[Article publié dans le numéro 3156 du 25 septembre 2014 de Rivarol]
Le 30 juillet, présentant son projet de transition énergétique en compagnie de Stéphane Le Foll, celui-ci en sa qualité de ministre de l’Agriculture et de porte-parole du gouvernement, le ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie était interpellé par le magazine en ligne écologique Reporterre sur l’absence dans ce projet de toute référence à la puissance des méthaniseurs installés sur les exploitations. Technique dont Le Foll est un zélé partisan. L’allusion, évidemment, était très claire : se dirige-t-on vers une banalisation, sur le modèle de la ferme des Mille Vaches, d’entreprises industrielles géantes utilisant les animaux comme accessoires dans des programmes de très grande envergure de développement des énergies renouvelables rurales ?
Madame Royal fit cette réponse : « Stéphane Le Foll l’a déjà fait dans la loi sur l’avenir de l’agriculture ; il faut que ce soit bien clair : ce n’est pas notre modèle énergétique ». Soit. Ce n’est donc ni le modèle de la ministre de l’Écologie, ni celui du ministre de l’Agriculture, ni certainement celui du va-t-en-guerre casqué de l’Élysée. Mais c’est en tout cas le modèle qui est en train de se mettre en place dans la Somme sous la protection des gendarmes mobiles. D’ailleurs, l’ancienne concubine de Hollande ne s’en tient pas aux méthaniseurs, c’est l’ensemble de l’usine à lait d’Abbeville qu’elle dénonce : « Les Mille vaches, ce n’est pas notre modèle économique, ni notre modèle écologique, voilà ». D’accord, mais les promoteurs n’en démordent pas : c’est bien ainsi que leur projet continue à être défini : 500 vaches dans un premier temps, puis mille. Ayant remporté la première manche avec brio, ils n’ont aucune raison de penser qu’ils ne remporteront pas la seconde. Stéphane Le Foll, menton tendu du haut de son mètre quatre-vingt-dix, les a largement rassurés lorsqu’il a promis qu’on ne laisserait pas aller au-delà de 500 vaches laitières et 300 génisses. Ainsi face à la socialiste Pompili le ministre s’est livré au Parlement à un numéro d’illusionniste bourré de sophismes et de charlatanerie qui en dit long sur la mystification en cours : « Vous dites que ce projet remet en cause le bien-être animal : c’est pas du tout le sujet. Vous dites que ça met en cause les règles environnementales : c’est pas du tout le sujet. Vous dites que ça peut remettre en cause la santé alimentaire : ce n’est pas le sujet. S’il y a un sujet qui me motive c’est le fait que ce projet soit effectivement un projet industriel et que derrière l’industriel qui investit il n’y ait ni de paysan, ni d’agriculteur, ni d’éleveur. C’est ça l’enjeu et pas les autres sujets. Ce n’est pas un projet de Mille vaches. C’est un projet qui compte 500 vaches ». Et quelle serait d’ailleurs la différence entre les deux ? Tout est dit en ces quelques mots de la politique agricole commune et de la mondialisation. Ce qui tient à cœur à la plupart d’entre nous n’est en effet pas le sujet !
Même les grands résistants de la Confédération paysanne, si souvent ridiculisée par le passé avec son porte-parole José Bové, ont déjà mis les pouces. Et bien qu’ils soient à l’avant-garde du combat contre l’horrible verrue en tôle de Drucat, ils n’entendent pas aller au-delà de 500 vaches. Étant admis qu’ils y consentent, cela donne à réfléchir quand depuis des années ils prétendent se battre pour la survie du paysan et de l’agriculture familiale.
