CLIN D’ŒIL DE LA PROVIDENCE ? Jean-Marie Le Pen est mort le mardi 7 janvier 2025 à midi, à l’heure canoniale de l’Angélus, au moment même où l’Exécutif et les grands media rendaient solennellement hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo au nom de la liberté d’expression. Or s’il est bien un homme qui, toute sa vie, a exercé son droit à la liberté d’expression, de pensée, de critique, de débat, c’est bien le fondateur du Front national, contrairement aux plumitifs de Charlie qui sont d’un total conformisme et qui ne savent que souiller et blasphémer, publier des dessins obscènes, orduriers et scatologiques. Cette liberté d’expression du Menhir lui a souvent coûté cher : 26 condamnations en justice pour apologie de crimes de guerre, contestation de crimes contre l’humanité, provocation à la haine raciale, « antisémitisme insidieux » (sic !), homophobie, injures et diffamation raciales. Cette liberté de dire ce qu’il pense l’a même conduit à être exclu comme un malfaiteur du mouvement qu’il avait fondé et présidé pendant près de quarante ans par sa propre fille à laquelle il avait tout donné. C’est que Jean-Marie Le Pen n’était pas un simple communicant, un lecteur de prompteur, un homme faisant évoluer ses positions en fonction des sondages et des sentiments de l’opinion publique, c’était un homme de caractère et de conviction, chose très rare dans la vie, et plus encore dans la vie politique, surtout celle de ces dernières décennies. Il était fait du granit de sa terre natale — ce n’est pas un hasard si ses amis l’ont surnommé le Menhir ! — contrairement à ses adversaires et contempteurs qui sont comparables à l’émail dont on fait les bidets.
Oui, Le Pen était fondamentalement un homme libre, sincère et courageux, autant de qualités qui vont généralement ensemble. Il était courageux physiquement et intellectuellement. Et comme il était de surcroît intelligent et cultivé, intuitif et visionnaire, excellent orateur et remarquable débatteur, il n’eut pas son pareil pour décrire les maux qui frappaient la France, l’Europe et l’Occident, pour avertir des dangers mortels qui pesaient sur notre pays, notre continent, notre civilisation. Sa prescience, sa vista, son intuition étaient exceptionnelles.
MAINTENANT qu’il n’est plus là, soudain tout apparaît plus clair. Qu’importe aujourd’hui les défauts qu’il a pu avoir, les erreurs qu’il a pu commettre, les reproches parfois fondés qu’on a pu lui adresser, il ne fait pas de doute que ce fut un géant, un monument, un homme public, non seulement exceptionnellement doué, mais d’une hauteur de vue, d’une finesse d’analyse remarquables sur tous les grands sujets politiques et géopolitiques. Oui un géant, surtout si on le compare aux nains, aux minus auxquels il a dû faire face. Et pourtant ce sont ces médiocres, ces misérables, ces vendus qui ont gagné contre lui, souvent dans les grandes largeurs, et qui ont été applaudis, acclamés, reconduits par le peuple dit souverain. Lorsque Chirac est mort, lui qui fut un des pires politiciens et une des pires crapules qu’on ait eus, un être profondément corrompu, soumis aux modes, aux puissants, à tous les lobbies malfaisants et qui de surcroît été sous cocaïne, non seulement il eut droit à un hommage national solennel, à une intervention télévisée dithyrambique de son successeur à l’Elysée, mais le peuple lui-même lui manifesta son affection et son estime. Il y eut une foule immense à défiler devant sa dépouille et des badauds admirateurs de cet homme allèrent déposer devant son ultime domicile parisien des fleurs, des bougies et même de la bière, boisson préférée du Corrézien. Rien de tel pour le Menhir.
Le soir même de sa disparition, des centaines de gauchistes débraillés fêtèrent avec du champagne, des danses, des hurlements, des fumigènes et des feux d’artifice sa mort. Ils dansèrent sur son cadavre encore chaud place de la République à Paris à l’appel du collectif Les Inverti-e-s (tout un programme !) et du Nouveau Parti anticapitaliste de Poutou et Besancenot qui exhorta à l’organisation d’apéritifs géants partout en France pour fêter le décès du “fasciste”, du “nazi”. Et c’est ainsi qu’en plus de la capitale, il y eut des scènes de liesse à Rennes, à Lille, à Strasbourg, à Lyon, à Marseille, à Nantes, à Toulouse. Pourtant Jean-Marie Le Pen n’a jamais été au pouvoir. Il n’a jamais dirigé un exécutif ni national ni local, pas même municipal. Il n’est objectivement pour rien dans les maux dont souffre le pays. Il n’est pas un tyran qui a asservi son peuple. Il a été une vigie, un lanceur d’alerte, mais parce qu’il a dit la vérité, même après sa mort, il doit être exécuté. On connaît le proverbe persan : « donnez un cheval à celui qui dit la vérité, il en aura besoin pour s’enfuir ».
Et maintenant qu’après avoir si longtemps dit la vérité, vox clamantis in deserto, accompli sa mission, le Menhir a quitté cette terre, presque centenaire, la haine contre lui, et plus encore contre ce qu’il représentait, contre les idées qu’il incarnait, ne faiblit pas. Elle est toujours aussi vive, aussi violente, aussi incandescente, comme elle l’était au moment du montage de Carpentras en mai 1990 quand la foule brandissait à Paris une baudruche du Menhir avec cette inscription « Carpentras, c’est moi », qui l’accusait de manière calomniatrice de viol de sépulture. Comme elle l’était en mai 2002, pendant la quinzaine de la haine, quand une foule battait le pavé en vociférant contre lui, en multipliant les attaques, les insultes voire les appels au meurtre.
