Serge Hermann Louis Théodore Krotoff est né le 11 octobre 1911, à Tananarive, sur l’île de Madagascar, son père Georges (marin russe émigré en France après la révolution bolchevique) était administrateur en chef des colonies dans la Grande Ile.
Engagé dans la marine marchande en 1932, il est levé pour son service militaire le 7 novembre 1935. Il embarque pour six mois d’EOR sur le Concordet. Krotoff réussit l’examen classé treizième sur vingt-huit. Il passe les six mois suivant sur le croiseur de mines Pluton. À l’issue de ce nouvel embarquement, il reçoit une note de 16 sur 20. Le 8 novembre 1936, il embarque sur le contretorpilleur Kersaint. Il y exerce les fonctions d’adjoint à la manœuvre et à la sécurité.
Mais Serge Krotoff est éliminé de la Marine sur avis du capitaine de frégate De Larosière. Il est ensuite libéré du service actif le 8 novembre 1937, à l’issue de son temps légal sous les drapeaux.
Affecté au centre mobilisateur maritime de Toulon, le diplôme de brevet de lieutenant au long cours lui est délivré le 24 décembre, grâce aux connaissances acquises. Il est alors employé par la Compagnie générale transatlantique.
Krotoff se marie le ler mars 1938 avec une jeune fille qu’il a connu en 1931 à l’école d’hydrographie de Saint-Malo. En juin 1938, il rédige une demande visant à son rappel en activité dans la marine de guerre. Cette demande est rejetée par les autorités supérieures.
En 1939, Krotoff sert sur un bâtiment de la compagnie Worms. Rappelé le 28 août par le centre mobilisateur du Havre, il est affecté le 22 septembre comme officier canonnier à la 35ème division de patrouilleurs auxiliaires à Brest.
Le 1er décembre, il embarque enfin sur le P19 Leoville, en tant qu’officier en second. Le 20 janvier 1940, le navire reçoit un nouveau commandeur : le capitaine de corvette Joseph Lécussan. Après plusieurs opérations entre Brest et Casablanca, le navire mouille à Greenok, en Écosse.
Vient la défaite puis l’armistice. Dans la nuit du 3 au 4 juillet 1940, un détachement anglais attaque le navire à Greenok, et fait prisonnier tout l’équipage. Krotoff passe quatre mois en captivité, à Greenok d’abord, puis au camp de Trentham-Park. Le capitaine de frégate Albertas le nomme durant cette captivité Enseigne de vaisseau de 1ere classe, à compter du 1er août 1940, sous réserve de l’aval du ministère de la marine. Krotoff est rapatrié à Toulon via Liverpool, sur le paquebot Massilia. Il débarque à Toulon le 27 novembre 1940, pour ne plus jamais rembarquer de sa vie…
Il est démobilisé le 1er décembre 1940, et se retire à Saint Malo où son épouse réside. Sa promotion reçue en captivité est approuvée par le ministre de la Marine. Après plusieurs mois sans emploi, il décroche en avril 1941 un poste d’ingénieur des Eaux et Forêts, à Parigny-les-Veaux dans la Nièvre.
Mais las de ce travail et brouillé avec ses supérieurs, Krotoff part pour Montpellier le 7 janvier 1942, pour assurer la direction régionale de la Police des questions juives. Malgré son nouvel emploi, Krotoff n’est pas encore collaborationniste, mais plutôt autant anti-républicain et « anti-juif » qu’hostile à l’occupant allemand. Son travail consiste à répartir à ses inspecteurs de chaque département les demandes d’enquêtes émanant de Vichy ou du CRQJ (Commissariat général aux questions juives) de Montpellier. En juillet 1942, Krotoff quitte son poste et gagne Toulouse, probablement mandé par Lécussan. Il est nommé directeur régional de la PQJ de Toulouse, qui devient le 5 août la Section d’enquête et de contrôle du CGQJ.
