40 ans de mensonges – comment le même propagandiste a diffamé Adolf Hitler dans les années 30 et David Irving dans les années 60
Au Royaume-Uni avec David Irving, il est question du MI5, du MI6, du KGB, de la Banque d’Angleterre. Accessoirement, on tombe sur l’affaire des origines juives d’Hitler, l’assassinat de Darlan (avec les Anglais derrière), le sabotage de l’avion de Sikorski, la destruction du convoi PQ 17, le protocole de Sèvres. On a le temps, on se promène avec un historien anglais qui a ses accointances dans le gratin britannique et en particulier, les services secrets.
Des dossiers récemment déclassifiés montrent que des spécialistes britanniques ont orchestré à la fin des années 1960 et au début des années 1970, tout une campagne visant à décrédibiliser le travail de l’historien dissident David Irving. La manœuvre était conçue et pilotée au plus haut niveau du saint des saints des services secrets à Whitehall et remontait jusqu’au Premier ministre, Harold Wilson. Nous sommes à présent en mesure de révéler que l’un des principaux contacts à l’étranger des agents de la propagande de Whitehall se trouve être celui qui était déjà à l’origine du mensonge le plus pervers, concocté en 1932 et encore resservi de nos jours, sur les origines d’Adolf Hitler.
En mai 1968, vingt-trois ans après la mort d’Adolf Hitler, l’ordre mondial imposé après la défaite du national-socialisme semble pour la première fois sérieusement menacé. Avec les émeutes étudiantes à Paris, le Printemps de Prague qui remet en cause le pouvoir soviétique et le Vietcong qui ose frapper Saigon, les institutions politiques sont menacées à l’Est comme à l’Ouest, chez les communistes comme chez les capitalistes.
Le monde allait-il basculer ?
Deux hauts responsables de Whitehall – Peter Wright du MI5 et Hans Welser de l’IRD (Information Research Department), l’organe secret de propagande du Foreign Office – discutaient en tête-à-tête de leurs derniers sujets de préoccupation. Cela faisait plusieurs années que Wright vivait un cauchemar en menant son enquête dans les hautes sphères du monde du renseignement pour savoir si oui ou non le chef du MI5 était une taupe soviétique. Mais ce n’est pourtant pas ce qui le préoccupait le plus lors de cette entrevue. Il venait pour interroger Welser sur un jeune historien britannique, David Irving.
Irving, alors âgé de 30 ans, était sur le point de ressusciter une histoire gênante et longtemps restée sous le boisseau: la mort en avion le 4 juillet 1943 du général Sikorski, chef du gouvernement polonais en exil, dans ce qui a été officiellement qualifié d’accident. Welser proposait de faire appel à «un très vieil ami», susceptible d’aider le MI5 à résoudre le problème Irving, il s’agissait d’un romancier et journaliste basé en Suisse, Hans Habe. Welser se portait garant de sa discrétion.
Qui était donc le «discret» Hans Habe, ce «très vieil ami» de la propagande britannique ?
Avant de revenir à l’histoire d’Irving, il nous faut remonter 36 ans en arrière. Nous sommes en mars 1932, en Allemagne, c’est la semaine des élections présidentielles. Il y a quatre candidats :
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Paul von Hindenburg, 84 ans, aristocrate prussien, président depuis 1925, il conserve son aura de commandant en chef de l’armée pendant la Première Guerre mondiale;
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Adolf Hitler, approchant son 43e anniversaire, chef du parti national-socialiste qui a connu une croissance rapide lors des élections législatives de 1930 pour devenir le deuxième parti au Reichstag;
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Ernst Thälmann, presque 46 ans et chef du parti communiste contrôlé par Moscou, soutenu par environ 10 % des électeurs allemands, mais rejeté par les gauchistes et les libéraux non communistes (qui soutiennent Hindenburg lors de cette élection);
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et Theodor Duesterberg, Prussien de classe moyenne, âgé de 56 ans et chef du Stahlhelm (casque d’acier), une force paramilitaire nationaliste liée au DNVP national-conservateur, éphémère allié des nationaux-socialistes d’Hitler, mais désormais son rival.
En 1925, lorsque Hindenburg est élu président pour la première fois, il avait le soutien de la plupart des conservateurs (par ailleurs divisés entre divers partis et factions) – mais désormais, environ 60 % de ceux qui l’avaient soutenu à l’époque étaient passés du côté d’Hitler et de son NSDAP. Bien que son prestige auprès des électeurs les plus âgés et une coalition instable de réactionnaires, de libéraux et de socialistes prêts à tout pour arrêter Hitler lui donnaient de bonnes chances de se faire réélire, il était évident qu’il n’était pas éternel, et qu’après lui, l’Allemagne ne pourrait éviter une confrontation entre Adolf Hitler et les communistes.
Une seule chose pouvait arrêter Hitler à brève échéance : s’il se retrouvait discrédité auprès de ses propres troupes au point de provoquer une scission du parti. Justement, Hitler et son chef es propagande, Joseph Goebbels, avaient réussi pendant la campagne de 1932 à faire tomber leur rival nationaliste, Duesterberg, en révélant que celui-ci avait un grand-père juif qui s’était converti protestantisme en 1818.
Il ne fait guère de doute que Duesterberg était lui-même sincèrement antisémite et qu’il ignorait jusque-là cet aspect de sa propre ascendance. La sanction fut immédiate : la plupart de ses partisans passèrent à Hitler.
Les deux paramètres essentiels de la vie politique en Allemagne au printemps 1932 étaient donc les suivants : à gauche comme à droite, on cherchait désespérément à discréditer Adolf Hitler, et l’expérience récente avait prouvé que le meilleur moyen de discréditer un dirigeant «antisémite» était d’insinuer qu’il pouvait lui-même être, pour partie, juif. Si c’était vrai, comme dans le cas de Duesterberg, tant mieux ; sinon, tant pis, un mensonge fera l’affaire.
Une semaine avant le premier tour de l’élection présidentielle, l’un des principaux hebdomadaires viennois publiait en caractère gras : «Le nom d’Hitler est Schücklgruber» (sic), révélant pour la première fois que le père du leader du NSDAP n’avait adopté le nom de famille Hitler (et rectifié sa filiation) qu’à l’âge de 39 ans.
L’auteur de cette histoire retentissante n’était autre qu’un Juif hongrois de 21 ans, János Békessy (parfois orthographié Bekessi), dont le père s’était converti au christianisme et s’était installé à Vienne pour publier un quotidien à sensation : du jour au lendemain, le fils gagnait ses galons de maître chanteur. János Békessy a par la suite préféré changer son nom en Hans Habe et, 36 ans après sa «révélation» sur Hitler, c’est vers lui que la propagande britannique s’est tournée pour aider le MI5 à faire face au trublion David Irving.
Aux anges, les adversaires d’Hitler importaient en Allemagne des exemplaires du journal par dizaines de milliers, l’article, comme tous les articles de propagande de premier ordre, faisant de nombreux émules, chacun y allant de sa propre «tournure». La veille du scrutin, un journal catholique bavarois se joignait à la curée, persiflant sur «ce bavard d’Adolf Hitler, brusquement si silencieux au sujet de ses ancêtres et de l’ancienneté de son nom de famille». Après deux tours de scrutin, Hindenburg l’emporte sur Hitler par 19,4 millions de voix contre 13,4 millions, mais le NSDAP d’Hitler devient le premier parti au Reichstag lors des élections législatives de juillet 1932.
L’un des proches d’Hindenburg – le jeune général aristocrate Kurt von Schleicher – était alors chargé d’achever de mettre Hitler sur la touche en constituant une alliance hétéroclite composée de réactionnaires conservateurs, de socialistes «modérés» et même de rivaux «radicaux» issus du propre parti d’Hitler. Parmi ces derniers figuraient Gregor Strasser, ancien organisateur national du parti et ancien éditeur de son principal journal, et Ernst Röhm, chef des «stormtroopers» de la SA qui avaient mené le combat contre les communistes dans les rues allemandes.
Schleicher échoua, sa tentative torpillée par une faction rivale. Adolf Hitler devint chancelier de l’Allemagne en janvier 1933, mais il devait encore faire face à de puissants opposants, non seulement à gauche, mais aussi (et surtout) dans la droite réactionnaire et même potentiellement parmi les radicaux de son propre parti. Surtout, l’objectif central d’Hitler, réunifier les peuples germaniques en incorporant l’Autriche dans le Reich, se heurtait à l’opposition acharnée des réactionnaires catholiques de Vienne, dont beaucoup étaient sincèrement à la fois antisémites et «antinazis».