Ces jeunes et moins jeunes qui laissent éclater leur joie obscène et dont on ne sait s’il faut davantage les plaindre que les blâmer sont les héritiers des révolutionnaires de 1793, des épurateurs de 1944 et 1945. Au fond c’est toujours la lutte des mêmes contre les mêmes. Et la République finit toujours par perpétrer des horreurs, par n’être que cris, vacarme et fureur, par ne vivre que de la loi des suspects et de la Terreur, avec les charrettes de condamnés à mort, les fusillés et les guillotinés, les femmes tondues et humiliées, les hommes capturés et torturés. Et quand bien même le lynchage n’est que médiatique et cathodique, il est d’une puissance infernale, d’une intensité diabolique. Oui, la gauche (une grande partie d’entre elle, tout au moins) ne respecte rien, pas même les morts, pas même le deuil des proches et amis du défunt. Elle a besoin perpétuellement d’ennemis à haïr, d’adversaires à occire, de cibles à détruire. Il n’est sur le fond aucune différence entre les foules qui manifestaient en 2002 avec des pancartes « Plutôt l’escroc que le facho », « Pour Le Pen une balle, pour le FN une rafale » et ces manifestants hilares et avinés de ce 7 janvier au soir célébrant la mort d’un homme. Ce sont ceux-là mêmes qui prétendent lutter contre la haine, l’extrémisme, l’obscurantisme, le totalitarisme qui sont d’un sectarisme effrayant, voire d’une haine homicide. A l’instar de ces républicains espagnols qui déterraient les cadavres de prêtres et de religieuses pour les exécuter symboliquement une nouvelle fois, tellement ils étaient ivres de haine. L’humanité peut aller très loin dans la folie, dans l’abjection et dans l’ignominie. Cela a quelque chose de vertigineux.
CES VOCIFÉRATIONS contre Jean-Marie Le Pen n’ont pas lieu d’être. Il n’était nullement l’homme haineux qu’ils conspuent et dont ils se réjouissent bruyamment du trépas. Le Menhir avait certes des défauts — qui n’en a pas ? — mais c’était un homme profondément gai et jovial, plein d’esprit et d’humour, qui avait de surcroît le sens de la formule. Il connaissait par cœur des milliers de chansons, avec tous les couplets (et dans l’ordre !) d’un répertoire extrêmement varié, qu’il aimait à fredonner, y compris sous la douche. Aujourd’hui bien souvent les gens ne chantent plus et ne prient plus. C’est bien triste. Car le chant donne beaucoup d’entrain et de joie. Non seulement Le Pen connaissait des milliers de chants mais également des milliers de vers. Enfant, il apprenait par cœur chez les jésuites chaque trimestre 400 vers français, 300 vers latins et 100 vers grecs. Il se levait l’été à 5 heures du matin, l’hiver à 6 heures. Tous les jours à l’aube était célébrée la messe tridentine. C’est pourquoi Le Pen, qui avait une mémoire prodigieuse, connaissait par cœur la messe de requiem, les vingt strophes du Dies Irae et le Libera me que l’on chante pendant l’absoute et qu’il entonnait de tout son cœur lors des funérailles célébrées dans le rite traditionnel, ce à quoi hélas il n’a pas eu droit, ses trois filles lui ayant réservé à l’église de la Trinité, où il fut baptisé puis enfant de chœur, une “messe” de Paul VI !
Son immense culture — on devrait parler d’érudition — était aussi littéraire et historique. C’était un bonheur de l’entendre déclamer des vers, des tirades de nos grandes tragédies, des poèmes de Brasillach qu’il aimait tant. Lorsque Gollnisch est allé le voir à l’Ehpad de Garches, quelques jours avant sa mort, et alors qu’il était très affaibli, presque mourant, il trouve encore la force de lui réciter un poème de Victor Hugo. C’est à peine croyable. Malgré la diminution progressive de ses forces physiques et de sa vigueur intellectuelle, avec le grand âge et la maladie, il était encore capable quasiment jusqu’aux dernières heures de son existence de réciter des poèmes. Qui peut aujourd’hui faire une chose pareille ? Rien que pour cela, avec sa mort, on mesure ce que l’on a perdu. C’était un géant, un personnage hors norme, hors du commun. Il faut s’en rendre compte. Dire cela n’est pas le canoniser, céder à une admiration inconditionnelle, nier ses défauts, ses fautes, ses erreurs et ses faiblesses, c’est seulement reconnaître ce qui est. Cet homme était exceptionnel. Et cela apparaît encore plus flagrant maintenant qu’il n’est plus de ce monde. Que les électeurs aient pu lui préférer un Chirac, un Sarkozy est tout bonnement insupportable et ne réconcilie pas avec la démocratie. Le pape Pie IX avait tout dit en décrétant que le suffrage universel est un mensonge universel.
Le Pen était également amateur de bons mots, maniait avec dextérité l’ironie, le calembour et toutes les figures de rhétorique. On ne peut recenser ici, faute de place, toutes ses formules piquantes et coruscantes. Nous n’en retiendrons que cinq. Au congrès de Tours, en janvier 2011, un journaliste juif s’étant plaint de ne pas avoir été bien traité parce que juif, Le Pen avait répondu : « Ça ne se voyait ni sur sa carte ni sur son nez ». Lors de la machination de Carpentras, Laurent Fabius, alors président de l’Assemblée nationale, avait fait croire, pour en rajouter dans le pathos, que Félix Germon, de confession juive, dont le corps avait été déterré, avait été sodomisé avec un pied de parasol. Tout était faux. Le Menhir avait alors commenté : « Lorsque M. Fabius parle d’anus, cela sonne dans sa bouche comme une rime ». Extraordinaire ! Chirac et Giscard qui, au début des années 1990, avaient voulu créer une structure commune de la droite, l’UPF (l’Union pour la France) avec l’organisation de primaires — déjà ! — n’avaient finalement pas réussi à s’entendre tellement il y avait d’arrière-pensées de part et d’autre. Commentant ce divorce et la fin de ce parti mort-né, Le Pen avait alors déclaré : « c’est l’IVG de VGE, c’est l’IVGE ». Alors qu’on l’accuse sempiternellement d’être raciste, Le Pen déclare : « Mon personnel de maison est noir, mon cuisinier est noir. Que faut-il que je fasse ? Que je me marie avec un noir, homosexuel et sidaïque ? » Enfin, interrogé sur les créations d’entreprises, Le Pen, déplorant le manque criant de courage, s’écrie : « La première usine qu’il faut faire en France, c’est une usine à couilles ! » Oui, décidément, il va beaucoup nous manquer !
