Samedi 24 juin, Evgueni Prigojine et des hommes en armes de sa SMP Wagner investissaient, sans qu’on observe de résistance sérieuse, le QG de l’armée russe à Rostov-sur-Don d’où se mènent les opérations contre les Forces armées ukrainiennes. Le prétexte : un – prétendu – bombardement de l’armée russe contre un camp de soldats de Wagner, bombardement qui viendrait après des mois de plaintes et revendications de Prigojine contre Guerasimov et Choïgu le « privant de munitions et de soutien » sur le théâtre des opérations.
En arrière-plan : l’obligation imposée aux SMP (Société Militaire Privé, entreprise de mercenariat) en Russie de « s’enregistrer » et sans doute plus que ça de passer sous contrôle du ministère de la Défense. Ce que la plupart ont accepté à l’exception de Prigojine, qui se trouvait alors devant une alternative donc aucune des issues ne pouvait le satisfaire :
- céder et perdre le contrôle de son entreprise Wagner – son gagne-pain –, la voyant prise dans les filets de quelques autres oligarques proches du ministre de la Défense ou de l’armée,
- voir l’entreprise interdite et éventuellement démantelée, avec les répercussions imaginables pour ses affaires en Russie et ailleurs dans le monde.
L’empire Prigojine
Car la nébuleuse d’entreprises de Prigojine, et leurs importants revenus, repose largement sur Wagner (son efficacité et sa notoriété) dont les prestations sécuritaires sont spécifiquement rémunérées par des participations ou des pourcentages prélevés sur les économies locales des pays qui y font appel en Afrique ou ailleurs.
Et Prigojine c’est aussi un groupe de médiats et de communication qui héberge ou collabore avec un certain nombre de journalistes ou blogueurs, dont certains plutôt de tendance nationaliste qui n’hésitent pas à bousculer les vieux dinosaures de l’armée russe ou du ministère de la Défense à propos de leurs méthodes et mentalités bloquées sur l’époque de la « grande guerre patriotique ». Raison de plus…
C’est là, dans le risque de démantèlement ou de confiscation de son « empire » que se trouve, beaucoup plus vraisemblablement que dans le prétendu bombardement d’un camp de Wagner, la raison du basculement de Prigojine dans une aventure que beaucoup ont qualifié – un peu vite – de « mutinerie » voire de « tentative de putsch », ce qui parait quand même un peu fou et au-delà des moyens à la disposition d’un Prigojine.
Coup de force ou coup de sang
Une mutinerie ? Sans doute pas : Prigojine n’a pas lancé ses hommes à Rostov pour prendre la place du commandant en chef des armées russes engagées en Ukraine, ni même, au contraire, pour empêcher à nouveau l’engagement de ses soldats sur le front ukrainien.
Un « putsch » ou une tentative ? Sans doute pas non plus malgré l’engagement des convois armés de Wagner, en direction de Moscou, venant de Lougansk et de Rostov. Il est difficile d’attribuer à Prigojine la volonté de remplacer Choïgu comme ministre de la Défense, et encore plus celle de détrôner Poutine comme président de la Fédération de Russie…
Et d’ailleurs, la classe politique russe dans son ensemble, y compris les plus favorables à Prigojine, ont manifesté publiquement leur condamnation de l’aventure ou à tout le moins leur soutien à Vladimir Poutine et au pouvoir en place.
La réalité de la menace
Même au Kremlin, malgré le discours télévisé alarmiste de Poutine, on ne semble pas avoir cru à une véritable tentative de le renverser : point d’évacuation et de mise à l’abri de Poutine dans son « avion-bunker » ou ailleurs, point de déploiement des troupes du FSO (la garde « prétorienne » poutinienne) ou du FSB dans les rues de Moscou, ni point d’intervention militaire crédible pour détruire ou à tous le moins stopper les convois wagnériens.
En revanche, c’est outre-Atlantique, du côté de la Maison Blanche que l’on semble avoir eu le plus les genoux qui tremblent. Des diplomates ont confirmé les contacts du département d’État avec le Kremlin au cours de la crise quant au sort et à la sécurité des installations nucléaires stratégiques russes. Certains font même état d’une proposition d’intermédiation américaine auprès de Zelensky pour obtenir une « pause » dans les hostilités permettant à la Russie de distraire quelques forces du front afin de les envoyer sécuriser des installations nucléaires russes…
Quoi qu’il en soit, Prigojine, au pied du mur face à une menace existentielle pour sa SMP, son empire et son juteux business, mais auréolé de sa loyauté à la défense des intérêts russes dans le monde et de ses succès à Soledar et à Artemiovsk, a fait un pari en établissant publiquement un rapport de force « armé » avec le pouvoir au sein du ministère de la Défense, puis a tenté de passer au-dessus, en contraignant finalement Poutine à descendre dans l’arène et à arbitrer.