Suite au départ de Lécussan pour Uriage, en mars 1943, les relations de Krotoff avec le CGQJ deviennent houleuses. Il démissionne fin mars ou avril 1943. C’est alors que Krotoff vire de bord dans ses relations avec l’occupant. Il entre au service du Sipo-SD de Toulouse, comme agent de renseignements à l’Abteilung VI. Un soir de juillet 1943, Krotoff part à Paris, car il est désormais trop menacé à Toulouse. Il travaille désormais pour le SD parisien. Sa famille est logée par ce dernier, il effectue aussi des missions en Limousin (fin 1943-début 1944) et à Lyon.
En février 1944, Krotoff annonce à sa femme qu’il s’engage dans la Waffen-SS. Ce moyen lui apparaît comme une sortie honorable dans le contexte de guerre civile de l’époque. Après sa formation de base à Sennheim, il est choisi pour être envoyé à la SS-Panzergrenadierschule de Kienschlag, suivre une formation d’élève-officier, du 1er mai au 9 septembre 1944. il en sort Obersturmfuhrer.
Au sein de la brigade « Charlemagne », il dirige la compagnie PAK (antichar) du WaffenPanzerjdger-Abteilung der SS 33. Engagé avec sa compagnie en Poméranie dès le 25 février 1945, Krotoff est blessé par un shrapnel, le 26 février 1945. Revenu à Wildfiecken, il fut peut-être affecté à l’état-major du bataillon Katzian, sans fonction précise.
Krotoff est capturé en mai 1945, en Bavière, avec onze autres SS français. Ils sont livrés à des troupes de la IIe division blindée du Général Leclerc. Les SS français seront fusillés sans jugement à Bad Reichenhall, le 8 mai 1945, par groupes de quatre. Faisant preuve de courage, Krotoff demanda à être exécuté dans le premier groupe, car il était le plus haut gradé des douze prisonniers. Il tombe sous les balles en criant « Vive la France ! ». La dernière lettre de Krotoff, accordée aux douze prisonniers avant leur exécution, parviendra à sa femme quelques temps après.
Krotoff étant recherché depuis le 25 octobre 1944 et faisant l’objet d’un mandat d’arrêt par la cour de justice de la Seine, son épouse fut arrêtée dans la même période pour être interrogée. Malgré son décès, il fut condamné « par contumace » aux travaux forcés à perpétuité, en décembre 1947.
Pour aller plus loin :
Capitulation du 8 mai 1945, rendez vous tragique à Bad Reichenhall par Eric Lefèvre
Ils arborent les marquages de la Wehrmacht notamment les Litzen.
Je viens de vous adresser un passage du livre « Bigeard » d’Erwan Bergot.
Je pense que Leclerc, de par son grade était instruit des « Lois de la Guerre » et qu’un procès des douze prisonniers en France aurait eu un meilleur impact dans la propagande, plutôt qu’un misérable assassinat dans une clairière comme cela se faisait habituellement en Limousin en Corrèze et ailleurs . Si les écrits dans le livre de Bergot sont véridiques ( et pourquoi ne le seraient-ils pas) il y a la triste réalité d’un chef qui n’est pas obéi.
BIGEARD par Erwan BERGOT
Editions du Club Franceloisirs, Paris
Librairie Académique Perrin 1988,, page 336
….Au matin ; le 6ème Bpc fut rappelé au secours du bataillon malmené. Il recueillit quelques blessés et enterra les morts. On raconta par la suite que le capitaine F. , l’adjoint de l’unité attaquée cherchait Bigeard, le Colt au poing pour lui » régler son compte ». Il prétendait en effet que le 6ème l’avait laissé tomber. Heureusement, la réputation du capitaine n’était plus à faire ; les soirs de libations, il racontait à qui voulait l’entendre comment, au temps de la 2ème D.B. , il aurait pris l’initiative de faire fusiller au lendemain de la guerre une douzaine de Waffen SS français qui s’étaient égarés dans les cantonnements de son unité….1
… 1 Leclerc , qui leur avait annoncé qu’ils seraient fusillés, était revenu sur sa décision et aurait prévu de les faire évacuer sur la France pour y être jugés….