Une interview de Rachel Johnson, la sœur de Boris Johnson, parue sur le Spiegel on line (version anglaise) en 2013. À l’époque, Boris n’était que maire de Londres, depuis, il est devenu Premier ministre et sa sœur a dû trouver d’autres moyens d’attirer l’attention en montrant ses seins dans les médias. Le sujet de l’interview reste très sulfureux, mais ce que cet entretien nous apprend de la famille de Boris l’est peut-être plus encore. En découvrant son ascendance, on comprend mieux son ascension linéaire et pourquoi il est la coqueluche des médias, c’est a priori un bon point pour ceux qui soutiennent le Brexit, malheureusement, c’est aussi la même raison qui fait qu’on peut s’attendre à tout moment à une spectaculaire volte-face et à un hard no Brexit.
« Ça a été l’expérience de notre vie »
Dans les années 30, il était de bon ton dans les familles de la bourgeoisie anglaise, d’envoyer les filles terminer leurs études dans l’Allemagne nationale-socialiste. Rachel Johnson, la sœur du maire de Londres, a recueilli le témoignage de plusieurs d’entre elles et en a tiré la trame d’un roman récemment publié. Elle raconte au SPIEGEL ONLINE l’enthousiasme de la Grande-Bretagne pour le Reich d’Hitler.
En février 1936, Daphné et Betsy, deux étudiantes d’Oxford, découvrent les charmes du Munich de l’Allemagne nazie. C’est cette histoire singulière de deux jeunes anglaises dans le Reich d’Hitler que Rachel Johnson, 47 ans, raconte dans son ouvrage de fiction « jeux d’hiver ». La presse anglaise a couvert d’éloges ce livre pour son caractère à la fois distrayant et historiquement exact. Rachel Johnson, qui n’est autre que la sœur du maire de Londres, Boris Johnson, n’a découvert que récemment que sa propre famille avait des liens étroits avec l’Allemagne nazie.
SPIEGEL ONLINE : Madame Johnson, comment avez-vous appris que des membres de votre famille se trouvaient en Bavière dans les années trente ?
Johnson : Il y a deux ans, la BBC a réalisé une émission sur mon frère Boris et sur l’histoire de notre famille. On nous avait toujours dit que notre grand-mère paternelle était française mais il s’est avéré que c’était une allemande dont le nom de jeune fille était von Pfeffel. En tant qu’étudiante, ma grand-mère maternelle est allée en Bavière dans les années trente. Plus tard, quand je me suis marié, j’ai découvert que ma belle-mère s’était aussi rendue à Munich à peu près à la même époque.
SPIEGEL ONLINE : Une étrange coïncidence.
Johnson : Le plus étrange, c’est que ma belle-mère est partie d’Angleterre pour Munich en avril 1938, alors qu’Hitler se préparait déjà à envahir la Tchécoslovaquie et la Pologne. Elle a assisté à l’annexion de l’Autriche et elle a même couru derrière la voiture d’Hitler.
SPIEGEL ONLINE : Comment vous est venue l’idée d’aborder ce passé dans un roman ?
Johnson : J’ai fait un petit documentaire pour la radio sur la colonie anglaise dans l’Allemagne d’avant-guerre, mais il n’y avait pas assez de matière pour en faire un livre. Cette histoire de jeunes Anglaises en Bavière était pourtant fascinante, alors j’ai pensé les faire parler sous forme de roman. Ces filles se trouvaient-là juste avant que la guerre n’éclate et parfois elles étaient même proches du gouvernement, tournant autour d’Hitler et de Hess. Envoyer vos filles en voyage de fin d’études en Allemagne était très bien vu.
SPIEGEL ONLINE : Pourquoi ?
Johnson : À l’époque, l’Allemagne était sans doute notre plus proche partenaire européen. Et n’oubliez pas que George V n’a changé son nom de famille de « Saxe-Coburg and Gotha » en « Windsor » qu’en 1917 durant la Première Guerre mondiale. Dans l’entre-deux-guerres Il y avait toujours des liens d’amitié entre la noblesse des deux pays. Deux journaux s’étaient spécialisés sur les relations anglo-allemandes et faisaient des articles pour dire à quel point l’Allemagne était merveilleuse, ses paysages splendides, et Hitler exceptionnel. Les Anglais trouvaient que l’Allemagne était très propre.
