La CNIL, Commission nationale de l’informatique et des libertés, vient de rendre son avis sur le projet de loi relatif à la « Sécurité globale » et notamment sur l’utilisation des caméras mobiles et aéroportées.
Vers une société de la surveillance
Comme nous l’avons déjà montré ici, le gouvernement profite de la crise sanitaire pour mettre en place un arsenal de mesures de surveillance, de contrôle et de répression des masses. Pendant que certains se replongent dans les ouvrages (1984) ou films de science-fiction (Minority Report ou Equilibrium), la fiction prend forme sous nos yeux.
Parmi l’arsenal de mesures dites de sécurité, c’est le projet de loi portant sur la « Sécurité globale » qui a suscité le plus de réactions d’oppositions, notamment dans la rue avec la présence très odorante de l’extrême gauche amatrice de cannabis.
La Quadrature du Net, allié de circonstance n’étant pas vraiment de « nos amis » (elle revendique d’ailleurs le soutien financier de l’Open Society Foundations), assure un rôle salutaire de défense des libertés individuelles liées au numérique et écrit au sujet de ce rapport de 12 pages :
L’époque où la CNIL prétendait se faire l’écho des inquiétudes populaires est bien morte et oubliée. Dans un triste spectacle d’équilibriste déserteur, elle parvient à contourner toutes les questions juridiques qui auraient pu remettre en question le projet sécuritaire du gouvernement.
Des réserves, mais pas d’opposition frontale au projet de loi
En introduction de son rapport, la commission note que ce projet de loi « s’inscrit dans un mouvement observé depuis de nombreuses années visant à accroître le recours aux dispositifs vidéo, notamment sur la voie publique et à l’aide de technologies de surveillance de plus en plus performantes ». Cependant, elle relève que l’efficacité de ces dispositifs n’a « jamais été rigoureusement évaluée de façon globale ». Les atteintes aux libertés individuelles provoquées par ces nouveaux outils nécessitent selon la commission que soit mis en place « un dispositif d’évaluation indépendant » devant établir la pertinence et l’efficacité de ceux-ci.
La Commission note également que les nouveaux dispositifs de captations et de traitements d’images induisent des choix de société dont « les conséquences ne sont pas, à moyen ou long terme, parfaitement identifiées à cette heure ».
La CNIL prend ainsi soin de ne surtout rien dire sur la « nécessité absolue » ou le contrôle préalable du déploiement des drones et des caméras-piétons. Et pour cause : ces garanties, exigées tant par la Constitution que le droit européen, sont incompatibles avec le projet du gouvernement et suffiraient à l’invalider.
De même, elle est parfaitement silencieuse sur le fait qu’en pratique les personnes surveillées par drones ou caméras mobiles ne pourront pas en être véritablement informées, comme l’exigent la Constitution et le droit européen. Alors que l’avis de la CNIL relève que l’usage de drone est intrinsèquement dangereux de part leur miniaturisation et leurs capacités techniques, il n’en tire aucune conséquence sur l’information du public. Silence total aussi sur la reconnaissance faciale associée aux caméras-piétons, débat que la CNIL écarte en affirmant qu’elle serait interdite car non explicitement prévue par le texte alors qu’il a tant animé le débat public et que cette possibilité est offerte par d’autres pans de l’arsenal répressif de l’État.
Alors que les drones sont utilisés dans l’illégalité la plus absolue depuis plusieurs années, la CNIL propose qu’ils soient expérimentés avant d’être autorisés définitivement … À ce sujet, rappelons-nous qu’il y a quelques mois, le préfet d’opérette Didier Lallement s’était fait recadrer sèchement par le Conseil d’État pour utilisation illégale et abusive de ses petits jouets volants.
La CNIL, de contre-pouvoir à auxiliaire du pouvoir
En résumé, dans un fabuleux exercice de pilpoul juridique, la CNIL parvient à pointer des manquements et imprécisions majeurs dans le texte sans pour autant remettre le projet de loi en question. En plus d’apporter sa caution au gouvernement, elle compte sur la déontologie, la probité et la bonne volonté des pouvoirs publics pour préciser a posteriori le cadre d’utilisation des nouveaux dispositifs de surveillance. Voilà qui est bien naïf.
La CNIL qui prétend avoir depuis de nombreuses années « mis en lumière – voire alerté – sur les questions particulières en matière de vie privée soulevées par l’usage des drones, des caméras embarquées sur des véhicules ou des personnes » a en réalité accompagné plus ou moins docilement l’utilisation illégale de ces dispositifs.
La commission semble avoir démissionné de son rôle historique de contre-pouvoir. Elle est passée d’un rôle de protection des citoyens contre l’arbitraire à celui de conseiller d’un pouvoir souhaitant renforcer ses capacités de surveillance. D’ailleurs, l’enjeu pour le pouvoir n’est pas véritablement la sécurité des biens et des personnes mais bien la sécurité des institutions et des bandits qui occupent les places.
Pouvons-nous agir concrètement contre la surveillance de masse ?
Malheureusement, en attendant une hypothétique prise de pouvoir ou l’effondrement du système, nos moyens d’actions sont sensiblement limités. De plus, la phase de développement exponentiel des outils numériques et informatiques (4e révolution industrielle ou Industrie 4.0), semble conduire inévitablement à une société de la surveillance (cf. Chine et Corée du Sud).
Au-delà de l’information de nos proches et de nos concitoyens, ou de la contestation dans la rue, nous pouvons déjà agir aux niveaux individuel et collectif. L’artifice qui consisterait à revêtir une combinaison intégrale et un masque de Dark Vador pour échapper à la reconnaissance faciale, bien qu’amusant à plus d’un titre, n’apparaît pas être une solution d’avenir. D’ailleurs, le port quasi généralisé du masque, dû à la tyrannie sanitaire, a permis le développement de nouveaux algorithmes permettant d’identifier tous les nouveaux Zorro.
Pour en revenir aux différentes pistes de résistance active, commençons par exemple par ne pas donner volontairement un nombre incalculable d’informations, notamment par l’utilisation des réseaux faussement sociaux. Utilisons les avec parcimonie et pour ce qu’ils sont, des outils.
D’ailleurs, sachez qu’il existe un droit à l’oubli qui permet en théorie d’obtenir le déréférencement et la suppression des données personnelles accessibles en lignes et contenues dans des fichiers clients par exemple. Les fichiers clients sont d’ailleurs des mines d’or d’information pour les grands groupes qui n’ont aucun scrupule à vendre vos données personnelles. Nous ne pouvons que vous inviter à limiter la souscription aux divers plans de fidélité proposées par les magasins en touts genres. Concernant le traçage des flux monétaires, l’utilisation de l’argent liquide en lieu et place de la carte bancaire est également un bon réflexe à avoir.
Enfin, je ne vous inviterai pas à pratiquer une activité illégale très prisée dans les enclaves étrangères, le tir aux caméras. Idem pour ses variantes qui concernent les appareils photo géants qui jonchent les bords des routes.
N’oubliez pas d’éteindre le télécran en sortant.
Oscar Walter