Ian Stuart Donaldson naît le 11 août 1957 à Poulton-le-Fylde, ville du nord-ouest de l’Angleterre. Très tôt, la musique devient sa vocation. Il commence avec le groupe Tumbling Dice, spécialisé dans les reprises des Rolling Stones, The Who ou Free. En 1976, après une proposition de contrat, seul Donaldson accepte de s’investir pleinement dans la musique, prêt à déménager. Le groupe est dissous.
En 1977, il fonde Skrewdriver, groupe qui évoluera progressivement vers une orientation ouvertement nationaliste. Dès le départ, ses chansons sont engagées : le groupe donne son premier concert en 1977 et sort un single contre la drogue. Ces morceaux, souvent axés sur la critique sociale, sont repris dans différents cercles, notamment nationalistes. Petit à petit, Skrewdriver attire un nombre croissant de skinheads, ce qui suscite les critiques des médias. Ceux-ci exercent des pressions pour que Donaldson prenne ses distances avec ce milieu, ce qu’il refuse catégoriquement.
Malgré son nationalisme radical, il reste proche du chanteur du groupe de ska Madness Graham McPherson plus connu sur le surnom « Suggs », qui le fait même figurer dans le film Take it or Leave it (1981), mêlant documentaire, drame et comédie. En parallèle, il s’implique davantage dans le militantisme politique. Il rencontre Joe Pearse, responsable de la branche jeunesse du National Front, qui souhaite étendre son influence chez les jeunes par la musique, ainsi qu’auprès des punks de tendance nationaliste.
À la fin des années 1970 et au début des années 1980, des concerts d’été de Skrewdriver sont organisés dans le Suffolk, chez Edgar Griffin, militant du Parti conservateur et père de Nick Griffin, figure nationaliste britannique du National Front et futur président du BNP (British National Party). Nick Griffin devient responsable de la musique au sein du National Front et contribue, avec Donaldson, au développement du Rock Against Communism (RAC), mouvement créé en réponse au Rock Against Racism issu de l’« Anti-Nazi League », qui cherchait à combattre le nationalisme blanc par la musique. Leur travail commun donne naissance au White Noise Club, un label destiné à promouvoir la musique nationaliste et à organiser des concerts.
Donaldson explique dans le documentaire français Skinhead, la haine (années 1990) que beaucoup de jeunes trouvent la politique ennuyeuse, mais qu’un concert porteur d’idées politiques est bien plus attractif et peut les amener à s’engager dans les partis nationalistes. L’exemple de Skrewdriver inspire au-delà des frontières britanniques et contribue à la formation de groupes similaires. En France, le RAC prospère avec la création de groupes comme Tolbiac’s Toads, Kontingent 88, Légion 88, Brutal Combat, Nouvelle Croisade et le plus connu, Evil Skin.
Malgré ces réussites, les relations entre Donaldson et le National Front se dégradent, notamment sur la question des investissements dans la musique. En 1987, la rupture est consommée et Donaldson fonde, avec Nicolao Vincenzo « Nicky » Grane, Blood and Honour (« Sang et Honneur »), slogan des Jeunesses hitlériennes signifiant « le sang » pour la race et la patrie et « l’honneur » pour la fierté identitaire. Ce réseau devient un label, une revue et un mouvement structuré, levant des fonds pour les formations nationalistes et attirant des jeunes peu enclins à s’intéresser à la politique traditionnelle. À son apogée, il est considéré comme une entreprise au chiffre d’affaires d’un million de dollars. Ses publications circulent dans tout le Royaume-Uni et en Europe, notamment lors d’événements du VMO (Vlaamse Militanten Orde) en Belgique. Plusieurs sections internationales voient le jour, notamment en Allemagne, en France, en Belgique et dans les anciens pays du bloc de l’Est. La branche française, fondée et dirigée par Loïc Dubois en mai 2011, prend le nom de Blood and Honour Hexagone et sera dissoute le 24 juillet 2019. Le 8 janvier 2025, le gouvernement britannique gèle les actifs du groupe, première sanction officielle contre une organisation dite « d’extrême droite ».