On notera d’ailleurs, peu après le discours télévisé de Poutine parlant de « trahison » et de « coup de poignard dans le dos de la Russie livrée au risque de la guerre civile » (à 9h heure française), les propos de Prigojine lui répondant par un quasi-message de démenti ou d’allégeance affirmant n’être pas un « traître » mais un « patriote » (à 11h heure française), se défendant de tout « coup d’Etat militaire » et affirmant vouloir mener une « marche pour la justice », comme un appel au juge de dernier recours en Russie : Vladimir Poutine.
En fin d’après-midi, selon les annonces officielles, un accord était obtenu pour « éviter l’effusion de sang » par l’intervention du président biélorusse Loukachenko, confirmé un peu plus tard par l’évacuation du QG de Rostov, par le demi-tour des colonnes wagnériennes arrivées à 200 kilomètres de Moscou et par le départ en « exil » de Prigojine vers la Biélorussie.
Résolution du problème ou temporisation
Un accord qui apparait, dans l’urgence, comme une porte de sortie temporairement honorable pour tous, mais dont on ne sait le contenu véritable, ni les conséquences à venir pour Prigojine et Wagner, pour Shoïgu et Guerasimov, ni même pour Poutine.
La paralysie des forces russes engagées au front semble avoir été évitée, ainsi qu’un hypothétique « bain de sang » à Moscou, au grand désespoir des Zelensky et autres Podolyak qui n’ont pas caché leur aigreur. Restent malgré tout quelques pertes d’aéronefs et de personnels dans l’armée russe, et une ambivalence pour le sommet du pouvoir au Kremlin qui, s’il a circonscrit les menaces, donne l’impression encore une fois de s’être laissé surprendre.
C’est peut-être l’un des tests de passage d’un pouvoir qui tâtonne, d’une certaine manière, du fait de sa décision récente de ne plus ménager la chèvre et le chou entre la tentation d’une intégration et d’une soumission aux standards du monde occidental d’un côté, et, de l’autre, le chemin contraire sur la voie d’une jalouse défense de sa souveraineté et de son développement selon sa tradition propre. Un choix qui, en Russie, n’a été véritablement tranché que le 24 février 2022.
Pour aller plus loin :
« La tâche principale dans toute guerre est de détruire l’armée ennemie » – Evgueni Prigojine
Article de wayan
La rébellion de Prigojine ne serait-elle pas une psyop russe ?
Publié le juin 26, 2023 par Wayan
Par Wayan – Le 26 juin 2023 – Le Saker Francophone
La grande histoire médiatique de la semaine dernière fut la « rébellion armée conduite par Prigojine » et sa « marche pour la justice sur Moscou ». Une histoire rocambolesque comme les aiment les médias du monde entier. Un rebondissement de plus dans l’histoire médiatique déjà pleine de rebondissements qu’est « l’invasion de l’Ukraine par la Russie ».
Pendant quelques jours, les spéculations allèrent grand train sur le pourquoi et pour qui de cette rébellion totalement suicidaire pour Prigojine. Un coup de folie mégalomane, sa corruption par l’Occident, une colère noire et incontrôlable contre Shoigu, autant de spéculations auxquelles nous n’aurons pas de réponse.
Mais dans ce déluge d’hypothèse, une n’a pas été étudiée et pourtant, selon ma logique, elle correspond le mieux aux faits observés, à la dinguerie du scénario et aux intentions des scénaristes : Et si cette soudaine et intempestive « rébellion armée » n’était qu’une psyop menée par le gouvernement russe avec en tête d’affiche le couple d’acteurs Poutine/Prigojine.
Expliquons maintenant cette hypothèse en commençant par remonter le temps de quelques mois, à la prise de Bhakmut par Wagner, l’armée de mercenaires dirigée par Prigojine. Rappelons-nous qu’à cette époque un mélodrame du même genre, à plus petite échelle, s’était déroulé quand Prigojine avait, par réseaux sociaux interposés, maudit l’armée russe de ne pas lui fournir assez d’armes et de soutien logistique, menaçant de tout laisser tomber. Cette histoire s’était paradoxalement passée au moment même où Wagner était en train de prendre les derniers quartiers résistants de Bhakmut. [Beaucoup d’articles de RT sur cette histoire ont été effacés depuis, mais suivant RT de près a cette époque je m’en souviens bien].
