D’origine asiate, converti à l’Islam, il veut égorger les Français
A Raqqa, Nicolas Moreau n’était connu que sous sa « kounia » (son nom islamique) : « Abou Seif le Coréen ». Un peu comme son frère cadet, Flavien, lui aussi parti faire le djihad. Flavien avait aussi pas mal de surnoms. Le plus fréquent : « Abou Souleyman le Chinois », pour ses yeux bridés.
Marrant tout de même : Daech ne cesse dans sa propagande d’appeler à la « Umma », l’union sacrée de tous musulmans, quelles que soient leurs origines et leur nationalités, mais rien n’y fait. La race n’est pas soluble dans le djihad et les combattants d’Allah, bien que musulmans, restent définis par leur nation d’origine ou leur faciès. A Raqqa il y avait donc « Abou machin le Belge », « Abou truc le Hollandais ». Plein de « Faransi »(français) aussi.
Mais les deux frères Moreau, français de papier, mais métis d’asiatique, n’ont jamais accolé, comme beaucoup de leurs compatriotes, l’étiquette « Al Faransi » à leur nom. Ils restaient « les Chinois ».
Flavien « le Chinois » faisait boulanger. Nicolas « le Coréen » tenait un restaurant… marocain à Raqqa. Il y a ainsi croisé le recruteur français Omar Diaby, Samy Amimour, l’un des kamikazes du Bataclan, ou encore Abdelhamid Abaaoud, l’un des organisateurs des attentats du 13-Novembre.
Ce mercredi 14 décembre, Nicolas, l’aîné des frères Moreau, comparaît devant la 16e chambre du tribunal correctionnel – où se succèdent les procès pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste« .
Juste après le 13-Novembre, Nicolas avait écrit une lettre « à ces abrutis de la DGSI », remise à un surveillant. Il y expliquait alors avoir croisé Abdelhamid Abaaoud et Samy Amimour, dans son restaurant de Raqqa, qu’il a tenu en 2014. Mais aussi avoir alerté sur Mohamed Abrini, l’un des organisateurs des attentats de Bruxelles, qu’il ne le connaissait que sous sa « kounia », « Abou Souleymane », qui selon lui « se trouvait certainement en Europe « . Ce dès ses premières auditions après son arrestation, en juin 2015.
Nicolas Moreau espérait obtenir, grâce à ses « révélations », un statut plus privilégié de repenti.
« Moi, j’ai des menaces parce que je vous ai aidé à combattre Daech ! En prison, vous savez, y’en a plein qui sont sympathisants de Daech ou qui reviennent et sont encore complètement de leur côté. Et vous, vous faites n’importe quoi ! Vous avez vu le type [Adel Kermiche] que vous avez relâché et qui a égorgé le prêtre là ? C’était un agneau, vous l’avez mis en prison avec les loups de Daech qui lui ont retourné la tête. Et moi, vous me gardez en prison ! Vous avez un problème de compréhension, là ! » « Bon, je sais pas que ce vous allez faire, mais franchement, si vous me relâchez pas, moi, je vous promets, je vais pas me laisser faire. Je reprends les armes ! »
Moreau avoue qu’il « adore les armes ». En Syrie, pendant trois mois, il a appris à manier « la doushka » (une mitrailleuse lourde), la kalachnikov, ou encore le lance-roquettes. En prison, il a « confectionné une arme blanche, dissimulée sous son oreiller ».
Le président du tribunal détaille le parcours des deux frères, tous les deux adoptés comprendre acheté), après avoir été recueillis dans un orphelinat de Corée. Nicolas avait quatre ans, Flavien quinze mois. Ils grandissent à Nantes. L’adolescence est chaotique. Nicolas est placé en centre éducatif fermé. Puis, c’est le début des « conneries », malgré une formation de marin-pêcheur.
« J’ai raté à mon CAP à cause de l’enseignant, il était raciste. Il ne supportait pas qu’un jaune soit dans les meilleurs élèves. »
14 condamnations pour Nicolas, qui de 2009 à 2013 est incarcéré.
Flavien est parti une première fois en novembre 2012 en Syrie, revenu, a tenté de repartir, avant de se faire pincer. Nicolas part lui en 2013 et reste près de deux ans. Raqqa, Fallouja, Mossoul… Il va sur le front, et participera même à une opération kamikaze : » Cétait une ‘inghimasi’, ça veut dire que je me faisais pas exploser, mais que j’avais juste 10% de m’en sortir ».
Il s’en est sorti. Et s’est octroyé un surnom, dont il est visiblement fier : « Trompe la Mort ».
Pour les deux frères pourtant, le djihad ne s’est pas arrêté à Fallouja ou Mossoul, mais ici, en France. Dans cette même salle d’audience, en 2014, Flavien Moreau a été jugé, a écopé de 7 ans, et avoué devant les magistrats que son frère aîné était en Syrie. Sans se douter que ce dernier reviendrait en France et se ferait incarcérer. Voilà donc les deux frères Moreau en prison. L’un à Fleury, l’autre à Condé-sur-Huisne.
A Fleury, en effet, Nicolas Moreau est ce qu’on appelle un détenu difficile. La dernière fois, il a menacé le surveillant : « Je vais te balancer de l’huile chaude ! Je peux t’égorger, hein ! Je nique la France et les sales Français! »
« Vous les Français », « Vous la France ». L’expression revient sans cesse dans la bouche de Nicolas Moreau. « Mais pourtant, vous êtes français », rétorque le procureur.
« Non pas vraiment. Je ne suis pas né en France. Mes parents adoptifs, j’ai été chez eux que de 4 à 13 ans, et il n’y a pas de lien du sang. Si je vous aide, vous la France, à combattre Daech, c’est surtout parce que je trouve qu’ils font des erreurs islamiques. »
« En Syrie, il y avait aussi du racisme à cause de mes origines asiatiques. Mais aussi du racisme contre les Français. » « Franchement, si vous avez pas compris que je suis contre eux, c’est que vous avez des problèmes psychologiques. Si vous me relâchez pas, je vous jure, je me laisserai pas faire. »
Le procureur a requis dix ans de prison. Verdict le 2 janvier.