Le 16 novembre 2022, le Français Hervé Bléjean, vice-amiral et directeur général de l’état-major(1) de l’Union européenne, a été auditionné à huis-clos par la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale. Bléjean travaille au sein des institutions de l’UE sous l’autorité directe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, et avec le secrétaire général adjoint pour la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), l’ambassadeur Charles Fries. L’amiral Bléjean s’est exprimé sur la mise en œuvre de la PSDC au profit de l’Ukraine, c’est-à-dire sur le rôle financier et militaire de l’Union européenne dans le conflit…
Le détournement orwellien de la « Facilité européenne pour la paix »
Pour mettre en œuvre le soutien militaire de l’UE à l’Ukraine, les institutions européennes ont détournées un bidule passoire à budget de l’UE, créé en 2021, destinée à l’époque « à prévenir les conflits, à consolider la paix et à renforcer la sécurité internationale, en permettant le financement d’actions opérationnelles relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense ». Même si cette « Facilité européenne pour la paix » n’a jamais été conçue pour acheter ou fournir des armes, c’est pourtant par ce mécanisme que depuis février 2022 l’UE soit achète des armes pour les envoyer à l’Ukraine, soit rembourse aux États de l’UE les armes qu’ils achètent et envoient à l’Ukraine…
Ainsi le Fonds pour la paix a finance la guerre et sa poursuite, dans la plus pure tradition orwellienne.
L’audition de Bléjean témoigne du gouffre financier que l’UE engloutit en Ukraine pris sur l’argent public que les États membres ponctionnent à leurs peuples, et de l’emballement des dirigeants de l’UE dans un mécanisme d’escalade guerrière contre la Fédération de Russie qui ne pourra que constater, à un moment ou à un autre, la belligérance du moloch européen et donc des États membres qui l’ont créé. Et en tirer les conséquences !
Voici quelques passages intéressants de l’audition(2) de Bléjean qui le confirme et montre de surcroit l’implication totale de la France dans ce mécanisme dont elle est un des principaux contributeurs.
« Dès le 26 février 2022, dans le but de faciliter l’échange d’informations entre les États membres et les forces armées ukrainiennes, et de s’assurer ainsi que l’effort en livraison de matériel consenti par les États membres était bien adapté à ce que demandent les Ukrainiens, j’ai établi au sein de l’état-major de l’Union européenne une plateforme d’échange d’information (en anglais : CHC, pour « Clearing House Cell »), dédiée au recensement des besoins et priorités exprimés par les Ukrainiens, d’une part, et de l’offre en matériel des États membres et de leurs partenaires, d’autre part. »
Le 26 février, notez bien la date. Donc, deux jours après le début des opérations. Inutile de dire, que Borrell n’a pas dû trop forcer pour convaincre les pays membres, qui étaient déjà sommés de participer à l’aide militaire. Les déclarations fanfaronnes de Borrell servent surtout à donner un voile « européen » à une décision, manifestement prise ailleurs, mais qui doit être légitimée localement.
Et le mécanisme a été immédiatement mis en place :
« Avec l’appui de la CHC, j’exerce également la responsabilité de décider de l’éligibilité des aides fournies par les États membres à un remboursement par le comité de la Facilité européenne pour la paix. Ce remboursement est conditionné, d’une part à la confirmation de la réception de ces aides dans les centres de distribution ou à leur destination ; d’autre part à leur adéquation aux priorités fixées par les autorités ukrainiennes.
En huit mois, la CHC a reçu un peu plus de 4,7 milliards d’euros de demandes de remboursement de la part de 22 États membres, dont la France. Jusqu’à présent, j’ai approuvé comme éligibles au remboursement 4,066 milliards d’euros d’équipements militaires létaux (représentant 90 % du matériel fourni) ou non létaux.
Le Conseil de l’Union européenne a jusqu’à présent débloqué 6 paquets de 500 millions d’euros (les 28 février, 23 mars, 13 avril, 23 mai, 21 juillet et 17 octobre) pour la livraison de l’Ukraine en équipement militaire, pour un total de 3,1 milliards d’euros, incluant 2,82 milliards d’euros d’équipements létaux, 180 millions d’euros d’équipements non létaux et 100 millions d’euros liés au report sur les équipements non létaux des États ne voulant pas fournir d’équipements létaux. La France a participé à chacun de ces paquets de 500 millions d’euros à hauteur de 90 millions d’euros. »
L’implication totale de la France dans le gouffre financier et l’escalade
Manifestement, tout est prévu pour financer ce conflit, quel qu’en soit le prix, et la France est l’un des pays, qui participe le plus :
« Dans la situation la plus défavorable, c’est-à-dire si la guerre devait continuer sur le même rythme qu’aujourd’hui toute l’année 2023, un paquet de 500 millions d’euros serait encore nécessaire toutes les six semaines en 2023, pour un total de 900 millions d’euros pour la France.
