Le 10 mai 1941, Hess saute en parachute au dessus de la propriété de Lord Hamilton en Écosse, son Messerschmitt Bf-110, spécialement modifié pour l’expédition, s’écrase dans les landes. Aujourd’hui, il est de bon ton de présenter Hess comme un illuminé agissant seul, qui avait choisi la date de son équipée en fonction d’une conjonction astrale, mais il y avait une autre conjonction plus terre à terre, stratégique celle-là, on était à un gros mois du déclenchement de Barbarossa, le 22 juin 1941, et les Allemands auraient bien aimé éviter une guerre sur deux fronts.
Hess aurait voulu commencer par s’entretenir avec Lord Hamilton, non seulement cela lui sera refusé, comme si on craignait que la démarche n’aboutisse, mais en plus, on sait aujourd’hui qu’il a été visé par une tentative d’assassinat dans les jours suivant son arrivée.
Le projet a été déjoué par le MI5, mais les autorités britanniques continuent de dissimuler certains aspects de l’affaire et on ne sait donc pas si le MI6 était impliqué ou si certains de ses agents ont agi de leur propre initiative.
Selon le MI5, dix-sept officiers polonais auraient participé au complot ainsi que deux officiers britanniques, dont le tireur d’élite Alfgar Hesketh-Prichard.
Selon Guy Liddell, l’officier supérieur du MI5 qui a enquêté sur cette conspiration, «Les Polonais avaient bien vu que Hess n’était venu que pour proposer des négociations de paix et ils craignaient que le gouvernement britannique ne s’y laisse prendre, abandonnant la Pologne à son sort face à l’Allemagne».
L’ironie de l’Histoire veut que ces patriotes polonais et Hesketh-Prichard lui-même soient bientôt victimes de la menace bolchevique contre laquelle Hess était venu les mettre en garde.
Dans un premier temps, Hesketh-Prichard aura plus de chance avec sa deuxième mission d’importance : en 1942, il sera l’officier de liaison en chef du SOE (Special Operations Executive), chargé de former et d’armer les partisans Tchèques et Slovaques qui abattront Reinhard Heydrich à Prague.
Mais en décembre 1944, alors qu’il était à la tête d’une nouvelle équipe du SOE, chargé de superviser la résistance slovène qui opérait dans les montagnes à la frontière de l’Autriche et la Yougoslavie, Hesketh-Prichard sera assassiné par ses propres alliés !
Le Kremlin avait ordonné à un chef communiste de l’éliminer afin d’empêcher que le SOE ne forme un front d’alliances entre les diverses factions de la guérilla non communiste. Le corps n’a jamais été retrouvée. Que cela ait fait partie ou non de leur motivation, les agents de Moscou auront ainsi réduit au silence l’homme au centre du premier complot visant à assassiner Rudolf Hess.
La tentative des Polonais montre que l’initiative de Hess n’était pas sans fondement, mais bien entendu, ils se trompaient complètement en pensant que Churchill pourrait se laisser convaincre, Churchill était encore plus anti allemands que tous les Polonais réunis, mais ce n’est pas lui que cherchait à joindre Hess, et il avait des arguments qui pouvaient être entendus par les Anglais, mieux, certains avaient même été formulés par le père de Neville Chamberlain, Joseph Chamberlain.
Peu après son arrivée, Hess avait été interviewé par Lord Simon (Lord Chancelier du cabinet de Churchill) et Ivone Kirkpatrick, diplomate de haut rang du Foreign Office et spécialiste de l’Allemagne. Dans la transcription de leur conversation, Hess fait remarquer :
«Le Führer était d’avis que la guerre serait l’occasion d’un rapprochement plus étroit entre les deux pays, rapprochement qu’il avait toujours appelé de ses vœux. C’était déjà le cas en 1921 et c’est l’objectif qu’il n’a eu de cesse de poursuivre depuis qu’il est arrivé au pouvoir».
Malheureusement, les dirigeants britanniques ont systématiquement rejeté les offres de paix d’Hitler, y compris sa proposition d’une convention internationale contre les bombardements de civils.
«Je pourrais vous dresser toute une liste de traités et de lois internationales non respectés. Je m’en tiendrais à Lawrence d’Arabie dont on sait qu’il a démissionné de son poste de colonel parce que l’Angleterre n’avait pas tenu sa parole envers les Arabes. Le reproche du non-respect des petites nations est mal venu dans la bouche de l’Angleterre.
«Les Allemands se demandent en permanence: quelle garantie y a-t-il que l’Angleterre respectera ses traités, ses pactes, mieux qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent? En outre, il y a une grande amertume en Allemagne parce qu’ils savent, le peuple allemand sait, que le Führer ne voulait pas que la guerre touche les civils par le biais de bombardements. Au début de la guerre, le Führer avait proposé que de tels bombardements soient interdits.
«Cela n’a pas empêché les attaques de l’armée de l’air britannique contre la population civile allemande de se multiplier».
Après l’intensification de la guerre en 1940, Hess comprit que la Grande-Bretagne n’accepterait pas facilement un accord de paix de peur d’y laisser son prestige. Il a donc décidé de prendre le risque de se rendre lui-même en Grande-Bretagne, «afin que sa présence sur place permette à l’Angleterre d’envisager une ouverture». Hess espérait pouvoir jeter les bases d’un dialogue de paix.
Au lieu de cela, ce martyr de la paix aura passé le restant de ses jours ballotté d’une prison à une autre.
Au début, Hess se montre prudent en parlant de l’Union soviétique, ne souhaitant pas trahir les plans d’invasion de l’URSS. Mais en juillet 1941, lorsqu’il rédige un mémorandum intitulé «Allemagne – Angleterre du point de vue de la guerre contre l’Union soviétique», remis au ministre du gouvernement et propriétaire du Daily Express, Lord Beaverbrook, Hess s’ouvre en toute franchise (et de façon prémonitoire) sur la menace primordiale que représente pour lui Moscou, menace qu’une alliance anglo-allemande devrait s’atteler à combattre sans délais.