JEAN-MARIE Le Pen était non seulement cultivé et brillant mais courageux, au point d’être capable de prendre à rebrousse-poil sa base militante, ses cadres et ses électeurs, s’il l’estimait nécessaire. C’est ce qu’il fit lors de la Première guerre du Golfe. Et c’est là qu’on mesure que, contrairement à ce que l’on répète bêtement, il était le contraire d’un démagogue. La facilité aurait voulu qu’il adoptât des positions atlantistes et qu’il approuvât une guerre contre des Arabes. Eh bien non, avec son intuition exceptionnelle et en prenant soin d’étudier de près le dossier (il s’était plongé dans d’épaisses encyclopédies les premiers jours du mois d’août 1990), il avait compris la supercherie. Rien en effet ne fut plus sale, révoltant et diabolique que cette guerre contre l’Irak de Saddam Hussein où, dans un premier temps (en 1990), on inventa le mensonge des bébés koweïtiens jetés de leur couveuse par les soldats irakiens et où, dans un second temps (en 2003), on diffusa la fable des armes de destruction massive de Saddam Hussein. Las, les seules armes de destruction massive dans cette affaire, ce furent celles des Américains et de leurs alliés qui s’abattirent sur ce malheureux peuple et qui firent des centaines de milliers de morts et de blessés si on tient compte en plus de l’impitoyable blocus imposé pendant des années au pays et que rien ne justifiait. Eh bien Le Pen sut, seul contre tous, défendre dans cette affaire la vérité et la justice, quitte à s’aliéner des soutiens, à être incompris d’une partie de ses électeurs et de ses cadres. Qui est capable d’agir ainsi ?
Autre acte de courage de Le Pen : quelques jours seulement avant le référendum sur Maastricht, le 20 septembre 1992, Mitterrand se fit opérer d’un cancer de la prostate dont le grand public découvrit alors l’existence. On apprit bien plus tard par son médecin personnel, le docteur Claude Gubler, qu’il avait en fait ce cancer depuis 1981, et que tous les communiqués semestriels sur sa santé étaient mensongers. Le Pen, invité sur un plateau de télévision, juste avant la tenue du référendum, dénonça immédiatement la supercherie consistant à apitoyer au dernier moment les prostatiques et les cancéreux et leurs proches pour obtenir leur vote en faveur de Maastricht. Il se fit rabrouer par tous les autres, et notamment par Kouchner qui dénonça son inhumanité, son indécence, sa brutalité. Et pourtant là encore c’est Le Pen qui avait eu raison, seul contre tous. De manière machiavélique, Mitterrand avait mis au dernier moment sa prostate et son cancer dans la balance pour que le oui l’emportât, ce qui hélas arriva.
Le Pen a vu clair également très jeune sur la question de l’Europe de Bruxelles. En 1957, jeune député, il refuse de ratifier le traité de Rome. Plus tard, il combattra vigoureusement les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice, la Constitution européenne et le traité de Lisbonne. Il avait compris — il avait lu Coudenhove-Kalergi et étudié le parcours et les déclarations de Jean Monnet — que la construction européenne, telle qu’elle se faisait, ne consistait pas à édifier une nation européenne, ce qui eût été de toute façon utopique, mais contribuait à défaire les nations historiques, en étant le cheval de Troie des Etats-Unis, du mondialisme et du cosmopolitisme. Son analyse là aussi était parfaitement juste. Les faits en ont amplement confirmé depuis le bien-fondé.
Le Pen a vu clair dès sa jeunesse sur le communisme. Il fut toute sa vie un anticommuniste de choc. Il avait parfaitement compris que ce système était totalitaire et liberticide, économiquement absurde, politiquement criminel, moralement abject, avec son asservissement non seulement des corps mais des âmes. Les faits lui ont là aussi largement donné raison. Le communisme a fait plus de cent millions de morts dans la monde. Et c’est une estimation basse.
Le Pen a eu raison d’alerter dès le début sur les dangers du sida à une époque où l’irresponsabilité criminelle des gouvernants socialistes a conduit au crime du sang contaminé qui fit tant de victimes et où la seule chose qu’on nous présentait comme la panacée pour lutter contre ce fléau était le port du préservatif !
Le Pen a eu raison de fustiger la décadence morale, la loi Veil qui aura 50 ans ce 17 janvier, la pornographie, la dénatalité, de vouloir aider matériellement et moralement les familles françaises.
Le Pen a eu raison de dénoncer le fiscalisme, l’excès des prélèvements obligatoires pesant tant sur les particuliers que sur les entreprises et qui favorise le chômage, décourage l’initiative, l’innovation, le dépassement de soi.
Le Pen a eu raison de défendre les libertés économiques, de combattre le dirigisme, le socialisme, tout en prônant un protectionnisme raisonnable pour aider les entreprises françaises face à la concurrence mondiale.
Le Pen a eu raison d’alerter sur les dangers immenses de l’immigration de masse et de son corollaire, l’islamisation. Quand on voit aujourd’hui la situation du pays, qui peut prétendre qu’il a exagéré, qu’il s’est trompé ? Là encore les faits lui ont donné raison.