Pour comprendre ma logique, il faut bien se rappeler de deux choses :
Le but actuel de l’armée russe n’est pas de prendre du terrain en Ukraine mais de « démilitariser le pays », c’est-à-dire d’infliger le maximum de pertes en vie humaines et en matériel. Une fois la « démilitarisation » effectuée, prendre du terrain sera un jeu d’enfant. Cette démilitarisation permettant surtout que ce terrain ne soit plus pris et repris par d’incessantes et douloureuses attaques et contre-attaques. A Bhakmut, Prigojine a lancé ces attaques verbales contre l’armée russe au moment ou les ukrainiens commençait à perdre espoir de tenir la ville et battre en retraite. Voir Wagner en difficulté leur a redonné de l’élan et ils ont donc envoyé quelques centaines d’hommes en plus dans le « hachoir à viande » qu’était Bhakmut. Toujours cela de pris pour les russes.
Dès le début de son « Opération Militaire Spéciale », le gouvernement russe a pondu un décret condamnant à la prison quiconque critiquait ou cherchait à déstabiliser l’armée russe. Pourtant, Prigojine a pu le faire publiquement sans subir la moindre répercussion, même pas une frappe sur les doigts. On sait pourtant que Poutine peut être très dur quand il le faut. Cette « faiblesse » de la part du gouvernement russe alors même que Shoigu était publiquement touché est donc extrêmement surprenante. Dans un scénario « vraie vie » Prigojine aurait déjà dû, dès l’épisode Bhakmut, être mis sur la touche, d’une manière ou d’une autre, d’autant plus qu’il n’a rien d’indispensable dans cette « Opération Militaire Spéciale ». Kadirov, le grand chef de l’armée Tchétchène est prêt à le remplacer, comme il l’a déjà proposé moultes fois.
Maintenant revenons à cette « tragédie bouffe » russe du week-end et notons qu’elle se déroule dans un timing identique à celui de Bhakmut. La contre-offensive ukrainienne bat de l’aile et des rumeurs de repli stratégique commencent à poindre malgré l’impérieuse nécessité d’une victoire ukrainienne. C’est-à-dire, pour les russes, un « taux de démilitarisation » passant de 800-1000/jours à quelques dizaines/jours. Voilà qui ne fait pas leur affaire. Il faut donc redonner des ardeurs guerrières à l’armée ukrainienne. Tout combattant sait combien percevoir l’adversaire faiblir va relancer son ardeur à la bagarre. Alors Prigojine qui, à Bhakmut, s’était déjà révélé un aussi bon acteur que Zelensky rentre en scène et déclare que l’armée russe ment, que ses pertes sont totalement sous-évaluées, que la dissension interne va entraîner la défaite de la Russie, que le chef des armées est soit un incapable soit un traitre. Il y va très fort et balance tout à la fois puis, histoire que le scénario soit plus convaincant et marque les esprits, passe à l’action. « Envahissement de Rostov sur le Don », « prise du quartier général militaire », « Marche sur Moscou », sans une goutte de sang versée et minutieusement reporté sur Twitter où sa tronche de folle-dingue apparaît sans arrêt, tel un joker fou. En voyant ces scènes, on se dit que le metteur en scène avait visiblement peu de moyens mais le sens du mélodrame. Alors pour donner encore plus de consistance au scénario, Poutine lui-même entre en jeu et fait un discours martial mais sans accuser directement Prigojine ni prononcer son nom une seule fois. Pour un caractère moral comme Poutine, le mensonge a ses limites .
Là, on se dit que « quand même, ils y vont fort, c’est trop gros ». Et bien non. Comme le dit l’adage qui se révèle souvent exact : « plus c’est gros plus ça passe ». Et ça passe.
Immédiatement l’Ukraine, voulant profiter de cette extraordinaire aubaine à ne surtout pas louper, va relancer sa contre-offensive, au sud, à l’est, au nord, dans tous les sens, en y mettant le paquet car « c’est le moment ou jamais ». Encore autant de milliers d’ukrainiens envoyés à la boucherie.
Puis, comme pour tout roman, c’est trouver une bonne fin qui est difficile. Alors un figurant rentre en scène, le bon Lukashenko qui va faire que « tout est bien qui finit bien ». Il réussit à calmer le bouillant Prigojine, lui offre le gite et le couvert, le temps que les choses se tassent et, incroyablement magnanime malgré l’outrageuse offense, Poutine pardonne à Prigojine car « nous respectons leur exploit à Artiomovsk ». Alors on se dit « quand même, un peu gros la fin, mal ficelée ». Mais non, quand un spectateur est pris dans une histoire, il en vient à confondre l’histoire et la réalité. Et cela a marché, tout le monde croit à cette psyop, même les analystes alternatifs qui frissonnent face à « la faiblesse de l’État russe ».
