A L’INSTAR DE ce que fut sous la défunte Quatrième République la Troisième Force qui réunissait les forces régimistes (centristes, radicaux et SFIO), à l’exception des communistes sur la gauche et des gaullistes sur la droite, le chef de l’Etat semble se diriger vers la mise en place d’une coalition, ou à tout le moins d’un accord de non-censure, entre les différentes formations politiques représentées au Parlement à l’exception de la France insoumise sur la gauche et du Rassemblement national sur la droite. Mathématiquement cet accord, fût-il réalisé sur une base minimaliste, peut permettre d’atteindre une majorité absolue de députés à l’Assemblée nationale puisque le RN (123) et son allié ciottiste (16) comptent en tout 139 élus et la France insoumise 71, donc en-deçà de la majorité absolue située à 289 députés. Sur le papier cette coalition à forte dominante centriste pourrait même se passer des élus écologistes et communistes — lesquels ont été reçus ce lundi 9 décembre à l’Elysée dans le cadre des consultations précédant la nomination d’un nouveau Premier ministre, après que Macron eut reçu vendredi dernier le bloc central et les LR, les Insoumis ayant refusé de se rendre à son invitation et le RN n’étant pour l’heure pas convié à échanger avec le chef de l’Etat — si elle réunit à faire le plein des députés socialistes, macronistes, LR et divers droite.
A l’heure où nous bouclons ce numéro, le nom qui revient le plus souvent comme nouveau Premier ministre est celui du Béarnais François Bayrou. Même si une surprise de dernière minute n’est pas totalement à exclure — on parle aussi entre autres de l’ex-LR Catherine Vautrin —, il semble que le président du Modem soit celui qui a le plus de chances de succéder à Michel Barnier tant il coche de nombreuses cases. Il a toujours souhaité une alliance de gouvernement entre le centre droit et le centre gauche et rêverait assurément d’être le chef d’un gouvernement réunissant en son sein des socialistes, des centristes et des Républicains, autant de partis qui sont à la fois européistes et mondialistes. Tout au long de sa carrière politique, le Béarnais s’est régulièrement dit proche d’un Delors, d’un Rocard, d’un DSK. De plus, Bayrou a 73 ans révolus. Une accession à Matignon pour, l’espère-t-il, un mandat de vingt-neuf mois — jusqu’au terme du second quinquennat de Macron qui s’achèvera au plus tard le 13 mai 2017 au soir, serait son bâton de maréchal avant de quitter la scène politique. Il n’a en effet jamais rempli jusque-là une fonction aussi prestigieuse et capitale, même s’il a déjà occupé des portefeuilles ministériels importants. En 2017, après la première élection de Macron, il n’avait pu rester longtemps place Vendôme à cause de l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés du Modem, le pendant du dossier dans lequel est impliquée Marine Le Pen pour le RN. Précisément, tout en étant centriste et européiste, tout en ayant toujours pris soin de se dire hostile aux extrêmes, Bayrou cultive, à titre personnel, de bonnes relations avec la chef de file des députés RN. Il lui avait accordé son parrainage lors de la dernière présidentielle et avait incité des maires centristes à faire de même pour que la candidate du RN obtînt les 500 précieux paraphes. Plus encore, il a dénoncé, lors du tout récent procès de Marine Le Pen, les réquisitions des deux procureurs, se scandalisant publiquement qu’elle puisse être condamne à une peine d’inéligibilité, qui plus est avec exécution provisoire. Son indulgence n’est certes pas désintéressée puisque lui-même n’est pas définitivement sorti d’affaire, le Parquet ayant fait appel de sa relaxe dans le dossier des assistants parlementaires des eurodéputés du Modem, mais ses déclarations ont été appréciées par la direction du RN qui aura du mal à censurer, du moins dans un premier temps, un gouvernement dirigé par Bayrou.
IL N’EST PAS SÛR d’ailleurs que la censure de Barnier, à laquelle s’est finalement résolue Marine Le Pen, après l’avoir refusée obstinément pendant près de trois mois, ait renforcé, au moins à court terme, la position de la (vraie) patronne du RN. Si le gros des troupes a sans nul doute approuvé cette censure, l’électorat qui avait rejoint plus récemment le RN, et venu souvent de la droite classique, de milieux âgés et/ou bourgeois, paraît beaucoup plus réservé sur ce choix qui semble rompre, sur la forme tout au moins, avec la stratégie de normalisation, de recentrage et de respectabilisation mise en œuvre depuis des années par la benjamine de Jean-Marie Le Pen, d’autant que les députés RN ont voté la motion de la gauche qui dénonçait de manière explicite et violente les accointances de Barnier avec « l’extrême droite », elle-même accusée de tous les maux. Des agriculteurs mécontents de cette censure qui retardent les aides qu’ils auraient reçus si le budget avait été voté par l’Assemblée ont emmuré des permanences de députés RN stupéfaits. Et le RN a même perdu un siège de député, à la surprise générale, ce dimanche 8 décembre, lors d’une législative partielle, alors qu’il avait gagné le 24 novembre (avant le vote de censure), lors du second tour d’une municipale partielle, dans le cadre d’une quadrangulaire, la commune de Rognac, une petite ville de 12 500 habitants dans les Bouches-du-Rhône. Le candidat du RN, Jordan Duflot, qui était arrivé très largement en tête au premier tour dans la première circonscription des Ardennes, avec 39,12 % des voix et 14 points d’avance, a été battu au second par un ex-député macroniste, Lionel Vuibert — qui compte toutefois siéger chez les élus non-inscrits —. Duflot a réuni 49,11 % des voix là où, le 7 juillet dernier, le candidat du RN avait obtenu 53 %. Cette défaite, certes concédée de justesse, et à laquelle il ne faut pas accorder plus d’importance qu’elle n’en a, compte tenu du taux d’abstention de 69 %, montre néanmoins que la séquence politique actuelle n’a pas renforcé le Rassemblement national. Contrairement à ceux de la France insoumise qui se glorifient de la censure et appellent ouvertement à la démission ou à la destitution de Macron, les dirigeants du RN semblent mal à l’aise sur les plateaux de télévision à la suite de cette chute du gouvernement Barnier comme s’ils étaient ballottés entre une base militante qui pousse à la confrontation avec l’Exécutif et une volonté de notabilisation et de normalisation qui leur semble indispensable pour dépasser le seuil fatidique des 50 % au second tour de l’élection présidentielle.