SUR LE FOND, que peut-on politiquement reprocher à Jean-Marie Le Pen ? Il a fait son devoir d’homme public en sonnant le tocsin, en avertissant des dangers pour mieux les conjurer. Dès le début des années 1980, il disait qu’il fallait absolument éviter la libanisation de la France — et on ne voit que trop aujourd’hui dans quel état est le pays du Cèdre ! —, ne pas conduire une politique d’immigration massive, source de tous les périls et qui mettait en cause l’avenir même de notre pays et de notre peuple. Que l’a-t-on entendu ? Que l’a-t-on écouté ? Il a été diabolisé, caricaturé, diffamé alors même qu’il ne disait que la vérité, et que de surcroît il la disait avec talent et clarté. Et malheureusement cette diabolisation a été des plus efficaces des décennies durant. Alors même qu’il était encore possible d’inverser le cours des choses avant que fussent atteints des points de non-retour, tout a été fait pour empêcher que les solutions simples et de bon sens que préconisait Le Pen fussent mises en œuvre. Et à cet égard, il ne faut pas s’y tromper, ce n’est pas le “détail” qui a déclenché sa diabolisation, c’est son combat constant pour l’identité et la souveraineté de la France, sa lutte permanente contre la submersion migratoire, l’euromondialisme et la décadence morale qui explique sa disqualification par les autres partis et hommes politiques. C’est avant l’affaire dite du “détail” que Jacques Chirac, alors Premier ministre de cohabitation, Mitterrand regnante, met en place à l’Assemblée nationale un « cordon sanitaire » — c’est l’expression qu’il utilisera — entre ses députés et ceux du Front national pour empêcher tout contact, toute relation, tout dialogue, et a fortiori toute entente ou toute alliance, entre les parlementaires de la majorité RPR-UDF de l’époque et ceux du parti de Jean-Marie Le Pen. C’est le B’nai B’rith qui, dans un communiqué publié le 26 mars 1986 dans le quotidien Le Monde, rappelait les engagements solennels pris devant cette puissante organisation israélite par des responsables nationaux du RPR et de l’UDF de « ne s’allier en aucun cas avec le Front national ». A l’époque, il n’y avait eu ni le “détail”, ni le calembour « Durafour crématoire ». Il est donc chronologiquement inexact, historiquement faux, de prétendre, comme le fait la grande presse et comme le croit généralement le grand public, que la diabolisation du Menhir, sa mise hors-jeu de la vie politique “normale”, est la conséquence directe et exclusive de ses “dérapages”. C’est parce que Jean-Marie Le Pen défendait énergiquement la France et les Français qu’il a été aussi violemment combattu, attaqué, caricaturé, calomnié, traîné devant les tribunaux, couvert d’outrages.
La logique de l’antiracisme, qui est en réalité l’expression d’une haine de la France traditionnelle et enracinée, conduit à l’exclusion, à l’ostracisme de tous ceux qui refusent le Grand Remplacement des corps, des cœurs, des cerveaux et des âmes. Les mondialistes prétendent lutter contre l’idéologie de haine et d’exclusion de « l’extrême droite », mais c’est eux-mêmes, selon la technique bien connue de l’inversion accusatoire, qui refusent que les idées et valeurs traditionnelles, ainsi que ceux qui les défendent, les illustrent et les promeuvent, aient droit de cité. Et cette disqualification passe par le terrain médiatique et politique, culturel, associatif voire sportif mais aussi judiciaire. Car la défense de la religion, de la patrie, de la famille, de la morale naturelle sont aujourd’hui des délits sanctionnés par la loi et réprimés par les tribunaux et cours de la République (et pareillement de l’Union européenne). Défend-on le mariage entre un homme et une femme et le fait d’avoir des enfants de manière naturelle et aussitôt est-on accusé d’être homophobe, un délit puni d’un an de prison ferme et de 45 000 euros d’amende. Souhaite-on arrêter puis inverser le courant de l’immigration, défendre le principe de préférence voire d’exclusivité nationale, restreindre les conditions de naturalisation, aussitôt est-on accusé de racisme, de provocation à la haine raciale, un délit puni des mêmes peines que l’homophobie. Combat-on la théorie du genre, le transsexualisme, les processus dits de transition et qui sont en réalité des mutilations sexuelles souvent irréversibles, aussitôt est-on accusé d’être transphobe, un délit puni de la même manière. Et on pourrait ainsi multiplier les exemples. Le simple bon sens est aujourd’hui criminalisé.
Et c’est parce que, toute sa vie, dans ses engagements publics, Jean-Marie Le Pen a fait preuve de bon sens, a défendu politiquement le bien, le beau, le vrai, qu’il s’est heurté à ce point à la contradiction, aux oppositions, y compris les plus injustes et les plus haineuses. On répète, y compris parfois jusque dans notre camp, que, s’il n’est pas parvenu aux responsabilités nationales, c’est parce qu’il ne voulait pas le pouvoir. Mais, comme il le disait lui-même, on ne le lui a jamais offert sur un plateau. Et lorsqu’il a atteint le second tour de la présidentielle en 2002, le Système paniqué a fait tout ce qu’il fallait pour qu’il en fût privé. Et puis de quel pouvoir parle-t-on ? S’il s’agit d’appliquer la même politique que ses adversaires, à quoi bon entrer dans un gouvernement ou même conquérir la présidence de la République ? Comment peut-on mener à bien une politique de renaissance nationale dans le cadre du Système actuel ? C’est radicalement impossible. Comment peut-on rétablir la souveraineté de la France, la maîtrise de son destin, de ses grandes politiques, et donc de ses choix budgétaires, dans le cadre de l’euro et de l’Union européenne ? Qui dit monnaie unique dit politique unique et pensée unique. Comment rétablir les frontières si elles ont été détruites par Schengen et l’Acte unique qui promeuvent la liberté des marchandises, des capitaux et des hommes au sein de l’Union européenne ? Comment rétablir la peine capitale pour lutter contre le crime lorsque l’on a signé des conventions européennes et internationales qui interdisent le recours à la peine de mort, même pour les crimes les plus atroces ?
C’est toute l’imposture de la politique dite de dédiabolisation — alors que c’est le système actuel qui est le diable, non ceux qui s’y opposent ! — qui postule qu’en s’alignant sur le vocabulaire, les méthodes, les mots d’ordre, la vision du monde, le mode de vie et de pensée des adversaires, en obéissant à leurs interdits, en les intériorisant, on peut néanmoins améliorer les choses et redresser le pays. C’est un leurre, une illusion. Pis, c’est une escroquerie et une trahison.
