Suite de la deuxième partie de l’article de Jean Claude MANIFACIER, Les sophistes, marionnettistes de l’Occident : État Profond et Médias, Des guerres du Golfe à Donald Trump : Illustrations sur le thème de la Paille et de la Poutre.
Les médias dans la vie de tous les jours : La paille et la poutre, « deux poids et deux mesures »
Je vais donner quelques exemples, parmi des dizaines d’autres, d’accidents tragiques récents, qui montrent l’incroyable parti pris médiatique dans la présentation de certains évènements en Occident. L’analyse objective des véritables raisons de la destruction de la Libye et de celles provisoirement stoppée en Syrie sont toujours à faire dans un documentaire TV à une heure de grande écoute. Je parlerai aussi des dangers d’une guerre ardemment souhaitée contre l’Iran.
George Floyd, Iyad al-Halak, Abdu Fatah al-Sharif et Ashli Babbitt
Sauf pour le premier, ces noms de disparus ne vous disent probablement pas grand-chose. Il y a eu peu d’informations dans la presse française ou européenne et en particulier un silence télévisuel total concernant la mort d’Iyad al-Halak, un nom qui à la différence de George Floyd est quasiment inconnu dans le public.
1-George Perry Floyd
Une mort tragique et un héros planétaire. En mai et juin 2020, un mouvement de protestation populaire, souvent violent débute aux USA et dans le monde après la mort de l’afro-américain George Floyd. Ce mouvement était également dirigé contre le président Donald Trump. George Floyd, afro-américain de 46 ans, est présenté dans la presse US comme un homme très serviable, le cœur sur la main, ayant vécu une enfance difficile dans la pauvreté. Il a été tué le 25 mai 2020 par un policier de Minneapolis. Le policier Derek Chauvin, avait maintenu son genou sur son cou pendant près de 9 min, provoquant ainsi sa mort par étouffement. George Floyd avait, pendant ces 9 minutes, supplié à plusieurs reprises manifestant sa difficulté à respirer. Derek Chauvin a été arrêté, inculpé d’homicide involontaire et emprisonné pour meurtre. Cette mort a conduit à l’explosion médiatique du mouvement BLM (« Black Lives Matter », La Vie des Noirs Compte), un mouvement né aux USA au début des années 2010 et qui affiche sur Google plus de 96 millions de citations en janvier 2021.
2-Iyad al Halak, palestinien, autiste de 32 ans, tué le 30 mai 2020 par la police israélienne des frontières dans la vielle ville de Jérusalem.
Cette police avait confondu son téléphone portable avec une arme (sic). Halak tenait son téléphone à la main et il n’aurait pas compris les ordres lancés par les agents le sommant de s’arrêter, alors qu’il traversait la porte du Lion. Warda Abu Hadid, l’aide-soignante de Halak l’accompagnait à l’institution d’éducation pour autiste qui le prenait en charge. Des agents ont ouvert le feu, le neutralisant (mortellement), selon la présentation usuelle dans la presse israélienne. Il aurait pris la fuite, à pied, et se serait caché dans un local à poubelles, où il a été abattu. L’aide-soignante a déclaré qu’elle avait tenté de leur dire qu’il était autiste et qu’il ne les comprenait pas. Il est handicapé, handicapé, dit-elle avoir crié de manière répétée, en hébreu, en direction des agents. « Attendez, prenez sa carte d’identité, vérifiez sa carte d’identité », se souvient-elle avoir dit. « Et soudain, ils ont tiré trois balles devant mes yeux », raconte-t-elle. « J’ai hurlé : ‘Ne tirez pas’. Ils n’ont pas écouté, ils n’ont pas voulu m’entendre ». Les deux agents incriminés ont été interrogés après lecture de leurs droits dans la journée de samedi. L’un d’entre eux a été assigné à résidence et son commandant a été libéré. Au moment de sa mort, Halak se rendait dans la Vieille Ville où il faisait ses études, au sein d’un institut d’éducation accueillant un public ayant besoin de soins particuliers. Son père, Kheiri Hayak, a déclaré à la chaîne publique Kan qu’il pensait que son fils tenait dans sa main son téléphone quand la police l’a d’abord remarqué. L’affaire a suscité peu de réactions empathiques dans le monde. Sa mère, Ranad al-Halak, a déclaré depuis la chambre de son fils : « Ils ont versé le sang d’un jeune homme innocent qui n’a pas vécu grand-chose dans cette vie … il était l’une des créatures les plus faibles de Dieu ».
