L’auteur est ingénieur de l’école nationale supérieure de techniques avancées, docteur d’histoire à Paris 4 Sorbone et professeur d’anglais. Passionné d’anthropologie religieuse, il a publié « La mort féérique » aux éditions Gallimard et « La lance qui saigne » aux éditions Champion.
L’ambition principale de ce livre est d’éclairer le 11 septembre à la lumière du 22 novembre, montrer comment l’un a rendu l’autre possible à trente-huit ans d’intervalle.
Qu’est-ce que l’État profond américain ? C’est un État dans l’État, contrôlé par des généraux pratiquement inamovibles, hostiles au régime démocratique qui l’héberge, et rendu largement invisible aux Américains, non seulement par le secret dont il s’entoure, mais aussi parce que son pouvoir s’exerce principalement en dehors des frontières nationales. Celui-ci est logé essentiellement au sein de la CIA et du Pentagone, mais intimement lié au supra-monde économique. La CIA, sur ses sept dirigeants fondateurs, un seul n’était pas banquier ou avocat à Wall Street. L’un des postes clés de l’État profond états-unien est celui de conseiller à la sécurité nationale, parce qu’il est protégé par le secret d’État institutionnel. Les structures mises en place par Truman vont constituer, sous le prétexte de la sécurité nationale, un véritable gouvernement impérial, agissant de façon masquée pour déstabiliser tout gouvernement non aligné et maintenir au pouvoir des dictatures sous tutelle. L’État profond a constamment besoin de se camoufler, aux yeux de l’opinion publique, derrière un nuage de propagande droit-de-l’hommiste.
La saga des Bush est inséparable de celle des Harriman, elle-même associée aux Rockfeller depuis la prise de contrôle en 1898 de l’Union Pacific Railroad par Edward H. Harriman (déclaré citoyen indésirable par Théodore Roosevelt). C’est grâce à l’entrée en guerre des États-Unis en 1917 que Samuel Bush, responsable de l’approvisionnement en petites armes au War Industries Board, se rend utile à Percy Rockfeller. En 1996, en marge de l’administration Clinton, se forme le Project for a New American Century (PNAC). Ses fondateurs ont adopté l’étiquette de néoconservateurs. Ceux-ci de la première génération sont tous issus de l’extrême gauche trotskiste.
Ses méthodes pour parvenir à ses objectifs sont les opérations sous fausse bannière : un État feint une attaque ennemie pour justifier son entrée en guerre au nom de la légitime défense, auprès de sa propre opinion publique comme de la communauté internationale. Comment frapper le premier, suffisamment fort pour anéantir la puissance de frappe de l’ennemi, tout en se donnant l’air d’agir en légitime défense. La CIA prend même l’habitude de faire appel à des criminels professionnels pour ses basses besognes sur le sol américain, et à des groupes paramilitaires pour ses campagnes de déstabilisation à l’étranger, afin de déguiser ses agressions en guerres civiles. D’ailleurs, celle-ci a rédigé des instructions précises sur les différents modes d’assassinat, par armes, bombes ou accidents simulés. Le docteur Ewen Cameron, psychiatre renommé, se livra dans sa clinique de Montréal à des expériences ayant pour but d’effacer totalement la personnalité humaine de ses patients pour la reprogrammer. Un document daté du 2 septembre 1951 décrit une expérience réussie dans laquelle une femme fut programmée à entrer dans un état hypnotique en entendant un mot codé et, dans cet état, amorcer une bombe et la placer selon des instructions. Les rapports du Church Committee et du Pike Committee démontrent l’implication de la CIA dans les assassinats ou tentatives d’assassinat de chefs d’État étrangers tels que Patrice Lumumba, Fidel Castro, Rafael Trujillo ou Ngô Dinh Diêm. Le pont aérien qui, au départ de l’aéroport de Mena dans l’Arkansas, sert à livrer les armes à Panama, sert au retour à livrer la cocaïne achetée aux cartels colombiens, sous protection militaire.