C’est dans ce contexte que János Békessy (qui ne s’appelait pas encore Hans Habe), qui était devenu rédacteur en chef de l’Austrian Evening News, a publié, en juillet 1933, tout une série d’articles de plus en plus grossiers, affirmant désormais ouvertement qu’il n’y avait pas seulement de l’illégitimité, mais aussi du sang juif dans l’ascendance d’Hitler.
Il titrait ainsi : «Des traces impressionnantes d’Hitler Juifs à Vienne» et «La judéité d’Hitler officiellement confirmée».
L’une des fables de Békessy, totalement dépourvue de fondement, selon laquelle la grand-mère du Führer serait une Juive de Polna nommée Klara Hitler – a été reprise par le premier biographe d’Hitler, Konrad Heiden, en 1936, et aussi par des auteurs postérieurs.
Alors, y a-t-il au moins une once de vérité dans tout ce fatras ? Le mythe de l’ascendance juive d’Adolf Hitler provient du fait que son père est né illégitimement sous le nom d’Alois Schicklgruber et n’a adopté le nom d’Hitler qu’en 1876, alors qu’il était déjà âgé de 39 ans, soit treize ans avant la naissance d’Adolf Hitler. Il n’y a là rien de particulièrement suspect ou d’inhabituel, mais il est compréhensible qu’Hitler ait trouvé cela suffisamment embarrassant pour décourager la recherche ou la publicité concernant ses ancêtres.
On peut également relever dans son histoire familiale que la mère d’Adolf Hitler était déjà enceinte de plusieurs mois lorsqu’elle s’est mariée avec son père. Cet enfant est mort en bas âge, tout comme deux autres frères et sœurs plus âgés d’Adolf Hitler, ainsi que son jeune frère de 5 ans. Mais rien n’indique ici une ascendance juive cachée ; de même, les variantes orthographiques des noms de famille n’avaient rien d’inhabituel au XIXe siècle.
Les parents d’Adolf Hitler ont grandi en tant que proches voisins dans un village appelé Spital, près de l’actuelle frontière entre l’Autriche et la République tchèque (à l’époque, la Bohême faisait partie de l’Empire austro-hongrois). Ils étaient des parents éloignés – probablement des cousins germains – ce qui n’est pas inhabituel dans les petites villes et les villages, à l’époque ou aujourd’hui, même si ça peut faire sourire.
On ne le saura sans doute jamais avec précision, mais déjà à l’époque, la reconnaissance de paternité pouvait avoir des motifs fiscaux. Peut-être que le père adoptif d’Alois Schicklgruber était un fermier assez riche et qu’il voulait éviter à Alois de payer trop d’impôts sur son héritage en le reconnaissant comme un fils de sang. Peut-être que le père nourricier (dont le nom s’épelait Hüttler) était également le véritable père d’Alois ; ou peut-être que, comme indiqué sur les formulaires légaux, il s’agissait du frère aîné et décédé de Hüttler, un garçon de ferme beaucoup plus pauvre dont le nom s’épelait Hiedler. Quoi qu’il en soit, sur les formulaires officiels du notaire, Alois Schicklgruber s’est retrouvé avec son nouveau nom de famille orthographié Hitler.
Ce qui semble le plus probable, c’est que l’identité du père biologique d’Alois Schicklgruber (c’est-à-dire le grand-père paternel d’Adolf Hitler), soit l’un des frères Hiedler/Hüttler. Une fable souvent répétée est que le véritable père d’Alois était un marchand juif de Graz dans la maison duquel la mère d’Alois, Marie Anna Schicklgruber, avait été employée comme domestique, mais il n’y a pas la moindre preuve qu’elle ait jamais quitté la région rurale du Waldviertel – surtout pour aller à Graz à 250 km, et encore moins pour y travailler !
Le conspirationniste obsessionnel David Icke a diffusé une version particulièrement osée de cette histoire : le marchand serait un membre de la famille Rothschild ! Le fait de lancer ce nom permet de vendre des livres et d’attirer l’attention, mais outre que Fraülein Schicklgruber n’a probablement jamais mis les pieds à Graz, il faut savoir qu’à cette douce époque, il n’y avait pas juif à Graz – encore moins de Rothschild : il se trouve que les Juifs n’ont été autorisés à s’y installer, là ou dans la région, la Styrie, qu’à partir de 1849.
Alors qu’il attendait son procès et son exécution à Nuremberg, l’ancien gouverneur général de Pologne, le «criminel de guerre» Hans Frank, a élaboré une version dans laquelle le marchand se nommait Frankenberger, nouvelle fausse piste, les historiens ont depuis établi qu’il n’y avait pas, dans les années 1830, de famille Frankenberger à Graz – même pas de gentils. Nous ne pouvons que conjecturer sur les motifs qui ont bien pu pousser Hans Frank à concocter cette histoire, mais manifestement, elle se basait sur la propagande de János Békessy/Habe des années 1932-1933.
Cependant, ce n’est peut-être pas un hasard si au moment où Hans Frank rédigeait ses mémoires, Hans Habe (ex János Békessy), créait une vingtaine de journaux officiels dans la zone d’occupation américaine, en partenariat avec un journaliste juif allemand, Hans Wallenberg, qui, comme Habe, avait servi dans l’armée américaine.
Le petit maître chanteur avait pris de l’envergure durant son exil aux États-Unis à la fin des années 1930 et pendant les années de guerre. Les deuxième et troisième de ses six épouses étaient respectivement l’héritière hongroise des ampoules électriques Erika Levy et l’héritière américaine des céréales Eleanor Post Hutton. Eleanor Roosevelt, l’épouse du président américain, a été la marraine du fils de Habe né de ce troisième mariage. En 1944, Habe était instructeur au camp Sharpe du département de guerre psychologique, basé sur l’ancien champ de bataille de la guerre de Sécession à Gettysburg. Un an plus tard, il mettait les leçons en pratique dans toute l’Allemagne occupée par les États-Unis.
En l’espace de quelques années, la Seconde Guerre mondiale s’est muée en Guerre froide, parfois avec les mêmes propagandistes, mais ici, la documentation est encore lacunaire, de nombreuses archives n’étant toujours pas consultables.
Ce que nous savons pour sûr, c’est que Hans Habe s’est installé à Ascona, à la frontière italo-suisse, en 1953, et qu’il s’est lié d’amitié à Hans Welser, un jeune agent britannique.
Originaire de Genève, Welser s’est fiancé à une Anglaise en 1939, à l’âge de 23 ans. Les documents relatifs à sa naturalisation resteront secrets jusqu’en 2077, mais nous savons qu’il a été recruté dans les services de renseignements britanniques par un haut responsable de la guerre, Leslie Sheridan, avec qui Welser restera toujours en contact, une relation de confiance assez inhabituelle dans la profession.
Sheridan avait été journaliste puis avocat, la guerre se profilant, il a pris la tête de la section D du MI6, chargée de la presse et de la propagande. La section D est finalement devenue le Special Operations Executive, Sheridan et sa femme Adelaide en auront été les principaux responsables.
Lorsque le Foreign Office a créé en 1948 sa cellule secrète de propagande pour mener la guerre froide contre Staline, le «département de recherche d’informations» était composé d’anciens du MI6, du SOE et de son émanation, le PWE, dont les Sheridan et les Welser.
En 1961, Sheridan était directeur adjoint de l’IRD et, l’année suivante, il a littéralement passé sa femme à son collègue Welser : Adelaide Sheridan, qui restera à un poste de direction à l’IRD jusqu’à sa retraite en 1970, devenait Mme Welser. Ces détails personnels sont importants, car le lien entre le département et Hans Habe était manifestement plus personnel qu’une question de routine professionnelle : les Sheridan, les Welser et Habe ont partagé certains des secrets les plus intimes de la Seconde Guerre mondiale.
Après avoir successivement servi les conservateurs autrichiens et allemands, puis les Américains, Hans Habe devenait un auxiliaire de l’IRD. Mais sa loyauté envers sa communauté, elle, ne s’est jamais démentie : en 1965, alors que l’histoire de l’«Holocauste» se répandait, Habe écrivait une fiction qui avait pour cadre la conférence d’Évian de 1938 à laquelle il avait assisté en tant que journaliste. Sous le titre «La mission», il décrivait l’échec de la conférence qui avait pour but de trouver des pays d’accueil pour les Juifs d’Allemagne.