ALORS BIEN SÛR il y a la question du “détail”. Parlons-en puisque tous les media en parlent. Il est d’ailleurs à noter que c’est ce sujet qui est revenu le plus souvent depuis l’annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen. Son “négationnisme” et son “antisémitisme”. Tout tourne autour de cela, preuve une nouvelle fois de la centralité de la question juive. Les imbéciles et les pleutres ont beau nous expliquer que ce n’est pas important, alors comment se fait-il qu’on en parle autant, de manière aussi obsessionnelle ? Jean-Marie Le Pen a abordé, à plusieurs reprises, dans sa très longue carrière politique, l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, en général d’ailleurs en réponse à des questions. Le Pen, et c’est un défaut aux yeux des politiciens du Système, n’aime pas mentir, ne sait pas mentir. Il dit ce qu’il pense, même si cela déplaît. Et c’est d’ailleurs pourquoi il n’a pas été élu à la magistrature suprême. Le Menhir, en homme intelligent et réfléchi, s’étant documenté, avait bien compris que la version officielle et obligatoire de l’histoire du dernier conflit mondial était instrumentalisée contre le monde traditionnel, contre la France et l’Europe historiques, qu’elle était, pour reprendre la lumineuse expression de l’ami Hannibal, « la mère de la révolution arc-en-ciel » (RIV. du 18 décembre 2024). Et c’est facile à comprendre pour qui se donne la peine d’y réfléchir. Le Dogme de la Shoah est l’un des motifs principaux (même s’il n’est pas le seul) de notre impuissance et de notre décadence, de notre paralysie et de notre léthargie. Les graves problèmes (non résolus) auxquels sont aujourd’hui confrontés notre pays et notre peuple sont en grande partie la conséquence directe de la contre-religion holocaustique.
Entend-on lutter contre l’immigration de masse et organiser le retour des immigrés extra-européens dans leur pays d’origine, aussitôt est-on accusé de vouloir déporter les étrangers comme naguère l’on déportait les juifs et donc de perpétrer un crime abominable. Souhaite-t-on défendre la famille, la natalité française et les valeurs traditionnelles, aussitôt est-on soupçonné de pétainisme, idéologie jugée criminelle car, nous dit-on, complice des nazis et antisémite. Proteste-t-on contre l’ouverture excessive des frontières, la décadence morale, le règne de l’étranger, aussitôt est-on accusé de reprendre le discours en vogue pendant les heures les plus sombres de notre histoire dont on sait où elles ont mené… Si nous n’avons plus de défenses immunitaires pour nous protéger contre les agressions externes et la dissolution interne, contre la submersion et la subversion, contre l’invasion et la corruption, si la nation, les familles, l’armée, les corps intermédiaire sont en état de décomposition avancée, si plus rien ne semble avoir de sens, si nous sommes désarmés, dépossédés, submergés, en voie d’être remplacés, c’est la conséquence de l’idéologie des droits de l’homme dont la religion de la Shoah est le ciment et le garant le plus puissant. Ce que les Français ne savent pas, c’est que nous avons été rendus impuissants. Depuis le jugement de Nuremberg, toute volonté de résurrection nationale, toute politique de l’énergie, ou simplement de la propreté, est frappée de suspicion. Car le nationalisme a été condamné au tribunal de l’humanité.
En prononçant ces petites phrases qu’on lui a tant reprochées, y compris dans notre camp, Jean-Marie Le Pen essayait simplement de desserrer l’étau, de faire émerger la vérité, de lutter contre les réflexes pavloviens, de réhabiliter le nationalisme. Il ne fallait pas lui en conter, lui qui avait connu la guerre et l’occupation. Il ne prenait pas des vessies pour des lanternes et se refusait à tout manichéisme, à toute diabolisation sans nuances de l’Allemagne et du national-socialisme accablés par les vainqueurs. Il avait compris que la criminalisation des nationalismes des années 1930 et 40 était le moyen suprême de détruire l’ordre ancien, les nations historiques, les attachements à un terroir, une lignée, à un sol, à un sang, à un peuple, à des traditions, à une religion. Si la France et l’Allemagne avaient commis des crimes irrémissibles, alors il était logique de ne plus être attachés à leur être historique non plus qu’à leur avenir. Elles pouvaient disparaître, se fondre dans un melting-pot planétaire, renoncer à leur spécificité, à leur existence autonome et souveraine, vendre leur âme. Et c’est bien ce à quoi nous assistons depuis déjà de longues décennies, à l’effacement de ce que furent la France et l’Europe dans leurs composantes corporelles, intellectuelles et spirituelles, dans leur substrat ethnique et civilisationnel. Et cet effacement se fait à très grande vitesse.
Pour que les Français acceptent pareil programme, ou pour qu’ils ne s’en rendent pas compte, il faut leur faire peur. La crainte est le moteur de l’histoire. Combien de fois ces dernières décennies avons-nous rencontré de braves gens qui étaient d’accord avec ce que disait Le Pen, avec les vérités qu’il énonçait, qui souscrivaient à son analyse des périls migratoires et démographiques auxquels notre pays était confronté et qui pourtant ne votaient pas pour lui car ils avaient peur ! Peur du halo de soufre qui entourait Le Pen. Peur à cause des valeurs de la République dont on disait qu’il voulait les détruire. Peur de perdre leurs libertés comme si nous ne les avions pas déjà perdues (la liberté de penser, d’écrire, de publier, de conduire librement et même pendant le covid de circuler, de se réunir ou d’aller à l’église). Peur surtout à cause des chambres à gaz. Alors qu’ils n’en ont jamais vues, qu’ils ne connaissent rien au dossier, qu’ils seraient incapables d’en expliquer le fonctionnement, qu’il n’y a jamais eu d’expertise ni de la scène de crime ni de l’arme du crime, ils se sont résignés à voter contre leurs intérêts et contre leurs convictions. On a fait subir une entorse à leur conscience, et ils ne s’en sont pas relevés. Quand on y réfléchit, tout cela est à pleurer. Au nom de la chambre à gaz, on accepte de se suicider et de suicider toute notre nation. Quelle folie ! Encore un effet prodigieux de ce que Louis-Ferdinand Céline appelait, après avoir lu le livre de Paul Rassinier, Le Mensonge d’Ulysse, dans un courrier à Albert Paraz, le 8 novembre 1950, « la magique chambre à gaz ». Et l’auteur du Voyage au bout de la nuit d’ajouter : « C’était tout, la chambre à gaz ! Ça permettait tout. » Céline avait parfaitement raison sauf d’utiliser l’imparfait de l’indicatif, marque, selon les grammairiens, d’un temps révolu. Car aujourd’hui plus que jamais la chambre à gaz permet tout : elle permet d’anesthésier les peuples occidentaux, de génocider le peuple palestinien et de neutraliser les droites populistes et nationales. Et dire qu’il est des imbéciles pour prétendre que cette question n’est pas centrale. A d’autres !