Dans la grosse presse US, on rappelle que Floyd, afro-américain, a été tué par un policier blanc, mais il est très rarement précisé, quand on en parle, que Halak, autiste aalestinien, a été tué par un policier israélien. Des manifestations pour Halak ont eu lieu à Jérusalem, Tel Aviv et Bethléem en Cisjordanie occupée, où les manifestants ont allumé des bougies et scandé « La vie des Palestiniens compte », dans ce qu’ils ont appelé un acte de solidarité avec les Afro-Américains. Gideon Levy en a parlé et l’écrivain Rogel Alpher, lui-même père d’un enfant handicapé, a écrit dans le journal Haaretz « Si c’était mon fils, j’aurais du mal à continuer à vivre ».
Dans un récent article de l’Independent, 12 janvier 2021, Madeleine Ryan parlant de l’autisme, déclare : « Nous devrions considérer l’autisme comme un diamant ayant de multiples facettes. Vous n’avez pas affaire à une personne dont la disposition sociale est de mentir, ou de se conformer, de manipuler, d’intimider. Vous avez affaire à quelqu’un dont les instincts sont à l’opposé. Ils s’expriment sincèrement, quelles que soient les conséquences sociales ».
Une recherche Google permettra à quiconque, de quantifier la différence de traitement médiatique entre la mort de Iyad Halak et celle de George Floyd. En juin 2020, on obtiendra les résultats suivants pour « George Floyd » : plus de 86 millions de citations médiatiques à partir du moteur de recherche Google.
Pour une recherche identique du patronyme « Iyad Halak », en additionnant les citations des différents patronymes, Hallak, Halak, Halaq, Hayak etc. on obtiendra 67 500 citations. En janvier 2021 les citations sont toujours des milliers de fois plus nombreuses pour l’Afro-Américain que pour le Palestinien.
Dans le cas de la neutralisation d’Iyad al Halak, on apprendra quatre mois plus tard, TOI du 21 octobre 2020, que malgré les nombreuses caméras présentes sur les lieux, il n’y avait aucune preuve vidéo, ni de la poursuite ni de la fusillade elle-même. « Les tirs ont eu lieu dans un local appartenant à la municipalité de Jérusalem et administré par une entreprise de nettoyage privée. Les caméras à l’intérieur n’étaient pas branchées c’est pourquoi il n’y a pas de preuves de l’incident lui-même ». Le commandant de l’officier qui a tiré, participé à la poursuite et qui était présent à la fusillade, ne sera pas inculpé. L’officier de la police des frontières qui a tué le Palestinien autiste dans la Vieille Ville de Jérusalem fin mai après l’avoir pris pour un terroriste sera jugé pour homicide involontaire, a annoncé mercredi le département des enquêtes internes de la police du ministère de la Justice (PIID). Finalement, « après avoir examiné toutes les circonstances de l’incident, il a été décidé de clore ce dernier dossier, car aucune infraction pénale n’est apparue dans sa conduite ». Il a agi exactement de la manière qu’on attendait de lui dans cet endroit explosif appelé Moyen-Orient : il a poursuivi quelqu’un qu’il croyait être un terroriste (Une parfaite illustration du titre du livre de Ronan Bergman), qui a finalement été abattu, a déclaré Oron Schwartz, qui représentait le commandant de la police, dans un appel téléphonique au Times of Israel. « C’est une tragédie, bien sûr, et nos cœurs sont avec la famille ». Le ministre de la Justice, Avi Nissenkorn, a fait lui l’éloge de ce qu’il a appelé « le traitement professionnel de la question » par le département des affaires intérieures.
3-Quelques explications à des résultats médiatiques aussi différents.
