Il importe de souhaiter un rétablissement de fond sur le fonctionnement de l’ensemble de nos institutions, car nous ne pouvons concevoir l’édification d’un État stable et pérenne sans une remise à zéro des compteurs dans son entièreté. La vitesse à laquelle notre pays, la France, s’effondre fera date dans l’histoire. Il faut le déplorer et le condamner. Nul ne peut douter aujourd’hui de la volonté de nos politiques de détruire ce pays magnifique, que l’on peut qualifier de « miracle » dans l’histoire du monde et de l’humanité. Détruire ce que nous sommes en tant qu’individus ancrés dans une terre, un terroir. Détruire notre identité, notre reliance au sol, aux éléments, à la beauté, au corpus national. Détruire ce que nous sommes, en faire un gigantesque brasier et refaire un brasier avec les cendres qui restent, afin que plus rien ne subsiste.
La phrase, sans doute la plus terrible, que l’on entend souvent : « Il faut bien vivre avec son temps ! » Phrase répétée en boucle par la cohorte des naïfs qui, vraisemblablement, n’iront pas à l’assaut le moment venu. Phrase qui, sémantiquement, est insignifiante. Combien de fois encore devrons-nous marteler que l’évolution de notre société n’est pas le fruit du hasard, mais bel et bien d’une volonté politique ? En 1975, Simone Veil, accordant un entretien au journal The Times, affirmait : « … il est très facile d’inventer des lois pour faire évoluer la société… », faisant référence à la mise en œuvre de l’IVG.
Cet exemple, parmi tant d’autres, démontre bien que tout est une affaire de volonté politique, que cette dernière serve le bien commun ou son contraire. La fatalité n’existe donc pas. Aujourd’hui, la feuille de route de la Macronie se poursuit. C’est la tabula rasa de nos fondamentaux civilisationnels. Le champ artistique et culturel, comme vecteur de propagande mortifère, est l’une des premières priorités du régime politique actuel, dans cette course folle à la destruction massive et immédiate.
LA PERTE DU MÉTIER
C’est un fait incontestable. Parler d’art, c’est faire référence à la notion de métier.
Il faut dire ou redire, si besoin, que le terme tèkhnê, en grec, signifie « art » et renvoie aux principes de compétence, voire d’habileté. N’est donc pas artiste qui veut, et cette notion de métier implique ipso facto celle d’apprentissage.

Dans Memorie della mia vita, paru en 1962, le peintre Giorgio De Chirico (1888-1978), maître de la « peinture métaphysique », évoque ce point essentiel en des termes sans équivoque :
« La décadence dans laquelle se débat la peinture aujourd’hui n’a qu’une seule et unique cause : la perte totale du métier, de la technique. Aujourd’hui, par la faute de l’activité des modernistes, les mots métier et technique ont perdu leur sens véritable et ne signifient plus que choses de peu d’importance, dont il est même purement et simplement indécent de parler. Ces légendes grotesques, créées de toutes pièces par les modernistes pour défendre leurs positions, ces légendes du genre de « la spiritualité » et de « l’inspiration » qui, à les en croire, seraient à la base de toute création artistique, le « tourment », « l’angoisse » et autres imbécilités et non-sens du même genre, vulgarisés par les intellectuels qui les répètent comme des perroquets en croyant faire bonne figure et paraître des personnes raffinées, à la page et, surtout, intelligentes, ces légendes basées sur le mensonge et la mauvaise foi sont les tranchées où les modernistes se dissimulent pour cacher leur ignorance et leur impuissance. »

Ces déclarations du début des années 60 attestent déjà de l’ampleur du massacre naissant. Un peu plus loin dans ses mémoires, De Chirico fait l’éloge des peintres honnêtes :
« Aujourd’hui, il existe quelques peintres qui ont plus ou moins compris ce que je viens d’affirmer. Ce sont les très rares artistes qui travaillent sérieusement et, même lorsqu’ils ne créent pas des chefs-d’œuvre dignes d’être signés par un Titien, un Rubens ou un Velasquez, ils n’en réalisent pas moins des œuvres valables que toute personne de bonne foi, saine de corps et d’esprit, a plaisir à exposer sur les murs de son habitation. Mais ces très rares peintres honnêtes travaillent en ordre dispersé ; ils gagnent assez d’argent pour vivre, car toute peinture digne de ce nom trouve toujours, tôt ou tard, quelqu’un pour l’acheter. Mais, comme je l’ai dit, ils travaillent isolés, ne forment pas un bloc serré exerçant une activité totalitaire, comme les modernistes. »
