Ougledar est sur le point de tomber, elle est prise en tenaille et un assaut direct a commencé. Il n’est pas possible de donner un délai précis pour sa chute, dans cette guerre, tout se passe à l’allure d’un escargot rhumatisant et dépressif, néanmoins, depuis le 5 septembre, nous savions que Pokrovsk n’était pas l’objectif prioritaire, mais que c’était Ougledar.
Nous avions observé que l’armée russe n’avançait plus du tout vers l’ouest, c’est-à-dire vers Pokrovks, mais avait obliqué vers le sud pour tomber dans le dos des derniers assiégeants de Donetsk, objectif, levée définitive du siège de Donetsk, nous avions résumé nos observations à la demande d’un correspondant dans un article paru le 11 septembre (« Vers la levée du siège de Donetsk : signal de la débâcle des armées de Kiev ?») et dans lequel il était indiqué qu’Ougledar tomberait avant Pokrovsk.
Oublions Pokrovsk pour le moment, elle était la plaque logistique pour le Donbass, mais elle ne peut plus jouer ce rôle, les Russes s’en sont suffisamment approchés pour en couper toutes les routes qui les gênent, d’autre part, étant donné que tout le Donbass à l’est de Pokrovsk est en voie de libération, la ville n’a de toute façon plus rien à desservir. Elle risque de rejouer un rôle important, non plus en tant que centre logistique, mais en tant que verrou vers le Dniepr. Cela dit, ce n’est pas à l’ordre du jour, ni techniquement, ni politiquement, si la ville est au contact d’ici fin octobre – ce que nous prévoyons depuis début août – il ne faudra pas se plaindre, et ensuite, il faudra la prendre.
Importance de la chute d’Ougledar
Pour autant, Ougledar n’est pas un lot de consolation, nous considérons au contraire que sa chute était l’objectif le plus important et le plus attendu de tout le front en Ukraine.
- C’est le dernier nom dont nous entendions parler depuis le début de la guerre, sa chute enlèvera l’impression pénible et démoralisante de «sur place» donné par l’armée russe. À partir de maintenant, toute nouvelle avancée pourra être considérée comme une conquête et non comme un rétablissement de la situation.
- Sa chute signe la levée du siège de Donetsk, après plus de 900 jours de guerre, pour mémoire, le siège de Leningrad avait duré 872 jours! De ce fait (il faut quand même que Toretsk au nord tombe aussi) la ville de Donetsk va, elle aussi, changer de polarité: de ville assiégée, à portée de l’artillerie de l’OTAN, elle va enfin pouvoir jouer son rôle de capitale régionale et servir de plaque tournante logistique en vue d’une éventuelle offensive russe sur le Dniepr. Un changement de polarité similaire à celui de Pokrovsk, mais en sens inverse, pour Donetsk, c’est dans le sens positif, pour Pokrovsk dans le sens négatif.
- Ougledar était le point d’appui le plus avancé d’où pouvait partir une offensive ukrainienne pour couper l’armée russe en deux : Ougledar est à 100 km de Marioupol, c’est-à-dire à 100 km de la Mer d’Azov. Les Russes ne pouvaient pas poursuivre vers l’ouest en laissant une telle hypothèque dans leur dos.
Questions liées à la chute d’Ougledar
Ce qui précède ne donne qu’une idée approximative de l’importance de la chute d’Ougledar, en voici d’autres qui laissent entendre que les enjeux autour d’Ougledar étaient sans doute encore plus essentiels et profonds :
- Pourquoi Ougledar a mis si longtemps à tomber alors que la ville était au contact des Russes depuis le début de la guerre, par le sud, et que d’Ougledar, on pouvait ensuite remonter vers le nord, vers Donetsk, et prendre les assiégeants dans le dos, par exemple à Marinka (qui du coup, en l’absence d’attaque de revers, n’est tombée que le 26 décembre 2023). On peut songer à un avantage géographique, Ougledar était peut-être un promontoire, accentué par des fortifications et des observatoires, un peu à l’image de la Caverne des Dragons, sur le Chemin des Dames, position tenue par les Allemands pendant quasiment toute la guerre de 14.
- Pourquoi justement la ville était-elle imprenable par le sud alors qu’on se serait attendu à ce que le système défensif soit plutôt orienté au nord, vers Donetsk ? Peut-être parce que la cible réelle de cette place forte était la Crimée, au sud, et non Donetsk, au nord. De plus, c’est dans ce secteur que les Ukrainiens ont le plus attaqué à l’été 2023, justement pour couper le front et l’armée russe en deux.