SPIEGEL ONLINE : Où en Allemagne est-ce que les anglaises allaient en général ?
Johnson : Certaines se rendaient à Berlin ou à Dresde mais c’est la Bavière avec ses montagnes, ses châteaux, ses musées et ses brasseries qui attirait le plus. Oberammergau était très réputée en Angleterre. Ma grand-mère maternelle était en Bavière dans les années trente, elle était juive. Elle adorait aller à l’opéra de Munich, faire du ski dans les Alpes, et est par la suite tombée amoureuse d’un moniteur de ski qui venait de Fribourg et qui était membre du Parti national-socialiste : sa famille l’appelait « die Jüdin, » la juive. Leurs relations se sont vite gravement détériorées et elle est rentrés en Angleterre. Au cours de mes recherches, j’ai fait la connaissance d’une douzaine d’Anglaises qui ont séjourné en Allemagne entre 1935 et 1938, la plupart avaient plus de 90 ans au moment où j’ai recueilli leur témoignage.
SPIEGEL ONLINE : Qu’est-ce qu’elles vous ont dit ?
Johnson : Que « cela avait été le meilleur moment de leur vie ». Que cela avait été fantastique pour elles d’être allées en Allemagne pendant le troisième Reich. « C’était le point culminant de ma vie » m’a confié l’une d’entre elles. Pour elles, ça a été une expérience formidable parce que l’atmosphère à l’époque en Angleterre était assez pesante – beaucoup de chômage, une nourriture épouvantable, un temps maussade. En Bavière, elles avaient l’air vivifiant de la montagne, une vie saine, l’opéra, et des Allemands superbes dans leurs uniformes. Elles n’arrivaient pas à y croire : pas de chaperons, pas de parents. Elles en ont bien profité, surtout avec les garçons.
SPIEGEL ONLINE : Qu’est-ce qu’elles pensaient des Allemands ?
Johnson : Elles les adoraient ! Je leur ai demandé si elles étaient amoureuses à l’époque et elles m’ont répondu : « tout le temps et de tout le monde ». En général, elles y passaient six mois, allaient de soirées en soirées et étaient fêtées par tout le monde. Bien sûr, elles n’étaient pas pauvres et en plus le taux de change leur était favorable.
SPIEGEL ONLINE : Est-ce qu’elles avaient conscience des menaces que faisaient peser les nazis ?
Johnson : Elles ne soupçonnaient rien du tout. Si à la piscine elles voyaient un panneau « pas de Juif » elles se demandaient « c’est quoi un Juif ?» elles n’en avaient jamais vu. De toute façon, c’étaient des filles de la bourgeoisie moyenne supérieure, ce qui veut dire que leur père était plus que probablement antisémite. En ce temps-là, l’antisémitisme régnait partout, pas seulement en Allemagne. Chez nous, nous avions aussi notre montée de l’extrême droite avec ses chemises brunes et un Oswald Mosley à la tête de la British Union of Fascists. Ma belle-mère était un bel exemple de l’attitude très pro-allemande de l’aristocratie de l’époque. Le père de ma belle-mère était président de l’Alliance Anglo-Allemande qui s’était donné pour but de rapprocher les deux pays. Il faisait volontiers des discours à la chambre des Lords pour dire qu’Hitler était un type bien.