BRÈVE « GÉNÉALOGIE » DE LA DESCENTE AUX ABÎMES
À partir de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, l’Occident, qui n’est plus seulement l’Occident chrétien mais qui devient progressivement l’Amérique, va développer ce que nous pourrions appeler « les industries culturelles ». Cela signifie que, dès lors, le capitalisme va s’emparer de la question du « beau ». Ce capitalisme va s’interposer (non sans agressivité), décrétant qu’il va dorénavant gérer lui-même cette question de l’esthétique au sein du quotidien et de la vie des sociétés séculaires. Cette interposition, qui peut être considérée comme un véritable « coup de force », voire un acte de terrorisme, va aller beaucoup plus loin, puisque ce dernier va légitimer de produire lui-même du goût, de le fabriquer et, par voie de conséquence, de l’écouler. Dorénavant, cette action ne sera plus produite par l’Église ni par la sphère politique.
Les artistes vont être relégués dans les musées, les galeries, les centres d’art (dont le but initial était la promotion et la défense des artistes qui ne travaillaient pas avec les galeries et qui avaient quelques difficultés à promouvoir leurs travaux). Un marché spéculatif va naître pour le confort des habiles artisans de ce capitalisme et de la bourgeoisie. Un nombre très important de « sanctuaires » désaffectés, qui ne servent à rien, vont devenir la vitrine de cette vaste opération marketing. Nous pourrions citer un nombre infini d’infrastructures, d’usines (de préférence les anciennes usines d’armement ou de confection de vêtements pour les régiments de l’armée française, puisqu’il s’agit encore et toujours de supprimer tout signe de sentiment d’appartenance aux symboles nationaux, avec l’argument infondé que la culture reste l’ultime rempart contre les dictatures, les guerres, les « supposées » barbaries du XXe siècle, le manque de tolérance des différences…), de manufactures diverses et variées, etc., cette liste n’étant pas exhaustive.
Les masses, quant à elles, recevront en cadeau les grandes surfaces, la publicité, les grandes marques. Aujourd’hui, Netflix, The Voice, Danse avec les stars, N’oubliez pas les paroles, Culturebox, etc., ce qui fera croire à ces consommateurs aux bas instincts que la culture est désormais entrée dans les foyers et qu’ils sont, un tant soit peu, « cultivés ». Une aberration quand on sait que l’on se forme à la culture, que sa fréquentation demande de la volonté et du travail. Cette action, initiée par le capitalisme bon teint, va progressivement se poursuivre de main de maître par la finance internationale, dont la gestion appartient à des groupes privés (notamment des fonds d’investissement) aux modes de fonctionnement opaques et impénétrables.
Un tournant décisif s’opère à partir du début des années 90, où la mutation d’une société française de plus en plus mondialisée va entraîner de facto avec elle, dans la tempête, l’ensemble de la création artistique. Un cap irréversible sera dorénavant franchi, par comparaison avec les années 80 où la situation dans le monde de la création en France (mais aussi dans certains pays d’Europe, comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, par exemple) était relativement saine et où la très grande majorité de la production artistique était exclusivement picturale et non dénuée, dans l’ensemble, d’une certaine qualité à bien des égards.
C’est ainsi que le vocable « années peinture » sera régulièrement utilisé pour définir une époque où les artistes peignaient sans véritablement se poser de questions philosophiques, mais en s’inscrivant simplement dans la lignée historique de la tradition picturale, indépendamment de la question du sujet ou de la forme, que celle-ci soit figurative ou non.
