La guerre d’Indochine fait rage depuis 1946. Dans ce conflit, la France, implantée en Cochinchine depuis 1862, ne défend pas seulement ses intérêts coloniaux. Son adversaire le Viet Minh, qui est soutenu par l’Urss et la Chine de Mao, menace de faire basculer le Vietnam, mais aussi, par le truchement de ses alliés, le Laos et le Cambodge, c’est-à-dire toute l’Indochine, dans le camp de l’internationale communiste. Raison pour laquelle les États-Unis, impliqués au même moment dans la guerre de Corée, ont fini par apporter leur soutien substantiel, mais sourcilleux, à l’effort de guerre français.
Mais en France la guerre d’Indochine divise les esprits. Les frêles majorités au pouvoir menacent d’éclater, et les gouvernements qui se succèdent sont incapables de fixer durablement un cap. Nommé commandant en chef en Indochine en mai 1953, le général Navarre est finalement chargé par le pouvoir civil de trouver une « sortie honorable » en Indochine. On discutera encore longtemps de la stratégie alors adoptée. Navarre décide de concentrer ses forces, à partir de novembre 1953, dans la plaine de Diên Biên Phu, aux confins du Laos qu’il s’agit de défendre, et ce afin d’y attirer les divisions ennemies et d’y soutenir victorieusement contre elles un siège qui les laminerait décisivement.
C’est ainsi que 14 000 soldats français et vietnamiens vont se retrouver progressivement enserrés à Dien Bien Phu par les forces Viet Minh – 80 000 hommes –, commandées par le redoutable Giap, qui lance le premier assaut le 13 mars. S’ensuivent près de deux mois de combats furieux au cours desquels les assiégés, derrière le colonel de Castries et le commandant Bigeard, vont rivaliser d’héroïsme, tenant en haleine une métropole soudainement prise de passion pour cette guerre lointaine, mais succomber sous le nombre d’un adversaire sous-estimé par le haut-commandement, alors même que le gouvernement, qui menace d’être renversé, entame les négociations de paix à Genève.
Le 7 mai, le camp retranché tombe entre les mains de l’ennemi. Pour les 11 721 survivants prisonniers d’un adversaire implacable, c’est le commencement d’un terrible calvaire : celui de la captivité dans l’archipel des camps de la mort du Viet Minh. Seuls 3 290 d’entre eux survivront.
Diên Biên Phu scelle tout à la fois la fin de l’Indochine française, la mainmise du Viet Minh sur le Tonkin, la partition du Vietnam, à l’issue de la conférence de Genève, et l’engagement américain dans un nouveau conflit qui se dessine, ainsi que le destin de l’empire colonial français et de l’Algérie, bientôt secouée par les attentats du FLN.
Reste l’immortel héroïsme de soldats résolus, sacrifiés par un pouvoir frappé d’impuissance, et qui ont su renouveler la geste de leurs aînés de Saumur, de Verdun ou de Camerone.
Source : Devoir de mémoire (1954-2024). Large choix de livres sur l’Indochine sur Chiré
Dialogue radio intégral et inexpurgé entre le général Cogny, à Hanoï, et le général de Castries, à Điện Biên Phủ le 7 mai 1954. Enregistrement réalisé à l’époque par le grand reporter Yves Desjaques.
Question du général Cogny : « Quels sont les moyens dont vous disposez encore ? »
– Le 6′ B.P.C., le 11/1 R.C.R et ce qui restait du R.TA.
– Oui.
– En tout cas, il n’y a plus qu’à mettre une croix dessus.
– Oui.
– N’est-ce pas ? Euh… Il reste actuellement mais très amoindrie, naturellement, car on a pris, on a fait des ponctions sur tout ce qu’il y avait sur la façade ouest pour essayer de caler à l’est…
– Oui.
– … Il reste à peu près deux compagnies de chacun, deux compagnies pour les deux BEP réunis.
– Oui.
– Trois compagnies du RTM, mais qui ne valent plus rien du tout, n’est-ce-pas, absolument rien, qui sont effondrées.
– Oui.
– Deux compagnies du 8è choc.
– Oui.