SPIEGEL ONLINE : Au cours de vos entretiens avec elles, que vous disaient ces femmes à propos d’Hitler
Johnson : Elles n’en disaient rien de bon, mais ça n’affectait en rien le souvenir qu’elles avaient de cette période. Pour elles, c’était une époque enchantée. Elles ont bien pu voir des SS battre le pavé mais l’essentiel, c’est qu’elles se sont bien amusées. « Hitler était merveilleux, le problème c’est qu’il est allé un peu trop loin » m’a dit l’une d’entre elles. D’autres m’ont dit qu’elles ne pouvaient pas croire que ces gens formidables avec lesquels elles avaient passé de si bons moments aient pu être capables de faire des choses pareilles. Il faut se rappeler qu’à l’époque, l’Angleterre était plongée dans un profond marasme et ces filles débarquaient en Allemagne où en apparence tout allait pour le mieux. Elles ne connaissaient pas les agissements du régime, elles ne connaissaient pas les lois de Nuremberg. L’une d’elles m’a quand même parlé de son professeur de musique qui avait soudainement disparu : il était juif et il avait dû fuir. Personne ne voulait se poser de questions, c’était de l’aveuglement volontaire.
SPIEGEL ONLINE : À quel moment est-ce que cela a changé ?
Johnson : Les Anglais ont déclaré la guerre à l’Allemagne en septembre 1939, après l’invasion de la Pologne. La plupart des Britanniques ont dû quitter l’Allemagne durant cet été. La seule à être restée à Munich c’était Unity Mitford, une figure de proue du nazisme anglais, grande admiratrice d’Hitler et qui faisait partie de son cercle rapproché. En quelque sorte, Unity était l’exemple extrême de la fascination et de l’admiration en Angleterre pour Hitler. Ses parents se sont rendus en Allemagne pour essayer de la ramener mais elle a refusé : ils ont dû partir sans elle.
SPIEGEL ONLINE : En dépit de son sujet, « Jeux d’hivers » n’est pas un roman tragique ni même triste. Quelles ont été les réactions ?
Johnson : Il a été assez difficile de faire la promotion d’un tel livre. Pour les gens, il s’agit encore d’un terrain miné. Je l’ai présenté à la semaine du livre juif à Londres, l’assistance était presque exclusivement juive. La question qui revenait le plus c’était : « qu’est-ce qui vous a attiré chez les nazis, Rachel ? »
SPIEGEL ONLINE : Vous êtes allé en voyage d’études à Berchtesgaden, le lieu de villégiature de l’élite nazie. Qu’elle a été votre impression ?
Johnson : J’ai trouvé ça sinistre. En plus, ma visite tombait le jour anniversaire de la naissance d’Hitler. Les gens allumaient des cierges sur le site du Berghof, son ancienne résidence. C’était assez étrange. Les montagnes et le site autour du lac Königsee sont magnifiques mais il est très difficile d’éviter l’histoire, ou, comme disent les employés du syndicat d’initiative sur place, « ce passé dérangeant ».
SPIEGEL ONLINE : Pourquoi les Britanniques sont-ils encore à ce point obsédés par les nazis, Hitler et la Seconde Guerre mondiale ?
Johnson : Bizarre n’est-ce pas ? Je crois qu’on publie en Angleterre plus de livres sur le nazisme que sur n’importe quel autre sujet. Cette époque fait toujours l’objet d’une grande fascination, c’était une période de grands périls pour l’Angleterre, mais aussi une période de grande gloire. J’ai pensé qu’il était important d’essayer de raconter cette tranche de notre passé du point de vue de ces femmes jeunes et quelque peu naïves.
Interview réalisée par : Christoph Scheuermann
Traduction : Francis Goumain
Attention, sous ses airs d’écervelée narcissique, cette Rachel nous dit quelque chose d’assez énorme qui mérite réflexion : elle préfère, un pays à l’atmosphère étouffante parce que plongé dans le marasme économique, où l’alimentation est un problème et où en plus il ne fait pas beau, à un pays dans lequel les gens vivent heureux, fier de leur race, de leur pays, sans chômage, ou le niveau de vie croît gentiment et pour tout le monde tout ça parce que dans le second pays, il y a un écriteau dans une piscine qui dit : « pas de Juifs ». Position courageuse et qui pour une fois ne donne pas dans la facilité, à aucun moment, elle ne suggère que le bonheur des Allemands à l’époque serait factice et contraint par la propagande de Goebbels, non, elle accepte le témoignage de ces jeunes Anglaises qui disent que « c’était génial », c’est juste qu’il y avait cet écriteau. (FG)