À la fin des années 60, Habe partageait l’inquiétude des Britanniques que les services secrets soviétiques ne tentent d’exploiter certains aspects de la Seconde Guerre mondiale pour mettre l’Occident dans l’embarras. Des documents récemment publiés indiquent que David Irving et son associé allemand Rolf Hochhuth étaient considérés sous cet angle.
Nous connaissions déjà en partie cette histoire grâce à deux documents (l’un provenant du Downing Street de Wilson, l’autre du ministère de l’Air) qui ont été déclassifiés à temps pour pouvoir être inclus en appendice par Irving à son Churchill’s War, Vol. II.
La différence aujourd’hui, c’est que nous disposons d’un ensemble substantiel de dossiers de l’IRD elle-même, qui aura été la dernière des organisations secrètes britanniques à ouvrir, au moins partiellement, ses archives aux chercheurs.
L’une des principales raisons qui poussaient les services occultes de Sa Majesté à s’intéresser de près à David Irving, à la fin des années 1960, c’était son enquête sur la mort du général Władysław Sikorski, Premier ministre du gouvernement polonais en exil. La Pologne avait été rapidement vaincue en 1939 et son territoire partagé entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Sikorski et d’autres personnalités militaires et politiques en fuite ont formé un gouvernement en exil, d’abord à Paris, puis, après une nouvelle fuite, à Londres (à l’hôtel Rubens près du palais de Buckingham) en mai 1940.
Le pacte germano-soviétique ayant fait long feu à l’été 1941, Sikorski et ses compagnons d’exil se sont rapidement retrouvés dans une situation difficile, leur hôte britannique, Winston Churchill, ayant aussitôt déclaré l’Union soviétique de Staline comme alliée. Bien que l’invasion du territoire polonais ait été la raison officielle de l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne et la France en 1939, cela ne valait pas pour l’invasion simultanée de l’Armée rouge. Attaquer la Pologne par l’ouest était un casus belli, attaquer par l’est (comme l’attaque soviétique contre la Finlande) n’était pas un objet d’inquiétudes.
Sikorski (contrairement à certains de ses partisans plus farouchement anticommunistes) accepta la réalité diplomatique : tout en continuant à s’opposer aux projets soviétiques d’annexions de territoires polonais, il fit globalement sienne la position de Churchill selon laquelle la priorité était de vaincre l’Allemagne. Toutefois, cette formule toute diplomatique s’effondre à la mi-avril 1943 lorsque les Allemands publient des preuves accablantes de la responsabilité des Soviétiques dans le massacre de 22 000 officiers et intellectuels polonais, enterrés dans la forêt de Katyn et dans d’autres lieux en avril-mai 1940.
La ligne officielle des Britanniques consiste une fois de plus à ignorer les crimes de Staline, mais cette fois Sikorski refuse de se plier aux mensonges et aux dérobades de circonstance. Les relations diplomatiques entre la Pologne et l’Union soviétique sont rompues à la fin du mois d’avril 1943, ce qui n’empêche pas que les deux pays restent des alliés de l’Empire britannique contre l’Allemagne.
C’est dans ce contexte de tensions exacerbées que Sikorski se rend au Moyen-Orient à la fin du mois de mai 1943, pour rendre visite aux forces polonaises qui y sont stationnées. Pour des raisons géographiques évidentes, de nombreux Polonais avaient gagné les territoires sous contrôle français ou britannique au Moyen-Orient après leur défaite en 1939. Il s’agissait non seulement de soldats et d’aviateurs, mais aussi d’un groupe important de combattants de l’ombre, dont la plus célèbre était la recrue du SOE «Christine Granville» (Krystyna Skarbek). Les divisions entre les factions polonaises étaient patentes tant au Moyen-Orient qu’à Londres, et Sikorski s’employait à les résorber.
Au cours du voyage de retour, l’avion de Sikorski fait escale à Gibraltar. Peu après son redécollage, le 4 juillet 1943, l’avion s’abîme en mer. Sikorski et (apparemment) toutes les personnes à bord – à l’exception du pilote – sont tuées. Parmi les seize victimes figurent la fille de Sikorski, son chef de cabinet et deux députés conservateurs, Victor Cazalet et John Whiteley.
David Irving n’a certes pas été le premier à se demander si la mort de Sikorski était un accident ou un attentat, l’accusation avait même été formulée – c’était sans doute à prévoir – dès les premières heures qui ont suivi sur une radio berlinoise, et le journal allemand Völkischer Beobachter titrait « Katyn a fait sa dernière victime ! Sikorski assassiné par Londres », mais Irving a été le premier à consacrer tout un livre à ce mystère.
Accident : The Death of General Sikorski a été publié par William Kimber en 1967, et est disponible sur le site Internet d’Irving www.fpp.co.uk.
Irving avait enquêté sur l’affaire Sikorski à la demande du dramaturge allemand Rolf Hochhuth. Leur amitié était inattendue, étant donné qu’Irving, dès ses années d’études, se classait franchement à droite, alors que Hochhuth était marqué à gauche. En 1962, Hochhuth accédait à la notoriété grâce à sa première pièce de théâtre, Der Stellvertreter. Ein christliches Trauerspiel, en anglais, The Representative – A Christian Tragedy.
La pièce joue sur un contraste entre un vilain, le pape Pie XII, qui aurait fermé les yeux sur l’«Holocauste», et un gentil, Kurt Gerstein, un officier SS qui se serait efforcé d’informer le monde (via le Vatican) du massacre en cours. Gerstein était un spécialiste des méthodes prophylactiques utilisées pour protéger les camps de concentration, notamment de la menace du typhus propagé par les poux, le Zyklon-B étant la méthode standard pour les éradiquer. On sait quoi penser des confessions du SS grâce à la thèse d’Henri Roques, Les confessions de Kurt Gerstein. Étude comparative des différentes versions.
On le voit, Hochhuth n’avait rien d’un négationniste, au contraire, puisque dès sa première pièce il cherchait à stigmatiser le Vatican de la marque de l’Holocauste. Irving, de son côté, n’avait encore rien écrit sur le sujet – ni sur les Juifs en général – ce qui n’a pas empêché certains d’entre eux de déceler un certain antisémitisme «latent» dans son travail: c’est ainsi qu’un le jeune communiste, Gerry Gable, aujourd’hui rédacteur en chef de Searchlight, devait pénétrer par effraction, avec un acolyte, dans l’appartement d’Irving en novembre 1963, dans le but d’y voler des documents.
Irving et Hochhuth se sont rencontrés pour la première fois en janvier 1965, dans les bureaux de l’éditeur allemand d’Irving, et sont devenus amis. Bien que partant de positions politiques radicalement opposées, Ils avaient en commun de dénoncer toutes les hypocrisies qui imprégnaient déjà l’orthodoxie occidentale de la Seconde Guerre mondiale, une orthodoxie de plus en plus érigée en religion et de moins en moins basée sur la recherche.
En 1967, Hochhuth achève une deuxième pièce, encore plus sulfureuse, Soldaten : Nekrolog auf Genf (traduite en anglais par Soldiers – An Obituary for Geneva). Son intention était de marquer le centenaire de la première Convention de Genève, qui fut la première des nombreuses tentatives visant à établir un droit international de la guerre. Alors que sa première cible avait été le pape, cette fois Hochhuth avait une icône encore plus intouchable dans le collimateur : Winston Churchill.
La nouvelle pièce s’en prend à Churchill et à son principal conseiller scientifique, le professeur Frederick Lindemann (plus tard Lord Cherwell), pour leur rôle dans la stratégie de bombardements de terreur qui visait délibérément les civils des villes allemandes, le cas le plus tristement célèbre étant la destruction de Dresde en février 1945. Sans doute en raison du fameux livre d’Irving sur ce sujet, Hochhuth lui a demandé de l’aider à faire des recherches sur le deuxième thème central de sa nouvelle pièce, à savoir l’idée que Churchill aurait ordonné le meurtre de Sikorski afin de préserver l’alliance avec Staline.
Ce n’était pas une mince affaire : fort de son précédent succès, Hochhuth avait réussi à convaincre le National Theatre de Londres de mettre en scène la première de Soldiers. Cette pièce promettait d’être une sensation dramatique, politique et diplomatique.
Grâce à des dossiers déclassifiés au début de l’année 2020 que j’ai pu examiner juste à temps juste avant le confinement, nous pouvons retracer l’évolution de la réaction de panique de Whitehall face à l’entreprise Hochhuth-Irving.