CETTE CENTRALITÉ de la “Mémoire”, et son caractère éminemment nocif et dévastateur, Le Pen l’avait parfaitement compris. C’est pourquoi il s’est employé, tel le petit poucet, à semer des petits cailloux révisionnistes. Il n’a certes jamais totalement franchi le Rubicon publiquement sur le sujet mais il est quand même allé loin. Lors de cet entretien au Grand Jury RTL-Le Monde le 13 septembre 1987, la phrase importante pour comprendre sa pensée sur la question n’est pas sa célèbre formule — « le point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale » —, d’autant que, de quelle façon qu’on la prenne, la question des chambres à gaz est tout sauf un détail. La phrase essentielle est la suivante. Poussé par un journaliste à s’expliquer davantage, il déclare, légèrement agacé : « Voulez-vous me dire que c’est une vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire, que c’est une obligation morale ? » Une telle déclaration ne laisse aucun doute : il ne croit absolument pas à la thèse officielle. Il ira encore plus loin dans la revue Bretons le 26 avril 2008. Aux deux journalistes, Didier Le Corre et Tugdual Denis, qui lui disent que le « processus (mis en place par le national-socialisme) était de déporter les gens, de les amener dans des camps juste pour les faire tuer », le Menhir répond du tac au tac : « Mais, ça, c’est parce que vous croyez à ça. Je ne me sens pas obligé d’adhérer à cette vision-là. Je constate qu’à Auschwitz il y avait l’usine IG Farben, qu’il y avait 80 000 ouvriers qui y travaillaient. A ma connaissance ceux-là n’ont pas été gazés en tout cas. Ni brûlés. » Difficile d’être plus clair. Il ne fait aucun doute que Jean-Marie Le Pen était révisionniste. On répète que c’était par antisémitisme. Mais c’est trop facile. Rien ne le prouve. N’est-ce pas plutôt parce que c’était un passionné d’histoire et qu’il cherchait honnêtement la vérité ?
Il est vrai qu’il ne fallait pas le pousser beaucoup pour qu’il abordât avec passion et brio toutes ces questions essentielles. A peine l’interview était-elle finie que ça partait. C’était un régal. Lorsque François Mitterrand le croise au Parlement européen de Strasbourg en janvier 1995, quelques mois avant sa mort, et qu’ils s’isolent tous les deux longuement pour parler librement, il ne fait aucun doute qu’ils parlent alors du lobby juif dont Mitterrand, juste avant de quitter l’Elysée, le 17 mai 1995, dénoncera « l’influence puissante et nocive » auprès de l’académicien Jean d’Ormesson dans le but évident qu’il rende publique après sa mort cette considération frappée au coin du bon sens. C’était l’époque où le président socialiste devait faire face aux exigences de Klarsfeld qui lui enjoignait de déclarer la France coupable de la déportation des Juifs et où, devant son refus, on sortit son passé pétainiste, sa Francisque, son amitié avec Bousquet, autant de choses que le Tout-Paris connaissait depuis fort longtemps mais qui avait été jusque-là mis sous le boisseau. L’amitié de Le Pen avec Dieudonné, dont il deviendra le parrain d’une des filles, a aussi certainement pour fondement le même combat contre le lobby juif. Pendant des soirées entières, ils ont dû s’en donner à cœur joie !
Ségolène Royal a déclaré à la mort de Le Pen : « On ne peut pas rendre hommage à quelqu’un qui a été condamné pour négationnisme ». On est là au cœur du sujet. C’est pourquoi il n’y a pas eu d’hommage à Le Pen, que les politiciens étaient si gênés aux entournures. Comment dire du bien d’un homme public qui n’est pas passé sous les fourches caudines du CRIF, d’un homme libre, sincère et courageux alors qu’ils ne sont, eux, que des lavettes et des lopettes ? Au fond d’eux-mêmes, en secret, beaucoup doivent avoir de l’estime pour Le Pen, pour ses qualités exceptionnelles dont ils sont totalement dépourvus. Mais ce sont des esclaves, ils sont incapables de se libérer car ils ne pensent qu’à leur carrière et à leur tranquillité mais cette paix-là n’est pas celle du Christ. Elle est celle du mensonge et de la compromission. Celle du Fils de perdition.
EN QUELQUES ANNÉES, nous avons perdu trois géants, trois hommes libres et debout : Robert Faurisson le 21 octobre 2018, Pierre Sidos le 4 septembre 2020 et Jean-Marie Le Pen le 7 janvier 2025. Nous avions eu l’honneur et le bonheur de les réunir à notre banquet de Bagnolet pour les 65 ans de RIVAROL, le 9 avril 2016. Malheureusement Le Pen, après avoir semblé dire oui, n’avait finalement pas souhaité rencontrer publiquement Faurisson, sans doute pour des raisons d’image, bien qu’il n’eût pourtant plus rien à perdre, étant déjà exclu du parti par sa fille, mais qu’importe. Les trois ont pu se succéder à la tribune. Ce fut un enchantement de les entendre. Et c’est un grand malheur qu’ils nous aient quittés.
En effet, quel est aujourd’hui l’homme public de premier plan (ou même de second plan) en France, en Europe ou en Occident qui serait capable de dire des choses comparables à celles que disait Le Pen sur toute une série de sujets tabous ? Nous avons beau chercher, nous n’en voyons aucun, absolument aucun. Et c’est là qu’on mesure à quel point nos libertés ont reculé, à quel point l’air manque à nos poumons et à quel point la disparition du Menhir crée un grand vide. Nous sommes orphelins. Nous sommes inconsolables.
Jean-Marie Le Pen a eu une longévité politique exceptionnelle. Son premier mandat, celui de député poujadiste, date du 2 janvier 1956, son dernier, celui d’eurodéputé, s’est achevé 63 ans plus tard le 1er juillet 2019. Le Menhir a régulièrement accordé des interviews à RIVAROL pendant soixante ans. La première date de 1957, la dernière de 2017. Et notre hebdomadaire, et c’est le seul à l’avoir fait, a soutenu publiquement toutes les candidatures présidentielles du Menhir, de la première en 1974 à la dernière en 2007. Nous avons eu de temps à autre des désaccords, parfois vifs, comme lorsqu’il a imposé sa fille pour lui succéder à la tête du mouvement, ce dont il a été bien mal récompensé, mais il n’y eut jamais de rupture profonde et définitive parce que Jean-Marie Le Pen l’a souvent dit, y compris dans le tome 2 de ses mémoires et lors de notre banquet de 2016, il appréciait RIVAROL, en goûtait la lecture, en approuvait beaucoup d’analyses et de positions, et pas seulement quant à la question du révisionnisme historique.