Le sort des Palestiniens est tragique par sa durée, 70 ans d’occupation, et par la dissymétrie des forces en présence. Pierres, frondes, roquettes, cerfs-volants d’un côté et toute la super-puissance militaire étatique de l’autre : tanks, avions et drones pour les assassinats ciblés. Israël a un budget militaire de près de 20 milliards de dollars. La Palestine est fragmentée et emprisonnée et son budget militaire est artisanal. Le conflit est totalement asymétrique. On ne peut même pas parler de guerre. C’est un combat de boxe d’un genre très particulier, celui d’un poids lourd repu contre un poids plume mal nourri et mal soigné. Le mensonge étant une arme efficace et utilisable quand les portes médiatiques vous sont largement ouvertes, la présentation israélienne, bien rodée et bien reprise dans les médias est toujours la même. Comme pour toutes les armées d’occupation du monde, la résistance des occupés est qualifiée de terrorisme. On rappellera les déclarations du Général De Gaulle, lors de sa fameuse conférence de presse, du 27 novembre 1967 : « Maintenant Israël organise sur les territoires qu’il a pris l’occupation, qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance qu’à son tour il qualifie de terrorisme ».
Il y a bien sûr aussi la mentalité anglo-saxonne de race prédestinée et celle juive de peuple élu. La Commission Peel envisageait en 1937 de partitionner la Palestine, alors sous mandat britannique, entre un État arabe et un État juif. Ben-Gourion et Weizmann, selon Benny Morris, voyaient cette partition comme un préalable à une future expansion et la colonisation totale de la Palestine. Winston Churchill déclarera alors à propos des grèves, manifestations et violences entre juif et palestiniens, faisant référence à la colonisation complète des amérindiens aux USA : « Je ne crois pas que le chien dans une mangeoire ait le droit final à la mangeoire, même s’il y est depuis très longtemps. Je n’admets pas ce droit. Je n’admets pas, par exemple, qu’un grand tort ait été fait aux Peaux-Rouges d’Amérique ou aux Noirs d’Australie. Je n’admets pas qu’un tort ait été causé à ces gens par le fait qu’une race plus forte, une race plus noble, une race plus cosmopolite… soit venue prendre leur place ».
Winston Churchill est une personnalité inquiétante, « borderline ». C’est l’un des grands responsables de la première guerre mondiale contre l’Allemagne de Guillaume II, ce qui ne l’empêchera pas d’écrire un quart de siècle plus tard dans son livre : « Great Contemporaries », (The Reprint Society, London 1941), p. 28 : « L’Histoire, doit être plus charitable et acquitter William II d’en être le comploteur et l’organisateur ». Perfide Albion où la presse diabolisera l’Allemagne en ce début du XXe siècle. Un pays qui obtiendra, entre 1901 et 1932, 25 prix Nobel en physique et chimie, plus que ceux attribués aux adversaires réunis pour cette guerre : Angleterre, France, USA et Russie. La qualité de la production allemande était telle que le Parlement anglais imposera l’étiquetage : « Made in Germany », ce qui, loin de diminuer les achats par le public, deviendra au contraire un label de qualité.
4-La neutralisation d’Abdu Fatah al-Sharif
Les exécutions par l’armée israélienne de manifestants non armés sont fréquentes. Un exemple particulièrement poignant est celui de l’assassinat, le 24 mars 2016, d’Abdu Fatah al-Sharif qui avait, avec son cousin, attaqué et légèrement blessé deux soldats de l’armée israélienne dans leur ville occupée d’Hébron. Il est bon de rappeler que la charte fondatrice de la CPI, le Statut de Rome de 1998, ce Statut étant entré en vigueur le 1er juillet 2002 définit, dans son article 8.2.b.viii, p. 7, comme crime de guerre : « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe ».
L’un des cousins avait été abattu sur le champ (neutralisé selon la formule maintenant consacrée). Elor Azaria, infirmier, qui était sergent de Tsahal à l’époque, avait ensuite froidement assassiné Abdu Fatah al-Sharif grièvement blessé gisant au sol. Alors qu’il n’avait pas participé à l’arrestation, il était arrivé, l’avait mis en joue posément, onze minutes environ après que Sharif ayant déjà reçu une balle ait été grièvement blessé et désarmé. Azaria n’a jamais exprimé le moindre regret, mais de la fierté, pour ce meurtre, disant que si nécessaire il recommencerait. Au mois de novembre 2017, le Premier Ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Avigdor Liberman, le ministre des Affaires sociales Haim Katz, la ministre de la Justice Ayelet Shaked, le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri ainsi qu’environ 50 autres parlementaires avaient signé une pétition demandant sa libération (On se souviendra de la déclaration de S. Weil sur le terrorisme d’État). Il bénéficiera d’une réduction du tiers de sa peine et ne fera que 8 mois de prison.