Hochhuth avait visité l’Institut polonais de Princes Gate, près du palais de Kensington, au cours de l’été 1966. L’Institut était dirigé par d’éminents Polonais anticommunistes, y compris d’anciens collègues de Sikorski tels que le ministre de la défense du gouvernement en exil, le général Kukiel. Il abritait de nombreux documents du gouvernement en exil, dont le rapport d’une commission d’enquête polonaise sur l’accident de Gibraltar. Contrairement à l’enquête britannique menée en parallèle, l’enquête polonaise n’excluait pas la possibilité d’un sabotage et soulignait les lacunes en matière de sécurité sur l’aérodrome.
Fin décembre 1966, le général Kukiel a contacté la formidable Mlle Sophie Teichfeld, chef à moitié polonaise du département de recherche du Foreign Office chargé des affaires polonaises, pour l’avertir (a) que Hochhuth avait emprunté à l’Institut certains documents qu’il n’avait pas rendus, et (b) que quelqu’un du National Theatre avait maintenant téléphoné à l’Institut pour vérifier confidentiellement les allégations que Hochhuth faisait dans sa version préliminaire de la nouvelle pièce.
Le général Kukiel, pris de panique, espérait que les autorités britanniques pourraient intervenir pour arrêter la production de la pièce.
En janvier 1967, de hauts fonctionnaires (dont Robin Cecil, qui était l’assistant du chef du MI6, Sir Stewart Menzies, au moment de la mort de Sikorski) discutaient de la manière de traiter l’affaire et convenaient qu’il serait contre-productif d’approcher directement le National Theatre. Son directeur artistique, Kenneth Tynan, était, selon Cecil, «un personnage notoirement «anti-establishment», qui ne serait que trop heureux de jouer un mauvais tour au Foreign Office. De plus, on pouvait compter sur lui pour que notre approche, aussi discrète soit-elle, soit montée en épingle à des fins publicitaires».
Quant au directeur du NT, Sir Laurence Olivier, il n’était pas non plus la bonne personne à approcher, sur des questions de ce genre, il se tiendrait aux côtés de Tyan, lequel, selon les mots de son condisciple d’Oxford, Paul Johnson, «avait probablement plus d’influence que quiconque dans le théâtre mondial». Si quelqu’un devait être contacté, Cecil suggérait que ce soit Sir Ashley Clarke, un diplomate à la retraite qui durant la guerre avait assuré des missions d’agent de liaison pour les services de renseignements et qui était maintenant membre du conseil d’administration du National Theatre (et aussi président de la Royal Academy of Dancing).
Cecil rédige aussitôt, le 4 janvier, un petit mot à Sir Ashley. Bonne pioche, cinq jours plus tard, Sir Ashley et ses collègues, notamment le président du conseil d’administration Lord Chandos (l’ancien Oliver Lyttelton qui faisait partie du cabinet de Churchill au moment de l’accident du Sikorski) tinrent une réunion au cours de laquelle ils décidèrent effectivement de passer par-dessus la tête de Tynan et d’Olivier, en annulant la production proposée. Comme ils n’avaient vu que les deux tiers du scénario, Olivier persuada le conseil d’administration de retarder la décision finale de quelques mois jusqu’à ce que Hochhuth ait terminé son texte, mais cela ne fit pas changer d’avis le conseil d’administration.
La justification donnée à la presse par le conseil d’administration du TN fut la suivante : «Il n’est pas approprié qu’une pièce qui impute le meurtre du général Sikorski à Sir Winston Churchill à l’instigation de Lord Cherwell porte le cachet du Théâtre national».
Interviewé par son ancien journal, The Observer, Tynan n’a pas voulu dévoiler les conclusions de Hochhuth, mais a déclaré que Soldiers avait deux sujets :
«En premier lieu, la question des bombardements de zone – pas seulement le raid de Dresde – les bombardements délibérés de civils qui ont été lancés depuis ce pays. Et l’autre est lié à la mort de Sikorski. Il s’agit donc d’une pièce sur la mort d’un individu, d’une part, et sur un grand nombre d’assassinats aveugles, d’autre part. L’auteur estime que les deux ont été commis pour le plus grand bien – la défaite d’Hitler. La question qu’il soulève est de savoir si les Britanniques en avaient moralement le droit, et si de telles actions seraient justifiées dans la situation mondiale actuelle».
De son côté, Hochhuth a toujours affirmé qu’il «savait» que les Britanniques avaient assassiné Sikorski, parce qu’un officier vétéran du MI6 le lui avait avoué, cette confession, déclarait-il, avait été placée dans le coffre d’une banque suisse d’où elle ne sortirait pas avant cinquante ans. Nous ne connaissons toujours pas l’identité de l’informateur de Hochhuth. Toutefois, d’après ce que je sais d’autres sources polonaises et britanniques, le coupable probable est Moses Shapiro, alias Edward Szarkiewicz, alias Edward Dunlop, un officier de contre-espionnage qui avait effectué des missions spéciales (y compris des meurtres) pour le chef du renseignement naval britannique à Istanbul, Vladimir Wolfson, et pour le chef du renseignement britannique au Moyen-Orient, Brig. Raymund Maunsell.
(Il est presque certain que Szarkiewicz n’a pas pu effectuer personnellement le sabotage de Gibraltar, mais il est probable qu’il ait été l’informateur anonyme de Hochhuth, soit qu’il ait dit la vérité sur son rôle de conspirateur du MI6, soit qu’il ait agi pour le compte de l’Est pour nuire aux intérêts de l’Ouest).
Interdit par le National Theatre, Hochhuth tente d’intéresser d’autres théâtres londoniens, tout en organisant la première de la pièce à Berlin en octobre 1967. En coulisses, Lord Chandos et d’autres vétérans du cercle rapproché de Churchill s’activaient à discréditer l’ensemble du projet. De manière classique, ils semblent qu’ils aient cherché à s’adjoindre les services d’une comparse facile à renier en cas de besoin, qui pourrait être présenté comme totalement indépendant et agissant de sa propre initiative, peut-être excentrique.
La seconde partie de cet article a été publiée dans le numéro 97 d’Heritage and Destiny et détaille l’opération de sauvetage de la réputation de Churchill à la fin des années 60 et au début des années 70, y compris le pilotage des actions en diffamation par les agents de l’IRD. L’un des principaux personnages de cette saga, le dramaturge allemand Rolf Hochhuth, est décédé juste après la mise sous presse du numéro 96.
En réponse aux révélations de David Irving sur la mort mystérieuse du général Sikorski, des proches et d’anciens collègues de Winston Churchill ont travaillé avec un agent infiltré, cherchant à discréditer l’historien britannique et son collaborateur allemand, le dramaturge Rolf Hochhuth, dont la pièce controversée Soldiers présente Churchill comme ayant ordonné l’assassinat de Sikorski.
Cet agent secret pro-Churchill était Carlos Thompson, un acteur argentin qui enchaînait les petits rôles et qui était marié à l’actrice Lilli Palmer, beaucoup plus connue. Née en Allemagne et en partie d’origine juive, Lilli Palmer avait été mariée à la star britannique Rex Harrison. Elle et Thompson fréquentaient de nombreuses personnalités du théâtre et de l’écran, dont Laurence Olivier [le directeur du théâtre vu plus haut] et Anthony Quayle, qui était justement l’assistant militaire du général Noel Mason-Macfarlane, gouverneur britannique de Gibraltar au moment de l’accident mortel de Sikorski.
Thompson devint rapidement – comme Hans Habe – un contact secret du responsable de la propagande du Foreign Office IRD (Information Research Department), Hans Welser, il n’avait pourtant pas l’estime des diplomates qui le considéraient comme (au mieux) excentrique et peu fiable.
La première trace de Thompson dans les dossiers du Foreign Office remonte à l’automne 1967. Il se présente d’abord à Belgrade, muni d’une lettre d’introduction d’Olivier et sollicitant l’aide de l’ambassade britannique pour entrer en contact avec Milovan Djilas, le célèbre chef des partisans communistes yougoslaves, devenu dissident. Djilas avait écrit quelques années auparavant au sujet d’une conversation avec Staline pendant la guerre, au cours de laquelle ce dernier lui avait demandé de transmettre un avertissement à Tito, selon lequel les Britanniques pourraient le tuer, comme ils l’avaient soi-disant fait pour Sikorski.
Quelques semaines plus tard, Thompson se présente au Foreign Office, avec des recommandations au plus haut niveau. L’ancien ministre des affaires étrangères Selwyn Lloyd avait téléphoné au chef du service diplomatique pour lui demander de rencontrer Thompson le jour même afin de discuter de la pièce de Hochhuth. Les pontes britanniques n’ont pas l’habitude de prendre le temps de rencontrer au pied levé des acteurs argentins, mais ils le font si un ancien ministre des affaires étrangères le leur demande!
