Chez l’éditeur Garnier-Flammarion (Paris) le Dictionnaire philosophique de Voltaire est réputé être une édition « intégrale » : or, la notice « Juif » a disparu, sans aucune indication ou mention correspondante.
Manifestement, le siècle des Lumières – en anglais the age of enlightenment, en allemand Aufklärung – dérange notre époque qui, donc, n’est pas un siècle des Lumières.
Mais on peut trouver sur le net cette notice : Voltaire_Dictionnaire_philosophique_Juifs.pdf
Nous donnons ici quelques extraits de la notice. On commence par le plus stupéfiant, encore qu’on s’y attendait quand même un peu, comme dit Kant – d’ailleurs lui-même un éminent représentant de l’Aufklärung – pas d’expérience possible sans a priori, et voilà l’expérience : rechercher dans le texte les occurrences du nombre « Six ». Pourquoi « Six », juste une idée, comme ça, au hasard. Et, surprise à tomber par terre, on remonte la toute première histoire d’extermination avec le chiffre Six, la voici :
« On demande aussi quel droit des étrangers tels que les Juifs avaient sur le pays de Chanaan : on répond qu’ils avaient celui que Dieu leur donnait. A peine ont-ils pris Jéricho et Laïs qu’ils ont entre eux une guerre civile dans laquelle la tribu de Benjamin est presque toute exterminée, hommes, femmes et enfants; il n’en resta que six cents mâles: mais le peuple, ne voulant point qu’une des tribus fut anéantie, s’avisa, pour y remédier, de mettre à feu et à sang une ville entière de la tribu de Manassé, d’y tuer tous les hommes, tous les vieillards, tous les enfants, toutes les femmes mariées, toutes les veuves, et d’y prendre six cents vierges, qu’ils donnèrent aux six cents survivants de Benjamin pour refaire cette tribu, afin que le nombre de leurs douze tribus fût toujours complet. »
Nous en profitons pour rappeler les incroyables propos publiés en juillet 1965 par le mensuel « Alliance d’Abraham » à propos de ce fameux chiffre 6 :
« … Assassiner un juif qui vit selon la volonté de l’Eternel, en étudiant et en pratiquant sa religion de justice, c’est assassiner tout un peuple saint, c’est exterminer toute une humanité, c’est détruire tout un univers car « le juste est la base du monde ». Tout est compris en lui. C’est ce qu’Israël signifie au monde en proclamant que 6 millions de ses enfants ont été massacrés. Dans ce nombre de 6 millions, on ne doit tenir compte que du 6 (Le reste ce ne sont que des zéros, qui n’ont nulle valeur qualitative, la quantité est toujours douteuse). 6, c’est le nombre de l’Homme, qui a été créé au 6e jour à l’image de Dieu. 6, c’est le nombre de l’Homme transcendantal, de l’Homme céleste, de l’Homme spirituel, du Juste, d’Israël (*). »
Et à propos de zéros rajoutés sur la droite (lesquels zéros sont au nombre de six, c’est à noter), on trouve cet autre passage dans cette notice :
« Vespasien et Titus firent le siège mémorable, qui finit par la destruction de la ville [Jérusalem, il s’agit ici de l’épisode Agrippa – Bérénice]. Josèphe l’exagérateur prétend que dans cette courte guerre il y eut plus d’un million de Juifs massacrés. Il ne faut pas s’étonner qu’un auteur qui met quinze mille hommes dans chaque village tue un million d’hommes. Ce qui resta fut exposé dans les marchés publics, et chaque Juif fut vendu à peu près au même prix que l’animal immonde dont ils n’osent manger. »
Ce genre de remarques sur les exagérations ou les impossibilités dans les récits israélites est donc une constante, presque une phrase type, une redondance dans la communication des révisionnistes. On la retrouvera dans la bouche de deux ambassadeurs américains en Russie à propos des pogromes, et, plus tard, il sera aussi question d’une histoire de 200 personnes qu’on entre dans l’équivalent d’un petit salon de coiffure….