Une vidéo a été filmée par l’association B’Tselem, une ONG israélienne, le centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés. La vidéo originale a été censurée mais il existe encore la vidéo ci-dessous, plus courte de durée 3min, où on voit clairement qu’il n’y a aucun geste de secours venant des soldats israéliens qui circulent sur la scène. Aucune attention manifeste et aucun soin au blessé ni ensuite aucune tentative des soldats pour arrêter le meurtrier. Le corps du cousin tué est lui aussi visible.
The Times of Israël, 8 mai 2018 reproduira la photo de la mère d’Abdu Fatah al-Sharif, qui dira : « Il n’y a rien à faire, c’est quelque chose de normal pour eux ». Des déclarations de responsables politiques, militaires ou religieux montrant un manque d’empathie sont fréquentes dans certains médias israéliens. C’est le cas par exemple de Naftali Bennett, alors ministre de l’Économie et chef de « Foyer juif » en 2013 : « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie. Et il n’y a aucun problème avec ça », ajoutant « préférer que l’on tue ces prisonniers palestiniens plutôt que de les traduire en justice », (HuffPost, 4 mars et Le Monde 30 juillet 2013). Pour des Rabbins d’une académie pré-militaire, « les Arabes sont inférieurs génétiquement » et « Ils ne savent rien faire » (The Times of Israël, 30 Avril 2019).
Au moment de l’affaire George Floyd, le Times of Israël rapportera la bénédiction reçue par Jared Kushner et Ivanka Trump du Grand Rabbin séfarade Yitzhak Yosef qui avait comparé dans un sermon récent les noirs à des singes. Tous deux conseillers principaux du président Trump, ils étaient venus en Israël dans le cadre de la délégation américaine célébrant le déménagement de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem (cf The Forward, 13 mai 2018).
Ce Rabbin s’était déjà distingué en 2016 en prétendant que selon la loi juive, les non-juifs étaient interdits de vivre en Israël. The Times of Israël, qui est un magazine en ligne israélien lancé en 2012 disponible en langues anglaise, française, arabe chinoise et hébreu, précise le 29 mars 2018 que la citation est tirée du Talmud.
Un journaliste du journal le Monde ayant personnellement vécu une affaire identique, écrira un article : « Lettre ouverte à l’homme qui aurait pu tuer mon fils ». Une lettre très mesurée, rationnelle au sens aristotélicien du terme. Son fils qui travaillait en Israël avait reçu en 2016, en pleine face, une balle blindée recouverte de caoutchouc qui aurait pu le tuer où l’éborgner.
Il abordera dans son article le problème du deux poids et deux mesure de la justice israélienne en comparant le traitement du sergent Elor Azaria, reconnu coupable d’avoir achevé de sang-froid, en mars 2016 à Hébron, l’assaillant palestinien Abdu Fatah al-Sharif qui gisait déjà à terre, grièvement blessé à celui d’une autre victime, Ahed Tamimi, qui était accusée d’avoir bousculé, en décembre 2017, deux militaires israéliens ayant pénétré dans la maison familiale, en Cisjordanie occupée. Ils ont tous deux été libérés après huit mois de détention : lui, le militaire israélien, pour un meurtre ; elle, l’adolescente palestinienne, pour une gifle. Il aborde le problème du mépris complet d’Israël pour les lois internationales de l’ONU dont ils sont par ailleurs fiers d’être à l’origine de la création ainsi que des déclarations du Conseil de Sécurité qui ne sont jamais respectées. On lira dans l’article : « Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme dénoncera un verdict « inacceptable » qui ne peut qu’encourager la « culture de l’impunité » des troupes d’occupation. Ce procès met en lumière à la fois les violences infligées aux mineurs palestiniens par l’occupation israélienne et la mécanique implacable d’une justice d’occupation qui condamne 99% des prévenus palestiniens. Ahed Tamimi et sa mère sont détenues en territoire israélien, en violation du droit international, qui interdit le transfert d’un détenu par les troupes d’occupation. »
Un artifice fréquemment utilisé est l’application du principe de causalité tronqué. L’agressivité de Tamimi auprès des soldats n’a pas de cause, si ce n’est l’antisémitisme. L’occupation n’est jamais mentionnée et dans le cas présent, il n’est pas dit qu’un cousin de Ahed Tamimi avait reçu une balle dans l’œil quelques heures auparavant.