- Promontoire, fortifications, observatoires, c’est un langage du temps de Vauban. Comment se fait-il que cela marche encore à l’époque des bombes planantes guidées de 3 tonnes (FAB-3000), des bombes thermobariques (une a d’ailleurs effectivement été larguée sur la ville), et des missiles Iskander. En outre, la surface de la ville d’Ougledar semble inférieure au rayon de destruction d’une FAB3000.
- Comment l’assaut a-t-il finalement pu être lancé avec succès, en quoi la ville était-elle mûre pour la chute?
Réponse partielle de Ria Novosti
Nous avons posé les questions à un certain nombre de correspondants, sans succès, mais un article de Ria Novosti du 26 septembre semble exprès conçu pour nous répondre, partiellement en tout cas.
- Sur la question 1 :
Les groupes du Sud et de l’Est se sont sérieusement approchés de Ougledar. Cette ville a été un problème difficile à résoudre pour nous pendant de nombreux mois. Situé sur une colline, depuis ses immeubles de grande hauteur, la région peut être vue à des kilomètres. Les tentatives d’assauts frontaux n’ont abouti à rien. Le maximum que les unités du Corps des Marines ont réussi à atteindre a été de prendre temporairement pied dans la banlieue sud de Pavlovka.
Selon l’officier, les forces armées ukrainiennes disposent de postes d’observation bien équipés dans toute la ville. « Chacun a deux ou quatre personnes. Cinq à sept minutes suffisent pour qu’ils détectent notre matériel. Par conséquent, nous localisons ces postes et les détruisons.
- Sur la question 2 :
Cependant, il est possible que la garnison n’utilise pas le couloir et se batte jusqu’au bout. C’est la seule ville du sud de Donetsk contrôlée par Kiev. Sa libération repoussera l’armée ukrainienne encore plus loin de la capitale de la RPD, tout en réduisant la menace sur Volnovakha et l’autoroute Donetsk-Marioupol.
→ Confirmation du double rôle d’Ougledar, participer au siège de Donetsk, mais surtout, couper l’armée russe en deux par une attaque sur Marioupol.
- Sur la question 4 :
Aujourd’hui, la tactique a changé : la ville est encerclée. Tout d’abord, ils ont coupé l’autoroute Ougledar-Konstantinovka, libérant cette colonie au cours de violents combats. Ensuite, le groupe Pivden s’est rendu maître de Vodiane dans le nord-est et de là, a pu attaquer les mines de charbon de Yuzhnodonbasskaya No 1 et Yuzhnodonbasskaya No 2. L’ennemi en est déjà été presque complètement évincé.
De l’ouest, les combattants du groupe Vostok, qui ont pris Prechistovka, traversé la rivière Kashlagach et avancent sur Bogoyavlenka, tentent de fermer l’anneau. À travers ce village, du côté de Kourakhove et d’Ouspenovka, passe la dernière route, le long de laquelle la garnison de Ougledar peut encore être ravitaillée. Et il est déjà sous le contrôle du feu de l’artillerie russe. Selon les médias ukrainiens, c’est par ce biais que la 72e brigade des forces armées ukrainiennes tentera de quitter la ville.
Les scénarios d’Avdiivka et de Bakhmut se répètent. L’armée russe crée un anneau, prend le contrôle de toutes les routes, mais laisse un couloir étroit. L’ennemi s’en va le long de ce couloir sous les frappes de bombes et de drones, abandonnant les armes et le matériel militaire. Les avantages de cette tactique sont évidents : les Ukrainiens sont plus vulnérables sur leur axe de fuite que retranchés dans les bâtiments à plusieurs étages de Ougledar.
Perspectives immédiates
Avec l’arrivée de la pluie automnale, il ne faut pas s’attendre à des miracles, les Russes vont consolider leurs avancées, les Ukrainiens auront pour l’instant sauvé l’essentiel en évitant l’effondrement du front.
La chute d’Ougledar est déjà actée, la pluie ne sauvera pas la ville, au contraire, les Ukrainiens n’ont plus que des chemins de terre pour tenter de l’approvisionner, ces chemins vont devenir impraticables. Ougledar ne sera plus ravitaillé que pour les corbeaux – si tant est qu’ils aient des drones corbeaux.
Les deux axes en vert sont des chemins de terre qui permettent aux Ukrainiens d’évacuer – encore sont-ils sous le feu de l’armée russe.
Et un correspondant pour les deux photos, que nous remercions chaleureusement.
Enfin une bonne nouvelle, le moyen pour les Russes que les choses aillent ensuite un peu plus vite ?