Cette fidélité aux archétypes picturaux deviendra la cible de bien des injustices, dont les peintres seront les premières victimes. Ils n’en seront pas les seuls…
Ces attaques seront toujours initiées par les soldats de la nouvelle doxa esthétique, qu’ils soient « artistes conceptuels », critiques d’art ou directeurs de galeries. La pratique de la peinture sera dorénavant considérée comme une pratique de demeurés, de réactionnaires, de militants politiques classés dans la fosse à purin de l’extrême droite, du fascisme le plus décomplexé ou, condamnation suprême… du national-socialisme.
Les écrits de « l’artiste conceptuel » Daniel Buren (à qui nous devons le massacre du Palais-Royal, à Paris) sont clairs et sans détour sur le sujet.

Ce dernier, dans son délire schizophrénique en phase aiguë, atteste que les peintres allemands néo-expressionnistes des années 80 peignaient en écoutant du Wagner dans leurs ateliers à en faire exploser les murs… Je laisse à chacun le soin d’apprécier le bien-fondé de cette déclaration. Ce qui est certain, c’est que le domaine de la création, prisonnier des fourches caudines de la mondialisation sauvage, sera désormais en « phase de verrouillage » au sein de la création artistique à partir du début des années 90. Les dommages en seront colossaux et l’éloge de la médiocrité, de la laideur la plus abjecte, sera inscrit dans le marbre. Aujourd’hui, c’est donc la finance qui est aux commandes en la matière. La finance internationale qui gère cette question de l’esthétique. Quoi de plus naturel, me direz-vous, ironiquement, puisque cette dernière est… partout.
Comment s’étonner que certaines galeries françaises d’art contemporain ne soient plus majoritaires dans la gestion de leur fonctionnement interne et dans leurs parts ?
Comment s’étonner que certains artistes soient célébrés comme autant de Michel-Ange ou de Rubens, quand on sait que (par le plus grand des hasards) l’un des deux parents respectifs de ces artistes travaille dans le domaine financier, comme c’est le cas avec une certaine Camille Henrot (dont nul ne doit douter de la capacité à produire « des chefs-d’œuvre », comme c’est le cas avec ces deux travaux sur papier qui nous laissent bouche bée…les maîtres anciens, les grandes figures de l’histoire de l’art pictural n’ont qu’à bien ce tenir…) en contrat avec une grande galerie parisienne et dont le père est membre du groupe… Rothschild ?
Nous pourrions aussi évoquer l’exemple de la tentative de passage en force de l’État ou la tentative de coup d’État de l’Élysée pour imposer les vitraux de Claire Tabouret (dont nous devons le triste adoubement à l’industriel F. Pinault) à Notre-Dame…
Pour quelle curieuse raison les assurances MATMUT possèdent-elles un centre d’art contemporain ? Si ce n’est pour des raisons qui touchent à l’aspect financier…
Les exemples sont nombreux de cette contamination mondialiste au sein de la création artistique nationale.
L’ESTHÉTIQUE DU VIDE SIDÉRAL COMME NOUVELLE RELIGION
En 1996, dans Le Massacre de la sensibilité, l’artiste français Georges Mathieu d’Escaudœuvres (1921-2012), dit Georges Mathieu, lance un assaut violent contre les institutions culturelles françaises. Nous connaissons les prises de position radicales et de bon sens de ce peintre, fondateur de « l’abstraction lyrique ». Dans cet ouvrage, il dénonce qu’« il soit interdit de parler d’esthétique » au sein de la création artistique. « L’esthétique est taboue, alors qu’il y a trois siècles, c’était la raison d’être de l’ancêtre de notre académie ! » poursuit-il plus avant. Daniel Buren, dont nous avons déjà parlé, est l’une des principales cibles de Mathieu, qui évoque le saccage du Palais-Royal, mais pas seulement…

« Savez-vous la nouvelle ? Savez-vous quel est l’artiste qui a été désigné pour représenter la France à la Biennale de Venise ? C’est le Buren du Palais-Royal ! Au moins, là-bas, à Venise, ils sont habitués aux pilotis ! », fait-il référence au travail de Buren.
