La gastronomie, pilier de l’identité nationale
La culture d’un peuple est vaste et multiple. Elle s’exprime à travers la langue, les traditions, les arts, mais aussi à travers un élément plus concret et universel : la gastronomie. Celle-ci n’est pas qu’un simple art culinaire, elle incarne une part de l’âme d’une nation, puisqu’elle touche à un besoin vital de l’homme : se nourrir.
En Europe, nous pouvons nous enorgueillir d’un patrimoine culinaire d’une richesse exceptionnelle. Comme les costumes traditionnels, chaque recette porte la marque d’une terre et d’un peuple. La France, l’Italie, la Belgique, l’Espagne — pour ne citer qu’elles — ont toutes offert au monde des plats devenus emblématiques :
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Le bœuf bourguignon pour la France.
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La pizza pour l’Italie.
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Les moules-frites pour la Belgique.
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Et, plus discrètement mais tout aussi typiques, les « Patatas Bravas » pour l’Espagne.
Ce dernier plat, originaire de Madrid, est peut-être moins connu hors d’Espagne, mais il occupe une place particulière dans le cœur des Madrilènes. La recette est simple : des pommes de terre coupées en cubes irréguliers, frites dans l’huile d’olive, relevées d’ail et d’une sauce épicée. Un mets populaire, apprécié de tous.
Mais derrière cette recette se cache une histoire ignorée — et même dérangeante pour certains. Car son créateur, Joaquín Villegas Riancho, n’était pas seulement un restaurateur, mais aussi un militant de la Falange.
Joaquín Villegas Riancho : l’homme derrière les Patatas Bravas
Né le 16 août 1896 dans une famille modeste de sept garçons, Joaquín Villegas ne reçut qu’une éducation élémentaire, quittant l’école à 12 ans pour aider son père, journalier. Il enchaîna divers métiers — livreur de journaux, apprenti pharmacien, employé dans l’hôtellerie — tout en cultivant une passion ardente pour le sport : alpinisme, cyclisme, ski, athlétisme. Il participa même à la deuxième Vuelta a España et encadra des jeunes dans les Exploradores de España, précurseurs du scoutisme espagnol.
Son tempérament d’organisateur le poussa à unir sport et engagement politique en créant les « Marches de la Jeunesse » et les « Campamentos Volantes ». Membre actif de la Falange et de l’Organización Juvenil Española (OJE), il mit son énergie au service de l’idéal national.
En 1949, il ouvrit à Madrid son restaurant « La Casa de Madrid ». C’est là qu’il mit au point la recette des Patatas Bravas, qui allait devenir un symbole de convivialité madrilène.
Ainsi, comme Julio Ruiz de Alda dans l’aviation, Joaquín Villegas apporta sa pierre à l’édifice de la nation espagnole, mais par un chemin inattendu : celui de la cuisine.

Gastronomie et identité
Dès lors, lorsque vous dégustez des Patatas Bravas, vous pouvez vous rappeler que ce plat est l’œuvre d’un homme animé par un idéal nationaliste. Et, sans parler la bouche pleine, murmurer intérieurement :
Arriba España. Arriba Cocina.
Car la gastronomie, comme la langue, comme l’art, comme la mémoire des héros, appartient à l’identité d’une nation. Elle doit être préservée de la dégénérescence relativiste et des modes éphémères qui mettent sur le même plan la malbouffe mondialisée et les grandes traditions culinaires.
Joaquín Villegas Riancho ? ¡Presente!
Arriba España.
Arriba Cocina.
Qui vive ? France !
Europe, Jeunesse, Révolution.
Jacques Pierrot