Il est vrai que le seul doute envers cette hypothèse est : « pourquoi Poutine engagerait-il la crédibilité de son gouvernement dans une telle histoire ? ». C’est vrai que Poutine et Shoigu auront paru faible pendant 48 heures. Mais la situation est déjà en train de s’inverser avec le narratif « Poutine a renversé la situation à son avantage sans qu’une seule goutte de sang ne soit versée », vendu au peuple russe et aux alliés de la Russie.
Le générique de fin n’est pas encore terminé alors que j’écris ces lignes, mais une scène se dessine en filigrane : Zelensky, le regard tourné vers la Biélorussie, la frontière nord de l’Ukraine, d’où la figure folle et sauvage de Prigojine est en train de l’observer prête à le mordre, alors qu’il est déjà tellement occupé à l’est et au sud. Un cauchemar de plus pour Zelensky dont les nuits doivent être déjà très longues et tourmentées.
Voilà, mon hypothèse en vaut une autre mais comme je ne l’ai lue nulle part je me suis dit qu’elle pourrait vous intéresser, essentiellement car elle redonne de la logique aux actes du gouvernement russe et du sens stratégique à une histoire qui n’en avait aucune.
Wayan
La seule interprétation possible de ce qui vient de se passer,
c’est que si l’Armée russe était en train d’avancer et de gagner, un tel putsch n’aurait pas eu lieu.
Une nouvelle crise peut donc survenir, lors d’un prochain repli de l’Armée russe par exemple.
L’Armée et le public viennent de subir un choc moral très violent.
Alors se réjouir de la sortie de crise, soit,
mais c’est un peu comme dire que l’attentat raté du 20 juillet 44 était une victoire et un signe du destin, et à l’époque, au moins, ils n’avaient pas eu la bêtise insondable de dire que c’était une opération de com d’Hitler ou un coup des Alliés
–> Bravo à l’auteur de l’article de ne pas tomber dans ces travers contrairement à de pseudo érudits de la réinformation qui nous parlent aujourd’hui de Maskirovka – comme si c’était une spécificité russe – pour accréditer « un coup fumant », alors que l’épisode est malheureusement un désastre international, toute la presse russe en est encore complètement KO et ne sait pas comment enchaîner.
« Bêtise insondable »… « pseudos érudits »… Que deviendrait-on si « Monsieur X » ne se préoccupait pas de nous éviter de « tomber dans les travers » consistant, selon lui, à n’imaginer « UNE SEULE INTERPRETATION POSSIBLE » ?
Eh bien, « pseudo érudit » assumé, j’affirme quant à moi que se limiter à une seule interprétation – et en l’occurrence LA PLUS EVIDENTE ! – serait, pour tous ceux qui, dans les Etats-Majors, s’efforcent d’imaginer toutes les hypothèses afin de parer à toute mauvaise surprise, le comble de l’incompétence et de la sottise.
D’autant que tous ceux qui, comme « Fracasse » intervenant un peu plus haut, intègrent à leur raisonnement la dimension nécessairement psychologique des guerres modernes, savent que toute « Vérité » un peu trop évidente – bien loin d’être « la seule interprétation possible- à toutes les probabilités d’en dissimuler une autre…
Une autre vérité qui, comme le suggére fort intelligemment, ledit « Fracasse » nous transporterait en Biélorussie…
Biélorussie dont on sait :
– D’une part, que son président, Alexandre Loukachenko est prêt à y héberger les troupes d’Evgueni Prigojine, auxquelles Poutine accorde le droit d’y trouver refuge si, comme on peut s’y attendre, ils ne s’engagent pas dans l’armée russe régulière…
– Et d’autre part, qu’au prétexte du danger que représenteraient pour lui la présence des mercenaires de Prigojine, Loukachenko se disposerait à mobiliser son armée…
Alors oui ! Comme notre ami Fracasse, je dirais moi aussi que, si j’étais Zelenski, loin de ma réjouir du déroulement étrangement accéléré des évènements, je regarderais avec une certaine appréhension vers mes frontières du nord-est, au cours des semaines à venir.
Du moins en partant de l’idée que Zelenski ne soit pas assez stupide pour imaginer que l’interprétation étonnamment évidente des évènements, telle que suggérée par le Kremlin, est « la seule possible » !
J’ai d’ailleurs fait parvenir à Pierre Olivier une analyse dans ce sens… Mais qui ne semble pas avoir retenu son attention.
