Créé en 1863, le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) fête cette année son 150e anniversaire. C’est l’occasion, pour les gardiens de la « Mémoire », de poursuivre leur acharnement à entretenir la culpabilité de la Suisse évidemment pour obtenir de ce pays, renommé pour sa richesse, de nouvelles réparations financières. Par exemple, hier 3 août, le quotidien helvétique Le Temps diffusait deux articles, l’un intitulé « Il n’y a plus aucun individu, seulement des numéros » l’autre « 1944, aux portes des chambres à gaz nazies » avec la présentation suivante : « Le silence du CICR sur le sort réservé aux victimes des camps [de concentration] de l’époque [nationale-socialiste] est le principal échec de l’organisation humanitaire. »
Or, dès le mois de juin, dans sa livraison n° 426, la responsable du périodique vaudois Le Pamphlet réagissait à ces tentatives d’intimidation et d’accusation du CICR dans l’excellent article qu’on trouvera ci-après :
Nouvel acte de guerre ?
Quand, après pas mal de tâtonnements, la version officielle de la déportation des juifs par le Troisième Reich a été mise en place, tout le monde s’est demandé comment une telle chose avait pu se produire sans que personne n’en sût rien. La réponse apportée alors par les « historiens » fut simple : la solution finale avait été un tel « secret d’État », les Allemands avaient si bien recouvert les traces de leur forfait, si bien « codé » leurs documents que personne n’avait eu vent de ce qui se passait et que les rares personnes qui en avaient été informées par des témoins n’y avaient pas cru.
Sous réserve des objections de quelques « négationnistes » impénitents, cette solution présentait l’avantage de régler la question une fois pour toutes. Les Allemands n’avaient qu’à payer des réparations faramineuses, les autres n’étaient pas concernés.
L’ennui, c’est que cette présentation des faits empêchait de pressurer d’autres États que l’Allemagne, ce qui constituait un regrettable manque à gagner. Aussi a-t-on vu surgir dès le milieu des années [quatre-vingt] une version des faits « révisée » : en fait, des tas de gens et de pays savaient et leur silence les rendait complices du crime par excellence. C’est ainsi qu’a débuté une entreprise de culpabilisation universelle qui connaît aujourd’hui le succès que l’on sait. Sous réserve de quelques sauvages mal informés – mais ça ne va pas durer ! – tout le monde se précipite pour payer, subsidier, subventionner, battre sa coulpe, réparer, avouer, que sais-je encore, pour le plus grand profit des innombrables survivants, de leurs descendants, plus innombrables encore, et, surtout, de ceux qui sont censés défendre leurs intérêts sans oublier de se servir au passage.
Bien entendu, si tout le monde savait, les organisations humanitaires, Comité international de la Croix Rouge en tête, savaient aussi et il convenait de le démontrer. C’est ainsi que parut chez Payot en 1988, sous la responsabilité du professeur Jean-Claude Favez, un livre intitulé Une mission impossible? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis. Avant même la sortie du livre, la presse nous l’avait annoncé : on allait voir ce qu’on allait voir en matière de révélations ! En fait, on ne vit pas grand-chose, le professeur Favez étant, en dépit de ses partis pris, un honnête homme. Une fois le livre refermé, on gardait l’impression que le CICR avait fait son devoir autant que le lui permettaient les circonstances et qu’il n’était en aucun cas prouvé qu’il avait su. On nous avait vendu un pétard mouillé.
Une nouvelle offensive est en cours : un communiqué de l’Agence France Presse a circulé un peu partout dans la presse et sur internet à partir de la mi-juin. En voici l’introduction : « Les relations sulfureuses entre la Croix Rouge internationale et la dictature [nationale-socialiste] – silence sur la Shoah, aide à la fuite de criminels de guerre et non des moindres, comme Adolf Eichmann – sont mises à jour dans un nouveau livre de l’historien Gerald Steinacher, Croix gammée et Croix Rouge ».
L’auteur, présenté comme enseignant à l’université américaine du Nebraska, a beau prétendre, selon le communiqué, que son intention n’est pas d’accuser mais de comprendre, il n’en pose pas moins pour acquis ce qui reste à prouver, puisque, comme il le rappelle, paraît-il, sans souci de cohérence, « les détenus des camps de concentration n’étaient pas des prisonniers de guerre alors que la Convention de Genève limitait le champ d’action de l’organisation humanitaire à ces derniers ». On se demande bien, dès lors, comment le CICR aurait dû inéluctablement savoir et sur quelle base on lui reproche son silence. Quant à l’allégation d’aide à la fuite de criminels de guerre, elle ne tient aucun compte du chaos qui régnait dans l’immédiat après-guerre en matière d’identification des personnes.
Les sites www.juif.org et www.lemondejuif.info ne se gênent pas pour parler l’un et l’autre du « document qui accuse », sans craindre de contredire l’auteur. Quant à ce dernier, on apprend avec intérêt qu’il a été membre, en 2006, du Centre d’études sur l’Holocauste du Musée du Mémorial de l’Holocauste de Washington et qu’un de ses précédents ouvrages, Nazis on the Run, a été récompensé en 2011 par une National Jewish Book Award. La parfaite objectivité de l’historien Gerald Steinacher est ainsi démontrée !
Selon toute apparence, il est abusif de prétendre qu’il existe un nouveau livre intitulé Croix gammée et Croix Rouge. Le titre du livre est en fait Hakenkreuz und Rotes Kreuz. Eine humanitäre Organisation zwischen Holocaust und Flüchtlingsproblematik (*). Comme on peut le voir ci-dessous, la note de l’AFP donne sur l’ouvrage toutes les indications utiles, sauf, simple hasard bien sûr, la date de publication, à savoir décembre… 2011 !
Il ne faut pas sombrer dans la paranoïa. Mais il est patent que la Suisse est en butte à de nouvelles attaques et on ne peut pas exclure que ses ennemis, désormais quasiment traditionnels, ne se servent du CICR, qui est avant tout une affaire suisse, pour porter des coups de boutoir à notre pays.
Il est impératif que le CICR qui, si étonnant que ce la puisse paraître, disait à la mi-juin n’avoir pas encore pris connaissance du livre, rejette les ignobles accusations dont il est l’objet et que la Confédération l’appuie de tout son pouvoir.
Peut-on espérer qu’elle en est encore capable ?
Mariette Paschoud
(*) Studienverlag, Innsbruck, 212 pages, 24.90 euros, ISBN 978-3-7065-4762-8, selon une note figurant au bas du communiqué, qui se contente de fournir entre parenthèses la traduction du titre en allemand.
(Bocage)