Reste qu’il est audacieux et potentiellement dangereux de la part du président de la République d’exclure, au nom du politiquement correct et de la bien-pensance, à la fois la France insoumise et le Rassemblement national, du fameux « arc républicain » alors que ces deux mouvements représentent près de la moitié du nombre des députés et probablement, en cas de présidentielle, la moitié au moins des électeurs. Rappelons que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen avaiten réuni à eux deux plus de 45 % des suffrages exprimés lors du premier tour de la présidentielle le 10 avril 2022, 21,95 % pour le premier et 23,15 % pour la seconde.
LA TÂCHE du nouveau gouvernement, quel qu’il soit, et quels qu’en soient les contours, ne sera, de toute façon, pas facile compte tenu du caractère éclaté de l’Assemblée, de la situation économique, sociale et financière très dégradée du pays, avec un chômage qui remonte, une dette et des déficits qui explosent, un appauvrissement des classes moyennes, sans compter la colère paysanne avec l’accord sur le Mercosur signé en Amérique du sud par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a totalement fait fi de l’opposition de la France. Et que dire de la situation internationale explosive ? La chute spectaculaire et d’une rapidité stupéfiante du régime de Bachar el-Assad en Syrie est lourde de menaces pour l’équilibre et la stabilité du Proche-Orient, et bien au-delà. Cela peut conduire à l’arrivée de millions supplémentaires de réfugiés et de migrants en Europe et en France alors que le Vieux Continent est déjà en état d’invasion libre et qu’il ne peut plus assumer sans risques majeurs ce nouvel afflux potentiel d’immigrés.
En revanche, les sionistes et leurs alliés et soutiens peuvent avoir le sourire. Ils sont en train d’achever le remodelage du Proche-Orient commencé avec la Première guerre du Golfe contre l’Irak de Saddam Hussein en 1990-1991. En l’espace de quelques décennies seulement, ils ont réussi à détruire, selon leur machiavélique stratégie du chaos, au profit de l’entité sioniste et de son projet messianique de Grand Israël, l’Irak, le Liban, la Libye, la Syrie. Ne reste plus que l’Iran qui est manifestement la prochaine cible visée par les néo-conservateurs. On peut d’ailleurs craindre que l’administration Trump, qui entrera en fonction le 20 janvier prochain, ne demande à la Russie, en échange de la validation d’un statu quo de la situation sur le terrain en Ukraine (Moscou garderait la Crimée et toutes ses prises dans le Donbass), son nihil obstat à une intervention militaire contre Téhéran. Et il n’est pas du tout impossible que Poutine accepte le marché car si la Russie progresse lentement mais sûrement dans le Donbass, elle n’a plus été à même d’aider au maintien du régime de Bachar el-Assad en Syrie, précisément du fait de son effort de guerre en Ukraine. Non plus que le Hezbollah, très affaibli (mais pas mort pour autant) par les bombardements aériens de l’entité sioniste sur le Liban sud, par les assassinats ciblés de ses principaux dignitaires et par la tuerie de masse réalisée avec les bipers et talkies-walkies piégés sur ordre personnel de Netanyahu.
Cette déstabilisation de tout le Proche-Orirent, qui s’ajoute au génocide à Gaza, à l’annexion de fait de la Cisjordanie à la suite d’une politique de terreur, est lourde de menaces pour l’avenir. L’injustice et le crime ne peuvent en effet conduire à la paix, à la concorde et à la stabilité. Les apprentis-sorciers qui conduisent ces folles et criminelles politiques peuvent mettre à feu et à sang la planète. Mais n’est-ce pas au fond leur objectif ? Tout détruire, tout incendier, pourvu qu’eux continuent à régner et à tyranniser avec une insolence et une arrogance chaque jour plus grandes et humainement insupportables. […]
RIVAROL, <[email protected]>
Source : Éditorial de Rivarol
Les Pays d’Europe voudraient renvoyer les Syriens réfugiés chez eux . les faux Syriens y compris , ça ferait de la place pour les Libanais ,les Yéménites ,les Palestiniens et bientot les Iraniens .