La lecture des commentaires publiés qui suivent cet article est aussi très intéressante et montre que pour un occidental ou un Israélien le mode de raisonnement est différent. D’un côté celui des idées générales objectives et de l’autre celles du monde relativiste des sophistes où toute connaissance sensible est subjective. Thééthète dans le dialogue platonicien du même nom déclare : « En effet, ce qui paraît juste et honnête à chaque cité, est tel pour elle tandis qu’elle en porte ce jugement … Par la même raison, le sophiste capable de former ainsi ses élèves est sage, et mérite de leur part un grand salaire. C’est ainsi que les uns sont plus sages que les autres, et que néanmoins personne n’a d’opinions fausses, et bon gré, malgré, il faut que tu reconnaisses que l’homme est la mesure de toutes choses ». Ce sont les méthodes de la sophistique que les platoniciens avaient vigoureusement combattues il y a 24 siècles qui régentent le discours de la classe dirigeante. C’est Protagoras, le sophiste que combattait Platon, qui déclarait : « L’homme est la mesure de toute chose ». C’était une prétention au relativisme absolu. Platon avait de l’admiration pour les qualités de rhéteur de Protagoras, mais il croyait aux idées éternelles qui étaient dans le cœur des hommes : les idées de justice, de beauté, de vérité qu’il rassemblait dans l’idée de bien. Les sophistes (lire les dialogues : Protagoras, Thééthète, le Sophiste et La République de Platon) ne croyaient pas à cela, ils apprenaient aux jeunes athéniens les artifices du discours rhétorique pour triompher de l’adversaire, indépendamment de sa valeur de vérité.
Gideon Levy et Alex Levac rapportent dans le quotidien israélien Haaretz du 26 février 2021, journal où le relativisme sophistique est rare, un cas très similaire aux précédents : « Dans son magasin de pièces détachées faiblement éclairé, le père en deuil, Mustafa Erekat, attend qu’Israël lui rende enfin le corps de son fils. Sur un ancien poste de télévision relié à un ordinateur, il regarde en boucle des clips vidéo montrant des soldats israéliens entraînés à tirer pour tuer des terroristes. Ils ont certainement tiré pour tuer son fils Ahmad, après que sa voiture ait heurté un agent de la police des frontières à un point de contrôle, qui sépare la partie nord de la Cisjordanie de la partie sud. En deux secondes, les forces israéliennes ont tiré six balles sur Ahmad Erekat, neveu de feu Saeb Erekat, le négociateur diplomatique principal des Palestiniens. Ils ont continué à tirer alors même qu’il gisait blessé au sol. Puis, pendant plus d’une heure, ils lui ont refusé tout traitement médical. L’incident s’est produit il y a huit mois, le 23 juin 2020 et Israël n’a toujours pas rendu le corps du jeune homme de 27 ans à sa famille pour qu’il soit enterré ». Nous retrouvons la même désinvolture, la même absence de compassion que dans les cas des assassinats d’Ilyad al-Halak et d’Abdu Fatah al-Sharif décrit ci-dessus.
5-Le meurtre d’Ashli Babbitt
Ashli Babbitt est la jeune femme abattue par un policier, à Washington, le mercredi 6 janvier 2021 lors de la prise d’assaut du Capitole américain. Vétérane de 14 ans dans la garde nationale aérienne après quatre missions militaires à l’étranger, notamment en Irak et en Afghanistan. Son dernier poste en service actif était celui d’officier de police. Elle s’était rendue à Washington DC depuis San Diego a déclaré son mari, ajoutant qu’elle était une partisane passionnée de Trump. Il existe plusieurs vidéos où on voit trois officiers de la Police du Capitole, portant des masques chirurgicaux, pointant leurs pistolets vers la porte vitrée à travers laquelle on distingue un groupe de manifestants. Un seul coup de feu est tiré. Touchée au cou, Ashli Babbitt la jeune californienne de 35 ans s’écroule sur le sol et sera déclarée morte quelques instants plus tard.