DES CANCÉROPÔLES POUR NOUVELLES CATHÉDRALES
À plusieurs reprises le gouvernement sur intervention du préfet de la Somme et Cécile Duflot, ministre de l’Aménagement du territoire, se livrèrent à de bruyantes gesticulations destinées à montrer à leurs électeurs qu’ils ne reculaient pas face aux agressions à l’environnement et aux conditions de vie des hommes et des animaux. Trop facile ! L’affaire sera rattrapée par l’autorité judiciaire. Le tribunal administratif en effet jugea qu’il n’y avait rien de contestable dans ce projet scandaleux. Les “irrégularités” au permis de construire observées sur les constructions sont « sans incidence ». Salubrité et sécurité publiques ne sont pas menacées. Les juges n’ont que faire de l’opposition unanime des élus locaux et des habitants à l’installation sur 2,5 hectares et 19 000 m2 bétonnés de 500 vaches et 300 veaux. Peu importent les quantités colossales d’effluents, certes traités par méthaniseur, les algues vertes en baie de Somme qui, pour le coup, ne gênent personne, les boues toxiques infestées de métaux lourds dont on se débarrassera dans les champs les plus proches. Non plus que les apports massifs d’antibiotiques, de vaccins et de pesticides obligatoires dès lors qu’il y a surpopulation en milieu confiné. Que dire enfin des norias incessantes de camions et de tracteurs livrant le lait et apportant à un cheptel captif une alimentation dont l’essentiel ne sera pas produit sur place ?
Au demeurant tout cela n’est sans doute que pantomime. Et gesticulations de la part des ministres, de la Confédération paysanne, des Associations écologistes. Il y a longtemps que tous ont renoncé au modèle traditionnel de l’agriculture familiale et naturelle et qu’enseignent dans les lycées et universités agricoles uniquement des ingénieurs agronomes passés par l’INRA et toutes les grandes institutions modernistes, productivistes, bioscientifiques, subventionnées par les laboratoires de la pharmaco- chimie transnationale. Que ceux qui en doutent encore se reportent à l’article ci-dessous traitant brièvement du modèle qui prévaut de plus en plus dans le monde : les usines à UHT où les vaches sont entassées par dizaines de milliers, comme les poules pondeuses ou les truies industrielles.
Le méthaniseur de la ferme des Mille Vaches est prévu pour produire 1,5 mégawatt. Ce qui signifie deux choses. D’abord que le projet concerne autant la production de 8 millions de litres lait/an que celle de l’électricité. Et que ces 500 vaches ne représentent pas le but ultime d’une opération planifiée, organisée et financée pour 1 000. Psychologiquement l’industriel Ramery est vainqueur sur toute la ligne. Il a ouvert une brèche définitive dans l’opposition. La preuve est faite que la Confédération n’est parvenue qu’à rameuter quelques dizaines de manifestants. Surtout elle n’exige plus désormais que l’on ne dépasse pas ce chiffre des 500. Une volte-face indécente, signe d’une fermeté bien émoussée.
Aujourd’hui en France les troupeaux les plus importants ne dépassent pas les 350 vaches. Parmi les sept adhérents au groupement de Drucat un seul atteint les 270 animaux. Or au-delà des 50 par élevage, c’est-à-dire la taille maximum pour assurer une alimentation correcte aux bestiaux, on cesse de produire du lait. Le liquide blanc que l’on livre ne possède pas ses qualités organoleptiques et moins encore ses qualités nutritionnelles. Un liquide tout juste bon à entrer dans la composition de l’ersatz que l’on appelle lait UHT.
Tout ceci n’est que l’aboutissement d’un progressisme maniaque, d’un modernisme scientiste qui a perdu toutes ses références traditionnelles. Dans quelques années des usines à liquide UHT fortes de milliers vaches seront substituées aux dernières fermes familiales, celles qui, avec 200 à 250 laitières, seront trop petites pour supporter la concurrence des prisons animalières. Électroniques. Automatisées. Robotisées. Ravitaillées en eaux chimiquement recomposées et en aliments pharmaco-génétiquement modifiés mais à prix cassés. Du moins est-ce ce qu’on nous dit. En se gardant bien de faire le détail des coûts réels. Destructions écologiques, pollutions inchiffrables, subventions de toutes sortes, et surtout dégâts irréparables dont pâtit la Santé du plus grand nombre. Il était un temps où les villes bâtissaient fièrement leurs cathédrales sur les collines les plus hautes. Depuis le XXe siècle, les centres hospitaliers ont pris leur place. Le XXIe siècle s’ouvre sur l’extension triomphale des cancéropôles qui sont la conséquence irrémédiable de l’intoxication alimentaire globale aggravée par la chimie et le délire hormonal dont se nourrit la société urbanisée contemporaine.
Petrus Agricola.
Très bon article. Il faut que les nationalistes dénoncent ces folies technologistes et inutiles. Il faut parler de Testet et de Notre Dame des Landes pour ne pas laisser les mondialo-gauchistes s’emparer du sujet.
On mangeait mieux en qualité au moyen age qu’aujourd’hui