Voici d’autres extraits de cette notice de notre lumière nationale dans sa face cachée, mais cachée par qui ? Peut-être par ceux qui font rimer révisionnisme et antisémitisme, Voltaire aggrave son cas !
« Si les Juifs ont mangé de la chair humaine. Parmi vos calamités, qui m’ont fait tant de fois frémir, j’ai toujours compté le malheur que vous avez eu de manger de la chair humaine. Vous dites que cela n’est arrivé que dans les grandes occasions, que ce n’est pas vous que le Seigneur invitait à sa table pour manger le cheval et le cavalier, que c’étaient les oiseaux qui étaient les convives ; je le veux croire.
Si les dames juives couchèrent avec des boucs. Vous prétendez que vos mères n’ont pas couché avec des boucs, ni vos pères avec des chèvres. Mais dites-moi, messieurs, pourquoi vous êtes le seul peuple de la terre à qui les lois aient jamais fait une pareille défense ? Un législateur se serait-il jamais avisé de promulguer cette loi bizarre, si le délit n’avait pas été commun ?
Si les Juifs immolèrent des hommes. Vous osez assurer que vous n’immoliez pas des victimes humaines au Seigneur ; et qu’est-ce donc que le meurtre de la fille de Jephté, réellement immolée, comme nous l’avons déjà prouvé par vos propres livres ?
Des enfants juifs immolés par leurs mères. Je vous dis que vos pères ont immolé leurs enfants, et j’appelle en témoignage vos prophètes. Isaïe leur reproche ce crime de cannibales : « Vous immolez aux dieux vos enfants dans des torrents, sous des pierres. » Vous m’allez dire que ce n’était pas au Seigneur Adonaï que les femmes sacrifiaient les fruits de leurs entrailles, que c’était à quelque autre dieu. Il importe bien vraiment que vous ayez appelé Melkom, ou Sadaï, ou Baal, ou Adonaï, celui à qui vous immoliez vos enfants ; ce qui importe, c’est que vous ayez été des parricides. C’était, dites-vous, à des idoles étrangères que vos pères faisaient ces offrandes : eh bien, je vous plains encore davantage de descendre d’aïeux parricides et d’idolâtres. Je gémirai avec vous de ce que vos pères furent toujours idolâtres pendant quarante ans dans le désert de Sinaï, comme le disent expressément Jérémie, Amos, et saint Étienne. Vous étiez idolâtres du temps des juges ; et le petit-fils de Moïse était prêtre de la tribu de Dan, idolâtre tout entière comme nous l’avons vu ; car il faut insister, inculquer, sans quoi tout s’oublie. Vous étiez idolâtres sous vos rois ; vous n’avez été fidèles à un seul Dieu qu’après qu’Esdras eut restauré vos livres. C’est là que votre véritable culte non interrompu commence. Et, par une providence incompréhensible de l’Être suprême, vous avez été les plus malheureux de tous les hommes depuis que vous avez été les plus fidèles, sous les rois de Syrie, sous les rois d’Égypte, sous Hérode l’Iduméen, sous les Romains, sous les Persans, sous les Arabes, sous les Turcs, jusqu’au temps où vous me faites l’honneur de m’écrire, et où j’ai celui de vous répondre. »
Conclusion : il est un peu difficile de classer Voltaire dans les révisionnistes puisqu’il écrit deux siècles avant les événements dont parle Faurisson. Par contre, on peut se demander avec l’universitaire américain Lawrence Birken, si Adolf Hitler ne s’inscrit pas, lui, dans le droit-fil des lumières, de l’Aufklärung plutôt. Alors, bientôt la suppression de tous les boulevards Voltaire ?
C’est à partir de la réédition de 1930 ( la première après l’affaire Dreyfus) que cet article – et quelques autres – ont disparu. A ma connaissance (mes investigations sont déjà anciennes), l’édition complète est accessible sur la BNF.