Du côté des manifestants, entourant Babbitt, il y avait des officiers, fusils à la main et en tenue militaire, une vidéo montre des membres du personnel, armés eux-aussi, qui lui viennent en aide lorsqu’elle s’écroule sur le sol en tombant de la porte vitrée. Elle est alors entourée de supporteurs de Trump et d’agents armés des forces de l’ordre. Dans une autre vidéo, des officiers crient aux émeutiers de revenir pour que Babbitt puisse être traitée alors qu’elle est étendue.
Sa mort aux mains d’un officier de la police du Capitole américain a été considérée par beaucoup comme un meurtre injustifié et elle est devenue une sorte de martyre. McEntee, son ex-mari, a déclaré que Babbitt aimait son pays : « Elle faisait ce qu’elle pensait être juste pour lui, en se joignant à des personnes partageant les mêmes idées qui aiment également leur président et leur pays . Elle exprimait son opinion et elle s’est fait tuer pour cela », a-t-il dit. Dans un tweet, elle a écrit : « Trump a dit la vérité. Les MSM (main stream médias grand public) sont des menteurs. »
Deux fonctionnaires, qui se sont exprimés sous la condition de l’anonymat car une enquête sur l’incident est en cours, ont déclaré qu’elle n’était pas armée. L’officier, qui assurait la garde de la Chambre des Représentants, pouvait-il voir que, directement derrière Babbitt et le groupe des contestataires, se trouvaient d’autres officiers, avec des fusils à la main et en tenue militaire, ont déclaré les fonctionnaires. Un policier a précisé que le fait que Babbitt rampait à travers une vitre n’était pas une raison suffisante pour ouvrir le feu : « L’entrée seule ne constitue pas une menace imminente d’appliquer une force mortelle », a-t-il déclaré.
Il est évident que si un manifestant hostile à Trump avait été abattu par la police dans les mêmes conditions, la présentation médiatique aurait été radicalement différente.
6-L’assassinat de Babbitt vu par Claude Askolovitch
Le titre de l’article du 10 janvier 2021 dans Slate donne le ton : « Le lâche Donald Trump a envoyé Ashli Babbitt à la mort, puis l’a reniée pour sauver sa peau » : « Donald Trump a eu la velléité d’un coup d’État et la facilité d’envoyer ses troupes. Mais une fois face à l’événement, il s’est dégonflé. S’il existe un au-delà où Donald Trump, son temps venu, expiera dans les flammes, souhaitons qu’à la porte de l’Enfer on lui rappelle cette femme qui s’appelait Ashli Babbitt et qu’il a conduite à la mort aussi sûrement qu’un bourreau… Le policier n’a été que la circonstance ; c’est pour et par Donald Trump qu’Ashli Babbitt est morte, persuadée qu’il fallait envahir le Congrès pour sauver l’Amérique et préserver son président – il ne la valait pas… Vivante, elle m’aurait inquiété. Morte, elle me désole et m’apitoie, car le salaud vit après elle. Ses lubies n’auraient pas tué Ashli Babbitt si Donald Trump ne les avait pas rendues incandescentes, et pourtant Donald Trump l’a trahie. Il l’avait convoquée à Washington et haranguée jusqu’à la sédition, et puis elle est morte… Trump l’a reniée pour sauver sa peau…Comme chaque terrien civilisé, j’ai eu maintes occasions de détester Monsieur Trump… On commente ailleurs le fascisme possible de Trump et sa déconfiture, les abandons, les reniements. Seule m’intéresse ici sa lâcheté et ce crachat sur le corps d’Ashli Babbitt ».
Dans les « maintes occasions de détester Donald Trump » avancées par Claude Askolovitch, on pouvait penser qu’il y avait peut-être aussi son sionisme excessif et son absence de compassion pour le drame que vive les Palestiniens.