(Ce n’est peut-être pas un hasard si Lloyd lui-même, au moment de l’accident du Sikorski, était un officier d’état-major qui parcourait la Méditerranée dans le cadre d’une mission de haut niveau, passant par Gibraltar en direction d’Alger. En tant que ministre des affaires étrangères, Lloyd est surtout connu pour avoir négocié en secret le «protocole de Sèvres» en 1956 avec les Français et les Israéliens, afin de fournir un faux prétexte à l’intervention désastreuse de Suez).
Thompson prétendait qu’au cours de l’hiver précédent, Olivier l’avait consulté au sujet de la pièce, qu’il ne souhaitait pas la produire «mais que Tynan lui avait pratiquement fait du chantage». Thompson avait servi d’interprète lors d’une réunion qui s’était tenue au cours de l’été dans la maison d’Olivier et à laquelle avaient participé Hochhuth, Olivier et Tynan. C’est -là – disait-il – qu’il avait commencé à se méfier de Hochhuth et qu’il avait décidé de lancer en sous-main une enquête personnelle pour le démasquer.
À un moment donné, Thompson a été officieusement recruté par des vétérans du monde du renseignement politico-militaire de l’époque de Churchill. Bien que le déroulement exact des événements soit loin d’être clair, il devait prétendre assister Hochhuth et Irving, enregistrant parfois secrètement leurs conversations, tout en collaborant en réalité avec le chef du renseignement militaire de Churchill, le général Frederick Beaumont-Nesbitt, et Joan Bright Astley, organisatrice du Centre de renseignement secret dans les salles de guerre du Cabinet de Churchill – sur laquelle Ian Fleming a basé son personnage de Miss Moneypenny dans les romans de James Bond.
Peu après la première de la pièce à Berlin, le Foreign Office prenait contact avec le MI5, le MI6 et le GCHQ pour discuter de la théorie avancée par Thompson selon laquelle Hochhuth était «consciemment ou inconsciemment un agent d’Europe de l’Est» et que «Soldiers était une vaste conspiration visant à nuire à l’Occident», à laquelle étaient mêlés l’un ou l’ensemble des trois protagonistes : Hochhuth, Irving et le traducteur de la pièce, David MacDonald (cofondateur du Glasgow Citizens’ Theatre).
Le chef du Foreign Office, Sir Paul Gore-Booth, qui avait lui-même joué un rôle de liaison avec les services de renseignements à Washington à l’époque de l’accident du Sikorski, a pris l’initiative inhabituelle d’intervenir dans la correspondance de son ministère avec le MI5 afin de mettre les points sur les « i » :
«Après avoir vu MM. Hochhuth, Tynan et (surtout) Irving à la télévision, j’ai le sentiment qu’il y a quelque chose de vicieux qui fait un peu froid dans le dos dans cette affaire. Le livre d’Irving, Accident, a été publié pour coller à la production berlinoise de la pièce de Hochhuth, c’est l’éditeur, William Kimber, qui a insisté pour apporter des modifications non autorisées au texte, mais Irving a publié une annonce dans le Times pour se dissocier de ces ajouts».
Le fait est que le ministre n’a pas tout à fait tort, cela pose la question de la nature de la collaboration entre Irving et Hochhuth, non pas tant en raison du fait qu’ils ne soient pas du même bord politique, mais parce que les rôles du dramaturge et de l’historien sont très différents. Hochhuth s’est permis de présenter des conclusions définitives là où Irving s’est contenté de soulever des questions et de présenter les preuves qu’il a pu obtenir.
L’impression des autorités de se trouver face à coup tordu d’origine soviétique n’a pu que se renforcer en voyant Hochhuth réussir à ce que la version anglaise soit montée, d’abord à Toronto, puis à Broadway, ensuite à Dublin, et enfin en décembre 1968 au New Theatre de Londres (aujourd’hui le Noel Coward Theatre) sur St Martin’s Lane. Le producteur n’était autre que le jeune impresario et demi-juif Michael White, spécialisé dans la mise en scène d’œuvres «scandaleuses», célèbre pour avoir travaillé avec Tynan sur la revue érotique sulfureuse Oh ! Calcutta ! et plus tard en produisant The Rocky Horror Show.
Richard Burton était tenté de tenir le rôle de Churchill dans Soldiers sous la direction de Tynan. Mais son épouse, Elizabeth Taylor, ne voulait pas en entendre parler : son parrain Victor Cazalet, député conservateur et mondain homosexuel, faisait partie des passagers de l’avion de Sikorski. En 1974, peu après l’échec de son mariage avec Taylor, Burton a enfin pu incarner Churchill, c’était dans un feuilleton télévisé et cela lui a donné l’occasion d’attaquer ouvertement l’ancien Premier ministre dans des articles et lors d’interviews.
Quelques jours après la production londonienne de Soldiers, et après avoir discuté du problème Irving-Hochhuth avec le MI5, Hans Welser de l’IRD se rendit en Suisse pour rencontrer son vieil ami, Hans Habe, dont il rapporta plus tard les propos suivants :
«Hans pensait qu’il n’y avait aucun doute sur le fait que Hochhuth était utilisé par quelqu’un et était impatient d’en découdre. Je n’ai jamais intenté de procès, mais il y a un début à tout, et cet écrivain allemand dont tout le monde parle serait une cible parfaite pour démarrer».
L’État britannique et la famille Churchill étaient bien de cet avis.
Non content d’avoir empêché le National Theatre de monter la pièce, Lord Chandos repartait à l’attaque dans une lettre privée adressée au chef du service diplomatique. Chandos s’interrogeait sur l’un des points restés mystérieux de l’accident d’avion de Sikorski : il y aurait eu à bord des sacs de documents hautement secrets que le Foreign Office tenait absolument à récupérer de l’épave. Un procès-verbal de Christopher Ewart-Biggs (qui sera assassiné par l’IRA), conseiller du Foreign Office auprès du chef du MI6, laissait entendre qu’il y avait bien eu un sac du SOE à bord et que «des mesures avaient été prises pour le récupérer», mais des sources officielles ont préféré se rétracter et démentir l’information.
Ewart-Biggs ajoutait que quelqu’un, dont le nom était censuré dans le document archivé, sans doute le chef sortant du MI6, Sir Dick White, ou son successeur Sir John Rennie, «s’intéressait avec bienveillance, mais de près, à ses activités contre Hochhuth et Irving».
Un cercle très fermé d’anciens collaborateurs de Churchill s’était également mobilisé, rédigeant une lettre ouverte au Times pour dénoncer Hochhuth et Irving. Parmi eux figuraient John Peck, secrétaire privé de Churchill et plus tard chef de l’IRD, Sir Desmond Morton, ancien officier du MI6 qui avait divulgué des secrets à Churchill pendant sa traversée du désert des années 1930, il deviendra son plus proche conseiller en matière de renseignement, et Sir Charles «Peter» Portal, chef de l’état-major de l’armée de l’air pendant la plus grande partie de la Seconde Guerre mondiale.
Sir Dick White – le seul homme à avoir jamais dirigé à la fois le MI5 et le MI6 (à des moments différents), puis à diriger tout l’édifice des renseignements de Whitehall, avait déjà signalé au chef de la fonction publique que le feuilleton Hochhuth-Irving comportait «des aspects assez délicats». Le 9 janvier 1969, il organisait une réunion avec Peter Wright du MI5 et Lord Rothschild (officiellement retiré des circuits du renseignement depuis longtemps, mais qui avait été responsable du contre-sabotage au sein du MI5 pendant la guerre). L’officier supérieur du MI6 Brian Stewart (père du futur député et candidat à la direction du Parti conservateur Rory Stewart) était présent en tant que secrétaire du Joint Intelligence Committee.
Rothschild se rappelait que deux hommes-grenouilles avec une longue expérience des opérations clandestines- Bill Bailey et Lionel «Buster» Crabb – avaient participé à l’opération de sauvetage, plongeant vers l’avion accidenté de Sikorski. Les rumeurs concernant le rôle de ces hommes-grenouilles dans les milieux du théâtre étaient déjà parvenues au ministère des Affaires étrangères par l’intermédiaire de Carlos Thompson. Entre-temps, le Premier ministre Harold Wilson avait été interpellé sur l’affaire à la Chambre des communes.