LES DIX DERNIÈRES années de sa vie semblent en apparence avoir été un échec car il a été un père bafoué, exclu du parti qu’il avait fondé et si longtemps dirigé, placé dans l’impossibilité de continuer une carrière politique de premier plan. Ce qu’aucun de ses adversaires ou de ses concurrents n’avait réussi à faire en soixante ans de vie politique, sa fille qui lui devait tout l’a accompli : l’éliminer du débat public, le contraindre à la retraite. Il a beaucoup souffert de ce mauvais traitement et les soucis de santé qu’il a eus au printemps 2015, immédiatement après que son processus d’exclusion du Front national fut enclenché, et qui n’ont quasiment jamais cessé depuis, jusqu’à sa mort il y a quelques jours, sont certainement la conséquence, en partie au moins, de la persécution qu’il a subie venant de la benjamine à laquelle il avait tout donné. Les trahisons familiales sont toujours les plus douloureuses. Mais, à bien y réfléchir, ces dix dernières années ont peut-être finalement été les plus fécondes, même si elles furent plus discrètes. Cela lui a d’abord permis de revoir des connaissances, des amis, des camarades de combat, avec lesquels il s’était brouillé ou qu’il avait même parfois éjectés du parti parce qu’ils s’opposaient à sa volonté de placer sa fille à la tête du Front. Il reprit langue avec le fidèle Roger Holeindre, avec l’ancien trésorier national Jean-Pierre Reveau, avec Carl Lang, avec Jean-Claude Martinez, participa à différentes activités de groupements de droite nationale et radicale, prenant la parole, donnant des encouragements, prodiguant des conseils. Le Pen, il faut le savoir, répondait toujours de sa propre main aux faire-part de naissance, de baptême, de mariage, de décès qu’on lui envoyait. Il était fidèle en amitié et se rendait consciencieusement aux obsèques de ses amis et connaissances. De plus, il n’était pas rancunier, au point souvent de se montrer indulgent, sinon bonasse, avec ceux qui l’avaient trahi.
Cette dernière période de sa vie fut également marquée par l’écriture de ses mémoires. Le tome 1, Fils de la nation, est consacré aux 44 premières années de sa vie (1928-1972), jusqu’à la fondation du Front national le 5 octobre 1972, et raconte notamment avec beaucoup d’émotion et de tendresse son enfance bretonne. Voilà un monde traditionnel qui a été englouti par la modernité et qui était pourtant si vivant, si attachant. Le Menhir avait manifesté sa volonté d’être inhumé dans le caveau familial des Le Pen à la Trinité, là où reposent déjà ses parents, Jean et Marie, et ses grands-parents. Il les a rejoints ce samedi 11 janvier. Quand il parlait de sa mort, il avait de belles formules. De manière imagée, il évoquait au loin le bruit des rapides qui l’emporteraient. C’est que Le Pen était aussi un poète qui savait captiver et même faire chavirer son auditoire. N’avions-nous pas l’enthousiasme débordant et le cœur brûlant lorsque, muni d’un simple micro-cravate, il arpentait la scène et sans la moindre note nous racontait son enfance et sa jeunesse, le sol de sa maison en terre battue, les barques des marins battues par les flots, la terre et les morts, cette terre de France tant travaillée, tant labourée par les hommes au fil des siècles, d’où nous venons et où nous retournerons, ces terroirs et ces clochers qu’il nous fallait aimer et protéger, ses soldats, ses paysans qui ont permis à notre pays et à notre peuple au prix de mille sacrifices d’être et de durer ?
Dans le premier tome de ses mémoires, Jean-Marie Le Pen consacre des pages émouvantes au maréchal Pétain qu’il défend et réhabilite avec sincérité, courage et conviction tout en se montrant très critique sur De Gaulle, le plus grand commun diviseur des Français. Il est d’ailleurs injuste de dire que Le Pen a cherché à diviser les Français alors qu’il voulait au contraire les rassembler comme le Maréchal avant lui. Le tome 2 de ses mémoires, Tribun du peuple, retrace les 47 années suivantes (1972-2019) et tout particulièrement ses presque quatre décennies de présidence du Front national avec leur lot de succès et d’échecs, avec les scissions et les trahisons, les espoirs et les déceptions.
MAIS AUSSI et surtout ce retrait de la vie publique l’a conduit à se rapprocher graduellement du Bon Dieu et à retrouver la foi de son enfance qu’il n’avait pas complètement perdue mais qui était enfouie quelque part dans les tréfonds de sa conscience. C’est ainsi que, le 16 janvier 2021, dix ans jour pour jour après avoir quitté la présidence du Front national, il épousa religieusement Jany. Son épouse abjura même le protestantisme juste avant la cérémonie. C’est l’abbé Philippe Laguérie, l’ancien prieur de Saint-Nicolas, que Le Pen connaissait et appréciait, qui les maria. Et surtout, le 14 novembre 2024, alors qu’il est alité à la clinique du Val d’Or à Saint-Cloud et qu’il est tellement affaibli qu’il semble n’en avoir plus que pour quelques jours, Jean-Marie Le Pen se confesse auprès du même abbé, est extrémisé, communie et reçoit la bénédiction in articulo mortis à l’issue de laquelle, de sa propre initiative, il trouve encore la force de chanter de tout son cœur le cantique marial commençant par ces mots : « O Marie, ô mère chérie, Garde au cœur des Français la foi des anciens jours. Catholique et Français toujours ».
