pour briser les résistances nationales issues des particularismes et intérêts nationaux pas toujours convergents des pays de l’Union européenne.
Après le premier sommet de cette CPE en gestation qui avait eu lieu à Prague en octobre dernier, le Sommet de Chisinau accueilli par Maïa Sandu, Présidente de la République de Moldavie, était consacré à la connectivité, l’énergie et la sécurité le 1er juin, en plein conflit hybride entre l’Occident et la Russie.
Les dirigeants européens y ont fait assaut d’amabilités et surtout de promesses financières et de soutien à la dirigeante moldave qui veut intégrer son pays au camp occidental par le truchement d’un rapprochement-absorption par la Roumanie (lui permettant d’intégrer l’UE et l’Otan), alors que sa population est loin d’être majoritairement favorable à ce projet mondialiste.
Rappels sur la Moldavie
La population de la Moldavie est composée majoritairement de roumanophones (non slaves) mais aussi de fortes minorités russophones et ukrainophones (slaves), et gagaouzes (descendants d’Ottomans majoritairement convertis à l’orthodoxie).
La situation de la Transnistrie. La Moldavie est enclavée entre la Roumanie et l’Ukraine et sur sa frontière avec cette dernière se trouve la « zone tampon » de la Pridnestrovie (Transnistrie) république ayant proclamée son indépendance hors de la souveraineté du gouvernement moldave en 1991 et où se trouve un contingent des Forces armées russes. Les Russes représentaient 13,7 % de la population de la Transnistrie en 1926, 25,5 % en 1989 puis 34% en 2015, tandis que la proportion de Moldaves est passée de 44,1 % en 1926 à 39,9% en 1989 et 33 % en 2015.
La situation de la Gagouzie. Lorsqu’en 1990, la Moldavie avait proclamé son indépendance, l’assemblée des soviets gagaouzes, ruraux à majorité communiste conservatrice, avait tenté également de proclamer la sienne mais qui n’a été reconnue par aucun autre État. Après négociations, le Parlement moldave a reconnu officiellement l’autonomie de la Gagaouzie en décembre 1994, en échange de l’abandon des velléités indépendantistes.
Les promesses occidentales
Maia Sandu, la dirigeante moldave (qui possède la nationalité roumaine(3) et a été formatée de 2009 à 2010 à la John F. Kennedy School of Government de l’université Harvard, aux États-Unis) a été encouragée par le politburo européen, c’est une des leurs(1), qui a doublé son investissement dans le pays, le faisant passer à près de 300 millions € en contrepartie d’une politique pro-UE.
La Norvège a également soutenue Sandu en promettant 50 millions € en contrepartie de réformes libérales favorables aux entreprises et oligarques occidentaux.
Le dirigeant anglais s’est ému de la pauvreté en Moldavie et il a promis 12 millions € d’argent public anglais pour les réfugiés ukrainiens en Moldavie qui ayant fui leur pays que l’OTAN a choisi pour mener sa guerre contre la Russie.
La Moldavie est entrée en discussion avec l’Azerbaïdjan pour l’ajouter parmi ses fournisseurs de gaz alternatifs au gaz peu coûteux russe, conformément aux demandes occidentales.
Maia Sandu a dit vouloir « attirer » la Transnistrie dans l’UE lorsque la Moldavie aura cessé d’être si son projet d’intégration à la Roumanie aboutit. La Transnistrie étant elle-même enclavée entre cette Moldavie et le régime de Kiev, elle est sous l’entière dépendance de ses voisins qui se proposeraient de lui faire des cadeaux pour qu’elle consente d’elle-même à se faire annexer à l’UE.
L’alternative est celle d’une invasion armée, qui ne rencontrerait elle-même aucune difficulté. Le dirigeant de Kiev, Zelensky, s’est fait remarquer lors du sommet en menaçant à demi-mot d’attaquer la Transnistrie (ce qui l’arrangerait bien en ouvrant un deuxième front contre la Russie, comme il y travaille aussi avec la Géorgie), avant de temporiser en disant attendre l’accord de Chisinau.