Là encore, il s’agissait très certainement d’une question parlementaire téléguidée – un procédé fréquemment utilisé lorsqu’un service secret veut faire passer une histoire (vraie ou fausse) dans le domaine public. Il est significatif que la question ait été posée par Woodrow Wyatt, un député travailliste qui avait des liens étroits avec l’IRD.
Dans son rapport qu’il réservait au Premier ministre, Sir Dick White présente Irving comme :
«un jeune et prolifique historien britannique, dont les penchants fascistes sont connus. Il a publié d’autres livres sur la guerre qui critiquent les dirigeants britanniques et tendent à montrer les Allemands sous un jour favorable». Il reconnaît toutefois qu’Irving «a manifestement effectué de nombreuses recherches parmi les personnes ayant touché de près ou de loin à l’affaire de Gibraltar, parmi les membres de la commission d’enquête, qu’il a fouillé dans les archives des États-Unis et des émigrés polonais. Le livre montre clairement qu’Irving a eu accès à une copie du dossier de la commission d’enquête».
Sir Dick poursuivait :
«Il convient également de noter qu’un transfuge du KGB a prétendu, il y a deux ou trois ans, que Sikorski avait été assassiné par le NKVD [ancêtre du KGB]. Ce transfuge n’a toutefois pas souhaité développer cette affirmation ni fournir de preuves à l’appui. Si ses informations étaient vraies, cela signifierait que les Russes seraient en position de force, car ils sauraient exactement ce qui s’est passé à Gibraltar. (Ce rapport du transfuge est extrêmement sensible et aucune mention ou allusion ne doit en être faite publiquement). L’association étroite entre Hochhuth et l’homme de droite, Irving, pourrait s’expliquer par une conjonction provisoire d’intérêts entre des extrêmes politiques opposés. Il a également été suggéré que leurs intérêts étaient purement commerciaux. Nous ne savons pas vraiment comment cette association a commencé, si ce n’est qu’Irving a déclaré publiquement qu’il avait rencontré Hochhuth à Hambourg le jour de la mort de Churchill. La meilleure hypothèse est qu’elle a commencé en Allemagne, où les deux hommes sont connus pour avoir passé beaucoup de temps à faire des recherches, en particulier dans les archives allemandes».
Il assurait le Premier ministre qu’une recherche détaillée dans les archives officielles britanniques n’avait révélé aucune «preuve, aussi ténue soit-elle, que nous aurions pu, d’une manière ou d’une autre, envisager ou planifier la mort du général Sikorski».
Il y avait cependant une exception très importante à cette recherche. «Les dossiers du SOE, qui sont incomplets et mal classés, n’ont pas été examinés; mais le général Gubbins, qui était chef du SOE et qui était très proche des Polonais, a été consulté et a déclaré qu’il était certain que le SOE n’avait pas proposé de l’assassiner».
En d’autres termes, le service le plus susceptible d’avoir mené une opération de ce type – le Special Operations Executive (SOE) – était le seul service dont les dossiers n’avaient pas été examinés dans le cadre de l’enquête de Sir Dick!
Un officier très haut placé du SOE, Bickham Sweet-Escott, avait été impliqué par Hochhuth, en partie sur la base d’une entrée manuscrite dans le journal de bureau du général Mason-Macfarlane [gouverneur général de Gibraltar], découvert par Irving. Le jour même de l’accident mortel de Sikorski, Mason-Macfarlane semble avoir noté un rendez-vous avec un «Sweet Escot» [sic]. Irving savait que sept mois auparavant, le SOE avait été responsable de l’assassinat à Alger du Premier ministre de la France de Vichy, l’amiral Jean-François Darlan [le 24 décembre 1942]. En vérifiant les mémoires récemment publiés de Sweet-Escott, Baker Street Irregular, Irving avait découvert qu’il s’était rendu à Alger au début du mois de juillet 1943, et qu’il était probable qu’il ait pris l’avion via Gibraltar [Rappel, accident le 4 juillet 1943].
Cependant, Sweet-Escott a toujours nié être passé par Gibraltar et même avoir jamais rencontré Mason-Macfarlane, sans parler de son lien avec la mort de Sikorski. Irving savait que ses preuves seraient insuffisantes devant le juge dans un procès en diffamation. Et de fait, Sweet-Escott poursuivait avec succès Hochhuth, son éditeur et les principales publications allemandes, dont Die Welt et Der Spiegel, qui avaient eu l’imprudence de répéter l’accusation explicite de Hochhuth quant à son implication.
Néanmoins, l’apparente référence manuscrite à Sweet-Escott dans le journal du gouverneur reste inexpliquée, et il est extraordinaire que la seule organisation dont les dossiers n’ont pas été examinés dans le cadre de l’enquête de Sir Dick White soit le SOE.
Nous savons maintenant que Sweet-Escott faisait partie de la Direction AD, un petit groupe d’officiers au sommet du SOE sur lequel j’ai acquis des connaissances approfondies à partir de sources publiques et privées. Sweet-Escott portait le code d’identification AD/1, tandis que AD/4 était Leslie Sheridan, le chef de la propagande dont les recrues vedettes, Hans Welser et Hans Habe ,étaient (un quart de siècle plus tard) au centre de la campagne contre Irving et Hochhuth.
Le rapport de Sir Dick White au Premier ministre concluait en réitérant les recommandations selon lesquelles il ne devrait y avoir absolument aucune réponse officielle aux allégations de Hochhuth-Irving, mais qu’en revanche, il serait bon que Whitehall poursuive son approche consistant à apporter «une aide et un encouragement limités, strictement non imputables [à Whitehall], à ceux dont nous savons qu’ils ont tenu à défendre M. Churchill, notamment son petit-fils, M. Winston Churchill, son «cercle secret» pendant la guerre et un auteur argentin, M. Carlos Thompson, qui a commencé par collaborer avec Hochhuth mais qui est sur le point de publier un livre réfutant ses allégations et l’accusant d’être un agent communiste».
À distance de sécurité du gouvernement et de ses agences occultes, diverses personnes apparemment indépendantes continueront à défendre Churchill, voire, à intenter des actions en justice contre Hochhuth, Irving ou leurs producteurs/éditeurs.
Le 3 février 1969, l’un de ces «indépendants» lançait une attaque contre Hochhuth dans un journal suisse. Il s’agissait de Hans Habe, qui collaborait désormais étroitement avec Carlos Thompson, son collègue de l’IRD. Dans cet article, il révélait que Thompson avait terminé un livre, The Assassination of Winston Churchill, et qu’il lui en avait confié le manuscrit.
Hochhuth ripostait en poursuivant Habe devant les tribunaux suisses (avec succès), tandis qu’Irving se chargeait de poursuivre Thompson devant les tribunaux londoniens. Welser et l’IRD restaient en contact étroit avec les deux défendeurs et tentaient de leur venir en aide. Les derniers documents montrent, bien que plusieurs noms et paragraphes aient été censurés dans les dossiers publiés, que Welser se tenait lui-même en contact avec le Foreign Office, le MI5 et le MI6. Welser écrivait ainsi à Peter Wright du MI5 en mars 1970 :
«Comme vous le savez, Hans Habe a perdu contre Hochhuth qui le poursuivait pour diffamation. J’espère qu’il n’en ira pas de même dans l’affaire Irving/Thompson. Il y a quelque temps, vous avez dit qu’il y avait des preuves de l’implication du KGB dans The Soldiers. Je ne sais pas de quoi il s’agit, mais je me demande naturellement si, dans la mesure où cela peut être arrangé du point de vue de la sécurité, cette information pourrait être utile à Carlos».
Correspondance vraiment extraordinaire que cette lettre d’un agent des services secrets à un collègue au sujet d’une action en diffamation ! (Là encore, certaines parties ont été expurgées de la version publiée).
Un mois plus tard, le sous-secrétaire adjoint du Foreign Office, Norman Reddaway – qui avait cofondé l’IRD en 1948-1949 – écrivait au directeur de l’IRD, Kenneth Crook, en des termes encore plus explicites, après avoir rencontré Carlos Thompson la veille au soir. Compte tenu des aléas des tribunaux en matière de diffamation, Thompson (selon Reddaway) «courait de grands risques dans l’affaire» :
«Il n’a pas demandé d’aide, même si un soutien moral serait évidemment le bienvenu. Étant donné qu’il a mené de son propre chef, tout au long de ces deux dernières années, une opération typique de l’IRD, il serait normal qu’il puisse au moins compter sur un tel soutien.
