Alexandre Soljenitsyne déclarait que l’Occident n’avait pas besoin de goulag puisqu’il avait la pornographie. Pour le goulag sibérien, il donne les noms des architectes : Aaron Solz, Naftali Fränkel, Iakov Rapoport, Matveï Bermann, Lazar Kogan, Guenrikh Iagoda. Mais pour le goulag pornographique, ça ne s’est pas fait tout seul non plus, il a fallu obtenir un permis de construire, faire preuve d’une volonté opiniâtre et inventive, deux noms se dégagent, de la même origine que les six précédemment cités : Samuel Roth (Samuel = Dieu m’a exaucé et Roth = rouge, la couleur distinctive de Juda) et Al Goldstein.
Samuel Roth est connu pour avoir eu le premier l’idée de faire appel au first amendement – celui sur la liberté d’expression – pour défendre la pornographie, c’est l’affaire Roth c. États-Unis (1957). Même si le tribunal a statué contre Roth, il a été amené à redéfinir l’obscénité comme « un document qui traite du sexe de façon à inciter à la débauche ». [1] Cette définition sera retenue par la Cour suprême dans l’affaire contre le demandeur Juif Marvin Miller dans Miller v. California (1973) et fera jurisprudence en devenant le « test Miller » : oui ou non les supports en cause – films, photos etc. – sont-ils de nature à provoquer un comportement qui relève de la débauche.
C’est contre ce test Miller qu’Al Goldstein réussira le premier à gagner en justice, tout simplement en le prenant au pied de la lettre. Dans son autobiographie, il se vante ainsi d’avoir piégé les procureurs en les mettant en demeure d’avoir une érection à la barre pour prouver si ses films et revues poussaient ou non à la débauche. [2] Dans la foulée, dans deux autres affaires d’obscénité très médiatisées contre le pornographe Larry Flynt et l’acteur juif Harry Reems, les précédents obtenus par Goldstein ont effectivement exclu la possibilité de prononcer des condamnations pour obscénité et ont ouvert la voie à la normalisation de la pornographie hardcore. Goldstein s’en fera un titre de gloire :
« Qui est Al Goldstein? Al Goldstein, c’est une putain de légende. Combien de personnes ont légalisé la pornographie? Je veux dire, ce putain de Fishbein est un amateur, ce Ron Jeremy est un amateur. Moi, j’ai changé la loi».
En ce qui concerne Larry Flynt, bien qu’il ne soit pas juif, c’est l’un des gros donateurs de l’Anti-Defamation League (ADL). Or si l’ADL s’est fait une spécialité de contester le Premier amendement en ce qui concerne les discours de haine sur les réseaux sociaux, elle trouve par contre tout naturel qu’il s’applique à la liberté d’expression des pornographes, elle a même été jusqu’à décerner à Hugh Hefner, lors d’un bal select en cravate noire en 1980, son American Freedom Award, louant Hefner pour « l’empire qu’il a fondé et qui a eu un effet considérable, non seulement sur l’industrie de l’édition, mais également sur les mœurs de la société américaine ». [3]
À la décharge de l’ADL c’est Restif de la Bretonne qui invente le mot « pornographe » et depuis, dans l’enfer des bibliothèques, on laisse Lucie Faire.
(Sur la base d’un article de KENNETH VINTHER 26 février 2021 Partie I et Partie II)
Notes :
[1] Roth v. United States, 354 U.S. 476 (1957). [2] Al Goldstein, I, Goldstein: My Screwed Life (New York: Thunder’s Mouth Press, 2006), p. 229. [3] E. Michael Jones, “Rabbi Dresner’s Dilemma: Torah v. Ethnos,” Culture Wars, May 2003.
L’ouvrage Merchants of Sin, de Benjamin Garland, documente en détail toutes les étapes du processus de normalisation de la pornographie aux USA, aux mains d’on sait qui.