Sous la pression des militants de Sleeping Giants, Decathlon vient de retirer son budget publicitaire à CNews, car, « l’orientation délétère de CNews ne pouvait plus être ignorée ».
Cet appel au boycott est-il légal? Par exemple, est-ce que les Sleeping Giants pourraient aussi pousser Decathlon à se retirer d’Israël au motif que cette enseigne compte dans ce pays trois magasins contre aucun dans la bande de Gaza ?
La réponse est a priori évidente, l’appel au boycott est forcément légal dans le cas 1 et, encore plus forcément, illégal dans le cas 2. Néanmoins, faisons l’effort de comprendre le droit.
La France est le seul pays – avec Israël – à pénaliser les militants appelant au boycott. Pour Israël, cette interdiction du boycott ne manque pas de sel étant donné que les Juifs ont été à l’origine de la plus puissante campagne de boycott jamais organisée, c’était à partir de 1933 contre tous les produits allemands.
Cet appel n’avait bien entendu pas été condamné par la France à l’époque en dépit de sa loi de 1881 sur la presse qui punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la provocation publique à la discrimination , or, appeler au boycott des produits allemands était clairement une discrimination.
Par la suite, en 1977, a été rajouté au droit pénal français l’article 225-2 qui précise qu’«entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque» est bien une discrimination et cet article visait déjà à contrer l’appel des pays arabes à boycotter Israël.
Toutefois, certains professeurs de droit estiment que si en substance «la loi française interdit le boycott en raison de la race, de la religion ou de la nationalité», elle n’interdit pas un appel au boycott en raison de la politique extérieure ou intérieure d’un pays, ainsi par exemple, un appel au boycott de l’Allemagne nazie n’est pas illégal, pas plus qu’un appel au boycott de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid.
Peut-on donc appeler au boycott des produits israéliens ou des entreprises qui y investissent au motif qu’Israël aurait une politique proche du colonialisme et de l’apartheid vis-à-vis des Palestiniens ? Non, en France, ce n’est pas possible, en février 2010, Alliot-Marie a mis les points sur les « i » par une circulaire qui incite les procureurs à donner «une réponse cohérente et ferme […] aux appels au boycott des produits israéliens» sur le fondement de la provocation publique à la discrimination envers une nation.
D’après cette circulaire, il est clair que même un boycott contre l’Allemagne de 1933 ou l’Afrique du Sud prémandelienne devient illégal, mais cette Allemagne et cette Afrique du Sud n’existent plus, et il faut aujourd’hui sauver le soldat Jacob : ce qu’on appelle une appréciation en fonction du contexte.
Les dés du boycott sont juridiquement pipés en sorte que ce sont toujours les mêmes qui gagnent. Et c’est comme ça que la loi du plus fort est toujours la meilleure.
Francis Goumain
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Ne soyons pas dupes, Decathlon cède à qui il veut bien céder.