Le seul frein à cet expansionnisme est impériale sauf dans la circonstance d’une menace extérieure directe vraiment massive et largement perçue. Telle est la leçon de Pearl Harbor, ajoute Brzezinski, le public a soutenu l’engagement de l’Amérique dans la seconde guerre mondiale à cause de l’effet de choc de l’attaque japonaise. La référence à Pearl Harbor, ici encore, interpelle : ni les membres du PNAC ni Brzezinski ne peuvent ignorer que l’attaque japonaise du 7 décembre 1941, qui permis à Roosevelt d’obtenir du congrès les pleins pouvoirs militaires et de retourner l’opinion publique en faveur de l’entrée en guerre, avait été non seulement prévue avec précision sans que la base d’Hawaï en soit informée, mais délibérément provoquée. La question était : Comment pourrions-nous les manœuvrer (les Japonais) pour qu’ils tirent les premiers. Le moyen le plus simple de réaliser un attentat sous fausse bannière est de prévoir un exercice militaire qui simule exactement l’attaque voulue. Une fois l’exercice mis au point, il suffira de modifier un seul paramètre pour que l’attaque soit réelle, selon le capitaine Eric May, ancien officier du renseignement. La désignation du faux coupable (dit Patsy chez les Américains) est quasi instantanée tout comme l’identification de l’arme du crime. En février 2005, l’ancien premier ministre Rafik Hariri, homme clé de l’équilibre communautaire au Liban et ami personnel de Chirac, est déchiqueté par une puissante explosion au passage de sa voiture. L’attentat est immédiatement mis sur le compte de l’État syrien dirigé par Bachar el-Assad, qui dément catégoriquement. L’agression contre la Syrie ne sera déclenchée qu’en 2012, sous le déguisement d’une guerre civile, mais elle était préméditée au moins depuis février 2000, lorsque David Wurmser, dans un article pour l’American Entreprise Institute, appelait de ses vœux le conflit qui fera que bientôt la Syrie sera saignée à mort. Comme l’a fait savoir Thierry Meyssan, qui vit à Damas, les enfants gazés dont les vidéos ont ému le monde sont en réalité des enfants de famille alaouites loyales au pouvoir, enlevés deux semaines auparavant par des rebelles.
L’assassinat des frères Kennedy, d’abord pour le célèbre John Fitzgerald Kennedy, il a été assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas. L’auteur nous révèle que le premier policier sur les lieux, Joe Marshall Smith est refoulé par un homme lui présentant un badge du Secret Service. Il sera révélé plus tard qu’il n’y avait aucun agent du Secret Service à pied sur Dealey Plaza. Des membres du Secret Service empêchent le médecin légiste arrivé, Earl Rose, de pratiquer l’autopsie comme le prévoit la loi, pour être autopsié à l’hôpital Bethesda de la Navy à Washington, par un médecin militaire inexpérimenté (James Hulmes). Le tir qualifié de responsable de la mort du président américain est parti depuis le sixième étage du School Book Depository, un bâtiment que la limousine présidentielle avait dépassé au moment des tirs. Le docteur Charles Crenshaw, qui attendit 1992 pour écrire que d’après les blessures qu’il a vues, il n’y avait aucun doute dans son esprit que la balle avait pénétré par l’avant de la tête, ce qui innocente Oswald (le tireur présumé) qui se trouvait alors derrière le président. Aucun doute ne subsiste sur la complicité du vice-président, Lyndon Baines Johnson. Celui qui devint le président Johnson était responsable de l’assassinat du défunt président JFK. George H. W. Bush qui faisait secrètement partie de la CIA, curieusement, tout comme Johnson et Nixon, se trouvait à Dallas le matin du 22 novembre 1963, après avoir participé la veille à une réunion tardive de l’American Association of Oil Drilling Contractors à l’hôtel Sheraton-Dallas, où étaient également logés les membres du Secret Service.
Pour le cas de Robert Kennedy, sur un campus en mars 1968, il annonce que les archives seront rendues publiques en temps voulu. Il est assassiné le 6 juin 1968 à Los Angeles, juste après l’annonce des résultats des primaires de Californie qui faisait de lui le favori pour l’investiture démocrate.
Pourquoi avoir éliminé les frères Kennedy ? Le président Kennedy, celui qui avait été jeune lieutenant et qui était revenu du Pacifique avec une sévère blessure au dos qui lui valut la Navy and
Marine Medal pour conduite extrêmement héroïque, a été tué pour une seule raison : parce qu’il travaillait à la réconciliation avec l’Union soviétique et Cuba. Le président Kennedy est mort parce qu’il voulait la paix. Il s’attaquait à la cause première, spirituelle, de la guerre, qui est la déshumanisation et la diabolisation de l’ennemi. Il avait répondu favorablement à l’offre de Khrouchtchev de court-circuiter leurs bureaucraties respectives pour un échange de vues personnel, informel mais significatif. Par crainte que la bombe atomique fasse de la Terre une planète inhabitable, Kennedy voulait abolir les armes nucléaires et avait proposé à l’URSS de faire de même, dans une course à la paix et non à l’armement. Malheureusement, après lui, le désarmement n’a plus jamais été un enjeu électoral aux États-Unis. Le 4 avril 1968, Martin Luther King fut abattu à Memphis dans des circonstances mal élucidées, selon un mode opératoire similaire à l’assassinat de John Kennedy. Robert Kennedy, qui soutenait King, fut assassiné deux mois plus tard. L’homme qui tua Robert Kennedy était un jeune palestinien décrit par certains témoins comme étant dans un état de transe. Bien qu’il se soit lui aussi laissé convaincre de plaider coupable, Sirhan Sirhan ne se souvient pas avoir tiré sur Robert Kennedy, ni même avoir désiré le tuer, et ne peut s’expliquer son geste. Les expertises psychiatriques et détecteurs de mensonges confirment son amnésie.