– Trois compagnies du BT 2, mais c’est normal car c’est toujours, c’est le RTIVI et le BT 2 auxquels il reste le plus de monde parce que ce sont ceux qui ne se battent plus.
– Bien sûr
– N’est-ce-pas ? Et au 1/2, au 1/2 R.E.I., il reste à peu près deux compagnies au 1113. C’est, ce sont des compagnies de 70 ou de 80 (hommes).
– Oui. Je comprends bien.
– Voilà !… Alors, nous nous défendons pied à pied.
– Oui.
– Nous nous défendons pied à pied et j’estime, j’estime que le maximum de nos possibilités… (parasites)… sur la Nam Youm…
– Allô… Allô…
– Allô, vous m’entendez mon général ?
– … que le maximum de vos possibilités ?
– …c’est d’arrêter l’ennemi sur la Nam Youm.
– N’est-ce-pas ?
– Oui.
– Et encore faut-il que nous tenions la rive est, sans cela nous n’aurons plus d’eau.
– Oui, bien sûr
– N’est-ce-pas ? Alors, quoi, je vous propose d’essayer, je vais essayer de réussir ça, et n’est-ce pas, je viens de prendre, de voir Langlais, nous sommes d’accord là-dessus. Et puis, mon Dieu, eh bien, j’essaierai, j’essaierai à la faveur des circonstances, de faire filer le maximum de moyens vers le sud.
– Bien, entendu. Ce serait de nuit, probablement ?
– Comment ?
– De nuit ?
– Oui, mon général, de nuit, bien sûr.
– C’est ça, oui.
– Et je…. J’ai besoin de votre accord pour le faire.
– D’accord, mon vieux.
– Vous me donnez cet accord ?
– Je vous donne cet accord.
– Enfin, moi… je tiendrai… je tâcherai de tenir le plus longtemps possible, avec ce qui restera. Mon général ?
– Oui, d’accord, mon vieux.
– Voilà…
– Est-ce qu’au point de vue munitions, est-ce que vous… Il y a des choses à récupérer ?
– Des munitions ? C’est plus grave, nous n’en avons pas…
– Il n’y a pas des choses que…
– Nous n’en avons pas, n’est-ce-pas ? Il y a bien encore quelques munitions de 105, mais (…) elles ne servent à rien ici…
– Oui.
– … pour le moment. Et les munitions, les munitions de 120…
– Oui.
-…j’en ai, je dois avoir encore 100 150 coups
– Oui.
– Et qui sont un peu partout, n’est-ce-pas ?
– Oui, bien sûr.
– Qui sont un peu partout. On ne peut pas… Qu’il est pratiquement impossible de ramasser. Évidement plus on en enverra mieux ça vaudra, n’est-ce pas ?
– Oui.
– Aussi, nous tiendrons, nous tiendrons le plus longtemps possible.
– Je pense que le mieux c’est que l’aviation fasse un gros effort d’appui de feu aujourd’hui pour tacher que le Viet s’arrête, arrête son effort.
– Eh oui, mon général.
– Et puis, alors il ne faut pas que l’aviation arrête, n’est-ce pas ? Sans arrêt, sans arrêt, sans arrêt. Oui, alors le Viet n’est-ce-pas, je vous donne la physionomie.
– Oui
– Le Viet a engagé, à l’est, tout ce qui lui restait de disponible.
– Oui.
– Y compris deux régiments de la 308.
– Ah bon ? Oui.
– N’est-ce-pas ? Il n’y a, il doit n’y avoir actuellement sur la face ouest…
– Oui.
– Que le régiment 36.
-36, je crois. Oui.
– N’est-ce-pas que le régiment 36, le régiment 102…
– allô, allô… allô, allô…
-ce-que vous m’entendez ?
– Et pour le régiment 102, vous disiez ?
– Oui, mon général.
– Le régiment 102 ?
– C’est qu’ils ont engagé sur la façade est…
-Oui.
– Le régiment 102 et le régiment 88.
– N’est-ce-pas ? Plus ce qui, ce qu’ils avaient de la 312.
– C’est ça. Oui.
– …Et la 316 actuellement.
– Oui
– N’est-ce-pas ?
– Ils ont mis tout le paquet sur la face est.