Voilà une réaction de bon sens d’un commentateur sur Counter Current:
First and foremost, I’d like to laugh at the Russia apologists who think they won something. Admittedly, a very bad situation for the Russian Federation was prevented from getting catastrophically worse. But overall, this has harmed Russia greatly and did not harm Ukraine at all.
Je voudrais d’ores et déjà commencer par rire de toutes mes côtes de tous ces apologues inconditionnels de la Russie qui pensent que c’était voulu et bénéfique. Tout ce qu’on peut dire à la rigueur, c’est qu’on a évité qu’une situation catastrophique ne tourne au désastre apocalyptique pur et simple. Globalement, la Russie est KO debout et l’Ukraine n’est touchée en rien.
À part peut-être Ségolène Royal, les Français préfèrent « Aigreur » à « Aigritude » qui ne figure dans aucun de leurs dictionnaires…
Relais du Saker francophone de ce 26/06/2023
« Pour faire court, car cette affaire est beaucoup moins importante que le buzz médiatique qu’elle a déclenché, je pense que tout cela n’est qu’une opération psychologique (les fameuses psyops) jouée par la partie russe pour pousser les ukrainiens, qui commencent à flancher dans leur contre-offensive, à la continuer et donc à essuyer encore plus de pertes, humaine et matérielles. Voici deux vidéos twitter qui montrent que l’ensemble tient plus du mauvais scénario que d’une réalité factuelle.
La première est la « prise par Prigojine du quartier général de l’armée russe à Rostov sur le Don ».
https://twitter.com/PeelTheFern/status/1672465191261306890
Je pense que c’est la première fois dans l’histoire qu’une caserne militaire a été prise aussi facilement. Pas une balle ni la moindre bagarre ni même de tentative d’arrestation de Prigojine alors que « le régime d’opération antiterroriste » venait d’être instauré.
La deuxième montre l’atmosphère de kermesse, certes un peu virile, il faut quand même un peu de décor, de Rostov sur le don au moment de « sa prise d’assaut par les troupes de Wagner ».
https://twitter.com/nexta_tv/status/1672562335573999617
Sans parler du final digne d’un mauvais roman de série noir où Lukashenko, le président biélorusse « fidèle ami de Poutine », arrive en sauveur, convainc Prigojine d’arrêter sa « marche pour la justice » vers Moscou et lui offre sa protection en Biélorussie. Dans la foulée, Poutine, très magnanime alors qu’il venait juste de les accuser de « haute trahison », pardonne Prigojine et tous les mercenaires de Wagner car « il se sont bien battus à Bhakmut. ». Un vrai « happy end » à l’américaine.
“Le porte-parole Dmitry Peskov a révélé que M. Prigozhin, un magnat de Saint-Pétersbourg qui a fait fortune dans la restauration, “se rendra en Biélorussie”. Il n’a pas précisé ce que l’homme d’affaires ferait dans cet État d’Europe de l’Est.
Il a ajouté que les combattants de Wagner ne seraient pas poursuivis, compte tenu de leurs efforts sur les lignes de front du conflit ukrainien. M. Peskov a expliqué que l’équipe du président Vladimir Poutine “a toujours respecté leurs exploits”.”
https://www.rt.com/russia/578640-kremlin-wagner-deal-details/
https://www.rfi.fr/fr/europe/20230625-rébellion-de-wagner-les-mercenaires-se-replient-le-régime-antiterroriste-maintenu-à-moscou
Mais cette « faiblesse russe » à donné des ailes aux ukrainiens, comme nous l’annonce RFI :
« Il est fort à parier que les Ukrainiens vont profiter de cette période de flottement pour avancer les pions. Et d’ailleurs, la vice-ministre de la Défense ukrainienne, Hanna Maliar, a annoncé en début de soirée un début de contre-offensive à grande échelle vers les localités d’Orikhovo-Vassylivka, Bakhmout, Bohdanivka, Iaguidné, Klichtchiïvka, Kourdioumivka. Il semble que l’armée ukrainienne soit en train de pousser sur plusieurs axes à l’Est et au sud du pays, samedi. »
https://www.rfi.fr/fr/europe/20230624-rébellion-de-wagner-kiev-annonce-de-nouvelles-offensives-et-des-avancées-dans-l-est
Exactement comme à Bhakmut il y a quelques semaines avec les mêmes acteurs, Prigojine dans le rôle du méchant et Shoigu/Poutine dans le rôle des victimes, la psyop russe a bien fonctionné et a relancé la volonté d’attaque des ukrainiens qui reviennent allègrement se fracasser sur les défenses russes. »