Les actions militaires de l’État profond américain, d’abord, pendant la seconde guerre mondiale, Truman est averti par un télégramme codé que le dernier test atomique à Alamogordo est concluant. Sans perdre une journée de réflexion, Truman ordonne la pulvérisation d’Hiroshima par une bombe à l’uranium le 6 août 1945, et exulte à l’annonce du résultat. Il récidive trois jours plus tard sur Nagasaki avec une bombe au plutonium, pour comparer. On sait aujourd’hui que ce double crime contre l’humanité n’obéissait à aucune nécessité militaire, puisque Tokyo et 66 autres villes japonaises avaient déjà été réduites en cendre sous un déluge de bombes incendiaires, et que l’empereur avait accepté le principe de la capitulation. La bombe atomique fut le véritable déclencheur de la Guerre froide et de la course à l’armement. Le premier grand succès de la CIA fut le coup d’État de 1953 contre le Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh qui s’apprêtait à nationaliser l’Anglo-Iranian Oil Compagny. La CIA et le MI6 britannique organisèrent une série d’attentats contre des leaders religieux, une mosquée et des civils, tout en distribuant des tracts revendiquant ces attentats au nom de Mossadegh, présenté comme communiste et anti-islam. Dans les dernières années d’Eisenhower, la CIA supervisa l’assassinat du premier président élu de la République du Congo, Patrice Lumumba, pour confier le pouvoir au sanguinaire Mobutu qui terrorisa et vampirisa le pays (rebaptisé Zaïre) pendant 32 ans.
Puis à Cuba, le projet Opération Northwoods comportait une vague d’actes terroristes faussement attribués à Cuba et l’explosion au-dessus des eaux cubaines d’un avion charter supposé transporter des étudiants américains en vacances. L’explosion aurait été précédée de messages audio de détresse indiquant une attaque par un chasseur cubain. D’ailleurs, c’est durant la crise des missiles cubains que la tension atteignit son comble. L’invasion ratée de la Baie des Cochons avait convaincu Fidel Castro de se déclarer officiellement communiste et de se placer sous la protection de l’Union soviétique.
Ensuite, au Vietnam, de 1965 à 1968, dans le cadre de l’opération Rolling Thunder, plus de 643 000 tonnes de bombes furent larguées (trois fois plus que durant toute la seconde guerre mondiale).
Encore ensuite, la première guerre du golfe, Le 25 juillet, l’ambassadrice états-unienne en Irak April Glaspie demanda à Saddam Hussein des explications sur ses manœuvres militaires à la frontière du Koweït, un allié que Saddam estime avoir protégé de l’Iran mais qui refuse d’annuler la dette.
Glaspie lui affirma que Washington ne prenait aucune position sur les désaccords entre le Koweït et l’Irak, et que, d’une manière générale, nous n’avons pas d’opinion sur les conflits entre arabes. Elle l’assura que, quoi qu’il arrive, les États-Unis n’avaient aucune intention d’entamer une guerre économique contre l’Irak. Lorsque les États-Unis le menacèrent, Saddam offrit de se retirer si Israël se retirait des zones occupées illégalement en Palestine. La proposition fut jugée irrecevable. Le 10 octobre 1990 la jeune koweïtienne Nayirah al-Sabah raconte devant le conseil national des Nations Unies, la voix entrecoupée de sanglots, avoir vu les soldats irakiens arracher des bébés koweïtiens de leurs couveuses pour les jeter à terre. Il s’avérera qu’elle est membre de la maison royale du Koweït, prend des cours de théâtre et n’a fait que réciter un texte appris. Le 14 avril 1986, cent soixante avions américains lâchèrent plus de soixante tonnes de bombes sur la Lybie, ciblant principalement les aéroports et les bases militaires. Parmi les victimes civiles du côté libyen se trouvait la fille adoptive de Kadhafi, âgée de quatre ans.
Le mois prochain, la deuxième et dernière partie du livre : le 11 septembre, L’Afghanistan, l’Irak.
JFK – 11 septembre, 50 ans de manipulations (311 pages, éditions Blanche, 16,07 €) de Laurent Guyenot est disponible sur Kontre Kulture