Arman, Christo, Jean-Pierre Raynaud, Jean Tinguely tomberont également sous les coups de mousquet de Georges Mathieu :
« N’oublions pas que ces « terroristes » opèrent depuis vingt ou trente ans et que nous n’avons jamais rien fait pour les arrêter. Leur chef de réseau, venu de Scandinavie, un nommé Hultén, avait été introduit en France par ce Tinguely justement, qui l’avait en son temps recommandé au chef de l’État. Ce dernier l’avait désigné pour diriger son musée. Nous savons tout le travail de sape et de démantèlement qui a été mené en quelques années. Exilé il y a cinq ans en Californie, il fut rappelé en France par la veuve de ce président pour devenir « Directeur des hautes études en arts plastiques » (sic) à Paris et conseiller auprès du président du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou depuis 1987 ! »

Mathieu dénonce, à juste titre, la déviation dont il observait les effets catastrophiques sur les jeunes générations et dans l’environnement urbain de Paris, entre autres.
« L’œuvre d’art n’a plus désormais d’autre finalité que la provocation. Sans doute, la chute des mythes sur lesquels était fondée la civilisation occidentale – les mythes spirituels, culturels et sociaux – en est en partie responsable… Cette perpétuelle fuite en avant est la vraie raison de notre drame, de notre angoisse, de notre panique, de notre désespérance et, probablement, de la nullité des travaux de ceux qui se prétendent à l’avant-garde de l’art. Cette avant-garde, qui n’est même plus « le reflet d’une approche idéologique dominatrice », mais qui est devenue le jouet d’une compétition grotesque qui n’affecte pas seulement la France… »
La question de l’esthétique est un point central, capital et essentiel dans l’enceinte de l’art, en particulier dans le domaine pictural. Nous sommes à l’apogée d’une crise esthétique sans précédent. Parce que nous sommes à l’apogée d’une crise culturelle sans précédent. Parce que nous sommes à l’apogée d’une crise identitaire sans précédent. L’artiste n’est plus que l’ombre de lui-même, parce que l’homme n’est plus que l’ombre de lui-même, déconnecté de la nature immuable des choses, du sens des choses, du bon sens, de ce bon sens paysan. Il s’est coupé de sa relation à la beauté, à la transcendance et au sacré (qui n’est pas forcément religieux). Et dans ce marécage civilisationnel, il ne reste que des spéculateurs et des imposteurs.
Le niveau actuel est d’une telle médiocrité qu’on en viendrait même à regretter le temps du formalisme insignifiant de Supports/Surfaces. En ce temps-là, tous ces petits dictateurs maoïstes déguisés avaient au moins le mérite de nous amuser. Le terme « d’art » est devenu un cache-misère pour éviter de penser les vraies questions esthétiques. À travers la création, l’artiste (et surtout le peintre) a un devoir de conformité avec les archétypes picturaux, qui sont autant de signes à utiliser à bon escient. La « responsabilité » de l’artiste n’est pas un vain mot, car ce dernier est responsable. Responsable, car il est un « passeur ». C’est le militantisme visuel le plus immédiat.
La décadence artistique et culturelle est une volonté politique. C’est un nivellement par le bas vers ses instincts les plus condamnables. Aujourd’hui, évoquer la beauté en art est condamnable, parce que la finalité de la suspicion, c’est la condamnation. C’était le fonctionnement de base de l’idéologie soviétique. C’est de cette impasse idéologique que nous devons sortir, afin de rester ce que nous sommes, conformément aux principes immuables de notre filiation civilisationnelle.
Frédéric D.


Références :
- Giorgio De Chirico, « Memorie della mia vita », Rizzoli Editore, 1962
- Georges Mathieu, « Le Massacre de la sensibilité », Éditions Odilon Media, 1996
- Pontus Hultén (1924-2006), historien de l’art suédois.
- Supports/Surfaces est un des mouvements artistiques français fondateurs de l’art contemporain, créé en 1969. Mouvement radical ayant remis en cause les moyens picturaux traditionnels et ayant adopté un positionnement éminemment politico-maoïste au sein du champ artistique. La création de ce groupe, dont les ravages idéologiques sur plusieurs générations sont considérables, partage la vedette avec le groupe BMPT (Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier, Niele Toroni), créé quant à lui en 1966.