Vendredi et samedi, la République du Tadjikistan, ancienne république soviétique au cœur de l’Asie centrale, a été le théâtre de violents affrontements. Ils ont fait 22 morts selon un bilan diffusé par les autorités, huit membres des forces de sécurité et treize hommes présentés comme des islamistes.
Les faits se sont déroulés dans la zone de Douchanbé, la capitale. Des combats se sont produits dans un premier temps devant le siège du ministère de la Défense. D’autres affrontements se sont déroulés ensuite autour d’un poste de police à Vadhat, à une dizaine de kilomètres plus à l’est. D’autres incidents se sont meurtriers se sont également produits samedi, lorsque les forces de sécurité ont tenté de procéder à des arrestations.
Selon la version officielle des autorités, diffusée par le ministre de l’Intérieur, le vice-ministre de la Défense Aduhalim Nazarzoda, membre d’un parti islamiste, s’est rapproché de l’État islamique (ÉI) et aurait tenté une action pour déstabiliser le pays. Actuellement en fuite, les autorités affirment avoir découvert une cache d’armes à son appartement. C’est lui, secondé par trois officiers de haut rang, qui aurait dirigé les assaillants lors des affrontements contre les bâtiments gouvernementaux. Les autorités ont annoncé 32 arrestations depuis ; Aduhalim Nazarzoda aurait réussi à s’enfuir avec plusieurs autres rebelles. Ils auraient réussi à emporter avec eux d’importants stocks d’armes et de munitions, dont une partie aurait été récupérée lors des opérations de ratissage menées depuis.
Les faits interviennent dans un contexte de tensions communautaires renaissantes dans ce pays qui a connu une longue et meurtrière (environ 100 000 morts) guerre civile durant les années 1990, et où les difficultés économiques favorisent la diffusion des thèses islamistes. Le vice-ministre de la Défense est membre du Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan (NIT, Nahzati Islomi Tojikiston), interdit la semaine dernière par le ministre de l’Intérieur, à cause de liens supposés avec l’ÉI.
Selon les autorités, environ 600 Tadjiks ont rejoint les rangs de l’entité islamiste, dont le colonel Goulmourod Khalimov, ancien commandant des forces spéciales tadjikes qui a réalisé une vidéo au printemps dernier annonçant son ralliement au groupe nihiliste et menaçant le Tadjikistan.
Le pays avait sombré dans la guerre civile après l’effondrement du communisme ; islamistes, démocrates, pro-communistes s’étaient affrontés sur des critères religieux, politiques et territoriaux. Les différents partis étaient arrivés à un accord en 1997 qui avait, jusqu’ici, garanti la paix.
Le NIT est issu de l’Opposition tadjike unie (OTU), qui regroupait alors des partis patriotiques, démocrates et islamistes contre les cadres du régime communiste voulant conserver le pouvoir. L’OTU, dont Aduhalim Nazarzoda, combattait alors les autorités communistes, dont est issu le président actuel, Emomali Rahmon – il s’appelait alors Imomali Rakhmonov, mais a fait changer son nom durant les années 2000 pour bannir les pratiques issues de l’ère soviétique de la russification des noms en demandant à ses compatriotes de le suivre pour revenir aux sources de leur héritage –, apparatchik de la République soviétique socialiste tadjike comme nombre de membres du Parti populaire démocrate tadjik (Hizbi Khalqī-Demokratī Tojikiston).