Même s’il faisait célébrer chaque année aux BBR une messe traditionnelle, latine et grégorienne selon le rite romain de saint Pie V et qu’il chantait le commun à gorge déployée, du Kyrie à l’Agnus Dei, le Menhir n’avait pas communié depuis 80 ans, depuis son adolescence bretonne, depuis qu’un prêtre, très mal inspiré, en 1944, alors qu’il avait à peine seize ans, lui avait fait croire pour se débarrasser de lui — car il était très indiscipliné — que sa mère était morte. En pleurs, fou de douleur, le jeune Le Pen avait alors pris son vélo, parcouru à toute vitesse plusieurs dizaines de kilomètres et en rentrant à la maison avait trouvé sa mère vivante et en bonne santé. Comment un homme de Dieu a-t-il pu agir ainsi, et ce d’autant plus que le Menhir avait déjà perdu deux ans plus tôt son père dont il avait même dû, à 14 ans, reconnaître le corps ? Cet odieux mensonge de la part d’un ecclésiastique l’avait tellement révolté, scandalisé — il a toujours eu un caractère entier — qu’il s’était éloigné de la pratique religieuse tout en croyant toujours en Dieu (il faisait dire des messes de requiem pour les défunts) et tout en gardant un profond respect pour le Saint Sacrement (dont il ne s’approchait pas, se sachant pécheur) et la Sainte Vierge. N’oublions pas que le culte de Marie et de sa mère, sainte Anne, était très profond en Bretagne lorsque Le Pen était jeune. Il a assisté, enfant, aux Pardons de Sainte-Anne-d’Auray. Mais depuis, tant dans sa vie privée que dans quelques-unes de ses déclarations publiques, tout n’était pas conforme à l’Evangile et au catéchisme de son enfance.
Alors le Bon Dieu aura frappé, toqué à la porte de son cœur pendant 80 ans, sans se décourager. Et c’est lorsque le Menhir est devenu âgé et malade, qu’il avait de surcroît le cœur déchiré par la trahison de sa fille (de proches amis l’ont même vu pleurer) que le Christ s’est fait entendre tant il est vrai que, comme l’enseigne le psalmiste (psaume 50), Dieu se complaît dans les cœurs brisés et broyés, là où l’orgueil s’est éteint. « Il faut beaucoup d’humiliations pour un peu d’humilité » disait la voyante de Lourdes, sainte Bernadette. Le Pen était une personnalité impétueuse et impérieuse, au courage physique impressionnant, à l’énergie indomptable, à la force herculéenne (lors d’une soirée de la Corpo de droit, alors jeune étudiant, il avait réussi tout seul à dessouder un radiateur en fonte !) C’est dans sa fragilité, dans sa faiblesse, dans son isolement du cœur que le Bon Dieu l’attendait, au crépuscule de sa vie, pour lui administrer le viatique et le conduire, espérons-le, à la patrie céleste, lui qui a servi si longtemps, si entièrement, si passionnément, si fougueusement, si amoureusement, sa patrie terrestre, de ses engagements militaires de jeunesse jusqu’à l’achèvement de sa vie publique.
POUR Le Pen le combat est terminé. Il est entré dans son éternité. Le marin est enfin arrivé au port. Prions pour qu’il repose en paix. Dans le face à face et le cœur à cœur de la vision béatifique. Dans ce Ciel où il retrouvera tous les saints qui ont fait la France, de saint Martin et son manteau jusqu’à sainte Jeanne d’Arc et son étendard qu’il vénérait tant et dont il collectionnait les statues, de sainte Marguerite, la vierge de Paray, à sainte Thérèse, la vierge de Lisieux. Sans oublier le grand saint Louis, le modèle du roi chrétien. Tous les héros, les soldats, les laboureurs qui se sont battus, souvent avec le Sacré-Cœur sur la poitrine, pour que France continue. Oui, qu’il repose en paix. Dans ce lieu de joie indicible où il n’entendra pas les vociférations de ceux qui se réjouissent de son trépas, où il n’y a ni CRIF ni LICRA, ni BNVCA, ni mensonge ni trahison, ni maladie ni perfidie, ni souffrance ni ignorance, ni langueur ni lassitude, où tout est quiétude, plénitude et béatitude. Quel symbole que Le Pen soit entré dans son agonie le jour même de l’Epiphanie, lorsque le Verbe fait homme se manifeste aux nations païennes, où l’Invisible se fait visible, où l’humanité tressaille d’espérance et d’allégresse car un Sauveur lui ouvre le Ciel ! Un Dieu qui se cache sous les traits d’un enfant enveloppé de langes et qui, dans sa grandeur rapetissée, dans son immensité dissimulée, dans son infinité restreinte à un petit espace, du berceau jusqu’à notre dernier souffle, n’a de cesse de nous tendre les bras et de nous attirer à Lui.
Oui, pour Le Pen, le combat est terminé. Mais pour nous il n’est pas encore achevé. Et il se fait même de plus en plus difficile. La confirmation de la dissolution de Civitas par le Conseil d’Etat, le 30 décembre 2024, et les attendus de la plus haute juridiction administrative (RIV. du 8 janvier 2025) sont fort inquiétants pour l’avenir. Tout ce qui s’oppose de près ou de loin à la révolution arc-en-ciel peut désormais être dissous, interdit, piétiné, supprimé. D’un trait de plume. Par un simple décret. Qu’il s’agisse d’une école, d’une publication, d’une association, d’un parti, d’un groupement, d’une congrégation. Les ténèbres risquent donc de se faire encore plus épaisses. Mais qu’importe, tout est grâce. Le Pen n’a rien lâché, rien cédé jusqu’au bout. Imitons-le dans sa persévérance, une magnifique disposition d’esprit qui était aussi le nom du bateau de son père, Jean Le Pen, mort en mer prématurément, ayant sauté sur une mine en 1942. Ces océans sur lesquels le Menhir a lui-même tant navigué pendant sa vie, admirant la Création, contemplant le soleil, la lune et les étoiles, le bruit des vagues et du vent, le chant des oiseaux, le charme des embruns, la beauté d’un ciel étoilé et partageant cet ineffable sentiment de liberté des marins fixant l’horizon et confiant, pleins d’abandon, leur destinée et leur embarcation à Marie, la Belle Dame que l’on appelle l’Etoile de la mer.
Soyons-en persuadés : rien ne peut se produire ici-bas sans que la Providence le veuille ou le permette. Alors n’ayons pas peur, séchons nos pleurs, retournons au labeur. L’amour fervent, l’esprit ardent, le cœur brûlant. […]
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Source : Éditorial de Rivarol