– Mais vous le voyez, comme je le prévoyais, la 308, je crois l’avoir dit, m’échappe, n’est-ce-pas, comme toujours.
– Bon. Alors, le repli vers le sud ? Comment voyez-vous cela ? C’est sur Isabelle ou bien éclatement ?
– Eh bien, mon général, de toute façon, de toute façon il faut… Qu’ils dépassent Isabelle vers le sud n’est-ce-pas ?
– Oui c’est ça.
– Mais je donnerai l’ordre, je donnerai l’ordre à Isabelle aussi d’essayer, d’essayer de se dégager, s’ils peuvent.
– Oui, entendu. Alors tenez-moi au courant pour qu’on puisse vous aider au maximum par l’aviation pour cette affaire-là.
-Oh, mais bien sûr, mon général.
– Voilà, mon vieux.
– Et puis mon Dieu, je garderai ici ben… les unités qui n’en veulent pas.
– C’est ça, oui.
– Euh… les comment dirai-je, évidemment, les blessés, mais dont beaucoup sont déjà aux mains de l’ennemi, parce qu’il y en avait dans les points d’appui, Eliane 4 et que… et Eliane 10, des blessés…
– Bien sûr, oui.
– N’est-ce-pas ? Et puis, je garde tout ça sous mon commandement.
– Oui, mon vieux.
– Voilà.
– Au revoir, mon vieux.
– Je peux encore vous retéléphoner avant.., avant la fin.
– Allez, au revoir, mon vieux Castries.
– Au revoir, Mon Général.
– Au revoir, mon vieux.
Vers 17 heures, le général de Castries a exposé longuement au général Cogny qu’il était submergé.
Bodet : – allô. Attendez une seconde, je vous passe le général Cogny.
– Allô… allô.., allô.
Bodet : – allô ? Je vous passe le général Cogny.
– Oui, mon général. Au revoir mon général.
Bodet : – au revoir, mon vieux. Et tous mes vœux vous accompagnent. Allez, c’est très bien.
Cogny. : – allô, allô, Castries ?… allô Castries ?
– Mon général ?
– Dites-moi, mon vieux, il faut finir maintenant, bien sûr. Mais, tout ce qu’il y a de sûr, tout ce que vous avez fait est magnifique jusqu’à présent…
Le général Cogny ajoute une phrase qui a été coupée :
– Il ne faut surtout pas l’abîmer en hissant le drapeau blanc. Vous êtes submergé, mais pas de reddition, pas de drapeau blanc. »
– … Ah bien, mon général, seulement je voulais préserver les blessés.
– Oui, je sais bien. Alors faites-le, au mieux, en laissant vos (…) agir d’elles-mêmes (…). Ce que vous avez fait est trop beau pour qu’on fasse ça. Vous comprenez, mon vieux.
– Bien, mon général.
– Allez, au revoir, mon vieux, à bientôt.
Il y a 69 ans jour pour jour à Dien Bien Phu, nos soldats combattaient avec honneur.
Voici un de ces hommes : Maurice Courdesses, né en 1923, est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale. A Diên Biên Phu, il sera blessé à la main puis au cou. Le 7 mai 1954, il est capturé avec plus de 10 000 de ces compagnons, 7 000 ne reviendront jamais.
Souvenons-nous de nos anciens combattants d’Indochine, ils méritent toute notre admiration, soyons fier de ces héros.
Beaucoup de ces héros sont trop dans l’ombre dans notre pays, beaucoup partent dans le silence.
Notre mission nous souvenir d’eux pour toujours et transmettre leurs sacrifices.
Nous devons rendre hommage à ces soldats légendaires. Ils représentent la grandeur de la France.
Alain G.
Vidéo en Une : Extrait (final) du film « Dien Bien Phu » de Pierre Schoendoerffer, 1992.
Merci d’avoir rappelé tout cela; à diffuser aux jeunes français de souche qui ne savent rien de ces sacrifices ,car ils subissent un autre « massacre » dans l’enseignement de l’histoire par la déséducation nationale …Un ancien prof d’Histoire-Géo qui a fait ce qu’il a pu ,et avait montré le film très bien fait de P.Schöendoerffer !