Il me semble que l’IRD devrait rester en contact avec lui et, d’une manière générale, l’aider dans son travail. …Il s’attaque seul à certaines des pièces majeures (consentantes ou manipulées) de l’équipe de propagande communiste.
Monsieur T. fait avec ces «désinformateurs» le même travail que M. Woodrow Wyatt, à la fin des années 50, avec les principaux communistes des syndicats de ce pays. En aidant discrètement M. Wyatt à l’époque, l’IRD avait largement contribué à briser l’emprise communiste sur un syndicat clé. Si l’IRD peut, de la même manière, apporter son aide et ses facilités à Monsieur T., il n’aura pas perdu son temps».
Ainsi, un haut fonctionnaire du Foreign Office recommandait à l’IRD – une branche secrète du gouvernement britannique – d’aider «discrètement» un défendeur empêtré dans un procès en diffamation contre David Irving.
La proposition, on s’en doute, ne faisait pas l’unanimité dans la hiérarchie de l’IRD, certains redoutant au contraire les conséquences d’une telle implication, ils faisaient valoir que Thomson «était plein aux as» et qu’il ne fallait à aucun prix que des membres du Foreign Office se compromettent en comparaissant en sa faveur devant le tribunal.
L’un des procès en diffamation concernait le pilote tchèque de l’avion de Sikorski, le lieutenant de la RAF Eduard Prchal, seul survivant du crash de 1943. Prchal était bien connu de ses collègues pour son refus de porter son encombrant gilet de sauvetage «Mae West», mais pour une fois, après avoir inexplicablement dirigé son avion vers la mer après le décollage, il l’avait sur lui, ce qui lui a permis d’être repêché sain et sauf. On comprend que le chef de la mission militaire polonaise à Gibraltar, le lieutenant Ludwik Lubienski, fasse partie de ceux qui refusent – contrairement à la RAF – d’exonérer de toute responsabilité ce Prchal.
En 2003, la fille de Lubienski, l’actrice Rula Lenska, déclarait qu’elle soupçonnait son père «d’avoir été enterré en gardant un grand secret dans son cœur».
(En 2014, Bill Walker, âgé de 92 ans, mettait sur papier ses souvenirs de l’accident. En 1943, c’était un jeune pilote de la RAF cantonné à Gibraltar. Sa théorie était que des bagages mal arrimés à bord de l’avion avaient bloqué les commandes de la gouverne de profondeur – lors de l’accident, on s’en était aperçu et les bagages avaient été déplacés pour dégager les commandes, le blocage avait donc échappé aux enquêteurs).
À la fin du mois d’avril 1970, Hans Welser, de l’IRD, continue de s’intéresser de près à l’affaire Thompson. Il demande à l’IRD et à des collègues du Foreign Office de l’aider à retrouver un compte bancaire qu’Irving aurait détenu à Washington. Compte tenu des lois sur le contrôle des changes en vigueur à l’époque, Welser se demandait si ce compte était bien légal. La réponse de son collègue l’incite cependant à la prudence :
«J’ai consulté nos amis à ce sujet [en l’occurrence, «nos amis» signifie le MI6] et je leur ai expliqué le contexte, mais ils sont montrés assez réticents à l’idée d’approcher la Banque d’Angleterre … ils pensent qu’il est très peu probable que le compte bancaire américain d’Irving soit illégal, et qu’il vaut mieux ne pas pousser plus loin sur ce point une enquête qui pourrait porter préjudice à d’autres pistes qu’ils poursuivent déjà».
Thompson était convaincu qu’Irving était financé par des «nazis allemands» qui l’avaient renfloué suite à un procès qu’il avait perdu face à un officier de marine à la retraite qui le poursuivait en diffamation pour son livre The Destruction of Convoy PQ 17.
Welser s’est toutefois demandé si ces fonds n’étaient pas plutôt «d’origine russe que nazie». Pour le savoir, alors qu’il jouait encore son double jeu (ou trouble jeu), Thompson avait falsifié des lettres d’introduction de David Irving à Günsche, l’adjudant SS qui avait transporté le cadavre d’Hitler hors du bunker et l’avait brûlé. Armé de ces fausses lettres, M. Thompson a vu Günsche dans l’espoir de découvrir si les nazis étaient derrière Irving.
La manœuvre avait échoué côté Günsche, mais Thompson aux aguets espérait toujours qu’il pourrait réussir côté Irving : si Otto Günsche, qui avait été l’adjudant personnel d’Hitler, avait informé Irving de la tentative de falsification, cela pourrait être utilisé pour discréditer Irving au tribunal en établissant un «lien avec les nazis».
Welser maintenait que Thompson «faisait une grande partie de notre travail à notre place et méritait notre soutien». Une note de Reddaway sur le même dossier posait la question : «Qu’a donné la surveillance d’Irving par le MI5 ? Est-ce qu’au moins il y en a eu une ?»
Murray Simons, l’agent de liaison du Foreign Office avec le MI5 et le MI6, répondait que :
«Le Security Service m’assure qu’il a fait des efforts supplémentaires sur Irving. La personne responsable est actuellement en repos, mais son représentant, qui assistera à la réunion du 18 mai, sera en mesure de dire exactement ce qui a été découvert».
En mai 1970, alors que le procès en diffamation est toujours en cours (Irving abandonnera finalement l’affaire, en janvier 1972, principalement pour des raisons financières), Welser ira jusqu’à suggérer que l’IRD devrait encourager la publication d’une édition allemande du livre anti-Irving de Thompson : «je me suis demandé s’il ne serait pas utile d’en faire publier une par nos collègues allemands, s’ils en ont les moyens».
En 1971, les dossiers de l’IRD font état d’un désaccord entre Welser et un autre officier supérieur, John Tyrer, qui estime que :
«Irving est, comme nous l’avons toujours affirmé, un pro-nazi invétéré et pas du tout un pro-communiste. Il est évident que l’entente de façade d’Irving avec Hochhuth au sujet de The Soldiers n’était que de circonstances et non idéologique; Irving ne peut résister à aucune occasion de dénigrer les Alliés et en particulier Churchill (c’est aussi, malheureusement, un historien très compétent). La désinformation n’entre pas en ligne de compte, à mon avis».
Tyrer pensait que la meilleure option serait encore d’embarrasser les Russes en attirant tout simplement l’attention sur le fait qu’ils avaient «publié un livre d’un auteur fasciste». Cependant, Welser insistait sur le fait que «d’après les informations actuelles», il pensait qu’Irving «travaillait également dans l’intérêt des communistes, consciemment ou non».
En avril 1973, Gordon Brook-Shepherd du Telegraph – un contact de longue date de l’IRD et du MI6 – informait Welser de la parution prochaine d’une biographie d’Hitler par Irving. Il s’agissait du livre finalement paru sous le titre Hitler’s War, et que l’éditeur d’Irving proposait à Fleet Street pour les droits de publication en série. Là encore, certaines parties du document sont censurées, mais il est clair que l’IRD a consulté le GCHQ pour savoir s’il était possible d’obtenir un avis de recherche pour interdire certaines parties du livre.
Les documents les plus récents de l’IRD concernant Irving datent de la fin de l’année 1973 et du début de l’année 1974, lorsque Norman Reddaway fournissait une note d’information non attribuable sur Irving à Heinz Koeppler, fondateur et directeur de Wilton Park, une institution créée à l’origine en 1946 pour «rééduquer» les prisonniers de guerre allemands, et consacrée par la suite à la promotion des valeurs «démocratiques» et des relations anglo-allemandes.
Ces derniers documents n’abordent que très brièvement l’aspect du livre d’Irving, Hitler’s War, qui s’est avéré le plus controversé et qui définit l’image publique d’Irving à ce jour – son argument selon lequel Adolf Hitler n’avait rien su d’un quelconque plan d’assassinat en masse des Juifs, et l’avait encore moins ordonné. Il ne fait aucun doute qu’il existe d’autres documents de l’IRD (et d’autres dossiers du gouvernement britannique) datant du milieu des années 70 et plus tard, concernant Irving et d’autres révisionnistes de l’Holocauste, mais ils ne sont pas encore publics.
(Les seuls documents officiels britanniques disponibles qui traitent de manière substantielle du révisionnisme sont examinés dans une partie de ma série sur le droit racial, voir Heritage and Destiny Issue 95).
L’IRD a été dissout par le ministre des affaires étrangères travailliste David Owen en 1977. Son style de propagande, hérité du SOE et du PWE de la Seconde Guerre mondiale, était devenu trop simpliste et facile à discréditer, surtout à partir du moment où les contre-propagandistes soviétiques sont entrés en jeu en divulguant des détails sur l’IRD à des médias de l’Ouest de plus en plus sceptiques et contestataires.
