
COMME c’était prévisible, Nicolas Sarkozy n’est pas resté longtemps derrière les barreaux. La cour d’appel de Paris qui examinait le lundi 10 novembre la demande de remise en liberté de l’ancien président de la République déposée par ses avocats a ordonné sa libération le jour même et a placé l’ex-maire de Neuilly sous contrôle judiciaire, suivant ainsi l’avis du Parquet. Il échappe même au bracelet électronique. La cour lui a simplement interdit tout contact avec l’actuel garde des Sceaux dont il est un proche, Gérald Darmanin. Nicolas Sarkozy ne sera donc resté à la prison de la Santé à Paris que vingt jours, du 21 octobre au 10 novembre, alors qu’il a été condamné en première instance à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs. Tous les détenus condamnés en France à des peines de cinq ans de prison ferme aimeraient pouvoir eux aussi quitter leur cellule au bout de vingt jours d’incarcération seulement. Mais ce n’est généralement pas le cas. Preuve que, contrairement à ce qu’ont répété ses soutiens et toute la droite casher depuis le jugement du 25 septembre — le vice-président de l’Assemblée nationale, le RN Sébastien Chenu, lui a ainsi écrit trois lettres, (oui, trois lettres !) pendant son incarcération, pour lui dire combien il était choqué du traitement qui lui était réservé et pour lui témoigner toute son estime et sa considération ! —, l’acharnement judiciaire à l’égard de l’ancien chef de l’Etat n’est pas aussi manifeste que ce qu’ils prétendent. Il est même assez peu probable que Sarkozy retourne un jour en prison. D’abord avec l’appel, puis un pourvoi en cassation, il peut gagner plusieurs années. A ce moment-là, il aura largement plus de soixante-dix ans et pourra donc bénéficier, selon toute vraisemblance, d’une certaine clémence. Sinon dans la peine, au moins dans son application. Il avait déjà pu retirer en avance son bracelet électronique après sa condamnation définitive dans l’affaire dite des écoutes, ou affaire Bismuth, précisément parce qu’il avait atteint en janvier dernier les septante ans. Tant son âge que son ancien statut de président, tout comme sa solvabilité et son carnet d’adresses, devraient lui permettre de rester durablement en liberté.
On le voit, Nicolas Sarkozy est bien mieux traité qu’un autre chef d’Etat, Philippe Pétain, qui, lui, resta emprisonné à l’île d’Yeu, dans des conditions inhumaines, pendant six ans, de 1945 à sa mort en 1951, à l’âge de 95 ans. Et le Maréchal n’avait, lui, commis aucun crime ni aucun délit, n’était coupable d’aucune corruption, d’aucune malversation, n’avait trempé dans aucun financement illicite ni dans aucun arrangement mafieux. Il avait seulement servi son pays, fait don de sa personne à la France, dans des conditions extrêmement difficiles, alors que notre pays venait de connaître la plus grande défaite militaire de son histoire avec plus de cent mille morts et deux millions de prisonniers et alors que des millions de Français paniqués fuyaient sur les routes. Tandis que nous commémorons ce 11 novembre l’armistice de 1918, il n’est pas inutile de rappeler le rôle bénéfique et salutaire que joua le vainqueur de Verdun pour la défense de notre pays pendant la Grande Guerre, combien il se montra humain et paternel à l’égard des Poilus dont il chercha constamment à adoucir les souffrances, à améliorer et augmenter les rations alimentaires, à décourager les mutineries, à économiser les vies. De Pétain à Sarkozy et à Macron, la chute est abyssale !
L’EFFONDREMENT du niveau intellectuel et du sens moral des élites, leur mépris du bien commun sont concomitants de l’agonie de la civilisation Gutenberg. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, le monde de l’édition se porte mal. Et tout particulièrement la presse imprimée. Les journaux et magazines papier n’existent encore que parce qu’ils sont largement subventionnés par les pouvoirs publics et maintenus sous oxygène artificiel par une poignée de milliardaires dont la principale préoccupation n’est pas le bien du peuple ni l’amour de la vérité et de la justice. On vient ainsi d’apprendre que le groupe de luxe LVMH dirigé par Bernard Arnault va réinjecter la somme de 140 millions d’euros, sous la forme d’une augmentation de capital, pour renflouer Le Parisien qui accuse un déficit annuel de plusieurs dizaines de millions d’euros. En 2023 et en 2024, le quotidien a en effet perdu une trentaine de millions d’euros et s’apprête à en perdre au moins autant cette année. Après avoir renfloué le journal une première fois en 2018, à hauteur de 83 millions d’euros, puis en 2022, à hauteur de 65 millions, le multimilliardaire Arnault, première fortune de France, va encore devoir couvrir les pertes du quotidien. Quand on bénéficie d’une telle manne tombant du ciel, c’est en effet plus facile. D’autant que Le Parisien et Les Echos, les deux quotidiens dont LVMH est propriétaire, ont reçu en 2024 seize millions d’euros d d’aides de l’Etat, de sorte que le groupe détenu par Bernard Arnault occupe la première place des entreprises de presse subventionnées par les pouvoirs publics devant Le Monde.