Le dirigeant roumain a refroidi l’ambiance, annonçant que l’annexion de la Moldavie (et de l’Ukraine) par l’UE prendrait de nombreuses années et qu’il serait inquiet à l’idée d’une intervention militaire en Moldavie, préférant le faire de manière indirecte comme en Ukraine.
L’opposition moldave a dénoncé la dette pharaonique envers des créanciers occidentaux qui s’accumule sur le pays.
Le renforcement des capacités militaires moldaves
Les agents politiques à la tête de l’UE ont également assisté à la livraison d’armes à la Moldavie. Officiellement, il était question d’assurer la sécurité du sommet…
En réalité, cela a lieu dans le contexte d’un exercice aérien de l’OTAN dans cette région hautement stratégique, et cela s’est accompagné du transfert de véhicules blindés de l’OTAN en Moldavie et par la venue de 6 avions cargo depuis la Pologne, transportant armes et munitions à destination des forces gouvernementales moldaves. La Pologne affirme que la cargaison d’armes et de munitions est destinée à la police moldave qui semble donc avoir de bien gros besoins…
Le dossier moldave suit le schéma du dossier ukrainien en 2013-2014, depuis que le « harcèlement démocratique » du président Igor Dodon par ses opposants pro-occidentaux a eu raison de lui. Elu en décembre 2016, il est suspendu temporairement une première fois de ses fonctions le 24 octobre 2017, par la Cour constitutionnelle pour avoir refusé de signer le décret de nomination du ministre de la Défense. Le 2 janvier 2018, la Cour constitutionnelle le suspend à nouveau temporairement de ses fonctions, justifiant sa décision par le refus de celui-ci de valider la nomination de plusieurs ministres. Enfin, le 9 juin 2019, il est une nouvelle fois suspendu par la Cour constitutionnelle au motif de ne pas avoir dissous le Parlement comme elle lui avait demandé dans un précédent arrêt.
Candidat à un second mandat lors de l’élection présidentielle de 2020, il affronte à nouveau Maia Sandu. Mais il est battu au second tour, le 15 novembre, cette dernière recueillant plus de 57 % des suffrages exprimés, grâce notamment au vote massif en sa faveur des Moldaves occidentalisés résidant à l’étranger(2).
Le dossier ukrainien était jusque-là un cas académique, le dossier moldave devient un cas d’école de l’absorption et de l’asservissement d’un pays au mondialisme par les institutions et cercles d’influences occidentaux en Europe.
Note :
(1) « De 1994 à 1998, Maia Sandu est directrice adjointe du ministère de l’Économie. De 1998 à 2005, elle travaille au bureau de la Banque mondiale en Moldavie puis devient, en 2006, directrice de la Direction générale des politiques macroéconomiques et des programmes de développement du ministère de l’Économie. En 2007, elle est nommée coordinatrice de programme au Programme des Nations unies pour le développement en Moldavie et consultante auprès du gouvernement sur la réforme de l’administration publique centrale. De 2010 à 2012, elle est conseillère au bureau exécutif de la Banque mondiale, à Washington, pour les relations avec les pays de l’ancien bloc de l’Est et de l’ancienne URSS. Ces expériences lui permettent de prendre la mesure de la nécessité d’aligner les normes juridiques et les pratiques économiques de la Moldavie, pour assurer sa prospérité, sur les normes et les pratiques européennes. » (Wikipedia)
(2) « Elle doit ce bon score aux Moldaves vivant à l’étranger, qui se sont beaucoup plus mobilisés qu’en 2016 et qui ont voté en sa faveur à hauteur de 93 % » (Wikipedia)
(3) Élections à la présidence de la République de Moldavie. Maia Sandu : « J’ai la nationalité roumaine ! » Igor Dodon : « Les intérêts de quel pays allez-vous défendre ? » (adevarul.ro)