En fait son sionisme est ordinaire comme le décrit dans un autre article Jean Michel-Henry. Il ne remet aucunement en cause le fait colonial à l’œuvre en Palestine. Selon la dialectique fréquente de l’inversion accusatoire dans la presse israélienne, un téléspectateur non averti peut penser que les torts sont partagés jusqu’à imaginer qu’il s’agit en fait d’une occupation d’Israël par les Palestiniens.
Lors des bombardements de Gaza dans les opérations « Plomb Durci » ou « Barrière Protectrice », le ratio concernant la valeur d’une vie était : Une vie israélienne pour 100 vies palestiniennes, mais les torts sont encore partagés. Pendant les pourparlers d’Oslo, Israël continuait de construire des colonies, et différait toujours à plus tard, le retrait des forces armées qui auraient dû libérer les Territoires au bout de 5 ans, mais les torts sont toujours partagés. Les constructions continuent toujours à un rythme soutenu et les destructions des maisons des résistants palestiniens aussi.
Il a fallu 30 ans, après la première guerre du Golfe et 20 ans après la deuxième pour qu’apparaissent enfin sur des chaînes TV historiques des émissions analysant les causes mensongères et les conséquences catastrophiques pour les populations soumises à ces guerres menées pour « Exporter la Démocratie ». On peut ainsi en diabolisant un opposant et en étant maître du discours médiatique faire accepter à un public captif n’importe quelle horreur qui le révolterait si cela le concernait personnellement.
Où va l’Amérique après Trump ?
La deuxième campagne pour sa destitution a échoué comme prévu. La majorité des sénateurs républicains lui sont restés fidèles. Il ne fait aucun doute que les articles du NYT et WP lui seront tout autant défavorables dans le futur. Il n’a pas changé, ne changera pas et eux non plus. Toute l’histoire des USA nous montre que la population est facilement manipulable. Woodrow Wilson, fera campagne pendant la Première Guerre mondiale sous le slogan « pas d’intervention US en Europe », la population ayant des racines germaniques était importante, la présence de juifs d’origine russe l’était aussi dans la presse, et venir au secours de Nicolas II n’était donc pas très populaire. La promesse de la création d’un foyer juif en Palestine, Déclaration Balfour de 1917, et d’importantes manifestations de rue en présence d’acteurs, très célèbres, comme l’anglais Charlie Chaplin, en association à des lois répressives ad-hoc pour tout opposant à la politique devenue belliciste de W. Wilson, changeront la donne.
Pour Franklin Delano Roosevelt, qui avait fait lui aussi campagne contre l’intervention des USA pendant la Seconde Guerre mondiale, Pearl Harbor arrivera opportunément. Les deux guerres du Golfe en 1991 et 2003 montrent que les mêmes mensonges peuvent être utilisés à 12 ans d’intervalle, avec l’aide de la TV et des GAFAM pour un résultat satisfaisant le Deep State.
La technique de la répétition d’informations utiles et de l’oubli pour celles qui sont défavorables associée à quelques nouveaux bobards permettront de traiter un problème cher à Netanyahu : celui d’un soi-disant danger existentiel présenté par un Iran atomique. Problème irrationnel en Occident pour au moins deux raisons. L’Iran est une vielle civilisation, on ne voit pas très bien pourquoi, conscient de l’alliance indéfectible USA-Israël, l’Iran risquant les foudres états-uniennes se suiciderait. La deuxième raison est liée au fait que dans le cadre de la logique aristotélicienne, l’argument sophistique j’ai droit à cela mais pas toi, n’avait à ma connaissance jamais été mis en avant par un pays surarmé pour subvertir ou faire la guerre à un pays qu’il considérait hostile.
L’Iran n’a commencé aucune guerre depuis près de 200 ans mais on répète sans arrêt dans les médias depuis 20 ans qu’il veut rayer Israël de la carte. Dans une interview à Al Jazeera, reprise par le NYT, Dan Meridor, ministre israélien du Renseignement et de l’Énergie atomique, a reconnu que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad n’avait jamais prononcé la phrase « Israël doit être rayé de la carte ». On pouvait même voir la vidéo de cet entretien sur Internet, vidéo mise en ligne par le NYT. Aujourd’hui, cette vidéo n’est plus disponible, car le compte YouTube associé a été clôturé. De plus, comme il est bien connu : « Un mensonge mille fois répété acquiert peu à peu l’autorité du vrai », quelques jours seulement après cette interview, le NYT dans différents articles de presse continuait à diffuser cette fausse information et à ce jour on la retrouve fréquemment aussi dans le Figaro, Le Monde, etc.