Malgré ces aides considérables et répétées, la situation est alarmante. LVMH exige de la direction du Parisien un plan social drastique pour que le titre retrouve l’équilibre au plus vite. Sinon le journal qui a toujours cherché à conquérir un large public populaire pourrait être vendu — il avait été sérieusement question de le céder à un autre milliardaire, Vincent Bolloré, déjà propriétaire du Journal du dimanche, de Paris Match, d’Europe 1 et de CNews — ou sa version papier supprimée. C’est déjà ce qui est prévu pour Les Echos, l’autre quotidien d’Arnault, dont la version papier devrait s’interrompre au profit exclusif de la version numérique au plus tard en 2028 et probablement avant.
C’EST dans ce contexte que nous apprenons que le trimestriel luxueux, Le Spectacle du monde, renonce lui aussi à la version papier. Le numéro 22, celui de l’automne 2025, est le dernier à être imprimé, ainsi que l’écrit, dans un bref mot aux lecteurs, Charles Villeneuve, le président de Spectacle du Monde, en page 3 de la dernière édition : « Le numéro que vous tenez entre les mains est le dernier à paraître dans la version papier du Spectacle du monde. À l’heure où les usages évoluent et où les contraintes pesant sur la presse imprimée se renforcent, nous avons pris la décision de faire évoluer notre revue vers une édition exclusivement numérique, à compter de l’hiver 2025. Ce choix, que nous avons mûrement réfléchi, nous permettra de continuer à vous proposer une lecture enrichie, accessible partout et fidèle à l’esprit d’exigence et d’indépendance qui anime le Spectacle du monde depuis ses débuts. Nous savons l’attachement que beaucoup d’entre vous portent à la version papier. Soyez assurés que tout sera mis en œuvre pour accompagner cette transition dans les meilleures conditions, notamment pour nos abonnés. Merci de votre fidélité. Vous êtes, et resterez, au cœur de cette belle aventure éditoriale. »
Il faut dire que le Spectacle du monde se porte très mal. Les ventes trimestrielles n’excèdent pas 1500 exemplaires papier sur toute la France. A la vérité, la revue qui était autrefois mensuelle ne s’est jamais remise de sa première faillite à l’été 2014 après cinquante-deux ans de parution ininterrompue, le premier numéro datant d’avril 1962. Comme l’hebdomadaire Minute, créé lui aussi en avril 1962 et qui a disparu corps et bien le 5 février 2020. Cinq ans après la première cessation de parution, le Spectacle du Monde a été relancé en 2019 avec une nouvelle formule, trimestrielle, essentiellement consacrée à la politique étrangère. Mais le succès n’a jamais été au rendez-vous. Quand un titre disparaît, toutes les tentatives pour le ressusciter durablement sont généralement vaines comme en témoigne toute l’histoire de la presse, à commencer pour parler de la droite nationale par Le Crapouillot ou par Le Choc du mois.
Ce choix d’abandonner le papier n’est pas anodin. Quand certains titres historiques renoncent au papier, comme le magazine Le Spectacle du monde aujourd’hui et le journal Les Echos demain, et peut-être Le Parisien après-demain, cela peut faire boule de neige et on peut craindre que la transition vers le numérique ne s’accélère et ne finisse par tout emporter sur son passage. D’où l’impérieuse nécessité de faire vivre et de développer par tous les moyens un hebdomadaire imprimé, totalement libre et indépendant, comme RIVAROL. Car s’il venait à mourir, pour une raison ou pour une autre, c’est un des derniers espaces de liberté qui disparaîtraient. Et nous n’aurions alors que nos yeux pour pleurer. […]
RIVAROL, <[email protected]>
Source : Éditorial de Rivarol


































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