Les chiffres de la participation française sont pour l’instant retenus par le ministère des armées, mais la France fait partie des dix pays les plus dépensiers en fourniture d’équipement militaire à l’Ukraine, et parmi les cinq à six pays les plus engagés financièrement du continent européen, Royaume-Uni compris. »
L’emballement guerrier pose des problèmes financiers, les Etats vont devoir revoir à la hausse les dépenses (et les impôts), car le budget européen n’a pas été prévu pour une véritable guerre :
« En seize mois, 52 % du budget 2021-2027 de la Facilité européenne pour la paix a été dépensé. Si on y ajoute les dépenses que j’ai déclarées comme éligibles au remboursement, les trois quarts de ce budget ont été engagés. Enfin, avec l’ensemble des dépenses prévues pour 2023, ce budget aura été consommé à 82 %, alors qu’il restera quatre années à couvrir. La Facilité est donc déjà presque à court de budget. Elle n’a pas été conçue pour rembourser aux États membres des dons d’armement pour soutenir une guerre de haute intensité.
Des crispations politiques apparaissent déjà entre les contributeurs et les dépensiers, du fait de l’écart entre l’éligibilité au remboursement de certains États et la quote-part de leur participation au budget de la FEP, ou en raison du rythme actuel de consommation des crédits, bien supérieur aux perspectives initiales. La Pologne, qui a donné pour plus de 1,5 milliard d’euros de matériel (principalement des chars de fabrication soviétique) paye ainsi une part très faible, de sorte que ce sont les États payant une part plus importante (la France et l’Allemagne notamment) qui financeront ce don. »
La « Mission d’assistance militaire de l’Union européenne à l’appui de l’Ukraine »
C’est pour remédier à ce risque et pour compléter le dispositif de la Facilité européenne pour la paix, détourné de son but originel, que le Conseil européen (la plus haute instance politique dirigeante de l’UE composée de l’ensemble des États membres réuni au niveau gouvernemental ou présidentiel) vient de créer ad hoc la « Mission d’assistance militaire de l’Union européenne à l’appui de l’Ukraine ».
Ce nouveau mécanisme militaire a été mis en place pour directement former les forces militaires ukrainiennes – puisque le conflit est prévu pour durer et que les armes envoyées deviennent de plus en plus sophistiquées :
« Fin août, à Prague, lors d’un conseil informel des ministres de la défense, les 27 États membres ont convenu de mettre en place une mission de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) pour assister et former les armées ukrainiennes. La décision d’établir une mission d’entraînement nommée European Union Military Assistance Mission (EUMAM) Ukraine a été adoptée un mois et demi plus tard, le lundi 17 octobre, au cours du conseil des affaires étrangères. (…) L’objectif de court terme pour les Ukrainiens est de mettre sur pied trois nouveaux corps d’armée d’ici mars 2023, pour un volume estimé de 75 000 hommes, afin de pouvoir prendre l’initiative des opérations au printemps prochain. »
Et cela a un coût :
« Le coût de fonctionnement du projet EUMAM Ukraine est estimé à 106,7 millions d’euros. Par rapport aux coûts communs habituels, son périmètre a été élargi, par exemple au transport des soldats entraînés. Une mesure d’assistance particulière, dotée dans un premier temps de 16 millions d’euros, viendra en appui de EUMAM pour l’achat du matériel létal nécessaire comme les munitions d’entraînement. Une mesure de 45 millions d’euros couvrira les besoins de fourniture de matériel non létal, indépendamment des mesures d’assistance gérées par la Clearing House Cell »
L’UE est bien une partie prenante au conflit, sans le consentement des peuples, qui sortent bien peu dans les rues pour le faire savoir. Borrell déclarait à Munich, fier de son œuvre :
« Les États membres ont décidé d’utiliser ce fonds pour armer l’Ukraine (3,6 milliards d’euros). Et les États membres chacun de leur côté, certains beaucoup, d’autres moins, ont également fourni un soutien militaire, pour atteindre au total 12 milliards d’euros. Et ceci est une réalisation majeure. C’est la première fois que nous faisons cela. Nous avons brisé un tabou. Et il est très important de continuer à le faire.
Nous sommes l’entraîneur le plus important de l’armée ukrainienne. D’ici la fin de l’année, 30 000 soldats ukrainiens seront entraînés par notre mission d’assistance militaire de l’UE. Je n’entrerai pas dans plus de détails, mais c’est ce que nous avons fait. »
L’UE annonce encore 45 millions de ce Fonds de la guerre à la Pologne, pour entraîner de nouveaux Ukrainiens et en faire des soldats – tant qu’il reste des hommes en Ukraine…
L’UE c’est la guerre, dans le dos des peuples européens
Le 3janvier 2022, la députée européenne Nathalie Loiseau justifiait l’érection du drapeau de l’UE à l’arc de Triomphe, pour le début de la présidence française de l’Union Européenne, par ces mots : « L’Europe c’est la paix. Un drapeau qui nous a donné 70 ans de paix »… Elle reprenait ainsi la vieille antienne mensongère que la paix est l’essence même de la construction européenne, servie aux peuples depuis des décennies pour leurs faire accepter les amères pilules des « abandons de souveraineté » à leur UERSS et à leur construction du machin techno-tyrannique.
Aujourd’hui leur roi est nu et nous conduit tout doucement et silencieusement vers un conflit de grande ampleur programmé par les fanatiques atlantistes du continent en application du plan des néo-conservateurs d’outre-Atlantique.
Notes :
(1) L’état-major de l’Union européenne est composé de 200 personnes et il est officiellement chargé d’apporter au sein des institutions européennes une expertise militaire en lien étroit avec le comité militaire de l’Union européenne et le comité politique et de sécurité (COPS)
merci pour cet article, important, factuel et fort utile…