En tout, Ian Stuart Donaldson aura produit 228 chansons réparties sur 22 albums. Parmi ses titres les plus connus, on compte le single White Power (1983), reprenant un slogan des nationalistes blancs. Le mouvement nationaliste lui rend hommage le 26 septembre en diffusant sa chanson Old Albion. Sa fin de vie est assombrie par la révélation, en juillet 1992, de l’homosexualité de Nicky Grane, également acteur de films pornographiques gays, qui meurt du SIDA le 8 décembre 1993, rejeté par la plupart des skinheads et par Donaldson, qui se sent trahi.
Le 23 septembre 1993, Ian Stuart Donaldson est victime d’un accident de voiture et meurt le lendemain à 10 h 40. Des rumeurs circulent : assassinat par l’IRA provisoire, ou refus de soins à l’hôpital après qu’il y a été reconnu. Deux jours plus tard devait se tenir le plus grand festival nationaliste européen jamais organisé.
Pour comprendre son influence, il faut replacer son parcours dans le contexte culturel et social des skinheads et de la musique Oi!, souvent déformés par les médias. Le mouvement skinhead apparaît à la fin des années 1960 au Royaume-Uni, héritier des mods, avec un style vestimentaire directement issu de la condition ouvrière : bottes de chantier, cheveux très courts, jeans, bretelles, salopette, veste en cuir ou Harrington. Les premiers skinheads adoptent une partie de la culture musicale jamaïcaine, notamment le ska, le rocksteady et, plus tard, le reggae. Les rassemblements sont alors marqués par une mixité plus importante que ce que laisseront croire les caricatures ultérieures. Leur esprit est celui de la camaraderie ouvrière, du refus des élites et de la défense d’un mode de vie menacé par les bouleversements sociaux.
Dans les années 1970, le contexte économique se dégrade, le chômage de masse s’installe, et les tensions raciales augmentent. Deux tendances apparaissent : un skinhead apolitique, centré sur la musique et la camaraderie, et un skinhead politisé, pour qui la défense des traditions ouvrières devient un combat identitaire. C’est dans ce contexte que la musique Oi! émerge, à la fin des années 1970, comme un sous-genre du punk rock. Plus brute et directe, elle s’adresse aux jeunes de la classe ouvrière, avec des paroles sur la vie de quartier, la solidarité, la révolte sociale et la fierté identitaire. Elle vise à rassembler punks, skinheads et jeunes ouvriers autour de valeurs prolétariennes. Certains groupes, d’abord apolitiques, se rapprocheront progressivement des milieux nationalistes, en réaction à la récupération gauchiste via des initiatives comme Rock Against Racism.
Pour Donaldson, cette scène est idéale pour toucher une jeunesse souvent réfractaire aux discours politiques classiques. Comme il le dira lui-même, beaucoup trouvent les réunions politiques « barbantes », mais se déplacent pour un concert. L’ambiance et les textes servent alors de tremplin vers un engagement militant. C’est cette passerelle entre musique et politique qui fera de lui l’une des figures centrales de la politisation d’une partie de la jeunesse skinhead en Europe.
L’héritage de Ian Stuart Donaldson dépasse le cadre musical. En plus de quinze ans d’activité, il a transformé un groupe de rock en outil de mobilisation à l’échelle européenne. Là où d’autres se contentaient de chansons revendicatives, il a construit un réseau reliant musiciens, militants, associations et publics à travers concerts, publications et collectes de fonds. Bien avant Internet, il avait compris qu’une chanson pouvait frapper plus fort qu’un discours, et que la culture populaire était un vecteur idéal pour former et unir.
Aujourd’hui encore, son nom circule dans les milieux nationalistes du monde entier, ses chansons sont reprises, ses paroles citées. Mais cet héritage ne doit pas être figé : il doit être prolongé par l’action. Rendre hommage à Donaldson, ce n’est pas seulement écouter White Power ou Old Albion, c’est poursuivre son travail en utilisant les moyens actuels, musique, art, vidéo, réseaux sociaux, pour diffuser le message, recruter, former, unir.
La fidélité à Donaldson passe par trois engagements : ne jamais transiger sur les fondamentaux -sol, sang et ciel- investir la culture populaire pour y ancrer nos idées, et transmettre aux nouvelles générations non seulement des chansons, mais une vision, une doctrine et une discipline. Le meilleur hommage est de continuer à mêler culture et combat politique, afin que ses valeurs restent vivantes dans les cœurs et sur le terrain.
Qui Vive ? France !
Europe, Jeunesse, Révolution.
Jacques Pierrot.