On pourra cependant consulter l’article du Point du 26 avril 2012 où l’interview et une vidéo plus courte étaient toujours en ligne.
Les dangers d’une intervention américaine en Iran ne sont pas non plus à écarter. Dans un article récent le néoconservateur Robert Kagan titre : « Une Superpuissance, que vous l’aimiez ou pas. Pourquoi les USA doivent accepter leur rôle de gendarme du Monde », Slate, 16 février 2021. « Après les catastrophes afghane, irakienne, libyenne…Il parle d’engagements militaires relativement peu coûteux en Afghanistan et en Irak. Les Américains ont toujours aspiré à retrouver ce qu’ils imaginent être l’innocence et l’ambition limitée de la jeunesse de leur nation. Pendant les premières décennies de l’existence de la nouvelle république, les Américains ont simplement lutté pour survivre en tant que république faible dans un monde de monarchies et de superpuissances. Ils ont passé le XIXe siècle dans l’égoïsme et l’égocentrisme, à conquérir le continent et à lutter contre l’esclavage ».
Pas un mot dans cet article concernant les nombreuses exaction et mensonges au cours de la conquête de l’Ouest. Il est bon de rappeler que le nombre des Amérindiens au moment de la découverte par Christophe Colomb était évalué pour l’Amérique du Nord entre 22 et 25 millions d’habitants pour passer à moins de 50 000 à la fin du XIXe siècle. Kagan, parlant des colonisateurs blancs, oubliant le génocide des amérindiens, résume cette situation par une déclaration ressemblant à un discours électoral d’un 1er ministre israélien : « Ils ont lutté pour survivre dans l’égoïsme et l’égocentrisme, à conquérir le continent avec l’innocence et l’ambition limitée de la jeunesse de leur nation. »
Dans un article récent de l’ancien ambassadeur à l’ONU, Danny Danon, du 10 mars 2021 dans IsraelHayom, titré « L’Iran reste la plaie du Moyen-Orient », on retrouve toute la Chutzpath israélienne : L’Iran est le plus grand exportateur de terreur et de peur au monde. Après l’Irak, la Lybie, la Syrie l’histoire peut se répéter contre l’Iran.
Le journal Le Monde du 11 mars 2021, n’est pas en reste. Alain Frachon Dans son article : « Pour une majorité d’États arabes, la guerre avec Israël, motivée par l’affaire palestinienne, c’est terminé ». Avec la normalisation des relations entre Israël et la plupart de ses voisins, c’est une nouvelle donne géopolitique qui s’impose, structurée notamment par l’expansionnisme iranien, estime dans sa chronique l’éditorialiste au « Monde ». En résumé Alain Frachon, sophiste au journal Le Monde nous dit, évacuant l’idée même de justice : La souffrance du peuple palestinien est terminée, la cause était-elle juste ou injuste, peu importe. Le colonialisme l’emporte, il faut maintenant s’occuper de l’amitié iranienne pour les Palestiniens qui n’est rien d’autre que de l’expansionnisme.
(…)
À suivre…
Tant que les médiats n’auront pas changé de main, aucune vérité ne pourra se diffuser. De plus les gens s’en foutent : de l’Iran, comme des palestiniens, comme de l’israël. Tant que l’israël sera protégé, non pas par le bouclier « américain » mais par « l’Amérique sioniste », l’israël continuera à se considérer invulnérable et tout permis. C’est la raison du plus fort (dixit Jean de Lafontaine).
La shoah qui avait trois lignes dans l’encyclopédie de la guerre 39/45 est devenue l’arme essentielle pour mettre l’Europe à genoux. Elle s’attaque maintenant même au royaume uni gràce à « l’offense » qu’elle ressent dès qu’on maltraite la fable de la shoah, na, na !.