Il pensait que l’Allemagne était suffisamment forte pour vaincre la Russie, soulignant à juste titre que le moral des Allemands était bien plus élevé dans cette guerre qu’il ne l’avait été au cours de la Première Guerre mondiale :
« Il ne fait aucun doute que l’état d’esprit des troupes est au plus haut. Les éléments qui, au cours de la [première] guerre mondiale, avaient fini par miner le moral de l’armée allemande – la faim, les influences pernicieuses de l’arrière contaminées par le marxisme – ne jouent plus aujourd’hui.
« Grâce au national-socialisme, non seulement les forces armées allemandes sont imperméables à la propagande bolchevique, mais elles s’y opposent avec virulence».
Néanmoins, Hess demande à Beaverbrook et aux personnalités influentes d’envisager les conséquences d’une défaite allemande pour l’Empire britannique.
« En conséquence de l’alliance anglo-bolchevique, une victoire de l’Angleterre serait une victoire des bolcheviks.
«…Si les espoirs de l’Angleterre de voir l’Allemagne s’affaiblir devaient se réaliser, l’Union soviétique, après la démultiplication de ses capacités militaires, deviendrait la plus grande puissance au monde.
« Seule une Allemagne forte en contrepoids, soutenue par toute l’Europe et entretenant des relations de confiance avec l’Angleterre, pourrait y faire obstacle.
« Je crois que l’Allemagne a été désignée par le destin pour, à un moment donné, lever le voile sur le secret de l’armée bolchevique, afin que la révélation du danger puisse encore rendre possible la défense du monde civilisé.
«…L’Angleterre devrait en outre garder à l’esprit le danger que représenterait pour certaines parties de son Empire le géant bolchevique – que même la meilleure armée du monde aura du mal à battre aujourd’hui – lorsque celui-ci aura atteint la puissance militaire que l’on peut escompter dans l’avenir.
« Le danger sera encore accru par la séduction qu’exerceront les idées bolcheviques auprès des couches populaires du pays dont le niveau de vie est resté bas.
«…Je suis convaincu que l’Union soviétique atteindra à la domination mondiale si sa puissance n’est pas vaincue tant qu’il en est encore temps, avec, à la clé, la perte pour la Grande-Bretagne de son statut de puissance impériale.
«…Une authentique entente avec l’Allemagne serait, pour l’Angleterre, la concrétisation des vues développées par Joe Chamberlain au début du siècle. Elle aurait pour conséquence que l’Allemagne jouerait ce rôle à l’égard de la Russie que Joe Chamberlain, en son temps, avait envisagé pour elle.
«L’Angleterre tirera avantage pour son Empire de la libération des forces qu’elle consacrait aux affaires européennes.
«L’Allemagne ne souhaite pas se mêler des affaires de l’Empire britannique. Au contraire, elle souhaite n’avoir aucun démêlé avec lui.
«Mais cela n’est possible à terme que si l’Allemagne dispose en Europe d’un espace suffisant pour installer et alimenter une population aujourd’hui par trop confinée. Dans le cas contraire, elle serait contrainte de chercher l’espace nécessaire dans d’autres parties du monde et de poursuivre à outrance une politique d’exportation agressive. Tôt ou tard, cela conduira à des conflits dans la sphère d’intérêt britannique.
«Le désir de l’Allemagne d’éviter toute cause de friction avec l’Empire britannique est démontré par son refus de chercher à dominer le monde. Comme l’a souvent déclaré avec insistance le Führer, la recherche de la domination mondiale ne conduirait qu’à une dispersion et à une désagrégation irresponsable des forces. L’Allemagne a besoin de sa puissance à l’Est, où se trouve son avenir. Il le soulignera dans son testament politique.
«…En conclusion: L’Angleterre doit se demander s’il vaut la peine pour elle, au prix de lourds sacrifices, de se lancer dans une lutte des plus incertaines contre l’Axe, tout en assurant dans le même temps de renforcer la Russie bolchevique, un adversaire potentiellement bien plus dangereux pour son Empire».
Peter Rushton
Traduction et adaptation française d’un article de Peter Rushton : Francis Goumain
Pour information : Est paru aux Editions Via Romana, un roman d’espionnage lié à cet événement : Opération Asgard.
»En 1940, Duncan McCorquodale, un brillant étudiant d’Oxford patriote et francophile, est recruté par le S.O.E. (Special Operations Executive). Il entreprend alors une formation exigeante qui éprouve ses limites physiques et morales jusqu’à faire de lui une arme redoutable. Pendant ce temps, en Allemagne nazie, le fidèle du Führer Rudolf Hess prépare sa mission secrète de déstabilisation de l’Europe….
Plus d’informations et nombreuses recensions de cet ouvrage sur Livres en Famille : https://www.livresenfamille.fr/a-partir-de-1516-ans-et-plus/25135-saint-calbre-operation-asgard-ecosse-1940-semblable-a-la-nuit-tome-1.html
Fameux, JN aurait fait la jonction avec Renaissance Catholique, ce n’était quand même pas entièrement gagné d’avance.
Amusant, si peu de vues sur cet article, et pourtant, il touche quand même les bonnes personnes.
Merci
Petits détails à rappeler : Rudolf Hess fût assassiné à l’âge de 93 ans, par les services secrets britanniques dans sa prison Berlinoise, qui le déguisèrent en suicide. Après 47 ans de détention, dernier survivant de la tragi comédie de Nuremberg!
Comme quoi la vérité finit toujours par ressortir !!!!!