Mais quand je vois les photos de cette ville, franchement je ne comprends : un petit bled de rien du tout, des maisons encore debout, très peu de cratères dans un paysage intact… Peut-être que les Russes n’avancent… parce qu’il ne se passe rien ?
Cette guerre en Ukraine est en train de devenir une énigme.
D’accord avec vous. On ne voit pas la citadelle imprenable. Une route banale qui longe une petite ville. Les immeubles sont intacts et les impacts de bombes, ont l’air d’être en dehors, de part et d’autre de la route en bas de la photo. Sans être tacticien on ne voit pas comment elle constitue un point stratégique.
« Ougledar, littéralement « don du charbon », est une ville minière de l’oblast de Donetsk, en Ukraine. Sa population s’élevait à 100 habitants en 2023. »
Ougledar étant la principale ville au sud de Donetsk, ce n’est pas une isba perdue, les défenses doivent être fortement enterrées dans les mines.
Et pourtant, malgré une puissante prise en tenaille, un assaut direct, sans compter mes efforts mentaux nuits et jours, la ville résiste …
Si, si, la chute d’Ougledar va faire du bruit dès qu’elle sera annoncée.
Les Russes butent dessus depuis deux ans et demi et il a fallu une prise en tenaille pour la faire tomber, tant de temps et d’efforts, il doit bien y avoir une raison importante.
https://fr.mil.ru/fr/special_operation/news/more.htm?id=12530596@egNews
Rapport fait par le Ministère russe de la défense. On comprend mieux le volume en hommes et matériels que constituent chacune des conquêtes sur l’adversaire. Ce n’est pas Stalingrad. C’est davantage Verdun, tranchée par tranchée; Beyrouth, rue par rue; la RC7 au Vietnam, km par km.
Deux ans et demi pour ce résultat. C’est incompréhensible. Comment la glorieuse armée russe héritière de l’armée bolchévique, créée par Trotsky n’arrive pas à vaincre les nazis ukrainiens ?
A croire que les nationalistes seraient invincibles.
Difficile à comprendre, mais source particulièrement informée et compétente:
https://www.youtube.com/watch?v=30bwdVJc_n8
D’après la vidéo, la porte de sortie, c’est fini.
Maintenant, c’est reddition ou anéantissement.
La garnison enterrée d’Ugledar serait de 1500 hommes.
Les tractations sont en cours, mais comme Zelensky est aux USA pour présenter son « plan de victoire », il n’est pas question que les Ukrainiens se rendent tout de suite.
En regardant la vidéo que vous avez partagée, une chose saute aux yeux : il n’y a aucune manoeuvre sur le terrain, les Russes se contentent de prendre bled après bled, et apparemment sans aucune logique, sans regarder plus loin que le bled voisin.
Vraiment une drôle de façon de faire la guerre, surtout dans un terrain ouvert comme l’Ukraine.
Il y a encore des académies militaires en Russie ?
L’Ukraine est sur le point de perdre Vuhledar
https://ria.ru/20240930/ugledar-1975360052.html
« L’importance de Vuhledar, à la fois militaire et symbolique, ne peut guère être surestimée. D’un point de vue symbolique, c’est l’endroit (l’un des lieux) où les forces armées ukrainiennes ont pu ralentir l’armée russe en 2022, perturbant la libération fulgurante du Donbass. Du côté militaire, il s’agit d’un nœud de défense important reliant deux lignes de structures défensives érigées en 2014-2015 et 2022-2023. Sa perte imminente ne sera pas seulement une gifle pour le commandement ukrainien, mais aussi l’un des tournants de la bataille pour l’agglomération du Donbass avec l’effondrement probable d’une section entière du front. »
« La chute de la forteresse, qui jusqu’à récemment semblait imprenable, se développe si rapidement qu’il n’est pas difficile de se tromper dans les détails de ce qui se passe. Cependant, on peut dire de manière assez fiable que Vuhledar est encerclée sur trois côtés, la route vers Bogoyavlenka, où les unités des forces armées ukrainiennes pourraient se retirer, est sous le feu et le contrôle physique des forces armées russes, et des frappes préventives sont menées sur Bogoyavlenka elle-même (ainsi que sur Novoukrainka, à laquelle, en théorie, mène un réseau de routes de campagne) avec l’aide de Vidéoconférence. L’armée russe tire pleinement parti de l’expérience des batailles pour Bakhmut (Artemovsk) et Avdiivka, détruisant les unités en retraite des forces armées ukrainiennes dans un couloir terrestre prédéterminé, qui deviendra pour elles une fosse commune. »