Cependant, la propagande officielle se poursuit sous des formes, plus variées et subtiles.
Hans Welser, le principal ennemi d’Irving au sein de l’IRD, est décédé en 1996. John Tyrer a occupé d’autres fonctions liées à la propagande au Foreign Office après la disparition de l’IRD, et n’a finalement pris sa retraite qu’en 1990 ; il est décédé en 2009.
Hans Habe est décédé en 1977, tandis que Carlos Thompson s’est suicidé en 1990.
Plus de dix ans après leurs rencontres au plus haut niveau contre Irving, les officiers désormais à la retraite du MI5 Victor Rothschild et Peter Wright se retrouvaient dans le cadre d’un accord secret avec le journaliste Chapman Pincher, déclenchant une série d’événements au début des années 1980 qui ont conduit à l’interdiction en Angleterre des fameuses mémoires de Wright, Spycatcher. Les allégeances douteuses de Rothschild au cours de sa carrière dans le renseignement et la sécurité restent l’un des grands mystères de l’histoire de l’espionnage.
Traduction : Francis Goumain
David Irving est sur son lit de mort, il est en soin h24, il est tombé malade en mai dernier en Floride, il est rentré en Angleterre pour mourir dans sa forêt.
Ce n’est pas mis dans l’article, parce que c’est le genre d’élément d’actualité qui peut paraître très pertinent sur le moment, mais qui 6 mois plus tard rend déjà l’article obsolète, or, cet article n’est pas lié à l’actualité.
N’empêche que nous avons une pensée pour lui.
–> je ne sais pas trop qui pourra nous donner de ses nouvelles, car le site Jailing Opinion, dont le présent article est tiré, vient de fermer aujourd’hui.
Le site Jailing Opinions va rouvrir bientôt.
C’est Paypal qui avait fermé le compte du site, or, c’est Paypal qui assurait le renouvellement du financement du site, si j’ai bien compris, bref, l’argent ne passant plus vers le prestataire de service informatique, le service a été coupé, ou quelque chose comme ça.
Békessy c’est de l’arabo-juif, ça veut dire le fils du prêtre.
Bék c’est le prêtre (qui aurait donné notre abbé (avec deux « b » comme dans rabbin!).
essy, c’est le fils
ca y est, David Irving est décédé – d’après Michael Hoffman
https://michaelhoffman.substack.com/
à confirmer.
David Irving est encore de ce monde.
Désolé pour l’erreur.
Article impressionnant bourré d’ infos alambiquées dont on n’ arrive pas véritablement à saisir les origines d’ Hitler
… mais qu’ importe après tout ….Mais l’ Histoire est passionante et nous plonge comme dans un film d’ espionnage en noir et blanc ….j’ admire les talents d’ investigation de l’ auteur de cet article
Merci à lui
Il y a trois possibilités de père biologique, mais ils sont tous aryens, de toute façon, le portrait photo d’Alois Hitler est sans ambigüité.
… Surtout si on le compare à celui de ce Janos Békessy ;-)
Pour le nom de l’auteur de l’article, on sait qui c’est, mais comme lui-même ne signe pas ses articles, on ne peut pas le faire pour lui.
Merci pour ce remarquable article
Merci pour la traduction de cet article fort instructif. Il est cependant triste que ces calomnies aient trouvé créance partout et au premier chef bien entendu chez les conspis. J’ai pu ouïr en effet quelquefois que le défunt chancelier était l’enfant des juifs (de Rothschild notamment) préposé à la tête de l’Allemagne par ces mêmes juifs (entendre les banquiers de Wall Street; ce sont d’ailleurs les mêmes conspis, sûrement à haut QI, qui protestent que les hommes politiques actuels sont tous des suppôts de la City, sans commencer par envisager la nullité et l’absence totale de caractère, de culture et de vision chez lesdits suppôts de la City) pour la détruire. C’est impressionnant de voir jusqu’où peut parvenir la bêtise et la mauvaise foi. La fortune de ces inepties ne serait pas si affligeante s’il n’existait pas les égouts du net pour charrier ces immondices. Il y a toujours eu des conspis, mais leur audience était autrefois circonscrite à un cercle d’initiés, une « élite dépositaire des secrets et de la vérité ». Avec l’effondrement de la transmission, de la culture, avec l’école et les études pour tous, la distribution de masters et de doctorats à tout le monde, on en arrive à ce point de non retour.
Et d’ailleurs ces inepties grossières ont aussi trouvé créance dans l’Université. J’ai sous la main un ouvrage collectif dirigé par le « professeur d’université » comique et inculte Alfred Grosser, « spécialiste de l’Allemagne » comme il en existe tant dans ce beau pays. Ledit ouvrage collectif a le titre très éloquent « 10 leçons sur le nazisme » et il fut édité au éditions complexe en 1976.
Dans la deuxième contribution rédigée par le plumitif aux 100 livres Max Gallo et intitulée « Le nazisme, 9 novembre 1923: le putsch de Munich », on peut lire ce qui suit pp. 34 et 35, le nouveau praeceptor Germaniae ne manque pas de culot: « Né le 20 avril 1889 à Braunau am Inn, en Autriche, à la frontière de la Bavière, il est le troisième enfant du troisième mariage d’Aloïs Hitler. Jusqu’en 1877, cet homme, né en 1837, avait porté le nom de sa mère, Maria Anna Schicklgruber. C’était un enfant illégitime, fils sans doute de Johann Georg Hiedler. Mais la reconnaissance tardive d’Aloïs par Johann Georg Hiedler n’est pas une preuve. Une incertitude pèse donc sur l’identité du grand-père du futur chancelier du Reich. On a avancé que le véritable père d’Aloïs était juif. Hitler se voit ainsi gratifié d’un aïeul qui aurait été l’employeur de Maria Anna Schicklgruber – laquelle fut en effet au service d’une famille juive de Graz, les Frankenberger. L’hypothèse n’a pas été vérifiée. Il reste que Hitler a su, très tôt, qu’il y avait un problème quant à ses origines. Les conflits qui l’opposent à son père aggravent sûrement son interrogation. Et d’autant plus qu’après la mort de celui-ci -en 1903-, le jeune homme s’installe à Vienne (il y séjourne pour la première fois en mai-juin 1906). Or, avec ses cheveux noirs, ses yeux fiévreux, sa tenue (« un long manteau, un feutre noir, dur et graisseux »), il ressemble à l’un des nombreux Juifs d’Europe orientale qui habitent dans la capitale de l’Empire. »
S’ensuit toute une litanie de propos à caractère psychanalytique sur Hitler se voulant allemand, aryen tout en craignant la présence du père et donc du juif en lui. C’est le folliculaire Gallo qui le dit : « rejeter le juif, c’est rejeter le père ».
Cet abîme d’arrogance est consternant, mais afin de lénifier notre colère devant tant de bêtise aussi sottement et crânement répandue, et dans un ouvrage qui se veut universitaire (comme quoi niveau de l’université actuelle = conspi, 0+0 = tête à toto), je rappellerai qu’il ne se passe pas un jour en Allemagne sans que ne transpire dans la presse une information inédite sur Hitler, ces informations sont toutes sensationnelles, tout ce qui concerne Hitler fait vendre. J’ai par exemple derechef sous les yeux un autre écrit, mais paru dans la presse cette fois-ci, dans la presse de caniveau allemande à fort succès malheureusement, il s’agit même de la manchette du Bild-Zeitung du samedi 19 décembre 2015: « Artz-Dokument bestätigt offiziell : Hitler hatte nur einen Hoden » (« Le rapport médical l’atteste officiellement: Hitler n’avait qu’un testicule »). Ils auraient exhumé un rapport médical datant de 1923 affirmant que Hitler souffrait d’une malformation aux testicules. S’ensuit p. 5 toute une page sur la question.
Ils sont vraiment comiques…
« projets soviétiques d’annexions de territoires polonais » : ces territoires n’étaient pas polonais, mais très largement bélarussiens (Grodno, Brest) et ukrainiens (Lviv) : encore une conséquence du découpage de 1919-1920 opéré par l »s « vainqueurs ».
Si le Chancelier H. eût été juif , cela ferait de lui, au vu des conséquences de 1945, le Messie tant attendu. Et il ne l’auraient pas reconnu ?
Quand on veut tuer son chien ,on dit qu’il a la rage